Se défouler au sport, ça ne suffisait plus. Rachel rongeait son frein en permanence depuis qu'elle n'avait pas pu empêcher l'enlèvement de son frère malgré ses efforts. Elle en avait assez. Assez d'attendre après des x-men qui ne semblaient pas vouloir les aider comme son père l'avait espéré, assez d'être obéissante et de ne rien tenter de fou, de toujours suivre aveuglement les avis de son paternel. Elle ne doutait pas de sa sagesse et des bonnes raisons qu'il avait de penser ainsi mais ce n'était plus suffisant, plus au regard de sa fille qui, depuis qu'elle avait adopté le même regard radical sur les conditions des mutants qu'Isaak, ne pouvait plus rester les bras croisés à ne rien faire et attendre que la solution leur tombe dans le bec. Alors elle avait cherché, cherché, cherché, elle avait participé à toutes les missions de la confrérie qui était plus ou moins lié à la recherche de son frère. Elle voulait retrouver ce pilier, elle en avait besoin pour sa propre existence, elle avait besoin de ce frère à ses côtés pour avancer correctement et non tourner en rond. C'était devenu vital au point d'enfreindre le règlement de son travail quitte à se faire virer et de fréquenter des gens peu recommandables. Elle avait payé cher, très cher, pour qu'un informaticien du deep web enquête et lui donne un nom sur l'un des participants de l'enlèvement de Jacek à partir d'une puce téléphonique quasiment détruite qu'elle avait retrouvé sur les lieux du crime. Quant à son travail, elle qui était spécialisée dans les maladies neurologiques, elle s'était aventurée dans des dossiers qui lui étaient normalement refusé d'accès et elle en avait même volé un. A ce niveau-là et pour son frère, elle en avait clairement rien à foutre de faire le bien ou le mal.
C'était le soir même de son vol, sur les coups de 22h30 après son service, qu'elle était rentrée à leur base et qu'elle ne tardait pas à rejoindre ce qu'elle appelait les quartiers de son père. Son dossier à la main, elle frappait à peine à la porte qu'elle enclenchait déjà la poignée pour entrer dans le bureau, une impatience relative dans le regard et une colère certaine dans sa mâchoire crispée. « Bonsoir papa. » Elle savait que si elle ne le disait pas, il allait sûrement lui faire une remarque du style Bonsoir ma fille que je suis censé avoir élevé polie. Elle n'avait même pas pris le temps de se changer pour venir le voir, sa combinaison de moto toujours sur le dos, c'était dire son impatience. Glissant le dossier médical sur le bureau de son géniteur, elle s'autorisait à ouvrir sa combinaison pour retirer ses bras et lier les manches à sa taille tandis qu'elle expliquait le pourquoi du comment. « Nikolaus Tatcher. Il fait partie de ceux qui sont venus chercher Jacek. Il faut qu'on aille le chercher. » Parce que forcément, qui disait dossier médical disait adresse et elle ne voulait pas attendre. Elle voulait des réponses, maintenant. Elle voulait l'interroger, lui extorquer des informations sur l'emplacement où se trouvait son frère. « C'est pas le meneur du mouvement mais c'est un membre d'Hydra. » C'est tout ce qu'elle savait et forcément, Hydra ça impliquait très certainement un mec génétiquement modifié et/ou un accueil musclé. « Tu sais qu'avec ou sans toi, j'irai. » Parce qu'elle était en colère, parce qu'elle ne savait plus comment gérer tout ça pour y survivre et parce que son père savait que sa fille en colère était capable des pires choses quitte à utiliser les personnes à qui elle tient le plus, comme lui, pour arriver à ses fins. Si elle ne parlait plus beaucoup depuis que Jacek n'était plus là, ça ne l'empêchait pas d'être foutrement décidée dans ses choix. Il fallait que ça se finisse et le plus rapidement possible.
Il a failli aller trop loin, aujourd’hui. Il a failli oublier que le Kasprzak qu’ils connaissent là-bas est un salopard arrogant, mais un salopard arrogant calme et détaché. C’est cet idiot du conseil dont il ne retient jamais le nom parce qu’il n’en vaut même pas la peine qui est encore venu l’ouvrir un peu trop auprès de lui. D’habitude, Tadeusz le chasse d’une moquerie bien placée accompagnée d’un sourire hautain. Mais d’habitude, il dort plus que trois heures par nuit, d’habitude, il n’est pas complètement à cran, d’habitude, son fils n’a pas été enlevé. Alors oui, il s’est emporté mais heureusement, il a su s’arrêter juste avant de faire quelque chose de regrettable. Il a marmonné des excuses et il est rentré. A la Confrérie. Il n’a même pas cherché à voir Erik, il est directement allé s’enfermer dans son bureau, où il a recommencé à examiner les maigres indices qu’ils ont, sur ceux qui peuvent bien avoir enlevé Jacek. Le SHIELD n’aurait jamais procédé de cette manière. Quant aux Watchers, ils ont suffisamment interrogé celui qu’ils ont réussi à capturer pour savoir qu’ils n’ont rien à voir là-dedans – ou qu’il ne sait rien du tout, Tadeusz n’exclut pas cette possibilité. Alors qui ? Qui ? QUI ? Son poing s’abat violemment sur le bureau. Ses mains tremblent. La colère, l’angoisse, mais surtout, le manque sommeil. A chaque fois qu’il ferme les yeux, il voit tous ces cadavres pâles et décharnés, ils ont le visage de Misha et Andrzej, de George, de Jacek et Rachel. Il voit les reproches dans les yeux d’Anna et Jane, la haine dans ceux d’Elizabeth. Parce qu’encore une fois, il n’a pas su les protéger. Encore une fois, il a échoué. Alors il ne dort plus et il se concentre sur ses recherches, parce que c’est la seule chose qui compte, retrouver Jacek.
Ils ne l’ont pas tué, ils l’ont enlevé, alors il doit croire qu’il est encore en vie, qu’il n’est pas déjà trop tard. Il doit y croire surtout parce que s’il ne se raccroche pas à ça, Tadeusz devient fou. Rachel a déjà perdu sa mère, elle ne subira pas un tel chagrin à nouveau en perdant un frère, c’est hors de question. Sa fille est forte, elle lui a prouvé à de nombreuses occasions, mais à ses yeux elle reste cette enfant qu’il doit protéger. Tout comme Jacek. Et si son frère venait à disparaître… Tadeusz craint qu’elle ne suive le même chemin qu’Isaak a emprunté. Elle s’en approche déjà trop à son goût et il ne veut pas perdre Rachel pour la haine et la vengeance. C’est pourtant tout ce que tu leur as montré, lui rappelle une voix et le polonais ferme les yeux. Oui, c’est pourtant tout ce qu’il leur a montré pendant des années. Comment frapper plus fort encore l’ennemi qui leur a fait du mal. Au début, il a pensé que c’était la seule chose à faire. Désormais, il se demande s’il n’y avait pas un autre moyen. Une autre façon d’élever ses enfants. Loin de tout ça.
Et puis il pense à ces histoires de recensement et à ce qui les guette et il se dit qu’il a bien fait de les armer. De les préparer à tout ça. Avec un soupire, Tadeusz se masse les tempes de ses pouces, la tête lourde. C’est là qu’on frappe à la porte de son bureau et il ouvre la bouche pour dire Plus tard, parce qu’il n’a envie de voir personne, mais déjà on entre et quand il relève la tête, c’est pour croiser le regard décidé de Rachel. « Bonsoir papa. » Il observe sa tenue, ses traits fermés, le dossier dans sa main. « Bonsoir, » répond-il alors qu’elle dépose le dossier sur son bureau. « Nikolaus Tatcher. Il fait partie de ceux qui sont venus chercher Jacek. Il faut qu'on aille le chercher. » La curiosité de Tadeusz est piquée, il attire le dossier vers lui et l’ouvre, pour jeter un œil sur ce Tatcher, ainsi que son adresse. « C'est pas le meneur du mouvement mais c'est un membre d'Hydra. » HYDRA. Le mutant serre les dents. HYDRA. Bien sûr. Parce que ces monstres ne laisseront jamais sa famille en paix. Oh ils ont peut-être changé, mais Tadeusz se rappelle d’où ils viennent et pour qui ils travaillaient, à la base. « Tu sais qu'avec ou sans toi, j'irai. » Il a envie de lui dire que c’est hors de question qu’elle s’approche de ces monstres. Qu’il ne la laissera pas se mettre ainsi en danger. Qu’il ira seul. Mais il sait que sa fille est aussi têtue que lui et qu’elle le suivra, même s’il refuse qu’elle vienne avec lui.
Tadeusz se lève, il a déjà l’adresse en tête, mais il se met à faire les cent pas dans son bureau, sans dire un mot. Il n’est pas surpris de voir qu’elle a cherché un moyen de retrouver Jacek. Il n’en attendait pas moins d’elle et enfin, ils ont des réponses. HYDRA. Ses poings se serrent, il a brusquement envie de retourner la pièce, de tout détruire, de laisser libre court à sa rage. Mais il inspire profondément, se contient du mieux qu’il peut. « D’accord, » lâche-t-il finalement. « D’accord. » Il se tourne vers sa fille, s’approche d’elle et hésite. Puis il prend son visage entre ses mains et plonge son regard dans le sien. « On y va, tous les deux. Mais si je te dis de foutre le camp, tu fous le camp. On ne part pas tant que tu ne m’as pas promis que si j’estime que tu es en danger, tu m’écouteras sans broncher. » Il n’attend pas qu’elle réponde, et poursuit : « Je sais ce dont tu es capable, mais il est hors de question que je te perde toi aussi. » Sa voix est rauque, elle tremble un peu peut-être aussi. C’est rare qu’il se montre ainsi devant ses enfants, il blâme le manque de sommeil. « C’est d’accord ? » demande-t-il. Ils vont y aller, oui. Dès qu’elle lui aura promis, ils partent retrouver Tatcher et il va regretter. Oh oui, il va regretter de s’en être pris aux Kasprzak.
Retrouver Jacek, c'était son principal objetif mais Rachel ne pouvait pas omettre que son père était une motivation supplémentaire pour parvenir à ses fins. Elle le voyait, chaque jour, dépérir un peu plus sous ses yeux. Rien ne se voyait physiquement, il gardait même un pseudo-sourire qu'elle savait de façade, probablement pour la préserver, pour ne pas montrer à sa fille que les jours passant, l'espoir de retrouver Jacek vivant s'amincissait. Seulement Tadeusz avait construit ses enfants à son image, un parfait mélange de lui-même et du restant d'éducation de leur défunte mère. Les sourires de faux semblants, Rachel avait les mêmes. Elle n'en était donc pas dupe. Si physiquement, elle ne pouvait rien reprocher à son père, c'était mentalement qu'il se fanait, c'était mentalement qu'elle pouvait constater tous les dégâts que l'absence de son aîné engendrait. Il perdait de sa patience, de son appétit. Il ne dormait plus, ne passait que le minimum de temps au laboratoire Xeres. Il restait souvent seul, des heures durant dans ce bureau à retourner sans cesse son esprit pour trouver une faille dans laquelle s'engouffrer. Elle avait perdu ce père qui aidait les plus jeunes à maîtriser leur don. Elle avait perdu ce père qui ne disait pas non à un peu de temps en bonne compagnie, que ce soit celle de ses enfants de chair ou de ses enfants de cœur, celle d'Isaak ou de Magneto. Elle avait perdu ce père à l'entrain inébranlable quand il s'agissait de faire entendre la voix de la confrérie aux plus septiques et réfractaires, cette voix qu'elle estimait être de la sagesse. Son père s'était éteint.
Elle avait la sensation que l'histoire recommençait, comme lorsqu'Anna et Jane avaient été assassinées. Il n'était plus un père mais un chasseur. Un chasseur en quête d'une proie, en quête d'un responsable à punir pour les fautes qu'il avait commises. Un chasseur mis sur une piste par sa propre fille, aussi déterminée et avide de réponses que lui. Un nom, un dossier médical, fatalement une adresse. Là où elle voulait se rendre, avec ou sans son accord - mais c'était mieux avec, il fallait l'avouer. - Rachel n'était pas la fille de son père pour rien. La haine et la vengeance coulaient dans ses veines, souvent alimentées par les discours d'Isaak qu'elle prenait pour vérité inéluctable. Tadeusz savait la raisonner, la faire revenir sur Terre et calmer le feu qui faisait frémir son sang. Mais pour combien de temps? L'enlèvement de son frère n'avait pas arrangé les choses. Connaître le nom d'un de ces enfoirés non plus. Elle n'avait qu'une envie, c'était de le faire souffrir pour obtenir des informations, quitte à se mettre elle-même en danger.
Était-ce une surprise que son père lui refuse un tel destin? Certainement que non. Si on pouvait accorder une qualité à Kasprzak Senior, c'était bien sa loyauté envers sa famille, de sang ou non. Il était un homme de paroles et ce n'était jamais des mots en l'air lorsqu'il jurait protéger au maximum les siens. Rachel n'avait pas l'habitude de voir son père dans cet état, c'était aussi attristant qu'inquiétant. « C'est d'accord. » S'il voulait qu'elle se retire en cas de danger trop grand, serait-il capable d'en faire de même ou oublierait-il la raison pour sauver la vie de son fils quitte à risquer la sienne? L'ébène le savait au bord du gouffre mais si entre eux les mots n'étaient pas dit, ils savaient instinctivement qu'ils veillaient les uns sur les autres et ça concernait tout aussi bien Tadeusz pour ses enfants que la réciproque. A choisir entre les informations concernant Jacek et son père, pour sûr qu'elle choisirait son père parce que lui n'était pas qu'une promesse. Il était bien là, de chair et de sang, concret et il était hors de question pour elle de le perdre. La trentaine dépassée, elle n'avait pas honte de dire qu'elle avait encore besoin de lui.
Bientôt, après avoir pris cinq minutes pour abandonner sa combinaison de moto et son uniforme de médecin afin de se changer, elle rejoignait son père dans son véhicule, grimpant du côté passager. Elle n'avait pas besoin de lui demander s'il avait retenu l'adresse, c'était évident que oui. Attachant sa ceinture de sécurité, elle replaçait un étui de cuir accroché à un passant de son jean pour ne pas être gênée. C'était sans surprise qu'elle avait pris ses couteaux avec elle. Dans la voiture, le silence était d'or, seul une station scandant les informations en continue se faisait entendre. Quand ils approchaient enfin du quartier et plus précisément de l'immeuble, elle mettait en sourdine la radio, fermant les yeux à la recherche de calme et de concentration. Capable de détecter le moindre mutant sur une distance de trois cent mètres, elle profitait de son don pour appréhender ce qui les attendait au troisième étage, à l'appartement 23. Soucieuse de ne pas se tromper, elle fronçait un peu le nez, sentant une mutation là où ils devaient aller. C'était impossible. Quand ils étaient venu chercher Jacek, Rachel n'avait pas su lui venir en aide parce qu'aucun d'eux n'étaient mutants ou optimisés. « Tatcher est humain mais il a de la visite ou un colocataire. » Plus la voiture approchait de l'immeuble, plus elle réduisait son cercle d'action pour mieux se concentrer sur lui. « Classe 2, c'est un téléporteur. » A cette constatation, elle avait du mal à avaler sa salive. Si ce type se téléportait avec Tatcher ou profitait de son don pour blesser l'un d'eux, c'était terminé. « On doit s'occuper de lui en premier. » Le tuer? Peut-être pas. Le neutraliser en tout cas, c'était certain.
« C'est d'accord, » dit-elle enfin et Tadeusz relâche le souffle qu’il ignorait retenir jusqu’à présent. Un mince sourire se dessine sur ses lèvres et il se penche vers Rachel, pour déposer un baiser sur son front. Il s’attarde un peu, son nez enfoui dans la naissance des cheveux de sa fille, la gorge nouée. Il a besoin de ce contact. Ses enfants sont habitués, depuis qu’ils sont tout petits, Tadeusz a souvent ce besoin de toucher la peau chaude de leur joue, de s’enivrer de leur odeur, de caresser leurs cheveux. Après la naissance de George, combien de fois s’est-il levé dans la nuit, pour s’asseoir à côté de son berceau et regarder sa poitrine se soulever et s’abaisser régulièrement ? Il ne compte plus le nombre de fois qu’il s’est réveillé en sursaut, trempé de sueur, après avoir rêvé qu’il était entouré des corps froids et pâles de ses enfants, de tous les enfants dont il a jeté le corps dans les flammes. A chaque fois, Tadeusz s’est retrouvé dans la chambre de Rachel et Jacek, pour vérifier que leur peau était chaude, que leurs joues avaient des couleurs, qu’ils sentaient le savon du bain qu’ils avaient pris avant d’aller au lit, et pas la mort et les chairs en putréfaction. Lorsque Rachel pleurait une bonne partie de la nuit à cause de ses gencives douloureuses, c’était lui qui se levait pour s’occuper d’elle. Pas tant pour économiser l’énergie de sa femme épuisée que pour des raisons beaucoup plus égoïstes. Il adorait la tenir contre lui jusqu’à ce qu’elle finisse par s’endormir. Combien de fois Jane l’avait-elle trouvé endormi dans un fauteuil, un de ses enfants lové contre lui ?
Aujourd’hui, ils sont adultes, bien trop grands pour ces choses-là, mais ça ne les dispense pas des occasionnelles étreintes et baisers qu’il a besoin de leur donner, pour se souvenir qu’ils sont bien là, vivants, en bonne santé. Lorsqu’il libère enfin Rachel, la fatigue a laissé place à la détermination sur ses traits. Les lèvres pincées, Tadeusz hoche la tête et tandis que sa fille part se changer, il rajuste sa cravate et sort de son bureau pour se diriger vers le vaste garage où ils entreposent les véhicules. Rachel ne met pas longtemps à le rejoindre et une fois qu’elle est installée, sa ceinture bouclée, ils prennent la route dans un silence confortable, seulement interrompu par la radio qu’il n’écoute même pas. Il sait où il va, bien sûr qu’il a retenu l’adresse, il ne pense plus qu’à ce qu’il fera subir à Tatcher s’il ne parle pas assez rapidement à son goût. Lorsqu’ils arrivent enfin devant l’immeuble, Rachel baisse le volume de la radio. « Tatcher est humain mais il a de la visite ou un colocataire. » Il s’approche un peu plus et se gare souplement avant de couper le moteur. « Classe 2, c'est un téléporteur. » Pratique, surtout pour s’enfuir. S’attend-il à avoir de la visite ? « On doit s'occuper de lui en premier. » Tadeusz hoche la tête, il est plus que d’accord avec ce plan. Il déboucle sa ceinture et sort de la voiture, vite suivi par Rachel.
Ils n’ont aucun mal à pénétrer dans l’immeuble qui n’est pas plus sécurisé que ça, un simple digicode et la technique est simple : appuyer sur toutes les sonnettes, exceptée celle de Tatcher, et attendre que quelqu’un ouvre sans prendre la peine de savoir de qui il s’agit, il y a toujours quelqu’un pour manquer de vigilance. Lorsqu’ils arrivent à l’étage où l’homme habite, Tadeusz se fige parce qu’il peut très clairement sentir toutes les formes de vie qui habitent l’immeuble. C’est Rachel qui amplifie son pouvoir. Il n’a rien eu besoin de dire, parce qu’elle sait parfaitement quoi faire, toujours. Il pourrait probablement esquisser un sourire fier, s’il n’était pas aussi concentré. Tadeusz inspire profondément et se concentre sur les deux êtres dans l’appartement qui les intéresse. Il ne tarde pas à repérer le mutant, son flux vital a une saveur différente. Alors il l’aspire, lentement, avec suffisamment de discrétion pour que le Téléporteur n’éprouve qu’une légère sensation de fatigue, alors que Kasprzak lui vole son don.
Une fois qu’il a ce qu’il veut, Tadeusz tend la main à Rachel, qui s’en empare sans poser de questions et ils disparaissent du couloir, pour apparaître dans l’appartement, juste à côté du Téléporteur tranquillement installé devant la télévision. Le mutant écarquille les yeux et n’a pas le temps de réagir que déjà, Tadeusz le frappe durement à la tempe pour l’étourdir, avant de refermer sa main autour de sa gorge et de déchaîner son pouvoir. Il pâlit, ouvre la bouche dans un cri étouffé, ses yeux se révulsent et bien vite, il se met à convulser au bout du bras de Tadeusz. Du coin de l’œil, il voit Tatcher qui se lève à son tour et tend une main vers l’arme qu’il a à sa ceinture. Rachel s’occupe de son cas, l’empêche de s’en saisir, alors il pousse un peu son pouvoir et fait en sorte que l’agent de l’HYDRA soit brusquement trop fatigué pour tenir debout, ce qui permet à sa fille de glisser sa lame sous sa gorge. Le mutant tressaille une dernière fois et Tadeusz le relâche. Le corps touche le sol dans un bruit sourd et Decay soupire, se frotte la main sur son pantalon et se tourne vers Tatcher et Rachel.
Un sourire aimable se dessine sur ses lèvres. « Bonsoir, Nikolaus, » dit-il calmement. L’homme darde un regard paniqué sur Tadeusz, puis sur Rachel qu’il semble brusquement reconnaître. « Ah, parfait, je n’ai pas besoin de vous expliquer pourquoi nous sommes là ! » Il s’approche, plonge son regard dans celui de Tatcher. « Où. Est. Il ? » détache-t-il d’un ton glacial, comme si l’agent était demeuré.
Et il l’est probablement, après tout, il s’en est pris aux mauvaises personnes.
Dans le véhicule, Rachel repensait à ce geste simple et rempli de tendresse de la part de son père juste avant de partir. Une étreinte pleine de chaleur mais qui, ces temps-ci, avait tendance à l'attrister plus que la réconforter. Elle laissait pourtant son père le faire parce qu'elle savait qu'il en avait besoin, que la présence réelle de sa fille était probablement ce qui le maintenait encore debout et retenait sa plus profonde des colères. De son côté, elle avait du mal à trouver du positif là-dedans parce que ça lui rappelait trop ce moment où ils avaient récupéré Jacek quand le SHIELD avait tenté de faire de sa vie la leur. Elle se souvenait de ce soulagement, de ce poids qui tombait à en faire couler quelques larmes, elle se souvenait de cette étreinte sur le canapé justement et du remerciement de son père destiné à elle-ne-savait-qui pour avoir sauvé son fils, pour l'avoir retrouvé encore en vie. Une étreinte qu'elle voulait retrouver, la seule probablement qui pourrait vraiment la réconforter et l'apaiser. Les élans de tendresse de son père ne suffisaient plus, elle avait besoin de plus, besoin de cette certitude que son frère pourrait de nouveau faire partie des moments suspendus dans le temps. C'est cette tristesse de ne plus l'avoir avec eux qui se transformait autant en colère qu'en détermination pour le retrouver et punir les coupables.
De quoi la faire agir sans que Tadeusz n'est besoin de lui dire. Instinctivement, et pour désarmer le téléporteur, elle avait augmenté le don de son père sans en prendre le contrôle pour autant. A vrai dire, elle était trop concentrée pour le faire de toute façon. Son père était bien plus puissant qu'elle et elle était trop focalisée pour n'augmenter que son don et pas celui d'un autre mutant par inadvertance - et surtout pas celui du téléporteur, ça serait con quand même. Son pouvoir ainsi poussé à son maximum, il ne fallait que quelques secondes à l'homme pour s'emparer de la vie et du pouvoir du téléporteur avant d'entraîner sa fille dans l'appartement. Alors que Tadeusz s'occupait du mutant, Rachel lançait avec une précision déconcertante un couteau sur l'agent de l'HYDRA. La douleur de la lame s'enfonçant dans sa main l'empêchait de la refermer sur son arme à sa ceinture. Un court instant qui permettait à son père de le fatiguer brusquement pour que Rachel se glisse derrière l'agent. « Ça, c'est à moi. » lançait-elle en récupérant sa lame de sa main rougie par le sang qui se mettait à couler à même le sol. Son instinct de protection la poussait également à le désarmer, attrapant l'arme à sa ceinture pour mieux la lancer entre les mains de son père - même s'il n'allait sûrement pas en avoir besoin - et le forçant ensuite à se mettre à genoux en tapant là où ça faisait mal - autant dire qu'elle lui avait déboîté un genou. Ce n'était pas qu'il était dangereux debout mais étant plutôt naine dans son genre, c'était plus pratique pour la brune pour le maintenir ainsi.
Rachel ne pipait pas un mot, laissant son père prendre la parole. L'expert en chasse et pour faire craquer les petits merdeux comme Nikolaus, c'était lui, pas elle. En revanche, elle ne se gênait pas pour servir un sourire hypocrite à l'abruti dès lors qu'il posait le regard sur elle. Le centenaire ne tournait pas autour du pot, jamais. Il était toujours direct et ce n'était pas ce soir que ça allait changer. Sans attendre, il demandait à Tatcher où se trouvait son fils. Sans vraiment de surprise, l'agent se faisait aussi silencieux que Rachel. Une Rachel qui perdait aisément patience quand il s'agissait de son frère et qui, par conséquent, ne se faisait pas prier pour entamer la peau fine de détenu. En tant que neurochirurgienne, il était aisé pour elle de savoir où viser pour que ça fasse mal et surtout, où couper pour qu'il se vide de son sang et forcément, c'est vers la jugulaire que sa lame s'en allait avec lenteur, le menaçant. « Tuez-moi, je ne dirais rien! » marmonnait-il, exténué par le tour de passe-passe de Tadeusz, avant de tenter vainement de cracher à la figure du brun. Un court rire nasal et sarcastique se faisait entendre de Rachel. « On ne tuera pas... pas avant d'avoir des réponses en tout cas. »
Relevant son regard vers son père, elle feintait la mine de jeune fille innocente alors qu'elle n'était poussée que par sa colère. Elle savait que son père avait hérité du don du téléporteur pour quelques instants et c'était en plaquant bien sa main à plat - pour éviter de se faire mordre - sur la bouche de l'agent pour étouffer ses cris qu'elle suggérait une idée relativement sadique à son père. « Je propose que tu envoies quelques doigts au fin fond d'une décharge pour commencer. » Le torturer était sûrement le seul moyen qu'ils avaient pour qu'il parle et si Rachel n'était pas spécialement friande de cette technique, il était aisé de lire de son regard que c'est son héritage de haine qui coulait dans ses veines qui parlait pour elle, que c'était les discours d'Isaak qui tournaient en boucle dans son esprit et qui la poussait à la faire agir ainsi. Quand il s'agissait de sa famille, d'autant plus de sang, elle devenait incontrôlable et c'était souvent les pires moyens pour arriver à ses fins qui lui traversaient l'esprit. Elle n'était plus elle-même, elle le savait, Tadeusz le savait mais dorénavant, la résonner, c'était peine perdue. Elle préférait porter la culpabilité de possiblement tuer un homme en mettant à exécution des menaces plutôt de ne pas donner son maximum pour sauver son frère. C'était Jacek avant tout, avant elle-même. Point final.