Tous les officiers de police de la Franklin Station avaient reçu l’ordre d’assurer la sécurité sur le passage d’un transfert de prisonniers ultra dangereux. Des mutants. Autant dire que l’idée n’avait pas enchanté Amadeus. Des flics contre des types dotés de pouvoirs complètement dingues ? La bonne blague. Et puis, l’inspecteur avait beau être un mutant lui aussi, il ne faisait pas le poids face à un mec qui balançait des éclairs avec ses doigts ou possédait une force surhumaine. Son don était ridicule, complètement inutile. Enfin au moins, il n’était pas tenté de commettre des actes affreux avec et de finir comme eux. En uniforme, prêt à intervenir en priant pour que ça n’arrive pas, Amadeus avait donc tenté de mener sa mission à bien.
Mais évidemment, tout était parti en couilles. C’était sûr, il aurait pu le prédire et pourtant, il était loin de voir l’avenir. Mais la vie semblait adorer le mettre dans des situations pareilles. Et maintenant, il se retrouvait face à ce type qui n’avait plus rien d’humain, au centre de New-York dont le paysage d’ordinaire si familier avait pris des airs de film post-Apocalyptique. Amadeus était tenté de se dire que ce n’était qu’un cauchemar, mais il se souvenait suffisamment bien de l’attaque des Chitauri pour savoir que ce genre de choses arrivait dans ce monde.

Ça ne rendait pas la chose plus facile. Des flammes, des explosions, des hurlements et des pleurs. Mais surtout et c’était pire que tout le reste, la terreur. Partout autour de lui, les gens étaient terrifiés et il ressentait cela très clairement. Ça ne faisait pas seulement écho à sa propre peur, ça l’amplifiait, lui donnant envie de se terrer dans un coin pour pleurer. Il y avait des blessés, des gens souffraient et il percevait leur douleur comme si elle était la sienne. Et puis il y avait la rage, l’esprit fou du Fléau qui venait s’ajouter à cela, vrillant les sens et l’esprit d’Amadeus pour le transformer en plaie béante, en tourbillon d’émotions instables et destructrices.
La tête entre les mains, Amadeus avait lâché son arme qui était tombée au sol. Ses épaules tremblaient et son visage était baigné de larmes qu’il ne contrôlait pas. C’était trop. Toutes ces émotions, c’était beaucoup trop. Il devait… il devait se tirer de là, fuir tous ces gens, c’était le seul moyen. « Agent Jäger ! Occupez-vous des civils ! Emmenez-les loin de cet enfer ! » Amadeus sursauta en entendant son nom et les yeux écarquillés, se tourna vers l’homme qui venait de l’interpeller et fonçait déjà vers le mutant. Les civils ? Les civils. Putain de merde, il devait faire quelque chose, il devait…

Amadeus inspira profondément et se concentra sur l’homme qui venait de le ramener un peu à la réalité. Il tenta d’ignorer tout le reste et de ne se focaliser que sur lui, ses émotions à lui. Petit à petit, il réussit à faire obstacle aux émotions parasites. Il n’y avait plus que l’adrénaline de l’autre homme, son angoisse aussi, pour la fille coincée dans la voiture. Famille. Il pouvait se concentrer sur ça. Du coin de l’œil, il vit deux autres types s’occuper du mutant, alors il cessa d’hésiter et se précipita vers le taxi. Il s’empara du couteau qu’il tendait à la jeune fille, lança un : « Je m’en occupe, » avant de couper la ceinture coincée. Alors il attrapa la brune par l’avant-bras et la tira hors du taxi avant de s’en écarter le plus possible, ainsi que du type qui tentait d’immobiliser le mutant.
Il ne faisait pas le poids, les balles n’arrêtaient pas le Fléau et il n’avait pas de super pouvoir utile. Il ne pouvait rien faire sinon rassembler les civils pour qu’ils évacuent la zone. C’était frustrant, bordel.  

Amadeus ne voyait pas comment se rendre plus utile que cela. S’occuper des civils, laisser les types balèzes affronter les monstres et s’assurer que la zone soit évacuée, c’était tout ce qu’il pouvait faire là tout de suite. Les doigts toujours refermés autour du poignet de la jeune femme qu’il avait tirée hors du taxi, il l’entraîna le plus loin possible mais se figea lorsqu’un être dégageant une odeur nauséabonde se planta devant eux. L’inspecteur resserra sa prise sur le poignet de la jeune fille et voulut la placer derrière lui, mais le mutant fut plus rapide. Sa langue immense et visqueuse l’atteignit en plein visage, la sonnant sur le coup. Avec un juron, Amadeus passa un bras autour de sa taille pour l’empêcher de s’effondrer et la plaqua contre lui. Le Crapaud se désintéressa d’eux aussi vite qu’il était venu alors le jeune homme en profita pour soulever Maxine et l’entraîner à l’écart des combats. Une fois certain qu’ils étaient assez loin, il l’allongea sur le sol délicatement et prit son pouls, rassuré lorsqu’il le sentit pulser sous sa peau. Il dégagea des mèches de son visage et vit qu’un hématome commençait déjà à s’y former.
Il sentit une présence dans son dos et porta immédiatement une main à son arme avant de se figer en reconnaissant l’homme qui semblait être de la même famille que la fille. « Elle est juste inconsciente, » dit-il avant de se redresser, pour observer ce qu’il se passait, un peu plus loin. Des hurlements de douleur résonnèrent et Amadeus écarquilla les yeux en voyant le Crapaud se tordre sur le sol, comme agonisant. Alors son regard se posa sur le type à côté de lui qui semblait concentré sur le mutant et il déglutit avec difficultés. C’était lui qui faisait ça ? Oh bordel.

Comme hypnotisé, Amadeus s’était rapproché de la scène, tandis que le Crapaud hurlait toujours. Alors la douleur qu’il éprouvait le frappa de plein fouet et il regretta immédiatement son geste. L’inspecteur ouvrit la bouche, hoqueta, chancela. Il porta une main à ses tempes et se força à repousser ce sentiment le plus possible, le plus loin de lui. « Dites, y en a pas un qui pourrait lui passer les menottes ? » fit l’autre mutant et Amadeus se retint de lui hurler qu’il n’en était pas tellement capable, non. Il inspira profondément en se disant que la douleur cesserait une fois que le Crapaud serait hors d’état de nuire. Oui. Alors il s’avança le plus vite possible vers la silhouette qui se tortillait toujours de douleur et sans hésiter, abattit la crosse de son arme sur sa tempe pour qu’il sombre dans l’inconscience.
La douleur cessa immédiatement et Amadeus cessa de retenir son souffle. Sans plus hésiter, il tira une paire de menottes qu’il s’empressa de passer aux poignets du mutant et s’en écarta le plus possible, nauséeux. « Okay, c’était… » Il s’interrompit en voyant le Fléau foncer droit sur le type qui lui avait collé une droite phénoménale un peu plus tôt. Le type qui semblait pétrifié de peur, incapable de bouger. Il allait se faire étriper. S’il ne bougeait pas immédiatement, il allait finir en charpie. Et Amadeus ne voyait vraiment pas quoi faire pour empêcher une telle chose de se produire.

Il ne courait pas vite comme Pietro, il ne possédait pas une force surhumaine, il ne savait pas déplacer des objets par la pensée ni créer des tempêtes. Il était inutile, impuissant.