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   La vie d'étudiante lambda avait vraiment des aspects barbants et ennuyants. Les cours ne se suivaient pas et étaient éparpillés à des horaires invraisemblables. Les professeurs étaient aussi vieux que leur sujet et avaient des avis des très tranchés concernant les sujets ou les thèmes qu'ils abordaient - comme ce professeur d'art pictural du XVIII qui ne jure que sur les peintres hollandais et n'hésite pas à cracher sur les autres. Les dissertations étaient d'un véritable ennui et les élèves semblaient complètement se désintéresser des cours. C'était vraiment triste à voir. On pourrait s'imaginer une telle représentation si ce n'était pas du point de vue de Moïra. Elle avait tort de penser ainsi ; les professeurs étaient des historiens passionnés, soucieux de faire partager leur admiration pour un peintre. Il y avait une bonne organisation des cours et les élèves s'investissaient dans leurs études, et les sujets de dissertations étaient tels que cela incitait les étudiants à approfondir la question. La première vision que nous avait donnés Moïra était donc complètement déformée par le ressenti qu'elle avait. Elle n'y trouvait pas son bonheur là-dedans. Certes, elle travaillait, mais sans grande conviction. Il évident que l'Académie lui manquait, terriblement. Cette ambiance, ces cours, ces étudiants, et ces professeurs, tout lui manquait. A quoi bon ; elle ne leur était plus d'aucune utilité. Sa télépathie partie, elle n'avait rien d'exceptionnel. Elle était devenue lambda, chose qui l'attristait terriblement. Elle était rien. Même le choix de ses études ne lui ont pas détourner, ne serait-ce qu'un peu, de son drame personnel. Ni même ce cours sur l'art vénitien du XVIème siècle. Enfin, le professeur libéra les étudiants, leur laissant cependant le soin de faire un écrit sur l'influence du Titien sur les autres peintres vénitiens pour le prochain cours. Sans demander son reste, Moïra fila tout droit vers la sortie. Son premier réflexe serait d'aller soit à la bibliothèque de l'Université soit dans son logement étudiant. Exceptionnellement, elle a préféré sortir hors de l'établissement universitaire. Elle ne savait pas où, mais ailleurs, c'était ce qui lui importait le plus.

  Le Queens ne s'était pas encore débarrassée de sa neige ; tous ses habitants étaient encore affublés de leurs doudounes, de leurs bonnets et de leurs moonboots, même Moïra. Voir ce paysage urbain d'une ville si active comme New York plongé sous la neige, lui donnant un semblant de pureté, lui faisait du bien ; cela lui rappelait ses batailles de neiges étant enfant avec ses anciens amis. Avant que la télépathie n'intervienne. Eh merde ! Elle qui avait réussi à penser autre chose qu'à son ancienne vie, la voilà à morfondre de nouveau. Elle s'apprêtait à mettre ses écouteurs dans les oreilles lorsque quelque chose lui attira son attention ; au loin, Moïra remarqua une chevelure d'une couleur identique à la neige. Elle nota toutefois la présence d'une mèche bleue, ajoutant une touche de couleur à la pureté du blanc. Elle avait déjà vu cette même coupe, il y a quelque temps, également de loin. Elle se souvenait aussi qu'elle voulait s'en approcher mais que l'individu lui avait échappé. Pourquoi était-elle venue vers elle la première fois ? Oui, il s'agissait bien d'une femme que Moïra poursuivait après la dernière fois. Et la voilà de nouveau, noyée dans la foule, à une bonne distance de Moïra. Sans qu'elle ne le remarque, elle s'avança vers la singulière personne. Elle n'avait aucune raison de venir à elle mais son intuition lui incitait de le faire. Plus elle se rapprochait, plus elle le distinguait nettement ; l'inconnue vacillait, le regard complètement hagard. Elle va mal, c'est certains. Elle pourrait ne pas s'en préoccuper et passer son chemin. Mais maintenant, elle s'en souvenait ; si elle était venue une première fois vers elle, c'est que l'inconnue avait le comportement étrange. C'était décidé ; Moïra n'aillait pas laisser passer un éventuel malaise public. Elle accéléra sa marche, et lorsqu'elle était proche de la jeune femme, elle le rattrapa avant qu'elle ne vacille. Moïra lui prit son bras et le cala sur ses épaules pour la soutenir. « Allons dans un endroit calme avant que tu nous fasses une syncope. » Merde, pourquoi je m'en soucis ?

  Moïra était revenue à l'Université, mais elle voulait trouver un coin tranquille, il n'y aurait pas trop de monde ; sa "victime" avait besoin de silence pour reprendre ses esprits. L'étudiante tomba rapidement sur une salle de classe vide. Habituellement, les salles étaient fermées à clés par les professeurs. Heureusement encore pour elle, un professeur tête en l'air avait laissé une sur la serrure. Moïra la fit tourner et y accéda avec l'inconnue. Elle posa l'individu sur une chaise qui se laisa faire, tel une poupée de chiffon. Par réflexe, Moïra claque les doigts devant elle ; la jeune femme fronça les sourcils. Bon elle est toujours consciente, c'est bon signe. L'étudiante fouilla dans son sac et sortit son thermos ; elle aimait apporter son thé en cours, au cas où. Elle l'ouvrit et la porta à l'individu, lui faisant pencher la tête en arrière, l'obligeant ainsi à boire une petite gorgée. Elle reposa ensuite le thermos sur la table placée près d'elle et en sortit son portable. « Il vaut mieux qu'on appelle les urgences pour toi, tu as failli tomber dans les vapes à l'instant. Je vais prendre l'appel tout de suite. » Après avoir composé le 911, elle hésita un instant avant d’appuyer sur le téléphone vert ; et s'il y avait une raison derrière tout cela ? Elle n'avait vu cette femme que deux fois, mais une envie tenace voulait comprendre ces malaises. Elle appuya alors sur le téléphone rouge et se tourna vers l'inconnue ; « Excuse-moi, je vais te paraître bizarre à te poser ces questions, mais j'ai besoin de savoir quelques petits trucs ; à commencer par le malaise que tu as failli nous faire ? Tu es malade ? Tu as mal quelque part ? Genre, des maux de têtes. » Elle se doutait bien que la personne en face d'elle ne lui répondrait et n'évoquerait surtout pas ses problèmes personnels à Moïra. Chose qu'elle comprendrait parfaitement. Cependant, c'était plus fort qu'elle ; elle avait toujours eu la volonté d'aider son prochain, inconnu ou non. Je veux tout simplement t'aider.

   
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Moïra & Leónora

 
 
Tes pieds chaussés de petites bottines en cuir – achetées en Islande – s'enfoncèrent dans les vestiges de la neige qui était tombée durant la saison hivernale. Les mains enfoncées dans les poches de ton épaisse veste, tu avançais lentement, ne sachant trop où tu allais, ce que tu voulais faire. Aujourd'hui, tu profitais d'un jour de congé. Tu pouvais faire ce que tu souhaitais, tu n'avais pas besoin de te plier aux exigences d'un emploi du temps quelconque. Et si beaucoup de monde se serait réjouie d'une telle journée, libre de la moindre contrainte, ce n'était pas nécessairement le cas pour toi. Certes, tu étais contente de pouvoir organiser une journée comme bon te semblait, mais il y avait un problème ; tu n'avais pas la moindre idée de ce que tu avais envie de faire. Enfin. Tu avais profité de ton congé pour te lever plus tard qu'à l'accoutumée, pour traîner au lit comme tu n'avais que trop rarement l'occasion de le faire. Et après t'être levée, tu avais avalé un rapide petit-déjeuner – une tasse de café bien noir et une pomme – avant de t'échouer sur ton canapé. Indécise, tu étais restée un long moment à observer le plafond de ta petite salle de séjour. Tu ne savais pas trop combien de temps tu étais restée dans cette position, mais tu étais arrivée à une conclusion ; il était hors de question que tu restes enfermée chez toi toute la journée durant. Cela ne te mènerait qu'à de sombres tergiversations et tu n'étais pas d'humeur à affronter les ombres qui se cachaient danss les recoins de ton esprit. Il fallait que tu sortes, que tu t'aères l'esprit. Pour faire quoi, pour aller où, tu l'ignorais. Tu n'avais pas encore eu l'occasion de visiter tous les quartiers de la ville de New-York, la ville étant assez grande. Tu pourrais donc en profiter pour te rendre dans un quartier dont tu avais entendu parler. Cela te semblait être une bonne idée, aussi n'avais-tu donc pas perdu de temps et tu t'étais vêtue rapidement d'un pantalon, un jean simple, et d'un pull en laine épaisse pour ne pas souffrir du froid. Tu avais attrapé ton sac – fait de cuir, en bandoulière – ta veste marron et un bonnet que tu avais enfoncé sur le sommet de ton crâne, laissant dépasser ta chevelure blanche et ta mèche bleue.

Tu étais donc sortie, sans trop savoir ce que tu allais faire du temps libre que tu possédais. À la vue de la neige étendue sur les trottoirs, ton cœur se serra quelque peu dans ta poitrine. Ce n'était pas la même que celle d'Islande ; elle n'était pas aussi blanche que celle de ton pays natal, des traces noires et boueuses étaient visibles sur les amas froids. Cette neige te semblait bien différente de celle de ton pays, cependant, elle était aussi fort similaire. Cette même froideur, ce même réconfort. Pendant un temps, ton pays te manqua. Tu ressentis l'envie de rentrer chez toi, pour voir ces paysages si familiers, pour voir les vagues s'écraser au bas des nombreuses falaises de ton île. À la vue de la neige étendue sur les trottoirs, ton cœur se serra quelque peu dans ta poitrine. cette pitié générale dont tes proches semblaient constamment t'envelopper, cette inquiétude étouffante qui brillait au fond de leurs yeux et cette impression que tu avais d'être responsable du drame qui s'était abattu sur ta famille. Tu ne pouvais pas rentrer avant de t'être reconstruite, avant d'avoir rassemblé les morceaux de ta vie que l'accident avait pulvérisée. Tu soupiras, détachant ton regard de la neige que tu écrasais sous la semelle de tes chaussures. Tes yeux noisette se posèrent sur un établissement quelque peu impressionnant. Un panneau t'indiqua qu'il s'agissait d'une université – celle de St John's – et, par pure curiosité, tu t'en approchas, pénétrant dans son enceinte. Beaucoup d'étudiants se pressaient autour de toi, tu avais une certaine pression derrière les yeux, signe avant-coureur – que tu avais ignoré, toute plongée dans tes pensées que tu étais – d'une migraine à venir. Tu hésitas un moment ; devais-tu prendre tes jambes à ton cou avant que la migraine ne t'ôte tous tes moyens ou devais-tu suivre ton élan de curiosité avant de t'effondrer au milieu des étudiants ? Avant de pouvoir répondre à cette interrogation, un étudiant quelconque te bouscula, te faisant vaguement perdre l'équilibre. Tu évitas à la chute de justesse. Cependant, ta concentration était à présent brisée et les pensées se firent plus bruyantes dans ton esprit. Une grimace étira les traits habituellement doux de ton visage et tu te sentis vaciller sous l'afflux de pensées étrangères alors que la douleur commençait à poindre. Tu titubas, victime de vertiges. Vainement, tu tentas de retrouver un peu de dignité en faisant mine de rien. Ta tentative ne se solda que par un nouveau vacillement. Cette fois-ci, tu crus bien que tu allais t'effondrer, tes jambes ne voulaient plus fonctionner convenablement.

Mais fort heureusement pour toi, une main aussi étrangère que sauveuse te secourut. Des doigts s'enroulèrent autour de ton bras, te forçant à prendre appui sur des épaules. Tu te laissas aller totalement contre ce corps inconnu, telle une marionnette dont les fils auraient soudainement été coupés. Une voix transperça l'épais brouillard qui avait envahi ton esprit. « Allons dans un endroit calme avant que tu nous fasses une syncope. » Tu aurais tant aimé pouvoir hocher la tête, mais tes muscles refusaient de t'obéir. Tu aurais aimé lui dire quelque chose, lui dire à quel point tu appréciais son idée de te rendre dans un endroit calme et isolé, mais les mots ne te venaient pas, tes lèvres refusaient de bouger. Tu te laissas donc entraîner par la demoiselle – la voix que tu avais entendue était définitivement féminine – vers un lieu que tu ne connaissais pas. Tu respirais difficilement, la douleur de la migraine engourdissant ton corps de la tête au pied, te rendant complètement molle. Tu avais du mal à bouger les jambes pour suivre la demoiselle, tu avais du mal à suivre le rythme qu'elle t'avait imposé. Ce fut donc avec un grand soulagement que tu te laissas tomber sur une chaise quelconque, la demoiselle te lâchant enfin. Un soupir t'échappa. Tu fus surprise de sentir la jeune femme te faire boire un liquide chaud et insipide ; du thé. Lorsqu'elle éloigna le contenant de la boisson, tu toussas un petit peu et laissas ta tête retombée vers l'avant. « Il vaut mieux qu'on appelle les urgences pour toi, tu as failli tomber dans les vapes à l'instant. Je vais prendre l'appel tout de suite. » Tu commençais à reprendre de ta contenance, tes idées se faisaient plus claires maintenant que tu avais été éloignée de la foule. Tu pus donc réagir un petit peu, laissant un bruit mécontent t'échapper. Tu n'avais pas envie d'avoir à faire avec une ambulance, cela allait s'avérer plus problématique qu'autre chose.

À ton plus grand soulagement, la jeune femme se ravisa. Elle abandonna son téléphone pour reporter sa totale attention sur toi. Tu percevais sans le moindre problème sa curiosité envers ta personne, cette envie de comprendre ce mystère qui semblait t'entourer. Tu passas une main moite sur ton visage pâle en soupirant. Tu n'étais pas du genre à te dévoiler au premier inconnu venu, tu étais de nature réservée et tu faisais donc tout pour échapper à ce genre de situations ou tout du moins pour esquiver les questions les plus gênantes. Mais tu sentais que la demoiselle ne lâcherait pas l'affaire aussi facilement. « Excuse-moi, je vais te paraître bizarre à te poser ces questions, mais j'ai besoin de savoir quelques petits trucs ; à commencer par le malaise que tu as failli nous faire ? Tu es malade ? Tu as mal quelque part ? Genre, des maux de tête. » Tu posas ton regard fatigué sur l'adorable visage de ton interlocutrice, te mordant la lèvre inférieure, signe externe de la nervosité interne que tu ressentais. Je veux tout simplement t'aider. Ces mots parvinrent à ton esprit de manière bien claire et distincte, avec toute l'honnêteté dont seul l'esprit pouvait faire preuve. Tu lui adressas l'ombre d'un sourire, cherchant à la rassurer, et tu passas une main dans tes cheveux courts, ôtant dans ce même mouvement ton bonnet. « Hm. Je suis vraiment désolée, je n'avais vraiment pas prévu de m'effondrer de cette façon. » Ton accent islandais pesait lourdement sur chacun de tes mots, alors que tu cherchais tes mots pour expliquer ton malaise subit. « Franchement, ce genre de choses arrivent de temps à autre. Ce n'est rien de bien grave, juste des migraines qui m'abrutissent un peu ... » Tu marquas une pause, en profitant pour te remettre debout. Tu titubas un moment, avant de te redresser fermement, droite comme un ''I''. Tu restas volontairement floue quant au mal qui te rongeait. « Mais saches que j'apprécie le fait que tu m'aies apporté ton aide. Je t'en suis reconnaissante… hm ... » Tu laissas ta phrase en suspens, attendant de connaître l'identité de la jolie brune. Tu tendis, pendant ce temps, une main polie vers la jeune femme.
 
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   Sincèrement, elle ne comprenait pas. Elle ne comprenaot pas pourquoi elle avait volé au secours de cette inconnue. Elle aurait pu faire la citadine hautaine, ignorer le malaise et faire demi-tour. Au lieu de cela, elle lui est venue porter de l'aide ; c'était dans sa nature, c'était plus fort qu'elle. Ne croyez que cela l'agaçait d'aider son prochain, mais il y avait une chose qu'elle détestait ; prendre en pitié les autres. En effet, il n'y avait rien de plus horripilant de voir quelqu'un s'apitoyer sur votre sort alors qu'elle était des années lumières de comprendre votre situation une fois sur deux. Mais c'était surtout culpabilisant ; c'était comme si, lorsqu'une quelconque fortune qui te frappait, les gens se sentaient obligés de ressentir de la peine pour vous. "Obliger" était certes un terme un peu fort pour décrire la pitié qui pouvait parfois mettre mal à l'aise la personne qu'on prenait en pitié. Et Moïra le savait parfaitement vu qu'elle avait vécu la même situation ; dès qu'on avait su que sa télépathie avait disparu, tout le monde s'était senti désolé pour elle, qu'ils soient mutants ou non-mutants. Sans le vouloir, ceci avait provoqué une grosse gêne chez Moïra. Et elle s'était promise de ne pas se comporter de la même manière. Mais d'un côté, elle ne leur en voulait pas de se comporter ; comme elle le ferait si quelqu'un d'autre était dans la même situation qu'elle ? Sûrement la même chose. Toutefois, ne pouvant supporter un tel sentiment de pitié, elle avait préféré s'éloigner de ses proches. Et voilà qu'elle répétait le même schéma avec cette inconnue. Elle lui a porté son aide, l'a mise dans un coin tranquille et a pris soin d'elle, du mieux qu'elle put. Elle voulait l'aider? Mais du coup, elle se demandait ; était-ce de la pitié ou une véritable volonté de l'aider ? La frontière entre les deux était ténue. L'étrangère avait-elle deviné ses intentions ? Si c'était le cas, elle esquissa tout de même un petit sourire à l'adresse de Moïra.

   « Hm. Je suis vraiment désolée, je n'avais vraiment pas prévu de m'effondrer de cette façon. » C'était la première fois que Moïra l'entendait parler. Au départ, elle avait du mal à la comprendre à cause de son accent. C'était un accent nordique, mais elle n'arrivait pas à mettre une nationalité dessus. Quoiqu'il en soit, après avoir déchiffré sa réponse, Moïra comprit qu'elle s'excusait pour son malaise. Pourquoi s'excusait-elle pour ce qui s'était passé à l'instant ? Cela n'avait pas de sens ; elle n'y pouvait rien. Puis, Moïra repensa à la réflexion qu'elle s'était faite sur la pitié des autres ainsi que la gêne qu'elle provoquait. L'inconnue se sentait probablement gênée. L’étudiante voulait la rassurer, mais la jeune femme poursuivit ; « Franchement, ce genre de choses arrivent de temps à autre. Ce n'est rien de bien grave, juste des migraines qui m'abrutissent un peu ... » Moïra fronça les sourcils. Elle trouvait cela inquiétant ; si cela arrivait fréquemment, pourquoi cette jeune femme n'avait-elle pas consulté un médecin ? Ce serait le geste le plus logique dans ce genre de cas. Peut-être qu'elle n'aimait pas les médecins, c'était à tout fait possible. La jeune femme se releva ; quand elle la vit tituber, Moïra voulut la prendre pour l'aider à garder son équilibre. Mais elle n'eut pas l'occasion car l'inconnue arriva à se redresser et à se tenir droite. Moïra pouvait ainsi l'observer en détails ; elle n'était pas plus grande ni plus vieille qu'elle, mais elle avait l'air plus frêle. Cette couleur atypique de cheveux lui aillait très bien. Elle était d'une pâleur presque maladive. Peut-être était-elle d'une constitution fragile. Pour cela, Moïra n'en était pas sûre. « Mais saches que j'apprécie le fait que tu m'aies apporté ton aide. Je t'en suis reconnaissante… hm ... » Comptait-elle partir ? Si elle avait une santé fragile, elle devait se reposer au lieu de repartir. Alors, l'inconnue n'aimait probablement pas le contact humain et voulait en finir au plus. Ou bien, elle avait l'impression de gêner Moïra. Le sentiment de culpabilité, quand tu nous tiens ... L'étudiante constata une main tendue vers elle ; ne comprenant pas dans un premier temps le geste, elle elle poussa une petite exclamation, signalant qu'elle avait compris l'intention. « Je suis Moïra, Moïra Lancaster. Et toi ? » Elle pouvait se permettre de retourner la question puisqu'elle s'était présentée mais elle ne savait pas si c'était vraiment nécessaire. En effet, elle ignorait si elle allait revoir la jeune femme.

   « Tu es sûre que ça va aller ? Consulte quand même un médecin pour tes migraines ... » L'étudiante avait presque une attitude maternelle ; elle se souciait sincèrement pour elle ; elle avait quelque chose qui faisait penser à Moïra. Elle avait la sensation qu'elles étaient presque identiques. En quoi ? Elle l'ignorait, mais le sentiment l’habitait depuis le début de cette rencontre. Et puis, elle se souciait vraiment de ces migraines. C'était pas normal. Tiens, ça me rappelle les débuts de ma télépathie toute cette histoire de maux de tête. Elle souriait intérieurement ; elle repensait à la découverte de sa télépathie. Elle qui n'entendait que des murmures étant enfant au départ, elle avait également des maux de tête assez violents et était souvent épuisée. Ses parents n'en avaient cure de ses "soucis de santé" ; ils n'avaient pas consulté suffisamment de médecins pour creuser le problème et elle n'avait réellement découvert qu'à l'âge de onze ans le terme "télépathe". Elle aurait aimé qu'on se préoccupait d'elle à l'époque, mais c'était ainsi. Elle n'avait plus son don de télépathie, et n'avait pas le pouvoir de remonter le temps. Le regard perdu, elle revint sur terre pour s'adresser à Leònora et lui demander si elle ne pouvait faire quelque chose pour l'aider. Elle ne put formuler la question lorsqu'elle vit l'expression médusée de l'étrangère.

   
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Moïra & Leónora

 
 
Tu ne savais pas trop ce qui t'avait pris de te rendre dans un lieu aussi fréquenté qu'une université ; tu aurais pourtant dut te douter que les esprits en ébulition des étudiants s'y trouvant allaient te faire perdre les pédales, allaient te mettre à terre. Si ça n'avait pas été pour la jeune femme qui t'avait attrapée par le bras, tes jambes auraient très certainement cédé sous ton poids et tu te serais effondrée lamentablement contre le pavé froid et humide de St-John. À ton plus grand soulagement, la situation ne s'était pas dégradée à ce point, t'évitant une honte aussi certaine qu'intense … Mais honteuse tu l'étais pourtant bel et bien. Quelqu'un avait repéré ta vulnérabilité, quelqu'un avait vu à quel point tu pouvais être faible. La jolie brune qui t'avait guidé loin de l'effervescence des étudiants trop nombreux. Tu lui en étais fort reconnaissante, c'était indéniable, cependant tu ne pouvais ignorer le nœud qui s'était formé dans ta gorge. La tête lourde, tu faisais de ton mieux pour ne pas te laisser envahir par tes émotions ou celles de la jolie demoiselle, peu désireuse d'être la victime d'une nouvelle migraine. Chancelante, tu t'étais relevée dans le but de calmer l'inquiétude de la brune à ton égard. Tu percevais certaines des pensées qui habitaient le cerveau de la belle, ce qui était un peu dérangeant ; ton malaise t'avait déstabilisée t'avait fais perdre le peu de contrôle que tu avais sur ta mutation. C'était un peu perturbant, mais tu avais finis par t'habituer à cela au fil des années. Tu faisais donc de ton mieux pour ignorer les mots qui surgissaient de l'esprit actif de ton interlocutrice, t'efforçant de lui répondre du mieux que tu pouvais. Ta voix emprunte de ce fort accent nordique qui te caractérisait tant sortit d'entre tes lèvres rosées, répondant aux potentielles interrogations de la demoiselle et tentant de calmer l'aura inquiète qui émanait d'elle.

Une fois cela fait, tu avais demandé à connaître l'identité de la demoiselle dans le but de la remercier dignement, tendant ta main par la même occasion pour la saluer véritablement. Ne comprenant d'abord pas ton geste, la brune regarda ta main quelques instants. Puis, une douce exclamation lui échappa alors qu'elle comprenait enfin. Les doigts de la jeune femme se s'enroulèrent autour de ta paume et tu serras tes doigts doucement autour de sa main, la serrant poliment. « Je suis Moïra. Moïra Lancaster. Et toi ? » Lentement, tu lâchas sa main et laissas ton bras retomber le long de ton corps. Tu passas une main dans ta courte chevelure décolorée et adressas un petit sourire timide à la brune. « Je m'appelle Leónora Bárðurdóttir, lui dis-tu, ton accent déformant toujours autant tes mots, mais la majorité de mon entourage me surnomme Leo, alors si tu en as envie … Tu peux m'appeller ainsi aussi. » Tu enfouis tes mains dans les poches de ta veste, chancelant un petit peu. Si ton visage semblait avoir repris quelques couleurs et que ton regard était plus concentré, cela ne voulait pas dire que tu ne ressentais pas encore les derniers vestiges de ton malaise. Tu avais encore un peu de mal à conserver une certaine stabilité sur tes deux jambes. Tu faisais cependant de ton mieux pour que la demoiselle – Moïra – ne le remarque pas. Elle s'était fait suffisamment de soucis pour toi qui n'était, à ses yeux, qu'une simple étrangère. Tu te forças donc à conserver ton sourire – bien que celui se fasse un brin plus tendu – alors qu'une vague de vertige t'envahissait. Tu redressas tes épaules, l'air de rien, te donnant un air plus sûr de toi. Silencieuse, tu gardas ton regard rivé sur le visage doux de la demoiselle sans dire un mot. Tu n'étais pas très sûre de toi en temps normal, là tu l'étais encore moins.

Fort heureusement, Moïra prit la parole avant que tu n'ais le temps de trop angoisser à ce sujet, sa voix douce brisant le silence qui s'était installé entre vous. « Tu es sûre que ça va aller ? Consulte quand même un médecin pour tes migraines ... » L'inquiétude était toujours bien présente au sein de l'être de la demoiselle, tu pouvais le sentir sans même l'aide de ta télépathie. L'attention qu'elle te portait te faisait plaisir, c'était indéniable. Mais tu te sentais mal à l'aise, d'un autre côté, sous son regard scrutateur. Tu n'avais nullement envie d'être un poids pour la jeune fille et tu avais la désagréable impression d'être un boulet en cet instant. Moïra ne pensait probablement pas cela de toi, son inquiétude devait être tout ce qu'il y avait de plus honnête et innocencente. Bien malgré toi, tu t'efforças de lui adresser un petit sourire. « Ne t'en fais pas, Moïra. J'ai déjà été voir plusieurs médecins étant plus jeune, mais il n'y a pas grand-chose à faire à part attendre que cela passe ... » Tu laissas ta phrase mourir sur le bout de tes lèvres, ne faisant rien pour empêcher le silence de s'installer entre vous. Tu gigotas un instant, un peu mal à l'aise. Il serait peut-être temps que tu t'en ailles, que tu rentres chez toi et te blotisses sous ta couette pour oublier ce vilain malaise. Et tu t'apprêtais à t'en aller – bien que tu craignais d'affronter la foule à l'extérieur -  lorsqu'une pensée un peu étrange de la demoiselle t'interpela. Tiens, ça me rappelle les débuts de télépathie toute cette histoire de maux de tête. Interloquée, tu posas un regard écarquillé sur la demoiselle, la bouche entrouverte. Moïra était télépathe ? Comme toi ? Tu ne t'en étais pas doutée ! Cela voulait donc dire qu'elle avait pu lire dans tes pensées. Chose qui te paraissait peu probable ; la brune semblait ignorer que vous aviez une mutation commune, elle ne t'avait nullement parlé de ton don … Curieuse et trop surprise pour te soucier de la politesse, tu pris de nouveau la parole. « Tu es télépathe ? » Ta voix partit légèrement dans les aïgues sous l'effet de la surprise. Et lorsque tu te rendis compte de ton manque de subtilité, tu plaças tes mains sur ta bouche et pâlis légèrement. « O-Oh ! Je suis désolée, je n'aurais pas dû le dire ainsi ! Mais c'est que j'ai été surprise … Tu penses assez fort pour une télépathe ! » Tu fermas sèchement la bouche, sentant que si tu poursuivais ton petit discours, tu risquais de t'enfoncer encore plus. Tu regardas la demoiselle avec les yeux grands ouverts et brillants de curiosité.
 
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