Le monde qui se bâtissait n’était qu’un gigantesque théâtre illusoire, un modèle qui allait être controversé dans quelques jours, semaines, mois ou années. Je devais admettre que je fatiguais à n’être qu’un jouet qu’on ballotait d’un endroit à un autre.
« Pour ta sécurité, rejoins la X-Mansion » avait dit Lewis. Je n’y avais vécu qu’une seule pauvre semaine, avant que la dite maison ne soit attaquée par les Watchers, dirigés par Jeremiah lui-même, ce grand-frère qui m’avait juré de me protéger … mais qui n’avait pas hésité à me poignarder. Ma vie n’était plus en danger, et je n’avais plus mal « en théorie ». Pourtant, je ressentais toujours une douleur sourde, les mêmes brûlures et douleurs de cette nuit … Non, je n’oubliais rien. Je ne pouvais pas oublier.
« Pour votre sécurité, rejoignons la Confrérie » avaient-ils dits. Aussitôt bagage posé, qu’on avait eu le droit à une autre attaque. Cependant, contrairement à la première qui était vraie, celle-ci n’était qu’une illusion dont l’objectif avait été de testé les « mutants », à croire qu’ils étaient dans l’armée. Il y a quelques mois, j’aurais pu demander l’avis de Lewis mais aujourd’hui, j’étais las. Las d’attendre d’autrui des réponses, las d’espérer de l’aide d’ailleurs…
« Bon gré, mal gré, je dois accepter ce maudit pouvoir » compris-je enfin. Pour la première fois depuis la découverte de mes pouvoirs, j’avais « envie » de maîtriser mon pouvoir et de la mettre au service d’une cause « juste ». Quelle serait la dite cause, je n’en savais pas encore, mais le besoin était impérieux, et nécessaire. Je me devais de trouver des repères, et au plus vite.
C’était en réfléchissant à toutes ces choses que je me tournais et retournais dans mon lit. J’étais incapable de dormir, je revoyais tour à tour les visages des membres de ma famille, j’entendais « Reagan » par-ci, et par-là, puis je ressassais ce passé insouciant et innocent…
A chaque fois, inlassablement, je me posais la question suivante : aujourd’hui, qu’était devenu ce jeune homme qui aspirait à être peintre, mais que sa famille avait voulu en faire un politicien ? Un mutant qui se cachait et qui n’avait plus le sommeil paisible et profond. Dorénavant j’anticipais avec crainte la prochaine attaque, le prochain appel qui allait m’annoncer une mort d’un proche ou tout simplement la prochaine couverture que j’allais brûler si j’avais le sommeil trop agité.
Soupirant bruyamment, je restais couché, à observer le plafond d’un œil morne et vide. « Que devais-je faire ? » soupirais-je, réfléchissant à toutes les options qui pouvaient s’offrir à moi. Serait-il temps de me recenser, mais en me mettant au risque de finir comme un rat dans un district que je considérais d’ores et déjà comme un ghetto qui pouvait servir de prochain plateau pour un terrible drame médiatique ?
- ALEC ! DEBOUT ! finis-je par dire, presque en hurlant. Je savais qu’il allait être surpris, peut-être un tantinet effrayé, mais nullement endormi. Du moins, je le pensais. Qui pourrait dormir paisiblement, sincèrement ? Je ne pensais que plus tard à la question du nombre d’heures de sommeil. Je ne me rappelais plus vraiment s’il était revenu avant, ou après, moi dans la chambre. J’avais enchainé les demi-entraînements, les vagabondages et demi-sommeil en l’espace d’une nuit. Je dois bouger, ou je vais mettre feu à quelque chose ! menaçais-je, le plus sérieusement du monde. On va tester un truc : tu vas me déterminer une cible, et je vais tenter de l’atteindre !
Le feu pouvait passer au travers de n’importe quelle issue, tant qu’il y en avait et que j’insufflais l’énergie nécessaire pour qu’elle passe au travers sans étouffer. L’astuce, et le travail, d’aujourd’hui n’allait pas être une question de la taille de ma flamme, mais plus de sa trajectoire. Certaines situations ne pouvaient qu’être résolues qu’avec une ou deux manœuvres. La force brute et pure n’était pas la seule et unique solution.
Prise d’une frénésie étrange, je m’engouffre dans la salle de bain commune au dortoir des garçons, et prends une douche assez chaude. Voire brûlante. Etrange à dire mais depuis la découverte de mon pouvoir, je me « rafraîchis » davantage avec ce genre de douche qu’avec une douche froide. Cette dernière avait même tendance à être très désagréable … Moi qui adorais les douches froides après un bon entraînement.
« Un jour, je vais bouffer des charbons ardents à la place » me moquais-je, craignant un tantinet que cela se réalise, tout de même.
Après le départ de Maddy j'avais perdu quelques secondes sur le pas de la porte à observer les feux rouges de la voiture s'éloigner jusqu'à les perdre de vu. Aucun arbre, aucun mur ne m'empêchait de les voir. Ils étaient juste... trop loin désormais. J'avais refermé la porte, les mains fourrées dans les poches de mon sweat avant de poser mon regard sur le canapé et de sourire. Elle allait me manquer bien sûr et outre la pensée de ce qu'on avait fais tous les deux, mon sourire était aussi pour Tad. J'espérais qu'il n'avait rien vu, même si en mon fort intérieur l'idée m'amusait quand même. Je prenais le temps de ranger un peu, comme si nous n'avions jamais été là, et finalement j'avais regagné la cave puis la base souterraine. J'avais rejoins mon lit sans un bruit, percevant les respirations des autres ainsi que les mouvements de Aaron dans le sien. Il s'était écoulé plusieurs heures depuis que j'étais monté avec Maddy et je n'avais fais qu'entrevoir leurs entraînements depuis le chalet, pour autant j'étais peut être aussi épuisé qu'eux. Je m'étais endormi immédiatement, sombrant dans un lourd sommeil avant que mon nom crié ne me tire violemment des musculeux bras de Morphée, bien trop vite après que je les ai rejoins.
« ALEC ! DEBOUT ! » - J'avais bondi, le cœur battant comme s'il allait exploser, percevant Aaron à mon chevet et me jetant sur le bord du lit, prêt à fuir ou me battre, avant de l'entendre parler. L'adrénaline retombait aussitôt et mon sang ne faisait qu'un tour. - Mais t'es un grand malade! - Vos gueules bordels! - Avait lancé l'un de nos compagnons de chambrée, celui qui dormait au dessus de moi. L'autre s'était contenté de nous balancer un oreiller qui avait lamentablement atterri au sol. J'allais lui expliquer avec le détail à quel point j'allais lui exploser la tronche - oui je suis censé être un non violent - mais il s'était déjà esquivé dans le couloir et j'étais retombé en arrière dans un soupir plus qu’équivoque avant de geindre lorsque mon crâne avait percuté le mur. Si j'étais pas réveillé avec les hurlements d'Aaron, la douleur venait de finir le boulot et je massais ma tête en me levant doucement. Si j'étais étourdi c'était à cause du mur mais dans mon ventre rugissait toujours mon besoin de taper quelqu'un alors j'attrapais des vêtements, les enfilais à la va vite et sortais dans le couloir avant de localiser Aaron dans la salle de bain et le rejoindre.
J'entrais comme une bombe et poussais sans la moindre douceur la porte de la cabine où Aaron était entrain de se doucher. Il était toujours nu pour moi, douche ou pas douche, mais cette fois contrairement aux autres fois c'était bien ses yeux, ses vrais, que je fixais. Et la gêne que je lui occasionnais? Elle était totalement voulue. - C'est quoi ton problème, Aaron! T'as pas l'impression qu'on a pas déjà assez été réveillé en trombe?! T'as conscience que j'ai cru qu'on était en danger là?! - Après tout pourquoi pas une attaque après une autre, ils s'étaient pas tous coordonné que je sache. Non non, pas ce jeudi, on fais des crêpes. Attaquez plus tard. Me refais plus jamais ça! - J'étais honnêtement pas certain qu'Aaron m'ait jamais vu en colère, ni personne d'ailleurs. J'étais trop peureux pour aller à la confrontation comme ça, et loin d'être assez sûr de moi pour vraiment l'ouvrir. J'avais jamais été passif, enfin en terme de me faire comprendre, mais je n'avais jamais vraiment gueulé sous la colère... Sauf lorsque j'en avais eu assez de mon père et de ses expériences. Et ça maintenant, je me disais qu'il venait en prime de gâcher ma dernière nuit avec Maddy, ce qui n'aidait pas.
Une fois l'éclat de voix passé je soupirais et repartais dans l'autre sens, ne prenant même pas la peine de refermer la porte de la cabine. De toute façon on était seul et ça ne faisait aucune différence pour moi. Mon regard balayait la base et je voyais tout le monde au fond de son lit, en tout cas tous les jeunes, épuisés par la nuit passée. Quelques exceptions se tournaient encore les pouces dans le mess, quelques professeurs travaillaient encore même si je ne savais pas à quoi. Je revenais à la salle de bain et retirais mon t-shirt avant d'ouvrir l'arrivée d'eau de l'un des robinets et de me pencher pour foutre ma tête sous l'eau froide. Et de rester là, immobile. Il me faudrait un café, beaucoup de café, mais si je voulais tenir, cette eau froide me donnerait un bon démarrage. Bon... Ou au moins suffisant. Bon dieu que je voulais retourner dans mon lit...
J’étais parfaitement conscient que mon acte inconsidéré pouvait être extrêmement malvenu au vu des récents événements. Cependant si certains aspiraient à un semblant de calme et de tranquillité – et en était capable -, je ne désirais que du bruit et du chaos autour de moi, à l’image de tous ces maudits cauchemars depuis cette nuit maudite au sein de la X-Mansion. Cet endroit devait être mon havre de paix mais a été à l’origine de l’enfer que je vivais aujourd’hui.
Chaque maudite nuit, je revoyais mes vieux « amis » des Watchers qui hurlaient à mort au fur et à mesure que « mes » flammes léchaient leur corps. Chaque fois que je fermais les yeux, je sentais le souffle de Jeremiah non loin de mon visage, un rictus mauvais sur ses lèvres et un poignard froid dans mon corps.
Depuis cette nuit, je ne dormais pas plus d’une heure ou deux, je me réveillais en sueur, je prenais une douche puis je me posais soit devant un tableau vierge soit je m’exerçais sur un appareil de sport. Dans la première activité, mes dessins étaient à l’image de mon inconscient – un huis-clos étouffant empli de formes indistinctes et monstrueuses. Dans la seconde activité, je découvrais de tous nouveaux muscles. Mes cernes se creusaient de jour en jour et mon appétit était de plus en plus petit.
Evidemment, qu’importe les activités, le sommeil était devenu un sésame d’or ou devrais-je dire le saint Graal d’une quête dont on ne m’avait pas encore fourni la carte ou les étapes ou le descriptif des épreuves. Mes cernes se creusaient irrémédiablement, mon appétit se faisait rare et mon humeur n’était clairement pas au beau fixe.
Autant dire, quand Alec débarque dans la douche – certes, je savais qu’il me voyait nul, mais faire face dans un moment aussi « intime » était franchement gênant – en trombe, loin d’être surpris par cette attitude inattendue et surprenante, j’en profitais pour gueuler mes quatre vérités.
- BAH QUOI BORDEL ? T’arrives encore à dormir en sachant qu’on peut t’attaquer et te tuer en deux minutes chrono ?
Il était déjà sorti. Enervé, je tournais court cette douche pour faire face à Alec. Une personne normale aurait remarqué ma nudité complète et une personne normale nue se serait jetée sur une serviette. Dans mon cas, j’avais passé cette étape-ci de la pudeur avec Alec, ayant compris qu’importe les couches et les angles, s’il désirait voir mes parties, il pouvait. Le malaise du départ s’était totalement estompé.
- Tu fais quoi pour dormir hein ? Somnifère ? Alcool ? demandais-je clairement, cherchant à comprendre comment une personne saine d’esprit pouvait encore fermer l’œil depuis ces derniers mois.
La situation au sein de la Confrérie ne me plaisait pas. Je n’appréciais pas les idéaux de certains- et les projets proposés par ces hommes « presque » criminels les mettraient dans la liste de mutants à attraper ou à tuer pour la famille Reagan. Soudainement, quelqu’un entre dans la douche, nous détaille chacun puis disparaît. Je me rappelais aussitôt que tout le monde ne connaissait pas le don d’Alec et si oui, tout le monde ne le côtoyait pas autant que moi… pas suffisamment pour passer à l’étape de se promener à poil.
- Oh et puis, toi tu peux dormir ! finis-je par éclater, récupérant enfin quelques vêtements propres pour les enfiler – par pudeur à l’égard des autres.
J'entendais Aaron bugler depuis mon lavabo. Je le voyais à travers mes paupières, le meuble et mon corps. Du moins je voyais ses jambes. Et chacun de ses mots faisait remonter la colère en moi. Je ne voulais pas être en colère contre lui. Je l'aimais beaucoup malgré le peu de temps depuis lequel on se connaissait mais les événements qui s'étaient déroulés entre temps nous avaient rapproché. Assez pour que je réussisse à me tempérer. On avait déjà trop à faire à haïr ceux qui voulaient notre mort. Je ne voulais pas gaspiller mon énergie à lui en vouloir à lui. Après ce qui s'était passé la veille, on était épuisé et c'était bien trop normal que des tensions se forment.
« Tu fais quoi pour dormir hein ? Somnifère ? Alcool ? » - Je me redressais, coupant l'arrivée d'eau avant de me retourner, l'eau ruisselant sur mon torse nu. Instinctivement j'avais pensé à Maddy, toujours en fond de mes pensées, mais j'avais tant à dire et à rétorquer. Lui expliquer à quel point je ne dormais pas. Quelqu'un entrait, sans un mot, et nous trouvais là. Lui nu et humide, moi torse nu et tout aussi mouillé. Une scène pour le moins tendancieuse qui le poussait à rebrousser chemin et j'esquissais un sourire en regardant son petit cul de black repartir. Rictus plutôt que sourire.
Mon regard revenait à Aaron qui s'habiller et je ne pouvais m'empêcher de suivre les lignes trop bien sculptées de son corps, soupirant pour moi-même devant mes faiblesses avant d'attraper une serviette pour sécher mes cheveux. - « Oh et puis, toi tu peux dormir ! » - Je ne dors pas! Aaron! - Zut.
Pour quelques heures d'épuisement cette nuit, ça fait une semaine que je tourne et me retourne dans mon lit sans réussir à fermer les yeux parce que cette putain de situation me rend dingue! - Je frottais lentement la serviette sur mon visage pour éponger des larmes qui restaient invisibles ainsi. Ma voix en revanche, elle, me trahissait.
Je m'appuyais au rebord du lavabo, pinçant l'arrête de mon nez, la serviette toujours dans ma main. - Et maintenant Maddy est partie. - Avais-je soufflé. - J'ai choisi de rester mais maintenant que je suis là, je sais même pas quoi faire. - Elle était une bouffée d'air frais, mais elle était aussi trop loin de mon état d'esprit actuel. Et même si à peine quelques heures plus tôt, elle et moi avions était plus proche que jamais, elle était partie. Loin. Et maintenant j'étais seul ici face à un inconnu dont j'avais vraiment peur. Et là, à cet instant, ça se voyait sur mon visage.
La voix d’Alec flanchait. Après ces longs mois où il avait été la seule personne que je pouvais qualifier d’ami, je savais maintenant reconnaître ses états d’âme à son regard ou encore à sa voix. Il s’était passé quelque chose avec « elle », une chose qui transcendait la simple et froide notion de « connaissance ».
Je soupire. J’étais à la fois consterné par l’état de mon ami, et frustré de ne pas pouvoir exprimer ma colère pleinement – ou me défouler. Je réprime difficilement mon mécontentement, laissant ma part humaine docile et pleine d’empathie prendre le dessus.
- Où est-elle partie ? Demandais-je avec un ton mesuré et calme. Peux-tu aller la voir ?
La séparation avec un être apprécié était difficile et davantage si celle-ci était définitive. Inconsciemment et inéluctablement, je pense à Lewis, à Sarah et à Jeremiah. Nous étions une fratrie démembrée, et à vie. Mon cœur se serre à cette pensée. Il fut un temps, je me serais laissé aller à une douce mélancolie. Cependant, dorénavant, je réprime ces sentiments douloureux avec ma colère et ma frustration – des sentiments forts, qui s’alimentent au quotidien avec les derniers événements.
- Pourquoi es-tu resté ?
La séparation semblait l’affecter profondément, plus que de raison. Pourquoi était-il resté dès lors ? Qu’est-ce qui le retenait ici ? Était-ce les « x-men » ? Était-ce une affaire de fidélité ? Je ne saurais dire. Personnellement, si Lewis ou Sarah me disait de venir et qu’importe le danger, je lâcherai tout pour eux. Cependant, jamais un tel scénario ne se produira. J’avais à peine des nouvelles d’eux…
Quant à mes parents, eux qui avaient brillé pour leur sévérité, que faisaient-ils ? S’inquiétaient-ils pour moi ? Me détestaient-ils en raison de ma nature ? À l’image de ma fratrie, je n’avais nulle nouvelle d’eux.
Autant dire, le désespoir d’Alec faisait écho au mien. Cependant, contrairement à moi, peut-être avait-il une chance de garder un contact avec elle.
- Est-ce qu’elle t’a laissé quelque chose comme un numéro ou un mail pour communiquer ?
Je me rends compte que mes questions peuvent manquer d’un peu d’empathie. La faute à ma famille qui m’avait appris davantage la discipline et la rigueur que l’empathie et la compréhension. Sans Sarah, j’aurais été un parfait connard, j’en suis persuadé. - Allez, tu la reverras, j’en suis sûr. On est jeune, on a toute une vie devant nous.
Cette dernière phrase sonnait étrangement faux. J’avais la sensation de jouer tous les jours avec la Mort depuis que j’étais un mutant. Je ne savais pas s’il partageait ce même sentiment. Dans le doute, et pour me donner du courage aussi, j’enchaînais.
- On ira la retrouver dès que tu veux. Comptes sur moi, promis-je avec un ton toujours plus doux.
Était-je calmé ? Nullement. Je me maîtrisais seulement… attendant de me défouler que d’une meilleure façon ailleurs.
Je levais mon regard sur Aaron à ses premières questions, surpris par ce changement de ton. Pourquoi ce calme alors que quelques secondes plus tôt il était prêt à hurler sur le monde entier? - « Où est-elle partie ? Peux-tu aller la voir ? » - Ailleurs, loin, loin de tout ça. - « Pourquoi es-tu resté ? » - Bonne question. Très bonne. Je connaissais cette réponse quelques heures plus tôt. Mais maintenant... - « Est-ce qu’elle t’a laissé quelque chose comme un numéro ou un mail pour communiquer ? » - Encore des questions. Il ne s'arrêtait pas et je le laissais parler, je le laissais finir parce que j'étais encore entrain de contrôler ma gorge serrée et mes yeux rouges. - « Allez, tu la reverras, j’en suis sûr. On est jeune, on a toute une vie devant nous. » - Cette phrase me tirait un rire, ironique le rire. On était jeune oui. Assez pour mourir jeune. - « On ira la retrouver dès que tu veux. Comptes sur moi. » - Je sais ce que tu es entrain de faire, tu n'as pas besoin de le faire. - Il essayait de m'aider. De me rassurer. Une raison de plus pour laquelle j'aimais ce garçon.
Je soupirais en me décollant du lavabo, Aaron entrain de finir de s'habiller et je me rapprochais sans vraiment me rapprocher. Je marchais en fait. Bêtement. - Je sais pas où elle est partie. Son frère est venu la chercher. J'espère juste qu'elle est loin de New York, à l'abri. - Elle n'avait rien laissé. Ni numéro, ni mail. On avait pas accès aux communications ici, trop dangereux. Un simple coup de téléphone pouvait nous vendre au gouvernement et rien qu'en appelant Alan, elle avait joué avec le feu. - Je pense pas que c'est uniquement ce qui s'est passé cette nuit. Mais... Elle ne veut pas se battre. Elle est comme Xavier, elle a encore l'espoir que ça passera, que les choses s'arrangeront. Qu'on a pas besoin de se battre contre eux pour s'en sortir. - Je baissais le regard. - Et moi... - J'inspirais, bloquais l'air comme si j'allais parler et finalement changeais mes mots. - Moi j'en ai besoin. - Je posais ma main sur mon torse. - J'ai cette colère en moi... J'ai envie de me battre. J'ai besoin que ça sorte, ça me brûle de l'intérieur... - Et pour une type qui des pulsions dévorantes, c'était pas rien.
Je levais à nouveau mon regard vers Aaron en tournant la tête, désormais à son niveau mais pas face à lui. - On est juste pas dans le même état d'esprit, et je la préfère à l'abri, loin de tout ça. Loin de moi. - Je ne voulais pas qu'elle me voit comme ça. Si bouffé par cette rage. Je fermais la bouche, mon visage traduisant sans mal un changement de pensée. - Aaron... - Je me rapprochais réellement de lui. - Je sais que t'es en colère toi aussi, je peux le voir. - Et je venais de le voir la réprimer. Et je n'aimais pas ça. - Je veux pas que tu la gardes pour toi. Pas même si tu veux la passer sur moi. Encore moins si je suis en partie responsable. - Je penchais la tête sur le côté, un petit sourire sur les lèvres. - T'es mon ami. J'en ai pas d'autre. Et je refuse que tu vives avec ce genre de frustration. - J'étais le premier à savoir ce que c'était que de vivre avec des frustrations. Je voulais pas de ça pour lui. S'il voulait la laissait sortir, je serais là pour l'aider, d'une façon ou d'une autre.