Je repose mon verre contre le bar. C'est une soirée pour la fin des cours, la fin des examens, la fin d'une virginité, j'en sais rien et vu ma gueule d'étudiant, je passe crème dans le décor. Si ce n'est que je suis nerveux ces derniers jours. Je reprends rapidement mon verre. Je peux bien supporter de le voir se faire laver 592 fois au lave-vaisselle si ça me change un peu les idées. Finalement, je fais un petit signe au gars au bar de revenir me le remplir. Je jette un oeil à ma montre, il n'est pas encore là. Est-ce qu'il va seulement venir ? Je saute de mon tabouret et sors avec mon verre plein. La soirée prodigue un peu de fraîcheur et j'en profite pour commencer à respirer enfin. Quand je regarde mes doigts, je ne vois que les derniers objets que j'ai triturés et les endroits où ils m'ont conduit. Et ça me file envie de gerber. Et cette pétasse de Dahl qui fait la maligne, je n'ai aucun moyen de la contraindre à revenir à New York, et si elle fait la morte dans un autre état, dans un autre pays, comment je pourrai lui faire cracher le morceau ?
Je bois une gorgée de mon verre, profitant du doux breuvage.... attends. Il m'a sérieusement mis un rosé sans alcool ? J'en rebois une gorgée. Finalement, ce n'est sans doute pas plus mal. Je ne me souviens pas avoir eu la gueule de bois un jour, ça ne me ressemble pas. Et puis, longtemps, ça aurait été incompatible avec les traitements. Et maintenant, qu'arriverait-il si je perdais pied ? J'esquisse un sourire. Suffit que j'arrête de l'utiliser, que je décroche et je finirai à errer comme un fou dans la rue en demandant où est Rubén. Je reprends une gorgée. Pas mauvais ce petit rosé sans alcool en fait. Je passe la main sur mon front et fronce les sourcils. Je les trouverai. Tu m'entends, mon grand. Je les trouverai. Je trouverai cette salope. Je trouverai ses complices. Je les trouverai tous. Et je les ferais payer. Je les ferai souffrir. Je les ferai souffrir... Je secoue la tête. Il faut que Nae me file un petit coup de main...
J'aimerais dire qu'on m'a prié. Qu'on m'a supplié. Qu'on s'est mis à genoux pour m'implorer. Qu'on a passé nuit et jour à psalmodier mon nom pour m'attirer... Mais ce n'est qu'un échange de message qui m'a convié. J'ai besoin de te voir. Est-ce que tu peux me retrouver là. Et moi de répondre que j'y serais. Et j'y suis. Enfin, je vais y être.
Lorsque je passe le pas de la porte de mon appartement, je déboule dans un calme pétrifiant en pleine rue passante et comme si rien ne semblait perturber les passants, je fourre mes mains dans mes poches et me mêle à la population. Il fait chaud, c'est l'été sur cette planète, pourtant et malgré la tenue légère d'un short et d'une chemise à manche courte, je suis légèrement rouge. Ma peau brille légèrement de transpiration et même si je pourrais d'un claquement de doigt réguler cette température qui s'affole, je n'en fais rien. Je laisse les choses se dérouler. Car c'est comme ça que l'univers les a voulu, en tout cas tant que je n'en décide pas autrement.
Je ne sais pas où je suis. Je reconnais le style sans savoir comment nommer le lieu. Je me suis calé sur la signature de Rubén, c'est tout, et me voilà. Et le voilà aussi, debout, un verre à la main à l'extérieur du bar auquel il m'a invité. Un sourire joueur étirant mes lèvres, mes doigts émettent un claquement sonore alors que je m'approche dans son dos et lors qu’enfin il se retourne, mon sourire s'agrandit encore. - J'espère que t'as prévu le mien de verre, parce que je meurs de soif. - Qu'est-il veut? Il faudra bien qu'il le dise. Qu'est-ce que je fais là? Il devrait me l'expliquer. Qu'est-ce que j'ai fais? Oh il le découvrira bien assez tôt.
Je ne suis pas à l'aise. Pas à l'aise avec l'intimité. Qu'il s'agisse d'un plan cul, d'un ex, ou d'un copain. Je me sens mieux en public, dans des relations qui n'exigent pas vraiment qu'on se dévoile trop. Et pourtant, qu'est-ce que j'ai pris mon pied avec ce gars, même si j'ai mis plusieurs jours à m'en remettre. Enfin, me remettre d'un léger coup d'oeil sur son histoire, pas mon postérieur.
J'ai été assailli, assommé, envahi par tant d'images, de vécu, de sensations que je me souviens encore de la sensation d'une goutte de sang tiède coulant au-dessus de ma lèvre supérieure. Cette expérience-ci a été particulièrement désagréable. Je m'étire légèrement, essaie de ne penser qu'aux aspects agréables et inconsciemment, un sourire se loge sur mon visage. Ce que je vois ne m'est pas arrivé, c'est aussi simple que ça. Ça a beau me faire plaisir, me faire peur, me mettre en colère ou me donner envie de faire n'importe quoi, je dois garder la tête froide.
Ah, ça me fait plaisir quand je le vois alors que je me retourne. Son sourire bienveillant et le souvenir brûlant de nos dernières rencontres qui me filent des tensions un peu partout. Je lui tends mon verre et annonce comme si nous étions au milieu d'une conversation déjà commencée il y a un moment : « Alors je te conseille ce petit rosé sans alcool, que j'ai sélectionné expressément pour toi ! » J'attends quelques secondes puis jette une œillade à l'intérieur : « Et sinon, qu'est-ce que je te paye ? » Pourquoi la seule idée que j'ai là, c'est de mettre la main dans son short. Je relève les yeux sur les siens, puis lève le nez au ciel, faisant un commentaire banal sur la météo.
Alors je te conseille ce petit rosé sans alcool, que j'ai sélectionné expressément pour toi ! - Je renifle brièvement le contenu du verre sans quitter Rubèn des yeux, sans quitter son regard. Je sais parfaitement ce qui se trouve dans son verre, je l'ai su à la seconde où j'ai posé mon regard bleuté sur le récipient voilé. Il y a du rosé, certes, mais il est bien loin d'être sans alcool. Plus depuis que j'ai claqué des doigts, et la beauté de la chose demeure qu'aucun gout ne s'en ressentira. Est-ce illégal? Non, bien sûr que non. Seulement une petite blague, mais si je peux l'aider à se détendre... Ou a-t-il besoin de toute ses facultés pour m'expliquer la raison de notre rencontre? Il semble très bien fonctionner tout en songeant à mon short, il ira bien.
Et sinon, qu'est-ce que je te paye ? - Un sourire anime mes lèvres et je glisse une main sur son bras. - T'inquiètes, je vais me chercher ça. - Mais avant de décoller, j'approche mon visage du sien, mes lèvres de son oreille. - Moi aussi j'adore ton pantalon. - Et je dépose un baiser en bordure de sa joue avant de m'esquiver à l'intérieur, direction le bar où je vais commander une pinte. Oui, une pinte. Plus serait suspect, mais moins serait indigne de mon rang.
Entre la fin de journée, les sorties de travail et les débuts de soirée, il me faut quelques minutes pour obtenir mon breuvage et lorsque je reviens en terrasse avec mon humain, j'avale deux longues gorgées avant de poser la pinte sur une table haute. - OLALA IL FAIT MOINS CHAUD QUE CET APRÈS MIDI - Un sourire surpris s'accroche à mon visage. Ou alors j'ai confondu ses pensées avec un ton peut être plus normal sorti de sa bouche? Parfois je ne fais pas la différence. Je suppose que si personne ne se retourne, c'est que personne n'a entendu. - Tu as trop chaud? Besoin d'un peu de fraîcheur? Tu n'as qu'à demander, tu le sais. Parlant de fraîcheur, c'est assez rafraîchissant de pouvoir parler ouvertement de cette façon. Je n'ai jamais caché à personne être une entité extraordinaire, mais je n'ai jamais pour autant ouvertement et gratuitement mentionné la chose. - Alors, jeune homme. Je suis toujours plus que ravi de te voir, mais je suppose que tu as quelque chose en tête pour m'avoir invité ce soir? - Ou alors c'est juste pour "mettre la main dans son short", et je pense qu'on peut arranger ça.
J'esquisse un sourire alors que je le vois renifler le verre. Machinalement, je le pousse sans force comme pour l'écarter du verre en le priant de ne pas dénigrer mon super breuvage. Je lui propose ensuite de lui payer son verre mais il part en direction du bar... My... À sa remarque j'ai l'impression de me retrouver à l'étroit dans mon jean. Je souris simplement puis me retiens d'un geste déplacé type main aux fesses. Quand même... Je le suis du regard, dégustant encore la sensation de ses lèvres contre ma peau et porte mon propre verre à mes lèvres en l'attendant. Je fais quelques pas, rabats quelques mèches brunes fugueuses qui se baladent sur mon front et dévisage un peu les clients qui vont et viennent, se baladant dans l'établissement comme s'ils étaient chez papa maman.
Parfois, ma curiosité éveille un élan de sympathie qui pousse un sombre inconnu à lever son verre en guise de salut et je fais de même, ne manquant pas d'en boire une gorgée pour accompagner le geste. Parmi les étudiants, les fêtards, les je-veux-décompresser et tous les autres, Nae refait surface et se délecte de deux bonnes goulées de bière avant de la laisser sur la table. Je suis le spécialiste de la conversation. Conversation qui tue, enjouée, vide ou qui doit engager une vraie conversation. Aussi, il se tourne vers moi quand je parle de la météo.
La météo, c'est d'un classique... Mais les classiques ne meurent jamais il paraît ! « Tu as trop chaud? Besoin d'un peu de fraîcheur? Tu n'as qu'à demander, tu le sais. » C'est vrai. C'est fou que ce soit vrai quand même. Mais bon, comme tout le monde, j'ai beau me plaindre, je suis quand même bien content qu'on puisse se poser aux terrasses tranquillement plutôt qu'à courir pour essayer de filer entre les gouttes de pluie. Je souris puis décline sa proposition en le remerciant, mais en rétorquant que c'est comme ça, il faut bien s’acclimater. Ai-je d'ailleurs demandé à Naerendil s'il restera toujours ici ou s'il repartira un jour dans son... est-ce qu'il y a vraiment un chez-lui qui l'attend ? Pour ma part, je me suis largement détaché de la notion de « home sweet home ». Ce n'est pas que je n'aime pas retourner là où j'ai grandi mais venir vivre ici a vraiment sonné le début d'un nouveau départ. J'aspire juste à être pénard sans qu'on vienne me chercher des noises. Peut-être que c'est pareil pour lui, et ici, il se sent juste... bien. Je relève les yeux vers lui puis,à la fois franc et un peu gêné, je réponds en glissant le nez dans mon verre : « Je suis content de te revoir... » puis j'avale ce que j'ai en bouche puis, faisant fi de mon coup de chaud, je lui dis quand même honnêtement : « J'essaie de mettre la main sur quelqu'un, c'est une personne dangereuse, vraiment. Elle est en cavale et je n'ai aucune bonne raison de lancer un mandat d'arrêt ou de faire une recherche pour la pister... Je m'étais dit que tu saurais peut-être la retrouver... au talent, comme ça ? »
Je suis content de te revoir... - Un petit sourire étire mes lèvres, et si je n'étais pas un dieu emplie d'un ego certain, j'aurais rougis. Mais là, si je me dis que c'est normal, je ne prononce pas un mot. J'ai mon ego, oui, mais je ne suis pas assez stupide pour me comporter en le suivant. D'ailleurs je ne dis pas quoi que ce soit, je le laisse se noyer dans son verre si ça peut l'empêcher de se décomposer sur place. Et heureusement qu'il ne se noie pas réellement dans son verre, ou ne se décompose pas réellement sur place, parce qu'outre le fait que ça jetterais un petit froid sur la conversation, ça ne serait pas vraiment très ragoutant.
J'essaie de mettre la main sur quelqu'un, c'est une personne dangereuse, vraiment. Elle est en cavale et je n'ai aucune bonne raison de lancer un mandat d'arrêt ou de faire une recherche pour la pister... Je m'étais dit que tu saurais peut-être la retrouver... au talent, comme ça ? - Hmm... J'attrape ma pinte et j'en bois une nouvelle gorgée. Je m'attendais à ce genre de demande, et malgré tout maintenant que j'y suis confronté, je suis légèrement gêné. Mais d'un autre côté, il connait mon histoire, alors peut-être n'ai-je pas à prendre de gant avec lui.
Je ne suis pas certain de pouvoir te dire oui. - Peut mieux faire comme réponse sans répondre, j'ai eu été plus inspiré, mais on excusera ce vieux dieu. - Tu sais que je ne suis ici qu'en tant qu'observateur. J'ai juré de ne jamais intervenir, pour laisser la vie se dérouler naturellement. - Et c'est vrai. Si je décidais d'établir une paix infinis sur cette planète, je le pourrais. Si je voulais l'établir sur l'univers entier, la même chose. Mais cette espèce doit suivre son cours, cette société doit apprendre et grandir, comme la mienne l'a fait. Et si elle doit s'écrouler, alors elle s'écroulera. Qui suis-je pour pouvoir décider pour eux?
Influencer la météo c'est une chose, mais activement t'aider... Je pourrais l'enfermer d'un claquement de doigt mais si j'ai inventé le concept du libre arbitre, ce n'est pas pour rien. - N'ai-je jamais pourtant répondu aux prières de mes suivants? Pauvres âmes agenouillées devant ma grandeur, éblouies par lumière? N'ai-je jamais accédé à leurs demandes? Devrait-il se mettre à genoux pour justifier un changement d'avis? Ne l'a-t-il pas déjà fais? Pour mon plus grand plaisir je l'admet, mais là n'est pas la question, pas plus que la situation. - Je peux peut-être te montrer le chemin... Encore faudrait-il que je sache de qui il s'agit.
Je le regarde boire et lâche mon verre pour croiser mes doigts sous la table, sans la toucher. Il n'a pas l'air particulièrement chaud et je ne lui en voudrais pas s'il refuse d'accéder à ma demande. Et moi, je m'en serais voulu de ne pas lui avoir posé la question, j'aurais toujours eu cette sorte de doute à me dire « et s'il avait accepté ? ». Mais je suis persévérant, ça prendra le temps que ça prendra mais je ne peux pas être devenu ce que je suis devenu sans que ça puisse servir à rendre un peu de justice dans ce monde. Dans mon petit salon, sur la table, il y a un objet abominable et ça me dégoûte encore de le toucher mais je rendrai justice coûte que coûte.
Je secoue la tête quand il me donne sa réponse et je lui dis tout de suite que ce n'est pas grave. Je peux bien comprendre qu'il ne puisse pas ou ne veuille pas. Ça ne changera pas l'issue, je prendrai juste plus de temps pour arriver à mes fins. « Tu sais que je ne suis ici qu'en tant qu'observateur. J'ai juré de ne jamais intervenir, pour laisser la vie se dérouler naturellement. » Je hoche de la tête, il y a des règles, il a raison de les respecter. Même si une part de moi tenterait bien un « Alleeeeeez, juste une petite indication. » Ou alors je lui montre une carte et je lui demande de me désigner un point au hasard.
Alors... Australie ! … Je pince les lèvres puis esquisse un sourire, rétorquant que l'enfermer sans aucune forme de procès ne ferait que la retenir une journée, ou deux, le temps que la paperasse se fasse. Non, il faut quelque chose de plus définitif. Je retire mes mains de sous la table et les laisse quelques instants au-dessus de la table avant de les reposer. J'attends une seconde, puis relève le regard vers Nae : « Elle s'appelle Primrosae Dahl. J'ai essayé de la faire revenir mais... » Je porte le verre à mes lèvres. Vide. Je regarde vers l'intérieur du bar, vers Nae, vers le bar... « Tu crois que tu peux... enfin sans que je doive retourner au bar ? »
Parfois, me manque la toute puissance que je pouvais avoir sur ma planète. Me manque l'absolue de mes décisions alors qu'un simple mot pouvait diriger des foules sans que personne ne pose la moindre question... En tout cas au début. Car même lorsque ma race existait encore, même alors que je respectais leur libre arbitre, il me suffisait de souffler une idée à quelqu'un pour que l'ordre soit donné. Combien de façon détourné ai-je alors si simplement imaginé pour prolonger ma volonté... Cette révolution n'a jamais été qu'une destiné attendant d'être dévoilée.
Elle s'appelle Primrosae Dahl. J'ai essayé de la faire revenir mais... - Ton charme naturel n'est probablement pas fait pour les simples mortels. - Glissant mon index le long de mon avant-bras, je repasse la ligne sombre de l'un de mes nombreux tatouages et dans une légère lueur dorée, une petite dague se matérialise. - Tu crois que tu peux... enfin sans que je doive retourner au bar ? - Oh, oui. - Snap. Si le claquement de doigt raisonne, personne ne semble l'entendre, personne à part nous deux, et il suffit d'une seconde pour que le liquide reviennent emplir le verre.
Prenant ma pinte, j'en bois une nouvelle gorgée, ma langue capturant une goutte fuyarde au coin de mes lèvres, et je la pose à côté, dégageant la table haute et ronde à côté de la quelle nous sommes. Il y a un avantage à être moi: personne ne prête attention à ce que je fais si je le décide. Alors lorsque je plante la pointe de la dague au bout de mon index et que quelques gouttes de mon sang d'or coulent sur la table, pas le moindre client ne le réalise. - Est-ce que tu peux me parler d'elle? Me dire ce qu'elle a fait? Un nom n'est jamais aussi unique qu'une histoire. - La dague s'estompe alors comme si elle n'avait jamais existé, et j'ouvre ma main au-dessus de la table, mon regard porté sur Rubèn, attendant son récit.