« Monsieur Jones, bonjour. Je suis Eliza Jaëger, je suis… j’étais dans l’équipe Foxtrot et j’ai demandé à vous voir. » Il prend la main qu'elle lui tend avec un grand plaisir. JJJ — monsieur Jones —, c'est quelqu'un qui fait tout avec un grand plaisir, parce que c'est, fondamentalement, un optimiste. Il serre sa main, la secoue trois fois d'un mouvement sec et sûr de lui, avant de lui faire signe d'entrer dans son bureau après l'avoir déverrouillé de son pass. “ Mademoiselle Jaëger, oui, bien entendu, c'est un plaisir de vous rencontrer, entrez, je vous en prie. Vous aimez le café? ” Il lui emboîte le pas, lui fait signe de s'asseoir sur la chaise en face du bureau et retire sa veste qu'il dépose sur le dossier de son fauteuil. L'endroit est propre, mais pas très bien rangé: il y a des dizaines et des dizaines de dossiers posés un peu partout, sur le bureau, les étagères, le rebord de la fenêtre, le sol même, à croire que JJJ ait voulu consulter tous les dossiers du SHIELD en prenant ses fonctions. Aussitôt qu'elle est assise et qu'il s'est retroussé les manches, il s'agite dans la pièce, sans cesser de parler, pour aller préparer deux généreuses tasses de café (sans demander à mademoiselle Jaëger sa préférence, mais il la connait déjà) à sa machine qui a dû coûter une fortune. Si il y a bien une chose dont le nouvel employé du SHIELD ne se prive pas, c'est le luxe apparemment, comme le crie l'imposante montre à son poignet, les lunettes de designer posées sur son nez et les millions de détails sur son bureau. Pendant qu'il fait le café et parle, il ne regarde pas Eliza. Jamais. “ Vous me pardonnerez, mais je crains que j'en sache plus sur vous que vous n'en sachiez sur moi, mademoiselle Jaëger. J'ai lu votre dossier quand j'ai reçu votre note. Et quel dossier...! ” Il y a une sincère surprise plaisante dans sa voix. “ Votre don est tout bonnement fascinant, les évaluations de vos supérieurs intrigantes. Vous savez, c'est bien compliqué de se retrouver ici, dans ce nouvel environnement, sans connaître personne. J'ai l'impression d'être un peu perdu (à ces mots, il a un sourire d'excuses sur les lèvres) tout comme je n'ignore pas que les nouvelles régulations du SHIELD ne plaisent pas à tout le monde. Et je comprends ce sentiment, oui, vraiment, je le comprends. ” Les tasses prêtes, il les ramène au bureau, en pose une devant Eliza et vient s'installer sur le fauteuil de l'autre côté de la table pour la regarder, enfin. Il est nerveux, c'est le genre de personne qui ne regarde pas dans les yeux, mais sur l'épaule, sur le front, au-dessus du crâne; bref, le genre de personne pas du tout agréable avec qui avoir un face-à-face. “ C'est venu à mon attention que vous étiez en mission profonde d'infiltration au sein de l'HYDRA ces derniers mois et que votre supérieur là-bas vous a... démasquée, si je puis dire. ” Il a un sourire un peu piteux. “ Est-ce que tout va bien? Est-ce que vous estimez que vous êtes en danger là-bas? Vous savez, les missions comme ça peuvent devenir très dangereuses, et HYDRA est une organisation particulièrement malveillante, ce ne serait pas vu comme de la faiblesse pour vous de mettre un terme à cette mission. La sécurité des agents est, à mes yeux, le plus important. ” Il sirote une gorgée de café en attendant sa réponse.

« Oui en effet, je suis en infiltration à HYDRA et oui… j’ai été repérée là-bas. Je suis venue vous voir parce que vu que le SHIELD change de juridiction, mon ancien chef d’équipe m’a conseillée de venir vous voir pour aviser avec vous de la suite des événements. » Monsieur Jones hoche sévèrement la tête avec un petit sourire, apparemment content qu'elle soit venue le voir. Il aime bien être en contact avec les gens qui sont sous ses ordres. Il aime surtout avec du pouvoir sur les autres, bien entendu, mais ça ne veut pas dire qu'il traite les autres irrespect, loin de là. « Je ne me sens pas en danger pour autant. Il s’amuse plus de la situation que moi, c’est certain, mais je suis entrainée. Je peux toujours le maîtriser si jamais il tente quelque chose. » Il y a comme un tic sur le visage de Monsieur Jones avant qu'il ne disparaisse dans sa tasse de café dont il avale une gorgée trop chaude qui lui brûle le fond de la gorge. Il passe pensivement sa langue brûlée sur son palais, se concentrant sur la douleur plutôt que sur autre chose. Son visage est toujours figé dans une expression sereine, avec un sourire distrait. Mais ses yeux sont d'acier, plantés sur l'épaule de Mademoiselle Jaëger. « Je souhaite rester dans la nouvelle équipe qui infiltre HYDRA. » Il arque un sourcil plaisamment surpris. « J’ai peur que si on me change d’équipe, mon… supérieur à HYDRA le prenne assez mal et tente quelque chose d’une manière ou d’une autre. Il y a d’autres agents là-bas et j’aimerai éviter qu’il déclenche une émeute dans la base. » Ce serait effectivement plutôt embêtant. « Alors voilà la situation. Je voulais voir ce que vous en pensez du coup. » Jones se permet de réfléchir, reposant sa tasse de café sur son bureau et y posant ses coudes, ses doigts se nouant et son menton se reposant sur cet entrelacs de phalanges. Il réfléchit intensément, semble-t-il, ses yeux passant de l'épaule de Jaëger à un point au-dessus de sa tête, à son front, à quelque chose d'entièrement différent. Finalement, il se fige sur sa bouche. Ils se tiennent suffisamment près pour qu'elle voit effectivement ce qu'il regarde, qu'elle le sente du moins. “ George Boers — c'est son nom, n'est-ce pas? J'ai lu à propos de lui. ” Il soupire lourdement en se laissant aller en arrière. “ Un homme dangereux. Très dangereux. Mademoiselle Jaëger, je ne peux pas vous cacher que je suis... inquiet, je suis inquiet de votre implication dans cette mission. Vous êtes un agent prometteur et efficace et je ne voudrais pas que Boers vous ruine, si vous me permettez de le dire. On raconte les pires choses à propos de cet homme. ” Il grimace légèrement, de mépris et de dégoût aussi. “ Qu'avez-vous appris de lui? Existe-t-il des failles dans leur base? ” Puis il fronce les sourcils. “ J'avoue ne pas comprendre pourquoi vous êtes toujours en vie, pardonnez-moi de vous le dire. Il sait que vous êtes un agent du SHIELD et pourtant il ne vous a pas dénoncée... Est-ce que vous auriez... ” Trouvé un moyen de lui faire garder le silence? Il n'ose pas le dire, bien entendu, le sous-entendu étant un peu... pas du tout professionnel, mais il doit demander. Pour le bien de son agent.