C’était la meilleure réconciliation du monde. Et quelle réconciliation ! Ne vous moquez pas, elle ignorait que se disputer avait un tel avantage. Pouvait-on seulement parler de dispute, d’ailleurs ? Apparemment, ils avaient décidé que oui, vu le résultat. J’vous jure ! Paraît qu’il n’y a rien de mieux que les pardons sur l’oreiller, et elle va plutôt être de l’avis général, là. Elle avait retrouvé Jared après une journée à mourir d’ennui, elle avait toqué à son appartement et.. elle ne se rappelait plus vraiment de la suite. Si, le tee-shirt avait été enlevé avec une taquinerie insolente, un véritable affront lorsqu’elle a soufflé à son oreille que ça ne valait décidément pas le rouge Spider-man. Le reste n’est qu’un flou artistique de rires et d’accidents idiots, de babioles renversées, d’accélérations incontrôlées, de sourires exaltés. Est-ce que c’est cela, être amoureuse ? Elle ne sait pas mais elle aime bien. Elle aime le goût de ses lèvres, elle aime son air joyeux, ses yeux qui brillent. Elle aime quand il joue de ses doigts sur sa peau, et ça c’est bien la première fois, parce qu’elle n’a pas peur de le désintégrer, elle n’a pas peur de le faire fondre. Elle est seulement follement bien. Est-ce que c’est interdit par la loi ? En tous cas le bazar qu’ils mettent devrait l’être. Il y’a encore les boîtes de la nourriture commandée, des canettes, des coussins, tout ce qu’ils n’ont pas pris le temps de ranger. Elle n’a pas vu le temps passer. Elle se souvient de s’être assoupie entre ses bras, d’avoir somnolé en écoutant sa respiration. Elle se souvient la tendresse, tard, quand le bras engourdi du jeune homme l’a fait bouger, quand elle a ouvert un oeil pour l’embrasser. Elle se rappelle avoir accroché ses doigts aux siens pour qu’il ne parte pas, pour qu’il reste encore un peu. Elle croit avoir entendu la tringle menacer son propriétaire s’il s’en allait, et le dit propriétaire protester contre tant de violence. Puis le sommeil a repris le dessus.
Ca toque. C’est répétitif. Elle râle en enfonçant la tête dans l’oreiller, comme si ça pouvait résoudre le problème. Ca n’est ni agressif ni insistant, c’est simplement quelqu’un qui demande à ce qu’on lui ouvre, mais Jazz est dans le brouillard, elle sait à peine où elle se trouve. Ca lui revient assez difficilement, comme on sortirait d’un rêve sans trop savoir s’il a une once de réalité. Elle sort du lit, attrape un tee-shirt Captain America qui lui va clairement trop grand - heureusement Jared ne fait pas du XXL, elle serait embêtée - et passe une main dans sa crinière rousse d’un air endormi. Il faudrait vraiment qu’elle pense à laisser autre chose qu’une petite culotte chez lui, ça lui éviterait d’être perpétuellement vêtue à l’effigie de la moitié des héros de la planète. Oui, que je vous explique : elle ne lui emprunte jamais les vêtements les plus classiques, histoire de ne pas les brûler, histoire de ne pas lui trouver une excuse pour aller bosser habillé en bleu à petites étoiles.
Elle traverse la chambre, passe dans la pièce suivante où elle manque marcher sur des baguettes, qu’elle esquive de justesse. Constat terrible, ils n’ont pas rangé, lui il était en retard, elle lui a dit qu’elle s’en occuperait.. sauf qu’elle ne s’attendait pas à ce qu’on la réveille. Que doit-elle faire ? Elle pense à l’éventualité que ce soit juste son imagination, et on gâche son déni en sonnant. Est-ce que Jared attend un colis ? Le comble du livreur. Elle ignore si elle a le droit d’ouvrir, il ne lui a pas laissé de consignes pour cela. Il ne l’a présentée à aucun de ses amis et elle imagine qu’il n’y tient pas, après tout elle est étrange et ne correspond pas forcément à son style de vie. Le costume rouge posé sur le canapé lui saute aux yeux, elle prend la décision d’aller le mettre dans le placard avant de se diriger vers la porte, qu’elle ouvre finalement.
Alors de un, ça n’est pas un livreur, impossible. De deux, ça n’est pas une ex petite-amie, ça non plus, c’est impossible. Ca n’a pas l’air d’une voisine, vue la taille du sac, et en envisageant l’âge approximatif de la personne, ça n’est pas une pote. La voix, en revanche, est l’indice le plus criard : c’est sa mère. Madame Hemingway était devant la porte, Jazz habillée d’un tee-shirt appartenant à son fils, le capharnaüm ambiant à peine dissimulé par sa silhouette. Mayday, mayday. Réflexe de survit : elle a levé les mains, figeant la madame sans autre forme de procès pour se précipiter vers son téléphone. « Jared. Non, tais-toi, je sais tu bosses mais y’a ta mère. Y’a ta mère devant ta porte, j’te dis. » Il a dû mettre quelques secondes avant de réaliser, le pauvre, et déjà Jazz avait lâché le téléphone pour revenir se poser devant la visiteuse surprise, histoire qu’elle ne se pose pas une question sur sa rapidité de mouvements. « Je.. suis désolée madame mais Jared travaille, ce matin. » Oui, elle devait bien le savoir, qu’il travaillait. Moment gênant +1000.
“Le pire, c’est la vieille de quatre-vingt ans chez qui j’suis allé hier. Pour une livraison, hein, pas pour le plaisir. Elle m’a ouvert, elle était nue. Et quand j’vous dis nue, c’est NUE.” Jared secoue la tête, un sourire moqueur sur les lèvres. Il aurait tellement aimé voir la tête de son collègue. Bon, honnêtement, il n’aurait pas kiffé voir la grand-mère toute nue. Y a des choses que l’on préfère ne jamais voir. La nudité d’une cliente octogénaire en fait partie. Bon, si encore, elle avait soixante ans… non en fait, oubliez. Même là, c’est horrible. “Et quoi ? Elle t’a proposé de t’asseoir sur ses cuisses et de te raconter une histoire ?” Ce qu’il y a de drôle dans leur boulot, c’est qu’ils voient les clients dans leur état naturel. Enfin, certains trichent quand même. Ils sortent le grand jeu pour les accueillir. Maquillage, parfum, bijou, costard, robe de soirée et compagnie. Histoire de montrer qu’ils ont une vie et qu’ils sont importants. L’avantage, c’est que ça fait des anecdotes à raconter. Comme là, ce samedi matin. Qu’est-ce qu’il déteste bosser le samedi matin ! Surtout que la nuit n’a pas été super reposante. La faute de Jazz. Attendez, elle se pointe comme ça. Lui, faible homme, n’a pas pu la repousser ! Ce aurait été malpoli et terriblement pas cool. La pauvre ! Vous imaginez s’il lui disait non ? Elle serait refroidie dans ses envies ! M’enfin, cette nuit restera mémorable. La première où il a vraiment senti qu’elle y trouvait du plaisir. Et la première fois qu'il se réconciliait sur l'oreiller. “Moque-toi, Jared, mais tu feras moins le malin quand ça sera ton tour ! Un jour, tu tomberas sur autre chose qu’une jolie rousse. Je t’en fais la promesse !” Le coursier éclate de rire. Il jette un coup d’oeil derrière lui, quand même. Histoire de vérifier que le patron ne les voit pas discuter. Faut dire que la journée est plutôt tranquille. Les livraisons le samedi matin sont rares. Les gens ne travaillent pas. Ils n’envoient rien par leur biais. A part lors de gros évènements. Cela dit, faudrait pas rire trop fort. Le boss pourrait ne pas apprécier. En même temps, qu’est-ce qu’il veut qu’ils fassent ? Lustrer leur vélo pour qu’ils brillent autant que de l’argenterie ? Il ne le fait déjà pas avec ses couverts Ikéa, c’est pas pour le faire avec son vélo, oh ! “Ouais ben, t’amuses pas à l’embêter. Elle pourrait te le faire payer…” Non mais oh, on touche pas à sa copine ! Et surtout, on ne profite pas des livraisons pour aller la dragouiller dans son appartement. Un peu de décence et de respect ! Okay, c’est pas vraiment ce qu’a fait Jared quand il a découvert que Jazz Duchannes était en fait la femme qu’il avait presque écrasée sous son vélo. Au contraire. Il en a même profité. Cela dit, ce n’est pas une raison ! Et de toute manière, Jazz exploserait l’entre-jambe de son collègue en trois secondes. Y a pas de souci à se faire, au final.
Jared se détourne cinq secondes de son collègue pour sortir son téléphone. Jazzounette apparaît sur l’écran. Il lève l’appareil dans la direction de son collègue, un sourire aux lèvres. “Aaah, excuse-moi, c’est elle justement… j’reviens.” Elle doit sûrement se demander où se trouve sa robe. Une jolie robe, d’ailleurs. Le genre qui la met en valeur. En fait, tout la met en valeur. Comment elle fait ? Lui, quand il porte un costume, il a l’air d’un serveur. Elle, elle est toujours élégante. Elle est où, cette robe ? Si ses souvenirs sont bons, il la lui a retirée dans le salon. C’était juste avant qu’ils ne percutent l’un des murs et qu’ils manquent d’être assommés par un cadre. “Heeeeey…” “Jared. Non, tais-toi, je sais tu bosses mais y’a ta mère. Y’a ta mère devant ta porte, j’te dis.” En prenant ce ton, elle arriverait presque à l’émoustiller, dites donc ! Faudrait qu’elle se la joue institutrice sévère plus souvent. Ca permettrait peut-être de se réconcilier Jared avec les livres. Quoi ? Vous avez déjà vu Jared avec un livre entre les mains ? Pardon, un livre OUVERT entre les mains ? Non. Donc, faut bien lui trouver une motivation. Quoiqu’avec la bonne influence de Jazz, le miracle devrait bientôt se produire. “Ma… mère... ” Le bordel de l’appartement. Jazz. Sa mère. Tout s’additionne pour finir en une catastrophe digne de la fin du monde. Sa chère maman a réussi à le faire trembler pendant des années. Tremblé de peur, évidemment. Ca se voit que vous ne l’avez jamais vue s’énerver. Elle devient plus effrayante que Hulk. Même lui prendrait ses jambes à son cou. Elle reprochait souvent à son fils le désordre de sa chambre. Et c’était une pièce de dix mètres carrés. Vous imaginez dans un appartement de deux pièces ? Surtout après la nuit agitée qu’ils ont eue. Okay, le bordel est l’état naturel de sa maison. Mais là, ça atteint un niveau bien supérieur à d’habitude. Sa mère va en faire une crise cardiaque. Sans compter qu’il ne peut pas laisser Jazz affronter sa mère, toute seule. Non. Quoique, ce serait tentant. Il échapperait au pire. Il les laisserait discuter et il ne viendrait que lorsqu’elles se seraient entretuées ou embrassées. Le bon plan, non ? Sauf qu’il tient trop à sa propre vie. Il pourrait se faire étrangler ou décapiter par l’une comme par l’autre. Hé oh, il n’est pas inconscient, le gamin ! Enfin, pas totalement. “J’arrive. Bouge pas.” Il range son téléphone dans sa poche, prend à peine le temps de faire un signe de la main à son collègue et il sort du bâtiment. Un endroit isolé, sans passants. Vite. Là. Cette ruelle. Il ne l’a jamais trouvée aussi accueillante et chaleureuse. D’habitude, il flipperait à l’idée qu’un voleur soit là, tapis dans l’ombre, à attendre qu’il passe pour le détrousser. Pas aujourd'hui. Il s’y jette presque littéralement. Pour en ressortir aussitôt. Un filet rouge qui trace sa route à travers New-York, jusqu’au quartier de Brooklyn. Il passe à côté de sa mère, non sans avoir remarqué les cernes sous ses yeux. Mauvaise humeur en perspective. Il note également le choix de Jazz. Captain America. Ca ira pour cette fois. Mais attendez, elle ne peut pas accueillir sa mère dans cette tenue. Okay. Ca, c’est une mission pour Super-Jared. Il file dans l’appartement. Les objets, les restes de nourriture et les vêtements sont rangés. Ou plutôt, fourrés sous les meubles. Même Cathor (son chat) a le droit d’être rangé sur son coussin fétiche. Pauvre bête. Il ne va rien comprendre. Jared récupère un de ses propres jeans pour le mettre à Jazz… Okay, elle a l’air ridicule. Mais elle n’a plus les jambes nues qui supposent qu’il y a eu rapport sexuel. Faudrait pas que sa mère pense qu’il n’est plus vierge à vingt-six ans. Non pas qu’elle le pense. Elle est même parfaitement consciente de la régularité de ses relations. Bon. Jazz : fait. Rangement : fait.
Il ne manque plus que… MAIS OUI ! Il redescend les cinq étages de l’immeuble. Il entre dans la boulangerie la plus proche où il se sert lui-même. Croissants. Brioche. Muffins. Il abandonne des billets sur le comptoir de la caisse et il fonce jusqu’à son immeuble. Tout ça, sans tomber. S’il vous plaît ! Ca mérite bien des applaudissements ! Il court jusqu’au quatrième étage avant de reprendre une allure normale. Comprendre qu’il se remet à marcher comme un gars normal. Allez Jared, prépare-toi à jouer la comédie. Joue-moi la plus belle surprise de tous les temps. Vas-y. Inspire. Expire. Entre dans la peau de ton personnage eeeeeet… “Coucou, c’est moiiiiiiii ! OH, MAMAN !” Le comédien. Tellement de sincérité dans son jeu. Tellement d’émotions ! J’en ai des frissons. pas vous ? Il claque une bise sur la joue de sa mère, avant d’embrasser Jazz. Mais ouais, c’est tout à fait normale que sa mère se pointe un samedi matin. Elle fait ça tous les jours. C’est pas comme si elle vivait à des milliers de kilomètres de New-York. “Tiens, j’ai ramené les croissants.” Sous-entendu : pardon pour cette intrusion impromptue et ne m’en veux pas, s’il te plaîîîît. Il lui fait même un regard de chien battu. Parce qu’il est vicieux. Il aurait bien offert à Jazz un bouquet de fleurs, mais vu l’état du précédent, il évite maintenant. Il lui tend le sac de pâtisseries, avant de se tourner vers sa mère. Courage, bonhomme, t’as survécu à pire. Rappelle-toi ce que tu as traversé pendant les vingt premières années de ta vie. “Tu as bonne mine… mais dis moi, tu n’aurais pas perdu un peu de poids ? Qui aurait cru que manger des pizzas tous les jours te ferait perdre du poids ! A moins que tu n’aies des soucis ?” La main de sa mère vient aplatir les cheveux en pagaille. Elle va bientôt humecter son pouce pour essuyer la trace de chocolat invisible qu’il aurait sur la joue. Une mère poule. Une mère étouffante. Une mère tyrannique. Et il faut que Jazz soit là. Il y a mieux comme modèle d’homme mature et indépendant, non ? Les épaules s’affaissent. Il expulse un soupir en levant les yeux au ciel. “Je vais bien, mamaaaaaaan… Tu ne veux pas entrer ?” Oui, hein. Ils ne vont pas discuter pendant des heures sur le pallier. Sinon, les voisins vont s’incruster. Ils vont y aller de leurs petites anecdotes. Il va avoir la honte de sa vie. Autant devant sa mère que devant Jazz. Alors, on va ramener tout ce petit monde dans son appartement et fermer la porte. La fermer à clé. Pour que personne n'entre ni ne sorte. “Où est le petit Moustache ?” Moustache. Le prénom qu’elle donne au chat de Jared. Parce qu’elle considère que Cathor est un prénom ridicule. Mais par contre, Moustache, ça ne l’est pas. Evidemment. Ils se poussent pour la laisser passer. Manière, c’était soit ça, soit elle les bourrait avec sa valise. On préfère la technique douce. “Tu n’es pas censé travailler ?” Elle jette un regard suspicieux en direction de Jazz. Cette inconnue lui a peut-être menti pour se débarrasser d’elle. Si c’est le cas, Janet Hemingway est prête à lui faire bouffer sa perruque rousse. On ne ment pas à une mère soucieuse du bien-être de son fils ! “Si si, mais le boss m’a filé ma journée, j’ai terminé toutes les livraisons du jour.” Rattrapage in extremis pour expliquer sa présence à l’appartement.
D’ailleurs, faudrait qu’il trouve un moyen de retourner au travail, à un moment donné. Histoire de pas se faire virer. Ce serait une bonne chose, vous ne trouvez pas ? Il place la valise de sa mère dans un coin de son appartement. “Jared Hemingway, tu ne serais pas en train de mentir à ta propre mère ?” Quoi ? Lui ? Mentir ? Han, supposer une telle chose est vexant et blessant ! Il ne ferait jamais une chose pareille. Il file vers la kitchenette qui sent bon le citron. Hé oui, il a pris le temps de la nettoyer dans sa course effrénée pour donner une apparence normale à l’appartement. Lui qui n’aime pas le ménage peut faire des efforts. En cas d’extrême urgence. Question de vie ou de mort. “Nooooon, maman. JAMAIS.” Alors, alors ? On le croit ? On voit l’auréole au-dessus de sa tête ? On le penserait totalement innocent, hein ? Janet plisse les yeux. Elle le connaît, son fils. Elle sait à quoi il ressemble quand il ment. Déjà, il fuit le regard. Ensuite, il prend une voix aiguë. C’est exactement ce qu’il vient de faire. Ca fait longtemps qu’elle a abandonné l’idée de lui apprendre la rigueur. Et puis, elle a confiance en son fils. S’il perd son travail, il en trouvera un autre. Il a toujours su rebondir. Elle pose ses affaires sur le canapé, avant de se tourner vers Jazz. “Bon, tu comptes me présenter à cette jeune femme ? Est-ce que c’est celle qui m’a parlée au téléphone ? Je l’ai trouvée très caractérielle. Elle serait parfaite pour toi, tu sais ? Il faut quelqu’un qui te recadre quand tu pars dans tous les sens.” Il met en route la cafetière. Non pas que sa mère ait besoin de café pour être en forme. Il pense plutôt à Jazz qui, vu sa tête, venait tout juste de se réveiller. Il se place à côté de la jeune femme. Ou derrière, on ne sait pas trop. Est-ce que ce serait pour se cacher de sa mère ? Quoi ? Red Light flippe sa race devant sa mamounette adorée ? Les super-héros ne sont plus ce qu’ils étaient ! “Tu sais qu’elle t’entend, maman ? Et d’abord, je pars jamais dans tous les sens…” Sauf là, tout de suite. Et tous les jours. Sinon, à part ça, il arrive à se concentrer sur un seul sujet. Et puis, ce n’est pas de sa faute si les gens lui inspirent des sujets de conversation ! Il n’y peut rien. Il est victime de son entourage. Au secours ! “M’man, voici Jazz, ma petite-amie. Et Jazz, ma mère. Mais tu l’avais déjà deviné.” En bonne espionne qu’elle est, elle a sûrement déjà reconnu les yeux clairs des Hemingway. Peut-être qu’elle a retrouvé aussi le menton de Jared chez sa mère. Et puis, il y a le comportement. Un comportement qui ne trompe pas. Qui pourrait avoir ce genre de phrases et de gestes pour un inconnu ? Une cougar, peut-être.
“Je suis heureuse d’enfin vous rencontrer. Il m’a beaucoup parlé de vous ! Mais mon dieu, vous êtes jeune ! Vous êtes majeure, au moins ?” Elle est sérieuse ? Janet, t’as oublié tes lunettes de vue ou quoi ? Bien sûr que Jazz n’est pas SI jeune. Elle voit pas, là ? Juste là. Qu’elle se rapproche, si nécessaire ! Oh non, attendez, j’dois avoir une loupe dans ma poche (on ne sait jamais qu’il y ait des messages cachés ici ou là). Y a des rides, là. Siiii. Quand elle plisse le front. Et quand elle fronce, y en a entre ses sourcils. Allez, c’est bien un signe de vieillesse, non ? “Qu’est-ce que vous faites dans la vie, ma belle ?” Jared les abandonne à leur conversation (dieu merci !) pour préparer la table. C’est l’heure du petit-déjeuner, oh ! Et puis, il a une de ces faims… Janet lui jette un coup d’oeil, avant de reporter son attention sur Jazz. Une jolie femme, n’est-ce pas ? Jazz, pas Janet. Enfin, à une époque, la mère de Jared a été belle. Mais la cinquantaine est passée par-là. Les ravages de l’âge ont commencé à affaisser ses traits. Elle conserve un joli sourire, tout de même. Le même sourire qui a fait craquer le père de fils. “Je me trompe où il avait oublié que je devais passer ? Ma visite est programmée depuis des mois. Et à chaque fois, il oublie ! Il ne vous l’avait même pas dit, je suppose ?” Et vas-y que je le fais passer pour un gamin indigne. Jared, un enfant indigne ? Quoi ?! Une attaque infondée ! Elle a oublié les colliers de nouilles et les dessins, pardon les gribouillis, offerts ? Et les bisous plein de chocolat ? Et les décorations gratuites réalisées sur sa tapisserie toute neuve ? Elle a oublié, tout ça ! Les ravages de la vieillesse, encore et toujours. Qu’elle fasse attention, Jared pourrait bientôt la foutre en maison de retraite.
Vous savez, c’est terrible. C’est terrible de rencontrer une mère quand on en a pas. C’est terrible quand personne ne vous a enseigné comment se comporter avec une ‘belle-mère’. Elle a bien vaguement pressenti l’éclair rouge, la rapidité extrême de Jared à laquelle elle s’était habituée. Pour preuve leur drôle de nuit de réconciliation où, parfois, le mur était rencontré plus vite que prévu - et ça la faisait rire. Son petit-ami était un speedster et, croyez-moi, elle y trouvait des avantages. Il faisait tout plus vite, il terminait les choses pénibles beaucoup plus rapidement. Et il était tout à elle beaucoup plus tôt. Le fanboy avait un super pouvoir. Le gamin rêveur réalisait son rêve. Et quand il filait, flèche rougeoyante, il y avait toujours cette drôle de lueur dans le regard de Jazz, une tendresse, une espèce de joie à le savoir heureux et capable de faire ce qu’il n’espérait plus. Certes, il a choisi de lui enfiler un de ses jeans, ce qui n’était le choix le plus judicieux, mais il a réfléchi, il a rangé. Le courant d’air a soulevé la tignasse rousse, indiquant que quelque chose se passait. Elle avait fini par prendre conscience de ses mouvements, même si elle ne pouvait pas les suivre, même si elle ne le percevait qu’à la première friction et qu’elle ne le réalisait qu’à la dernière. C’était étrange. Elle sentait le violent déplacement des molécules, elle avait la sensation parfois d’être présente derrière lui, chaque fois qu’il faisait vibrer le monde alentours. C’était ça, il perturbait la vitesse de friction et c’était comme si elle ressentait un coeur s’accélérer, comme si elle était propulsée dans cette pièce, comme si son esprit se déployait vers chaque objet. Ca la laissait parfois perplexe, puis ça cessait, comme ça, sans qu’elle ne se l’explique. La société commençait à intégrer des mesures drastiques tandis qu’eux vivaient une vie quasiment normale faite de jobs et de belle-mères. Il a arrêté de bouger et ça n’est qu’à cette instant qu’elle a perçu le battement loupé de son propre myocarde. Mal de tête. « Coucou, c’est moiiiiiiii ! OH, MAMAN ! » Le baiser lui a été utile. Elle a focalisé sur le goût de ses lèvres, elle s’est rattrapée à ses épaules. Quelque chose clochait. Quelque chose n’allait pas. Et si elle était malade ? Est-ce que son optimisation n’avait finalement pas un défaut ? Inspiration, expiration. Il lui parle de pâtisseries, ça lui donne la nausée. Elle ne lui en veut même pas pour sa tête de chien battu parce qu’il est son sauveur, parce qu’il ne l’a pas laissée seule avec madame Hemingway, parce qu’il a rangé - elle n’a pas regardé mais elle est certaine que la tornade ressentie, c’était Jared faisant le ménage. « Je t’ai déjà dit que tu es parfait ? » Hé, il lui ramène des croissants le matin, déjà tous les mecs le font pas. C’est un bon point. Et puis, il est son Red Light, ça fait de lui son héros.. même si leur relation commençait à devenir bizarre. Quoi, vous savez pas ? Jazz était en couple avec Jared, et Red Light était apparemment accroché à Sparks, c’était comme avoir une double relation avec le même homme. Sans oublier The Mole qui échangeait des taquineries avec une autre Sparks, sans ‘Light’ additionnel à son pseudo. Franchement, Sparkslight, ça supposait bien un espèce de mariage sous-entendu, non ? C’est ce qu’elle avait lu dans des commentaires. Qu’est-ce qu’elle avait ri ! Finalement, les réseaux sociaux sous une autre identité, ça devenait amusant. Ils avaient une complicité incompréhensible pour le reste du monde, désormais. « Qui aurait cru que manger des pizzas tous les jours te ferait perdre du poids ! A moins que tu n’aies des soucis ? » Alors déjà, des fois, Jazz fait la cuisine, donc il ne mange pas non plus que des pizzas. Le souci ? Quand on cuisine pour un speedster, on cuisine pour dix personnes. C’est compliqué, et l’explosive demoiselle n’est pas un grand chef. Vous vous rendez compte ? Il l’oblige à chercher des recettes sur le net ! Elle est pas trop mauvaise à ce jeu-là.
C’est qui Moustache ? Oui, il faut vous imaginer ça aussi : vous êtes un chat, une inconnue débarque. Si vous êtes un chat plutôt sociable, vous allez dire bonjour en vous frottant aux jambes de la nouvelles arrivante. Bon, maintenant vous êtes un chat tranquille, installé sur son coussin et, d’un coup, vous êtes réveillé par un affreux bruit d’explosion. Si vous êtes pas trop con, vous vous planquez sous un meuble et vous en sortez plus. Voilà. Bah Cathor est pas trop con, donc Jazz ne l’a jamais vu. C’est peut-être le bordel chez Jared mais la litière est bien rangée, ça a fait angle mort pour la demoiselle, elle n’a pas trop cuisiné chez le jeune homme donc elle n’a pas vu la gamelle. Du coup, Moustache, elle connait pas. Et la dame elle en parle comme d’un petit fils. « Jared.. c’est quoi, ça, Moustache.. ? » Elle peut poser la question. Elle doit la poser. Elle n’a pas beaucoup dormi ici, si c’est un iguane, un lézard, un rat ou une mygale, elle se casse DE SUITE. Yeurk. Rien que d’imaginer, elle en a des frissons d’horreur.
« Bon, tu comptes me présenter à cette jeune femme ? Est-ce que c’est celle qui m’a parlée au téléphone ? Je l’ai trouvée très caractérielle. » Froncement de sourcils. Jazz préférait quand la dame demandait à Jared s’il mentait, ça la laissait tranquille dans son coin en simple observatrice, sans besoin de communiquer. Elle avait eu assez d’émotions la première fois, au téléphone. Jazz ne gérait pas bien la vie en couple. Elle commençait tout juste à être à l’aise entre les bras de son petit-ami qu’elle rencontrait déjà sa mère. Dites, on peut pas remonter le temps ? Revenir à cette nuit, confortablement endormie contre le speedster ? Elle manque de sommeil. Après le S.h.i.e.l.d qui part en pistache totale et la force à revoir ses plans de carrière, il fallait qu’elle affronte ça alors qu’elle voulait juste dormir. Dormir, oublier ses problèmes, rester lovée contre le coussin de Jaja. Fuh. Elle avait même pas eu le temps de parler de tout ça avec lui. Elle avait voulu se réconcilier suite à son ultime journée d’ennui, de pénibilité, de révolte intérieure. Ca avait motivé son lâcher-prise, vous me direz. Et il savait s’y prendre, le bonhomme ! « M’man, voici Jazz, ma petite-amie. Et Jazz, ma mère. Mais tu l’avais déjà deviné. » Super. Il est à coté-derrière elle, et il la présente alors qu’elle est pas vraiment à son avantage. « Je suis désolée pour la tenue, madame. Jared a renversé son café sur ma robe hier soir et je me suis endormie habillée de ses vêtements.. ça se voit, c’est trop grand. Ta maladresse irrécupérable, mon chéri ! » Le pire ? C’est une excellente menteuse. Pas avec Jared, parce qu’à lui elle n’a jamais vraiment su mentir. Il lui plaisait, il l’intimidait, il la faisait rougir. Là, à Janet, c’est facile. Naturel déconcertant. On y croit volontiers, qu’il a ruiné sa jolie robe, le garnement. On dira pas qu’il la lui a simplement enlevée et qu’elle doit pas être loin. « Mais mon dieu, vous êtes jeune ! Vous êtes majeure, au moins ? » Uh. Alors ça, elle ne s’y attendait pas. Elle a lancé un regard à Jared qui disait, en substance : ’T’as eu que des trentenaires ou quoi ?’.
« J’ai vingt-trois ans, madame. » C’est important. Mais c’est vrai qu’elle a l’air jeune, surtout dans cette tenue inappropriée, trop large, ni féminine ni sérieuse. Ce qu’elle fait dans la vie ? Merde, la question piège ! Elle a pas eu le temps de dire à son chéri d’amour qu’elle n’était plus une super espionne d’une super agence gouvernementale. En fait elle préférait ne pas penser à cette discrimination. Elle allait se mettre à la recherche d’un emploi plus normal, même si ça lui brisait son petit coeur d’avoir perdu trois années de sa vie pour rien. Trois ans d’entrainements intensifs, d’apprentissages divers, de compétences folles, de maniements des armes pour devenir une citoyenne lambda, sans ambition. Wow. La chute était douloureuse. Elle ne pouvait même plus faire ce qui était jusque là sa vocation : aider les jeunes mutants en détresse. Faudrait laisser ça à l’horrible copine de Bobby. Pauvres gosses. « Je suis étudiante en arts à Columbia. Et j’envisage d’écrire quelques articles pour des journaux, de temps en temps. » Ca semble plutôt honnête. Ses parents vivants, elle aurait peut-être vraiment été étudiante en arts et elle aurait eu une vie merveilleusement mondaine. La classe, quoi. « Quant à la visite.. non, il ne m’a pas informée.. sinon j’aurais prévu d’être présentable. Vous m’excusez quelques minutes ? » Elle la voit. Elle voit sa robe bleue. Elle est fourrée dans un placard et la manche dépasse. Elle s’éclipse calmement et disparaît dans la chambre. De là, elle fige le salon.Voilà. La robe récupérée, sans taches - ô miracle, merci Jared - qu’elle peut enfiler tandis que les deux autres protagonistes reprennent du mouvements. Il doit s’en rendre compte, maintenant, lui aussi.. quand il se débloque. Ca doit être méga bizarre. La robe mise, les escarpins noirs aussi, les cheveux coiffés, elle réapparaît. « J’avais complètement oublié que j’avais laissé ça ici, pour les cas d’urgence ! T’es adorable de l’avoir mise dans ton armoire. » Ouh que c’est mignon ! Que c’est choupinet ! Un peu plus et le pantalon glissait, c’aurait été AFFREUSEMENT embarrassant. Note à elle-même : vraiment laisser des fringues chez Red Light.
Hey, les gars, vous avez entendu ? Enfin, lu ? Il est parfait. Hé ouais ! Soyez pas jaloux. Il est prêt à vous donner des conseils. C’est parti pour un nouveau cours du professeur Hemingway ! Sortez les crayons et les cahiers. Prenez des notes. La leçon va être rapide et intensive. Alors, 1/ On fonce sur une jeune femme. Pas n’importe laquelle. On fait quand même attention à ce qu’elle n’ait pas soixante ans de plus que vous. Et on veille à ce qu’elle soit bien majeure. Si vous avez un doute, volez-lui ses papiers avant de la bousculer. Hm, quoi ? Roooh, ce n’est rien de voler quand c’est juste pour vérifier l’âge, voyons ! Et après, vous lui rendez sa carte d’identité, évidemment. Sinon, vous foirez toutes vos chances. Et aussi parce qu’elle sera triste et que vous lui éviterez des heures d’attente pour refaire sa carte. Bref, où en étions-nous ? 2/ On s’excuse pour l’incident et on lui fait les yeux de chiens battus. Ou de Chat Potté. Ou de cocker. Comme vous préférez. Mais faut l’apitoyer. Faut que son petit coeur se pince. Entraînez-vous devant la glace avant. Sinon, vous pourriez rapidement ressembler à un mec qui fait un AVC. Ce n'est pas le but recherché, on est d'accord. Si elle se casse, ce n’est pas grave. Ca nous emmène au prochain point. 3/ On devient coursier et on lui livre un colis de 5 kg. (Ouais, le carton que Jared avait ramené pesait teeeeellement lourd !). 4/ On insiste. Encore et encore. Attention à ne pas tomber dans le harcèlement. Vous vous occupez juste des livraisons qui sont pour elle. Vous n’allez pas la voir en dehors. Faut savoir se faire désirer, les gars ! Et surtout, ne pas trop être insistant. Sinon, elle demande une injonction d’éloignement et vous êtes dans la merde. Si ça arrive, c’est que vous avez un gros souci mental. Allez consulter ! 5/ On fait tous les cafés de New-York, à toutes les heures possibles, pour tomber sur elle. Quand (ENFIN) on tombe sur elle, on lui paye un café sans même le lui demander. 6/ On la fait rire, on la fait sourire, on insiste une dernière fois. Et vous avez fait tout le travail ! C’est fini. Ca vous rend parfait. Ah oui, si, deux dernières étapes : faites le ménage en trois secondes et n’oubliez pas les croissants. C’est donné à tout le monde, non ? “Jared.. c’est quoi, ça, Moustache.. ?” Il s’arrête pour la dévisager. Elle se fiche de lui ou quoi ? M’enfin, c’est son chat ! Comment elle a pu ne jamais le voir ? Bon okay, Cathor est assez peureux dans le genre. Et il est plutôt du style à sauver ses fesses, avant de s’inquiéter pour son maitre (raison pour laquelle il se planque dès qu’il capte l’odeur de Jazz, d’ailleurs) (Cathor, pas Jared). Il s’approche de son oreille pour murmurer sa réponse. “C’est mon chat.” Un chat super mignon, en plus ! Tout tigré, avec des poils mi-longs. Bon, il est mignon en photo. Sinon, il a un caractère pourri (digne d’Hulk, paraitrait). Sans compter tous les poils qu’il perd ! Je vous jure, ce chat aura la peau de Jared. D’ailleurs, il le soupçonne de vouloir renverser la hiérarchie de l’appartement. Cathor le maître et Jared l’animal de compagnie. Non pardon, l’esclave. Le gars le surprend des fois, à l’observer avec ses yeux fourbes. Il leur arrive même de faire des duels de regards qui peuvent durer plusieurs minutes. J’vous jure ! On dirait que Cathor veut marquer son territoire. Heureusement que Jazz lui fait peur, sinon il l’aurait déjà monopolisée depuis longtemps.
“Je suis désolée pour la tenue, madame. Jared a renversé son café sur ma robe hier soir et je me suis endormie habillée de ses vêtements.. ça se voit, c’est trop grand. Ta maladresse irrécupérable, mon chéri !” MAIS DIS PAS CA ! Il a promis à sa mère qu’il arrêtait de renverser du café brûlant sur les jeunes femmes qu’il invitait ! Pour une fois qu’il n’a rien fait, en plus ! Il lui sauve les fesses avec un jean et elle, elle le défonce devant sa mère. C’est complètement cruel ! Déloyal ! Méchant ! Janet se tourne vers son fils pour mieux le fusiller du regard. “Quoi ?! JARED !” Regardez ! Elle va le tuer sur place. Elle va lui baisser le pantalon pour lui foutre une claque. Il va encore finir au coin, si Jazz continue. Jared écarte les bras, en signe d’incompréhension. Attendez, il n’y peut rien. Il est innocent sur ce coup. Et puis, d’abord, elle est belle dans ses vêtements. Y a rien de choquant d’avoir le pantalon qui tombe et d’être noyée dans un tee-shirt. C’est tout à fait normal. Si ça se trouve, Janet n'avait rien vu. Pourquoi attirer l’attention dessus ? “J’ai trébuché ! Et d’abord, elle n’est pas brûlée. Hein, tu ne l’es pas ?” Le désespoir, vous l’attendez ? Vous le voyez ? Mais oui, on dirait bien que Jared est désespéré. C’est que le gamin veut montrer une bonne image à sa mère. Il veut montrer qu’il est un petit-ami prévenant et loin d’être maladroit. Ce qui est raté. Merci Jazz. Janet ignore son fils. Il n’y a plus que Jazz qui l’intéresse. Curieuse et protectrice comme pas deux. Les relations qui durent plus que quelques semaines sont rares. Alors dès qu’il y a une femme qui reste plus de deux mois dans la vie de son fils, elle veut tout savoir. Elle veut connaître cette perle rare. Et peut-être même trouver un moyen de l’emprisonner et de la séquestrer à vie. Rien que ça. Quoi ? Jazz est unique, faut pas la laisser filer ! “Je suis navrée pour la maladresse et la mauvaise foi de mon fils. Ne vous laissez pas avoir par son regard, il pourrait vous demander quoi que ce soit avec cette tête !” Jared lève les yeux au ciel. Il préfère s’intéresser au café qui s’écoule plutôt que d’entrer dans le débat. Vous croyez qu’il le fait exprès, d’avoir l’air adorable ? C’est naturel, voyons ! Il est une petite créature attendrissante, il n’a rien demandé. Janet a qu’à s’en prendre à elle-même. Certes, il a une arme qu’il sort à la moindre occasion pour faire flancher son interlocuteur. Faut dire que sa mère l’a forcé à en avoir recourt ! Elle ne lui a pas laissé le choix ! Il s’est contenté de trouver des moyens d’affaiblir le dragon qu’elle est. Et puis, elle ne dirait pas ça si elle croisait le regard de cocker de Jazz ! “J’ai vingt-trois ans, madame.” Elle l’aime bien, cette petite. Bien polie comme il faut. Et bon sang, elle a l’air sérieuse ! Vous imaginez ? Une femme sérieuse dans la vie de Jared. Sérieuse et équilibrée. Et intelligente. Même si elle semble un peu coincée. Faudrait arranger ça. Mais bon, personne n’est parfait. Janet est prête à lui pardonner ce côté de sa personnalité, si Jazz arrive à donner un peu de rigueur à la vie de Jared. “Ooh, je vous en prie, ne m’appelez pas madame ! Janet suffira.” Oui, s’il te plaît. Sinon, la mère va se sentir excessivement vieille, elle va devenir irascible et elle va assommer Jared à coup de rouleau à pâtisserie. Non, il n’en a pas. Mais elle se promène avec un rouleau dans son sac-à-main. Qui a dit que le Nouveau-Mexique était sûr ?
Et puis, son fils vit à Brooklyn. Ce n’est pas le quartier le plus sûr ! Il n’aurait pas pu se trouver un appartement juste à côté d’un commissariat ? Franchement ! Et à côté d’une caserne de pompiers, au cas où il aurait besoin de soins en urgence. “Je suis étudiante en arts à Columbia. Et j’envisage d’écrire quelques articles pour des journaux, de temps en temps.” Merveilleux. Merveilleux. Une jeune femme qui a la tête sur les épaules. Elle ne dépend donc pas de ses parents. Attendez… elle dépend peut-être de Jared ? Il ne faudrait pas qu’elle lui pompe tout son argent ! Enfin, tout le peu d’argent qu’il a. Et après, Janet s’étonnait que son fils ne vienne pas la voir plus tôt. Mais s’il a une petite-amie à entretenir, ce n’est pas surpenant ! “Quant à la visite.. non, il ne m’a pas informée.. sinon j’aurais prévu d’être présentable. Vous m’excusez quelques minutes ?” Elle suit la jeune femme du regard, avant de faire un pas dans la direction de son fils. Elle s’arrête là, le pied suspendu dans les airs. Hey, comme ça, on dirait presque un flamant rose ! Vous ne trouvez pas ? Elle est d’une élégance incomparable, dites-moi ! Bientôt, le pied retrouve le sol. Ils peuvent reprendre leur conversation comme si rien ne s’était passé. Jared fait tomber un bol. Sa main. Sa main s’est agitée dans tous les sens. Sa main est prise de vitesse. Comme pour compenser un ralentissement imposé. Il ferme le poing et inspire un bon coup. Pas de panique. Tout va bien. Il contrôle… Ou pas. JAAAAAZZ ! “Ca va, Jaja ? Tu m’as l’air soucieux…” Le regard inquiet de sa mère s’ancre dans ses prunelles. Il secoue la tête. Ca va. Hein, que ça va aller ? Il a juste des tremblements. Ouais, voilà. Des tremblements. Elle porte quand même une main à son front. On sait jamais qu’il soit fiévreux, hein. C’est bien connu : quand on a de la fièvre, on fait tomber des bols. C’est d’ailleurs le premier symptôme. Jared est donc très souvent malade. Faudrait penser à consulter, alors. “J’avais complètement oublié que j’avais laissé ça ici, pour les cas d’urgence ! T’es adorable de l’avoir mise dans ton armoire.” Jazz a entendu son appel mental (elle n'est pas télépathe, aussi ? Dites-moi que non !). Elle vient apporter la diversion dont il a besoin. Il se détourne de sa mère. Elle est ravissante. Comme d’habitude. Ca en est rageux, vous ne trouvez pas ? En trois secondes (enfin, ce qui semble à trois secondes, même s’il y a de la triche derrière), elle devient présentable. Alors que Jared, même en allant aussi vite qu’il le peut, il a toujours les cheveux décoiffés et les vêtements froissés. Faut qu’elle lui donne son secret. “J’ai fait ça, moi ?” Ouais, lui, il a fait ça ? Il se pointe du doigt, incrédule. A quel moment est-ce qu’il aurait pu avoir cette initiative ? Jamais, peut-être ? Hé, mais oui ! C’est la même robe qu’hier. Le génie est dans la place. Poussez-vous ! “... Haha, mais ouiii ! Je savais que t’en aurais besoin, un jour.” Tentative de rattrapage la plus pourrie du monde. L’apparition d’une touffe de poils sous le canapé est suffisante pour attirer l'attention de sa mère. Janet se rue dessus, dans une tentative de charmer Moustache (ou Cathor). “Jazz, tu peux venir m’aider, steuplait ?” Ouais, viens l’aider. Et en même temps, vous en profiterez pour vous expliquer sur les manipulations de vitesse. Ca suffit, ces histoires de figer, là ! On touche pas à ses molécules. Elles sont allergiques à la pause. Après, il bugue dans tous les sens. Il fait mine de ramasser les éclats de bol éparpillés dans l’évier. Il attend que Jazz soit assez proche pour s’adresser à elle, à voix basse. “Tu-tu nous as figés ?” C’est important. Il doit le savoir. Histoire de chercher une chambre dans un hôpital psychiatrique, si besoin. Non parce qu’il ne veut pas ressentir cette sensation toute sa vie. Ca donnerait presque le tournis ! Son corps n’aime pas être ralenti ou arrêté. Sauf que Jazz ne lui laisse pas le choix.
La table du petit-déjeuner est dressée. Il est temps de remplir ces estomacs bien vides. Enfin, celui de Jared en a bien besoin. Il en a bien besoin. Janet n’arrive pas à faire sortir Cathor. La déception totale ! Vous croyez que le chat lui fait la gueule ? Ou alors, elle sent mauvais et il est effrayé. C’est que les gens puent souvent dans les avions. A croire qu’un vol leur interdit de prendre une douche avant ! Non, messieurs-dames, vous ne serez pas refoulés parce que vous avez une bonne hygiène. “Mamaaaaaaaaaan ! Tu vas laisser ce chat tranquille et venir manger, oui ?!” Faut pas déconner ! Y en a qui ont faim, ici. C’est à se demander qui est le parent, dans l’histoire ! Non, vous avez raison, Jared ne peut pas être le père. A aucun moment. Peut-être quand il arrêtera de rire pour des conneries ou qu’il saura cuisiner autre chose que des pâtes. Et encore. On ne peut pas en être sûr. Est-ce que vous confieriez votre enfant à Jared ? Non. A moins de vouloir sa mort dans les deux heures qui suivent. Alors là, oui, vous pouvez y aller les yeux fermés ! Bon, je suis mauvaise langue. Il a déjà fait du baby-sitting. Il avait dix-huit ans. Il a gardé le garçon de six ans des voisins. Le gamin est rentré chez lui avec une moustache dessinée sur le visage. Au stylo indélébile, s’il vous plaît. Vous me croyez, maintenant ? Jared s’installe autour de la table. “Hé oh, ça va ! Je te ne permets pas… vous entendez comment il me parle ?! Et après, je suis le dragon, je vous jure…” Elle secoue la tête. Telle mère tel fils, non ? Ou alors, tel fils telle mère. C’est lui qui l’a rendue ainsi, elle n’était pas aussi chiante, avant. Elle était drôle et insouciante ! ... Est-ce que ce ne serait pas le cas de Jared, tiens ? Hé merde ! Ils sont pareils. Un monde de certitudes et de croyances vient de s’écrouler. Elle a besoin de s’asseoir. Ca tombe bien, il est l’heure de petit-déjeuner. Les choses sont bien faites, non ? “Alors, comme ça, vous êtes étudiante en arts ? Vous pensez devenir artiste ?” Haha, si seulement sa mère savait ! Jared a un sourire amusé. Jazz ne sera jamais artiste. Ou alors, une artiste des explosions et des tirs. Dans ces conditions, on peut parler d’art, non ? Hé oh, on sous-estime la beauté de tirs bien effectués ! Et si elle se sent inspirée, elle peut même créer des formes. Mais définitivement, elle n’a rien d’une étudiante en Arts. Et ça, Jared en est certain.
Jared avait un chat. Jared avait un chat et une mère. Et Jazz ne savait pas trop quoi en penser. Surtout de sa mère en fait, parce qu’en soi, le chat ne reproche rien, le chat ne gueule pas, le chat n’a pas tellement son mot à dire, parce qu’il ne parle pas. Janet, elle, elle jugeait en permanence et il n’avait pas fallu à la rousse plus d’une conversation au téléphone pour le comprendre. Elle traitait son fils comme un gamin, et outre le fait que parfois il était proche de cet âge, il restait un adulte. Mieux encore, il restait son homme rien qu’à elle. Ca, c’était un truc qu’on ne disait pas à une mère, elle le savait, alors elle se taisait. No comment. Quant à sa maladresse, elle a presque eu envie de dire qu’elle ne pouvait pas brûler, de toute manière. Et ça non plus, ça ne se dit pas. Toujours est-il qu’enfin habillée convenablement, elle se sent déjà moins embarrassée. « J’ai fait ça, moi ? » Il a cette façon de se pointer du doigt, cette façon si expressive de se comporter. C’était mignon. « ... Haha, mais ouiii ! Je savais que t’en aurais besoin, un jour. » Oui, c’était une compréhension un peu lente mais trop mignonne. Ne cherchez pas, elle est complètement sous le charme, quoiqu’il fasse. Est-ce que la réconciliation y était pour quelque chose ? Sans doute. Paraît que les endorphines influaient sur l’attachement. « Jazz, tu peux venir m’aider, steuplait ? » « Oui mon amour, j’arriiiive. » C’était incroyablement gênant. Incroyablement stressant aussi, d’être dans la même pièce que la maman poule parfaite, alors Jazz s’est volontiers rapprochée de Jared pour faire semblant de l’aider avec le bol suicidaire complètement brisé. « Tu-tu nous as figés ? » Un baiser sur sa joue, tendre. « Tu avais coincé ma robe dans le placard de la cuisine. » Il n’y avait rien de mieux que l’image d’un joli petit couple pour faire des messes basses. Un peu plus et elle trouverait ça amusant. C’est comme.. devoir échanger quand on est coincés dans la même pièce que Smaug. Oui, à cause de Jared, Jazz connait Smaug. Je sais, c’est terrible, bientôt elle serait aussi geek que lui. Remarquez, elle a enfilé un tee-shirt Captain America sans problème, tout à l’heure. Complètement contaminée.
« Mamaaaaaaaaaan ! Tu vas laisser ce chat tranquille et venir manger, oui ?! » Elle étouffe un rire. Manger, c’est sacré. Et de toute façon, Moustache n’était pas décidé à sortir de sa cachette. Franchement, comment Jared, l’original, le comique, avait pu appeler son animal de compagnie Moustache ? C’est d’un banal ! Enfin revenons à nos moutons, ou plutôt à notre petit déjeuner. « Hé oh, ça va ! Je te ne permets pas… vous entendez comment il me parle ?! Et après, je suis le dragon, je vous jure… » Haussement d’épaule parfaitement innocent, avec un regard de petit cocker énamouré. Non, vraiment, on ne juge pas son petit-ami, elle l’aime, elle ne critique pas - ou plutôt elle est la seule à avoir le droit de lui faire un reproche, comme ça personne n’aura l’idée de corroborer ses raleries. Même si en l’occurrence elle ne râle jamais contre Jared, pas sincèrement. Juste pour se moquer. « Alors, comme ça, vous êtes étudiante en arts ? Vous pensez devenir artiste ? » Ils allaient commencer à manger quand Janet a posé sa question transcendante, arrachant un sourire amusé au speedster qui se cachait derrière sa fabuleuse normalité. En même temps, Janet aurait pété un cable, fait trois crises d’angoisse et aurait terminé la matinée en réanimation. Mieux valait ne rien dire. « Les comics, c’est un domaine porteur. Avec tous les super-quelque chose qui nous entourent, il y’a plein de mini Jared dans le monde. » Hé, comment elle fait pour mentir aussi bien ? Même moi j’aimerais savoir. Elle s’est levée pour attraper un stylo qui trainait sur la table basse et elle est revenue s’asseoir, dessinant sur une serviette en papier. Elle a à peine levé les yeux pour tracer la silhouette, et rapidement Jared est entré dans le monde incroyable de tout ce qu’il aimait. Elle s’est abstenue de lui tracer le costume rouge comme vêtement, de peur qu’un jour Janet fasse le rapprochement. Si ils avaient une conversation, elle n’a pas trop écouté, concentrée. Sa mère était une artiste et si ses centres d’intérêt étaient bien plus classiques, elle avait transmis à sa fille une folle faculté à s’intéresser à divers domaines : Jazz avait donc retenu des comics de Jared la méthode de narration et le style utilisé. Une fois le dessin vaguement terminé - il lui faudrait bien trop de temps pour ajouter tous les détails - elle a retourné la serviette pour la tendre aux deux Hemingway. Hé, vous avez vu la tronche que tire ce bon vieux Jaja ? Un peu plus et ça la ferait rire.
“Oui mon amour, j’arriiiive.” Mon amour ? C’est bien à lui qu’elle s’adresse ? En même temps, à qui d’autre pourrait-elle parler ? Elle n’est pas encore assez proche de Janet pour la surnommer ainsi. Mon amour. Franchement ! Il pensait qu’ils étaient au-dessus de ces noms, même s’il l’appelle volontiers Jazzounette. Mais c’est de l’humour caché sous une bonne dose d’amour dégoulinant. Rien de plus. Et puis quoi, encore ? Ce sera quoi la suite ? Mon roudoudou d’amour ? Mon poussinet ? L’amour de ma vie ? Non non et non. Jared refuse. Il ne laissera pas ce genre de choses arriver. Impossible. Il n’y survivrait pas. Pour lui, le couple n’est pas un truc plein d’affection et de déclaration d’amour. C’est un truc fun. C’est un truc où l’on s’amuse. Et puis merde, ils n’ont pas quarante ans ! Ils peuvent s’abstenir des surnoms mielleux. Pitié ! De toute manière, si c’est pour montrer une bonne image à Janet, ce n’est pas la peine. Elle sait comment est son fils. Avec lui, il n’y a pas de Choupinet qui tienne. Il n’y a que des surnoms ridicules. Celui dont il est le plus fier est sans aucun doute Kikie. Appellation affectueuse attribuée à ce bon vieux Frank. Sinon, y a le connard pour Jeremiah, mais bon, on ne le dira pas. “Tu avais coincé ma robe dans le placard de la cuisine.” Et alors ?! On fige pas les gens pour récupérer des affaires ! Alors ouais, il n’a pas du tout réfléchi en foutant sa robe au milieu des assiettes, mais tout de même ! Elle n’aurait pas pu rester dans son tee-shirt et son jean ? Elle devait y être parfaitement confortable. Comme un pyjama. Un pyjama énoooorme. Et elle n’a pas besoin de l’attendrir avec son baiser, là. Hé oh, il est difficile à amadouer, le Jared ! Il lui faut… un regard mignon. Okay, il est facile à attendrir. Sauf là. Il en a cassé son bol Ikea, les gars ! Ce n’est pas rien. Un investissement sur plusieurs années réduit en miettes. Franchement. Il pousse un soupir. Ca y est. Il a compris. Et ça lui brise le coeur. Il ne veut pas l’accepter. Mais... Jazz n’est pas la femme parfaite. Sortez les mouchoirs. Il va pleurer. Il va noyer l’appartement. Il va… ouais bon, n’exagérons rien. Pourquoi elle n’est pas parfaite, vous demandez-vous. Et même si ce n'est pas le cas, je vais vous le dire : 1/ Elle l’appelle ‘mon amour’, ce qui devrait être interdit 2/ Elle lui a fait casser un bol 3/ Elle détraque sa vitesse. Trois raisons de ne plus la considérer comme parfaite. Est-ce que l’on peut rompre pour ça ? Ouais, moi j’dis que oui ! Attendez, elle va lui coûter chère s’il n’arrête pas de casser les objets autour de lui. Ajoutons à ça le réveil et l’ampoule de l’autre fois… Il lui faut un budget spécial Jazz ! “Tu m’as tout détraqué !” Il lui montre sa main. Elle tremble encore à une vitesse surnaturelle. Ca devient compliqué, les gars. Sa main se transforme en vibromasseur et il ne peut rien faire pour la contrôler. On peut appeler les pompiers pour ça ? Peut-être qu’avec une dose de calmant aux urgences, il arrivera à ralentir la vitesse ? Ou un bon coup derrière la tête. Qui veut l’assommeeeeeer ? Mais allez, Jared n’est pas rancunier. “T’es pas obligée de jouer à la petite-amie parfaite, sois juste... naturelle, okay ?” Il esquisse un sourire rassurant. Elle gère pour le moment. D'accord, elle surjoue un peu avec ses surnoms dégoûtants, mais elle se débrouille bien. Cela dit, il préfère l’arrêter avant qu’elle ne se mette à parler de mariage (au secouuuurs) et d’enfants (mon dieu, ils ne sont pas un peu trop… immatures ?) avec sa mère. Ce serait la fin. Si ça arrive, appelez le 911. S’il vous plaît.
Heeeey ! C’est quoi cette nouvelle injustice ? Jazz fait son regard de cocker et Janet ne tique pas. Pourquoi ? POURQUOI ? Les gens sont toujours plus gentilles avec elle. Alors que Jazz est un vrai démon dans la vraie vie. Oui, je vous jure ! Elle fait à manger à Jared pour l’empêcher de prendre de la mal-bouffe. Si ça, ce n’est pas méchant, qu’est-ce que ça peut bien être ?! Enfin, faut pas chercher à comprendre, il n’a pas un visage aussi mignon et adorable que celui de Jazz. Voilà pourquoi on lui reproche tout. Mais ça reste injuste ! “Les comics, c’est un domaine porteur. Avec tous les super-quelque chose qui nous entourent, il y’a plein de mini Jared dans le monde.” Hé oh ! Il ne lui permet pas ! Il est l’unique fan des super-héros. Le meilleur. Le plus fidèle. Le plus fan des fans. Il n’est pas comparable à tous les autres, non mais. Et c’est quoi cette histoire de dessin ? On dirait qu’elle y a réfléchi. Mais genre, vraiment. Ou alors, elle ment terriblement bien. Il ne sait jamais avec elle. Un jour, elle sera capable de lui faire manger un grillon uniquement parce qu'elle lui aura dit qu’il est bon. Vile manipulatrice ! “M’en parlez pas ! J’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup d’anecdotes à raconter sur ce sujet. Parce que son amour pour les super-héros ne datent pas d’aujourd’hui, vous le savez ?” Jared expulse un soupir. C’est partiiiii. Heureusement qu’elle n’a pas apporté les albums photo, sinon Jazz aurait eu le droit au déroulé complet de toute son enfance. Et franchement, on n’a vraiment envie de voir Jaja, 3 ans, faire ses besoins sur son pot. Ces souvenirs sont de l’ordre du privé. “T’es pas obligée de lui…” Il proteste. Il prend les armes. Il se dresse contre l’autorité de sa mère. Il ne va pas se laisser faire ! Il ne va pas la regarder ruiner toute sa splendeur. Déjà qu’il a eu du mal à offrir un café à Jazz, Janet ne va pas tout détruire ! Cela dit, ça n’a pas l’air d’embêter Jazz plus que ça. Elle s’est levée pour récupérer… de quoi dessiner ? C’est quoi ce délire, encore ? Elle a une main bionique qui lui donne des talents de dessinatrice ? “Mais si, Jaja ! Et ne fais pas ton rabat-joie !” Vite. Quelque chose. Il lui faut quelque chose. A balancer sur la gueule de sa mère. Ouais, le respect n’existe plus. Il en va de sa réputation. Il préfère avoir l’air du gars irrespectueux que du l’illuminé qui se prenait pour un héros. Bon, réfléchis, Jared, réfléchis. Là, une miette de croissant… Non, oublie. Ca va voler dans ton bol, c’est tout ce que ça va faire. Une cuillère. Un peu trop violent, non ? Ne parlons même pas du couteau… A ce niveau, ce ne serait plus faire taire sa mère. Quoique… disons qu’elle serait muette pour toujours. Oh, le bouchon de la bouteille de jus d’orange ! Merveilleux ! Allez, vise bien. Prions tous pour la réussite de son lancé eeeeeettt… c’est raté. Le bouchon a atterri sur la tronche du pauvre Cathor qui avait enfin trouvé le courage de sortir. Autant vous dire que le chat est de nouveau planqué sous le canapé. Et sa mère fait mine de n’avoir rien vu. La garce. “Quand il était petit, il adorait jouer au super-héros ! Un jour, je l’ai retrouvé en train de hurler à la mort, dans le jardin. Pourquoi ? Parce qu’il venait de sauter du premier étage, soi-disant pour faire comme un de ces personnages dans les comics ! J’ai bien cru le perdre des centaines de fois… Il prenait notre chat de l’époque comme demoiselle en détresse. C’est limite s’il ne l’embrassait pas, histoire de pousser le scénario jusqu’au bout.” Elle secoue la tête, histoire de bien marquer son désarroi. Son fils est con. Qui a osé le lui mettre entres les pattes ? Vous croyez qu’on l’a échangé à la naissance ? Parce que bon, elle s’attendait à mieux, vu sa propre intelligence prodigieuse… La modestie. Un savoir-faire que les Hemingway se transmettent de génération en génération.
“T’abuses ! Je n’aurais jamais embrassé Caramel… et puis d’abord, laisse Jazz dessiner ! NAH ! Prends toi ça dans la tronche, maman. Il fait preuve d’un incroyable sens de la répartie, vous ne trouvez pas ? Mais c’est vrai, quoi ! Faudrait pas que Jazz soit déconcentrée. Elle a l’air complètement hypnotisée par les traits tracés. Et doucement, une silhouette apparaît sur le papier. Celle de Jared. Bordel que c’est bizarre de se voir ainsi représenté. Ca en est presque flippant. Vous pensez qu’elle a d’autres dessins de lui ? HAN ! Est-ce qu’elle a pris des photos de lui pendant qu’il dormait, tout nu, après leurs nuits passées ensemble, pour ensuite les dessiner ? Merde, il est tombé sur une folle psychopathe. A l’aiiiiiiiiiiiiide. “Boude pas, mon petit Jaja. C’est la vérité !” Il n’a pas le temps de répondre que déjà, Jazz leur montre son oeuvre. Okay, il a parlé trop vite. Elle sait dessiner. Ce n’est pas une merveille, mais ça fait l’affaire. Elle ne surpassera jamais le talent de Jared, cela dit. Mauvaise foi ? Pas du tout ! Il en faut, du talent, pour réussir à transformer une jolie marguerite en un simple gribouillis qui se rapproche plus du phallus que de la fleur. Si si ! Essayez et vous verrez bien. “WOW ! Il est parfait ! Il faut absolument que tu m’en fasses pour le blog. Est-ce que tu pourrais dessiner… Hulk ? NON ! Non, je sais ! THOR. Tu peux ?” Et Captain America. Et Spider-Man. Et Vision. Et et et… Y EN A TROP. Son cerveau surchauffe. On va bientôt voir de la fumée sortir de ses oreilles. Respire, Jared, respire. C’est ta petite-amie. Tu pourras lui demander des oeuvres d’art tous les jours. Alors, déstresse ! Janet récupère la serviette pour mieux observer les traits. Elle a du talent, la petite. Beaucoup de talent. Elle fait bien de suivre sa passion. Elle pourrait devenir une artiste reconnue. Vous imaginez comment Elizabeth, la voisine de Janet, sera jalouse d’apprendre que la belle-fille expose dans les plus grands musées du monde ? Elizabeth va bouillir de jalousie. Muhaha ! Elle n’avait qu’à pas commencer avec son fils avocat, non mais ! “Vos parents doivent être tellement fiers d’avoir une fille aussi douée !” NAAAAOON. MAMAN ! On parle pas des parents. Pas quand ils sont morts. Attendez… est-ce qu’il lui a dit, au moins ? Peut-être pas. Il a tellement de choses auxquelles penser qu’il ne sait plus ce qu’il raconte. Quoi ? J’aimerais vous voir gérer un job chiant, une mère envahissante, un blog actif, une petite-amie explosive et une double vie héroïque. C’est pas de tout repos ! Surtout pour lui qui a du mal à se concentrer sur une seule chose à la fois.
« T’es pas obligée de jouer à la petite-amie parfaite, sois juste... naturelle, okay ? » Elle ne peut pas. Elle ne peut pas être elle-même, il le sait très bien. Il l’a rencontrée alors qu’elle mentait sur toute son existence, il a offert un café à une fille extrêmement timide et distante, il a harcelé une gamine qui ne voulait personne autour d’elle et il a ensuite découvert ce que toute cette attitude cachait. Être elle-même, c’était être agent du Shield, ce qu’elle avait perdu. Être elle-même, c’était être une arme de destruction, une gamine inexpérimentée qui dissimule ses complexes. C’était trop de choses qu’on ne montre pas à une mère. Elle savait l’importance de Janet dans la vie de Jared. « Parce que son amour pour les super-héros ne datent pas d’aujourd’hui, vous le savez ? » Un sourire s’est discrètement esquissé tandis qu’elle traçait les premiers traits du dessins, sans commenter. Elle sait. Sortirait-elle avec lui si elle ne savait pas ? Il cachait certes ses figurines dans une boîte sous son lit mais la Pop! Thor signifiait à merveille toute l’acceptation de la personnalité du coursier. Elle l’aimait avec ses excentricités et il était dur de faire croire qu’elle trouvait sa passion stupide, elle qui avait presque grandi entourée de ceux qu’il admire tant. Jaja est sans nul doute le pire surnom de l’univers. Même le mon amour dégoulinant ne rivalisait pas avec cela. Elle ignorait d’ailleurs tout de l’usage des petits noms mielleux, elle ne l’avait fait que pour embêter Jared, elle qui était incapable de dire un simple je t’aime. Il n’y avait pas cela entre eux, c’était moins formel, très désordonné aussi. Ils ne faisaient rien comme tout le monde.
« T’abuses ! Je n’aurais jamais embrassé Caramel… et puis d’abord, laisse Jazz dessiner ! » Résumons : il a eu un chat parce que sa mère en avait un, cela semblait couler de source, avec un nom pareil. Caramel et Moustache, c’est mal démarrer dans une vie de quatre pattes. Il jouait au Super-héros et il manquait se tuer en sautant de hauteurs vertigineuses pour sa taille de l’époque. Le sourire en coin, amusé, ne disparaît pas. Le dessin prend forme et elle a presque envie de souligner que, désormais, il est en passe de réaliser son rêve. Il n’y a que son regard qui se relève, pétillant, complice, pour l’indiquer. Si elle savait, n’est-ce pas, Jared ? Si elle savait que son gamin maladroit voulait sauver des vies, risquer la sienne, filait à la vitesse de la lumière. « WOW ! Il est parfait ! Il faut absolument que tu m’en fasses pour le blog. Est-ce que tu pourrais dessiner… Hulk ? NON ! Non, je sais ! THOR. Tu peux ? » Elle rit. Un rire bref mais qui s’envole avec enthousiasme, d’une façon si rare. Jazz ne rit qu’avec Jared, elle n’avait jusque là pas le temps pour apprécier la vie normale auprès d’autres personnes ; il lui ouvre tout un univers, tout un monde qu’elle ne connaissait pas. Partage finalement équitable, ils formaient lentement leur propre bulle, étrange et unique. « Je croyais que tu doutais de mon talent ? » Elle le taquine, l’index rencontrant malicieusement l’épaule masculine. T’as cru que Stark avait fait tout le travail pour ton costume ?.
« Vos parents doivent être tellement fiers d’avoir une fille aussi douée ! » Il n’y a plus de joie. Ca retombe doucement, douloureusement. Une vie normale, ça n’existe pas. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Qu’en rencontrant la mère de Jared, le passé serait relégué loin, dans un coin ? Et malgré elle, les yeux s’éclairent, se cerclent d’un orange lumineux que Janet ne peut pas voir parce que Jazz l’a sentie, elle a perçu la menace imminente de ses pouvoirs. La main avait été levée aussi sec, figeant la curieuse mais pas son fils. Elle y est arrivée. Ils bougent tous les deux normalement mais pas le reste de ce qui les entoure. Et elle s’appuie contre le dossier de sa chaise en poussant un soupir signe de nervosité. Ses prunelles clignotent allègrement comme des ampoules sur le point de griller et elle ne sait pas quoi faire. « Je suis désolée.. je ne pouvais pas la laisser voir ça.. elle finirait par faire le rapprochement entre ta petite-amie bizarre et Sparks. » Et par extension, entre son fils et le héros vêtu de rouge. Avoir une double-vie, c’était toujours bien plus compliqué quand on avait une famille. Finalement ça n’était peut-être pas pour rien que beaucoup n’avaient plus de parents, hein, ça évitait les soupçons. Oui, faut voir le verre à moitié plein, les gars. Elle reprend sa position précédente, une fois l’angoisse passée, juste à temps pour que Janet reprenne mouvements. « Je n’ai plus de parents depuis l’âge de treize ans. » a-t-elle expliqué, refusant de tourner autour du pot. Non, il n’y avait plus de figures d’autorité dans sa vie, elle n’était pas sujette aux histoires gênantes de sa mère face à son petit-ami ou à l’instinct protecteur de son père parce qu’aucun des deux n’était encore là pour l’embarrasser ou la couver. Elle avait des frères de coeur, une famille surréaliste composée de X-Men, de mutants, de dangers publics en tous genres, mais pas de véritable entourage lié au même sang qu’elle. Unique survivante d’une tragédie, ça marque, non ? Il parait que c’est la bonne recette pour fabriquer une héroïne. Demandez à The Mole, il s’y connait mieux que moi. Jazz a toujours essayé de faire comme si ça n’était pas grave, comme si ça n’était qu’un détail mais chaque jour de son existence, il y’avait cette question qui flottait dans l’air : sa mère aurait-elle pu vivre si ça n’avait pas été elle, l’optimisée ?
Il va l’accrocher dans sa chambre. Le dessin, hein, pas le croissant qu’il torture entre ses doigts. Enfin, quand sa mère aura lâché la serviette. On dirait qu’elle ne veut pas la laisser aux autres. La possessive ! Elle n’a jamais vu son fils ou quoi ? Bon okay, il est dans un autre style que d’habitude et en plus, il est dessiné. Mais quand même ! Allez, maman, donne-lui cette serviette ! Il va la garder précieusement. C’est une oeuvre. Faut pas l’abîmer ou la jeter à la poubelle. Et puis, quoi ? Il n’a jamais douté du talent de Jazz. Nooooon. Pas lui ! Il avait parfaitement conscience de ses capacités, voyons. Il le voyait à sa manière de mouvoir les doigts et de regarder les choses… ouais bon, en fait, il ne l’aurait jamais deviné. Il pensait que c’était une couverture comme une autre. Elle aurait pu trouver un croquis sur Internet et l’imprimer pour faire genre. Mais non. Elle a poussé la couverture jusqu’à avoir de vrais talents. Cette femme est parfaite. Bientôt, elle se lancera dans une carrière d’acrobate et elle sera capable de toucher son oreille avec ses orteils. Et ne me dites pas que c’est déjà le cas, sinon on perd Jared ! L’engouement pour son talent est stoppé net par Janet. Faut toujours qu’elle gâche tout ! Déjà quand Jared voulait jouer au super-héros avec la nappe rouge, elle le disputait et le punissait. Hé oh, y a rien de condamnable de prendre un tissu qui prend la poussière sur la table. D’accord, écrire un gros S dessus n’était pas la meilleure idée, mais oh ! C’était un gamin ! “Maman… c’est pas… Maman ?! OH HE !” Il passe la main devant ses yeux. Rien. Elle ne papillonne pas des paupières. Elle ne respire même pas. BORDEL DE MERDE. Elle est morte ! D’un coup, d’un seul. Elle vient de mourir juste sous ses yeux. Non, ce n’est pas possible. Si, c’est possible. Ca vient d’arriver ! Il n’est pas prêt ! Il est encore un gentil petit garçon qui a besoin de sa mamounette. Il ne peut pas s’en passer. Pas maintenant. Elle doit encore lui foutre la honte pendant des années. Allez, quoi ! Janet est sans coeur. Elle crève, en laissant Jared démuni. C’est méchant ! Et en plus, elle ne ressuscite même pas pour lui faire un câlin et le rassurer. La connasse. “Je suis désolée.. je ne pouvais pas la laisser voir ça.. elle finirait par faire le rapprochement entre ta petite-amie bizarre et Sparks.” Jared se retourne vers Jazz. Quoi ? Elle est juste figée ? Oooooh, mais alors, ça vaaaaaa. Bworf, Janet peut bien rester dans cette position plusieurs heures. Elle a quand même un pouvoir pratique, Jazz. Hop, elle en a marre, elle fige les gens pour faire une pause. Il aimerait tellement avoir la même capacité quand son patron s’énerve. Ce serait teeellement cool. Sauf qu’il a hérité de la super-vitesse. Ce qui n’est pratique que pour le ménage. Super. Youhou. L’éclate totale.
Il pose une main réconfortante sur le bras de Jazz. Il a un sourire sur les lèvres. Qu’est-ce qu’il en a à foutre que sa mère devine qu’elle est Sparks ? Et de toute manière, Janet s’en fout complètement. Elle a même tendance à détester ces gens qui se la pètent et défilent en collants. A l’opposé de son fils, quoi. “Elle ne saurait pas citer un seul super-héros. Sauf peut-être Captain America parce qu’elle fantasmait dessus quand elle était petite. Je la soupçonne même d’avoir eu un poster dans sa chambre… alors, no stress, okay ?” Et puis, si sa mère capte un jour la lumière dans le regard de Jazz, elle ne trouvera rien de bien choquant. Elle se dira que Jazz est une mutante ou un “truc” dans le genre. Elle ne s'inquiètera pas (enfin, si, histoire de savoir si son fils ne risque pas de crever). Elle se contentera d’apprécier la jeune femme pour qui elle est. Ils sont ouverts, chez les Hemingway. Tout le monde devrait être acceptés tel qu’il est. Sans distinction. Sans jugement. Jared reprend sa position. D’ailleurs, il avait quelle position ? Mon dieu, il n’a pas l’habitude, lui ! Il avait son bras ici, non… à moins que… non, il était là. Et ses doigts ? Ils avaient quels angles ? Mon dieu ! Comment Jazz fait pour savoir ? “Je n’ai plus de parents depuis l’âge de treize ans.” Boum. Alors, maman Hemingway, qu’est-ce que tu réponds à ça ? Rien, évidemment. Elle n’a pas appris des précédentes petites-amies. Nooon, tout ce qu’elle a retenu, c’est que certaines sont bêtes comme leurs pieds et que d’autres n’étaient vraiment pas faites pour son fils (bien trop névrosées). Par contre, la petite Jazz, là, elle lui plaît bien. Il y a vraiment un plan de séquestration qui se dessine dans son cerveau. “Oooh, je suis désolée de l’apprendre...” Perdre ses parents aussi jeune est vraiment atroce. Visiblement, Jazz a réussi à remonter la pente et à devenir une femme talentueuse et intelligente. Que demander de plus ? Elle semble parfaitement saine d’esprit. Elle a assez de patience pour ne pas avoir renvoyé sa belle-mère illico presto. Parce que Janet est bien arrivée sans prévenir. Elle n’avait rien dit à son fils. C’est juste que la dernière fois qu’ils se sont parlés, Jared lui avait semblé… différent. Etrange. Fallait qu’elle voit son fils de ses propres yeux ! Vous comprenez ? Sait-on jamais qu’il ait décidé de changer de sexe sans la prévenir ou qu’il ait un troisième bras à la place du nombril. Une mère doit être informée de tout ça. “Vous êtes la bienvenue chez les Hemingway, si un jour vous ressentez le besoin de parler ou d’avoir une famille autour de vous. Jared vous le dira : nous sommes tous très proches.” Janet attrape la main de Jazz et la presse doucement. Elle est vraiment touchée par cette jeune femme. Avec ses grands yeux. Son visage de poupée. Et son histoire. Triste histoire. D’un autre côté, quand voit la carrière de Jared, on se demande s’il n’aurait pas mieux cartonné sans aucun parent. Vous croyez qu’il aurait fait autre chose de sa vie ?
Elle le rêvait banquier, homme d’affaires, pilote d’avion. Pour le moment, il ne fait que piloter son vélo. Ce qui n’est déjà pas si mal, vous me direz. Mais ça ne va pas tout à fait à la même vitesse. “Trop proches...” Jared fait une grimace. Oui, trop trop proches. Il a passé pratiquement toute son enfance chez ses grands-parents. Bon, ils sont sympas, hein. Sauf que ça va un moment de se prendre des postillons dans la tronche et de trouver des cheveux dans la soupe. Janet abandonne la main de Jazz pour menacer son fils de l’index. “Tu t’en plaignais pas quand tu te réfugiais chez tes grands-parents pour manger des cochonneries !” Comprendre des chips, des bonbons et du pop-corn. Un régime alimentaire que l’on retrouve encore aujourd’hui dans son quotidien. Ne le jugez pas ! Il n’y a rien de meilleurs, voyons. Tout ce qui est gras et interdit est bon. C’est scientifique. Jared lève les yeux au ciel. “C’était pas pareiiiiiiiil ! Tu m’obligeais à manger des brocolis, maman, DES BROCOLIS ! Hein Jazz, ça ne se fait pas ?” Au secours, Jazz ! A l’aiiiide ! Où est Sparks ? La femme qui a remis sa mère à sa place ? Bon, en même temps, Janet est effrayante avec ses cernes, ses cheveux un peu décoiffés et sa tendance à beaucoup discuter. Mais un peu de nerfs ! Il faut défendre son honneur face aux brocolis ! Sinon, il n’y survivra pas. Jared pousse un soupir. Il a déjà sa dose maternelle. Janet peut repartir, maintenant. Ils prendront le temps de discuter quand elle se sera reposée. Et quand il aura fini sa journée de travail, accessoirement. “Boooon, m’man ! Tu veux peut-être que je t’accompagne à ton hôtel ?” Dis oui, s’il te plait, dis ouiiiiii. Allez, maman, fais un effort. Jared la supplie du regard. Oh oh, il n’a pas honte. Il est complètement désespéré. Cela dit, qu’est-ce qu’elle pourrait faire d’autres comme conneries ? Elle a déjà mis le doigt sur le décès des parents de Jazz. Il n’y a rien qui pourrait mettre mal à l’aise Jazz. Hein ? “Rien ne presse, je suis bien ici, Jaja… ! Alors, dites-moi, Jazz, comment est mon fils ? J’espère qu’il se comporte bien avec vous.” Okay, il abandonne. Il va aller dans la salle de bains et se faire assassiner par la tringle à rideau. C’est parti ! Au lieu de ça (il est lâche, pas suicidaire), il débarrasse la table. Il a besoin de bouger. Il a besoin de s’occuper. Parce que n’empêche, cette rencontre le stresse. Sa mère rencontre Jazz pour la première fois. C’est un gros truc. Et si Jazz prend peur, hein ? Et si sa mère la trouve détestable, hm ? Comment il va faire ? Ce sera la fin du monde, c’est sûr !
La pire reste à venir. Les parents sont faits pour ça. Pour vous mettre mal à l’aise. Pour vous faire honte. Janet ne fait pas exception. Elle est même la reine dans ce domaine. A croire qu’elle prend un malin plaisir à le faire. Elle a peut-être un lien de parenté secret avec Judith. Ce ne serait pas étonnant. Attendez, ça voudrait dire que Judith et Jared sont bel et bien liés. Je le savais ! Jared est médium, ça se voit à sa tronche ! M’enfin, ça ne le réjouit pas d’être parent avec une serial killeuse. Mais on en reparlera plus tard. “Est-ce que vous avez… ?” PAUSE. Qu’est-ce qu’elle sous-entend, là ? Est-ce qu’ils ont quoi ? Emménagé ensemble ? Non, bien sûr que non. Fait leurs courses ensemble ? Ca leur arrive, oui. Mangé ensemble ? Evidemment, presque tous les jours. En quoi ça l’intéresse de savoir s’ils ont déjà mangé des moules ensemble ? Pour savoir s’ils ont survécu à l’horrible étape de la mauvaise haleine, peut-être ? Mais on s’en fout, Janet, on s’en fout ! “MAMAN ! Arrête avec tes questions gênantes ! On ne se demande pas combien de fois t’as couché dans ta vie, okay ? Alors, nous embête pas avec tes questions !” Voilà. C’est dit. Bim dans ta che-tron, la reum. Non mais sérieux ! Il n’arrive plus à contrôler sa mère. En prenant de l’âge, elle est devenue complètement dépravée. Ouais, dépravée. “Qu’est-ce que tu peux être coincé ! Je peux au moins lui demander si elle connaît le Nouveau-Mexique ?” Il lui fait un signe de la main. Voilà un sujet intéressant et qui ne touche pas à la sexualité de son fils. Un sujet NORMAL.
Jazz ne veut pas effrayer Janet. Elle ne veut pas qu’elle la pense irresponsable ou dangereuse pour son fils, parce que même si elle l’était, une mère ne le tolèrerait pas. Une mère poule comme Janet ne pourrait pas envisager une seule seconde que le gentil Jared sorte avec une bombe sur pattes. Et pas au sens figuré. Imaginez donc sa tête si on lui parlait des capacités destructrices de la rousse ? Alors certes, peut-être que la dame ne savait pas citer les super-héros mais elle n’était pas stupide, pas totalement. Intrusive, ça, oui. « Jared vous le dira : nous sommes tous très proches. » Elle n’y tient pas, non. Elle ne tient pas à rencontrer les Hemingway, elle est très bien avec le sien et si ils sont tous comme madame, ce serait un véritable enfer. Même Jared avait l’air d’avoir du mal à leur survivre plus d’un quart d’heure. Et visiblement, tactile c’est de mère en fils. Sa main prisonnière de ce contact envahissant, elle garde contenance, elle puise dans toutes ses resources pour ne pas fuir. C’est de la folie, de la toucher comme ça, sans prévenir. Déjà que Jazz est une bouillotte, la situation pourrait déclencher des réactions aussi inattendues qu’incontrôlables. Jared, fais quelque chose, au lieu de malmener le croissant. Elle note qu’à part constater que tous sont trop proches, il ne la sauve pas des masses. Irrécupérable, cet homme ! Enfin, elle est polie la petite rousse. « Merci.. » Polie mais faut pas abuser. Elle n’a pas envie d’être invitée dans la seconde à voyager parce qu’elle aurait trop bien simulé l’enthousiasme. « C’était pas pareiiiiiiiil ! Tu m’obligeais à manger des brocolis, maman, DES BROCOLIS ! Hein Jazz, ça ne se fait pas ? » Pourquoi il faut toujours qu’il la prenne à partie quand il s’agit de légumes ? Okay, elle essaye de le nourrir à peu près convenablement mais elle est obligée d’avouer que les brocolis ne sont pas vraiment ce qu’il faut à Jared maintenant qu’il court plus vite qu’un TGV. Il lui faudrait combien de kilos de brocolis, pour résister ? Trop. Ca serait suspect. Déjà qu’on allait finir par s’interroger sur sa silhouette svelte et ses quatre pizza par repas. « Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat. » Oui, voilà, un peu d’humour c’est bien aussi pour éviter de répondre aux questions existentielles sur les légumes. « Boooon, m’man ! Tu veux peut-être que je t’accompagne à ton hôtel ? » Ohwi ! Béni soit le génie incommensurable de Jared Hemingway ! Ah, bah non. Non parce que Janet trouve que rien ne presse. Et maintenant, elle veut savoir si il se comporte bien. Bientôt elle demanderait si il enlève bien ses chaussettes avant d’aller se coucher. Que répondre ? Qu’il est sage et qu’elle est tellement chaude qu’il n’a plus besoin de chaussettes ?
« Est-ce que vous avez… ? » La pauvre Jazz était en train de boire une gorgée de jus d’orange et ça lui est resté en travers. La toux a été caractéristique de sa surprise. Manquer crever d’une fausse route au jus d’orange : fait. Elle ne s’attendait pas à cette question. Dites, rassurez la, ça ne se fait pas normalement ? Elle n’est pas emballée à l’idée qu’à chaque fois qu’elle va rencontrer un Hemingway, il lui demande s’ils ont couché. Elle a rougi, la pauvre. Un joli rouge bien visible. « Je.. » Je rien du tout. Super Jared à la rescousse. « MAMAN ! Arrête avec tes questions gênantes ! On ne se demande pas combien de fois t’as couché dans ta vie, okay ? Alors, nous embête pas avec tes questions ! » Sauf que la rousse, elle est complètement bloquée. Elle a envie prendre ses affaires et d’aller se cacher derrière son dressing, chez elle, pour que Janet ne la trouve jamais. « Votre fils est attentionné. Et patient. » On croirait pas, comme ça, en voyant Jared l’enthousiaste compulsif mais il a quand même persévéré pour offrir son café à la fille qu’il a renversé, et il a attendu trois mois avant qu’elle n’accepte d’aller plus loin. Trois mois, c’est long. Si, surtout quand on voit les tenues de Jazz, toujours moulantes. C’est un homme faible mais patient. Quoi ? Il peut pas être parfait. « Qu’est-ce que tu peux être coincé ! Je peux au moins lui demander si elle connaît le Nouveau-Mexique ? » Coincé, pas vraiment. Si elle savait.. elle traiterait Jazz de bonne soeur à peine sortie du couvent. Sauf que le couvent, c’était le SHIELD, beaucoup plus dangereux et exigeant. « Je n’ai jamais voyagé. J’ai beaucoup trop de travail pour cela. De fait, je ne connais que part le tatouage de Jared. » Un tatouage sympa. Plus significatif que ceux de Jazz, si visibles et pourtant si peu compréhensibles. Elle esquisse un sourire, sans trop savoir quoi rajouter. Voilà ce que Janet pouvait considérer comme un défaut : Jazz avait l’air timide et peu bavarde. Le caractère par téléphone n’était pas tout à fait le même. Bon, en même temps, ça avait été une circonstance exceptionnelle.
Cette rencontre entre Jazz et Janet ne pouvait pas être pire. Cela dit, Jared ne s’attendait pas à beaucoup mieux. Faut l’avouer. Quand il est question de sa mère, il ne sait jamais ce qu’il va se passer. Elle est totalement imprévisible, incontrôlable. Cette femme est dangereuse. Encore plus que Jazz et ses combustions moléculaires. Je vous jure ! Elle pourrait déclencher la troisième guerre mondiale à elle toute seule. Elle serait du genre à insulter des Présidents. Elle pourrait s’en prendre au Pape parce qu’il lui a marché sur le pied… Une vraie sauvage ! Bien pire que Jared. Noooon, lui, il est gentil, adorable, sage. Il est doux comme un agneau. Domptable facilement, vous n’avez qu’à demander à Jazz. Elle l’a bien compris. Elle utilise sa face de cocker toutes les cinq minutes ! En fait, il n’est entouré que par des folles. Au secours ! Comment on fait pour s’en sortir ? On prend la porte, peut-être. Mais elles sont chez lui. Il ne peut pas quitter son propre appartement. Ce serait d’une telle tristesse. Heureusement, il peut déménager en une minute. Et ça, c’est carrément cool. Chuuuut, ne le dites pas à vos potes ! Ils pourraient en profiter pour l’appeler. Fini la corvée de déménager et d’emménager. Fini la punition de faire des cartons pendant des jours et des jours, puis de les défaire. Jared est la solution qu’il vous faut. On se croirait dans une pub. De toute manière, il est hors de question qu’il se lance dans une entreprise de déménagement. Il est maladroit, je vous rappelle. Imaginez qu’il tombe avec l’urne funéraire de mémé, hein ? Bon, mémé attendra, y a Jazz qui s’étouffe. Jared passe une main dans son dos. Il est terriblement navré. Mais c’est à ça que serve les parents, non ? A vous foutre la honte à la moindre occasion. Merci, vraiment, maman. Elle aurait quand même pu s’abstenir, vous ne croyez pas ? Heureusement que Jared a l’habitude de gérer ce genre de situation. Il aurait peut-être dû prévenir Jazz ? M’enfin, il pensait qu’elle serait apte à affronter sa mère, vu comment elle l’avait remballée l’autre jour. Semblerait que non. “Votre fils est attentionné. Et patient.” Il se tourne vers Jazz. WOW. Attentionné et patient. C’est bien plus que ce que ses exs pourraient dire à son sujet. Elles useraient plutôt de mots rimant avec “retard”, “fanboy”, “bordélique” ou encore “gamin”. Rien qui ne ressemble à patient ou attentionné, quoi. Remarquez qu’aucune ne lui reproche d’être un connard. Ce qui est quand même un bon début ! Ca témoigne d’un certain respect pour ses petites-amies. Il ne faut pas le nier ! “Oh, c’est vrai ? Tu trouves que je suis attentionné et patient ?” C’est qu’il n’est pas habitué ! En même temps, il n'y a rien d'étonnant. Quand il était encore au Nouveau-Mexique, il faisait attention à ses grands-parents. Il leur essuyait la bave au coin de la bouche (pardon mame d’avoir dit ça). Il leur lavait le dentier. Il faisait leur vaisselle (à moins qu’ils ne le forçaient, il ne se souvient plus trop). Bref, il prenait soin d’eux. Et forcément, quand on s’occupe de deux vieux qui n’entendent rien, qui râlent tout le temps et qui ne voient pas plus qu’ils n’entendent, faut être patient. Un minimum.
Heureusement, ils arrivent à changer de sujet. Ils s’éloignent des thème sexuels (parler de sexe avec sa mère, au secours !). Il n’a aucune envie de savoir dans quelle position il a été conçu, vous comprenez. Cela dit, on reste quand même dans les origines avec le Nouveau-Mexique. Il y a passé toute son enfance, son adolescence et même une partie de sa vie d’adulte. Avant de débarquer à New-York. Je vous parle pas du temps d'acclimatation ! Il fait un de ces froids, ici ! Un enfer. “Je n’ai jamais voyagé. J’ai beaucoup trop de travail pour cela. De fait, je ne connais que part le tatouage de Jared.” Janet lève un sourcil. Quoi ? Les études d’art prennent du temps ? Allez ! Jazz est capable de faire un dessin en quelques minutes, elle ne va pas lui faire croire qu’elle n’a pas le temps de voyager. C’est insensé ! Du côté de Jared, c’est plus un “je le savais ! Elle passe son temps derrière un bureau, à taper sur une machine à écrire, des lunettes sur le nez”. Tu parles d’une espionne ! Elle espionne seulement les secrets des autres agents, ouais. Il est déçu, terriiiiiiblement déçu. Il l’imaginait voyager, faire des heures d’avion, avoir toujours une valise de prête au cas où. Il aimait croire qu’elle revenait de France, d’Afrique, de Chine quand ils se retrouvaient. Hé bien non ! Mais bon, c’est pas trop le moment de faire un scandale, hein. “Comme c’est dommage ! Le Nouveau-Mexique est un état formidable… vous devriez venir, tous les deux.” Forcément ! Faut qu’elle en profite pour lancer un petit message subliminal. Comprenez : bon, fiston, je ne t’ai pas porté pendant dix mois et je n’ai pas souffert en t’expulsant pour que tu me snobes et ne viennes plus à la maison, porter tes affreux pulls de noël ! Janet kiffe faire passer son fils pour un enfant indigne. Pourtant, elle est la première heureuse quand son gamin quitte la maison. Sa belle vaisselle est enfin tranquille. Ses vitres ne risquent plus d’être cassées. Ses escaliers sont libres. Bref, sa maison revit quand Jared n’est plus dans les parages. “Je ne sais pas si ça intéresse vraiment Jazz...” Ouais hein, ça ne doit sûrement pas l’intéresser ! Surtout qu’il fait chaud là-bas. Elle risque de cramer en trois secondes avec sa peau toute blanche. Sans compter qu’elle est déjà brûlante sans soleil, alors là-bas ? Elle servirait de plaque de cuisson ! Même pas besoin de poêle, on ferait tout cuire sur sa peau ! Un oeuf ? Pas de problème ! Jazz, ouvre les maiiiiins. Une escalope de dinde ? Facile ! Jazz, montre-nous tes beaux abdos. Vous voyez ? Deux en un, la meuf. Cela dit, le Nouveau-Mexique pourrait être un super terrain d’entraînement pour eux. Ils pourraient passer des heures au milieu d’étendues désertiques. Un vaste terrain de jeu pour Jared. Et un champ de “tirs” pour Jazz. Quoi de mieux ?
Il plante son regard dans les prunelles de Jazz. Bon, comment lui faire comprendre, hein ? Très bonne question. Allez, petit cerveau, réfléchis vite et bien. Enfin, il n’a pas besoin de moi pour le faire naturellement. Ce machin n’est plus un cerveau, mais un moteur ! “Il y fait super chaud… mais, on pourrait faire un peu…” De quoi, hm ? Il désigne sa mère du regard, histoire de faire comprendre à Jazz qu’il ne peut pas dire exactement ce à quoi il pense. Si elle sait lire dans les pensées, c’est le moment. “... de sport.” Oui, voilà, du sport ! Non, il n’a pas trouvé mieux. Et ne laissez pas votre esprit pervers croire qu’il s’agit de pratiques sexuelles. Ca va pas ! Ils ne feront pas ça avec sa mère dans la maison. Horrible. Il a été assez traumatisé pendant son adolescence, plus jamais il ne recommencera. Dans une voiture, à la limite. Mais pas dans sa chambre. C’est le terrain du puritanisme et de la virginité, maintenant. Et puis, il y a encore des posters de super-héros. Qui aurait envie d’être épié par Superman ou par Captain America pendant l’acte ? Personne ! Même pas Jared. Hé oh, il ne veut pas que des images jugent ses capacités. Il est pudique là-dessus ! “Du sport ? Vraiment ?” BON QUOI ? Qu’est-ce qu’elle a encore, la vieille ? Pardon, j’avais oublié que c’était sa mère. Oui, mamaaaaaan ? Plait-iiiiil ? Elle a la tête sceptique de celle qui ne croit pas que ledit sport soit vraiment du sport. Ca semble si incongru que Jared s'entretienne ? Si même sa mère ne le voit pas sportif, qu’est-ce que vous voulez qu’il fasse, hein ?! Il n’a aucun soutien. De nulle part. C’est honteux ! Qui accepte de créer un fanclub pour le soutenir ? Qui veut monter une équipe de pompoms-girls et boys ? ALLEZ ! ON SE BOUGE ! Jared a besoin de vous, les gars !
C’est vrai. Elle trouve Jared patient. Elle le trouve rassurant et courageux, aussi. Il la supporte, ce qui est déjà une immense qualité. Elle lui a brûlé l’épaule, il aurait pu prendre la fuite, tout arrêter devant la dangerosité de la nana, mais non, il est resté, il l’a même prise dans ses bras malgré la douleur. Elle l’aime, son Jared. Elle ne le sait pas encore mais elle l’aime. Leur relation n’a pas vraiment l’image du cliché romantique, il n’y a pas de mots tendres, il n’y a pas de dîners aux chandelles, pas de contemplations au coucher du soleil. Ca n’était pas ce qu’elle demandait, elle si peu tournée vers les romans à l’eau de rose, elle qui se pensait jusque là condamnée à la solitude. Jared était son souffle de folie, son vent de délires dans une vie trop bien rangée. Et plus les jours passaient, plus elle appréciait sa présence, plus elle se perdait dans l’observation minutieuse de son regard. Elle pouvait en dessiner l’éclat avec précision, les nuances de couleur, l’électricité qui s’y glisse lorsque la vitesse s’enclenche. « Douterais-tu de tes qualités ? » a-t-elle simplement demandé en haussant un sourcil. Il collectionnait des figurines, d’accord. Il était un peu bordélique, okay. Il était toujours en retard, indéniable. Mais c’était son petit-ami, le tout premier de sa vie, et ça comptait beaucoup. Pourquoi croyez-vous qu’elle fasse tant d’efforts avec Janet si ça n’était pas par amour pour Jared, mh ? Honnêtement, elle est trop indiscrète pour ne pas mettre Jazz complètement mal à l’aise, dans d’autres circonstances elle aurait juste refermé la porte et serait retourné se coucher. Là il fallait prendre le petit déjeuner, faire la conversation, mentir, le tout en manquant clairement de sommeil. « Comme c’est dommage ! Le Nouveau-Mexique est un état formidable… vous devriez venir, tous les deux. » Prévisible.
La main qu’il a passée dans son dos ne suffit pas à détendre la jeune femme qui se retrouve piégée par la mère intrusive. Comment refuser poliment ? Elle ne se sent pas vraiment prête à partir en voyage avec Jared. Elle était à peine prête à laisser une robe chez lui alors faire ses valises et vivre avec lui plusieurs jours, non. Ca pourrait tout détruire. Elle pourrait tout détruire. Comment elle justifierait les explosions ? Comment elle justifierait les tremblements des murs ? D’autant que la rousse n’a pas encore tout à fait compris ce qui perturbait son optimisation, elle n’oubliait pas qu’il fallait qu’elle trouve ce qui changeait, les potentielles nouvelles failles et les risques à calculer. Il ne faudrait pas désintégrer Janet en voulant la figer. « Je ne sais pas si ça intéresse vraiment Jazz… » Pas vraiment. Elle n’a pas la moindre idée de ce à quoi ressemble réellement le Nouveau-Mexique. Elle sait qu’il y fait chaud, c’est tout. Elle sait que, de fait, Jared n’aimerait sans doute pas dormir avec une bouillotte quand il fait déjà 40°c dehors. Et puis c’est gênant, elle n’est la petite-amie du jeune homme que depuis trop peu de temps. Hé oh, elle ne veut pas être l’officielle, celle qu’on envisage de marier ! L’horreur, elle serait obligée de dire qu’elle ne croit pas au mariage et qu’elles ne veut pas de gamins puants. Des couches explosives, mieux que l’arme nucléaire. « Il y fait super chaud… mais, on pourrait faire un peu… » Il a planté son regard dans le sien comme s’il allait lui faire l’annonce la plus importante de l’année. La subtilité de Jared, à noter dans le livre des records. Il lui indique sa mère - discrètement paraît-il - pour lui faire comprendre qu’il ne peut pas exprimer le véritable fond de sa pensées. Heureusement que Jazz n’est pas encore totalement stupide, sinon la communication aurait eu le fail du siècle.
« ... de sport. » On le sait, qu’elle n’est pas douée pour les sous-entendus. Tout le monde le sait. Elle s’améliorait largement en côtoyant le speedster, si bien qu’elle a même pu envisager le double-sens de sa remarque. Elle, elle savait bien qu’il parlait d’un entrainement, un vrai, à courir partout et à tester les limites des costumes, sauf qu’elle a imaginé sans mal ce que ça donnait du point du vue de Janet. Du sport. Jared ? Après la question intime que ta mère a posé ? T’es sérieux là ? Tu déconnes à plein tube, mon gars. « Du sport ? Vraiment ? » Exactement. Tu vois dans quelle situation tu mets ta copine ? Jazz a esquissé un sourire à l’attention de Janet. « Le sport m’aide à réfléchir aux projets que je dois rendre. Jared a décidé de m’accompagner, le soir. On s’arrête, on trouve des paysages fabuleux. Je sais, ça paraît sans intérêt pour un oeil extérieur mais ça m’inspire. Et j’ai bon espoir que ça limite un peu la maladresse extraordinaire de mon cher petit-ami. » Quoi ? Faut bien continuer à mentir. Elle ne peut pas lui sortir gratuitement qu’ils enfilent des costumes ultra moulants pour tester leurs facultés et ensuite combattre le crime ! D’autant qu’entraîner Jared semble un minimum utile, il renverse les choses de façon moins sauvages. Si, j’vous assure ! Alors Janet, tu viens faire un footing ? « Peut-être qu’on pourra envisager de venir.. une fois mes travaux de groupe rendus et si son horrible patron accepte de donner ses congés à son coursier préféré. » Ca laisse du temps, comme ça. Ne rien précipiter, merci.
“Douterais-tu de tes qualités ?” Ben hé oh, oui, quand même. Un peu. Il n’est pas réellement prétentieux, hautain et connard. Vous le saviez, j’espère ? En réalité, Jared est un gars qui doute, qui rêve d’être aimé, qui complexe… c’est bon ? Vous pleurez ? Je dois continuer ? Okay. Quand il était jeune, il a souffert des moqueries de ses camarades parce qu’il était nul en tout. Même les professeurs s’y mettaient. Il rentrait de l’école, en larmes. Ah non, attendez, il s’en fichait d’être nul dans toutes les matières. Et il excellait en sport. Faut dire que courir après un ballon ne nécessite pas de savoir calculer. Aussi étonnant que cela puisse paraître. Oui oui, messieurs-dames ! Hé ouais, déjà à l’époque, il courrait. Et se cassait la gueule. Accessoirement. Mais est-ce que la légende a besoin de relater toutes ses chutes ? Je ne crois pas, non. Il y a parfois certaines choses qu’il vaut mieux garder sous silence, vous en conviendrez. Bref, on en était où ? Ah oui ! Il doute de ses qualités, évidemment ! On n’arrête pas de mettre le doigt sur ce qui ne va pas chez lui (et ses défauts sont nombreux). Au bout d’un moment, on en oublie ce qu’il y a de bien. Genre son merveilleux sourire quand il a un morceau de salade coincé entre les dents. Hm ? Ah oui, ce n’est pas possible qu’il mange de la salade… Un truc noir, alors. Heureusement que ce n’est pas le cas aujourd’hui, sinon Jazz aurait pu louper son message sublimanalement bien transmis. Mais comme elle n’était pas focalisée sur le truc entre les dents de Jared, elle a compris. Il l’a vu dans son regard. Et tant mieux, parce que sa mère est déjà en train de s’interroger sur ledit sport. “Le sport m’aide à réfléchir aux projets que je dois rendre. Jared a décidé de m’accompagner, le soir. On s’arrête, on trouve des paysages fabuleux. Je sais, ça paraît sans intérêt pour un oeil extérieur mais ça m’inspire. Et j’ai bon espoir que ça limite un peu la maladresse extraordinaire de mon cher petit-ami.” Elle est douée. Elle est carrément douée. Par pour dessiner, les gars, on l’a déjà compris. Non, elle est douée pour le faire passer pour le petit-ami parfait. Non mais sérieux ! Qui croirait qu’il est capable de COURIR ? Courir juste pour accompagner Jazz et admirer des paysages. Un truc impensable. Et pourtant, c’est bien le portrait que la jeune femme dresse de lui. Janet n’est pas complètement dupe. Détrompez-vous, elle aimerait vraiment le croire capable d’une chose pareille. Sauf qu’elle connaît bien son fils. Ou plutôt devrais-je dire qu’elle connaît bien sa flemme. Combien de fois elle avait dû lui rappeler de ramasser ses chaussettes sales ? Combien de temps avait-elle passé à lui hurler dessus pour qu’il bouge son fessier de son lit, le dimanche (et non, il n’était pas 6 heures, mais 14 heures) ? “C’est exactement ça ! On va courir et quand je n’en peux vraiment plus, elle me porte sur son dos.” C’est totalement plausible. Elle fait trois mètres de moins que lui. Elle pèse soixante kilos de moins que lui. MAIS OUI. C’est réalisable. Vous voulez une preuve tout de suite, maintenant ? Naaaaaah, ils ne sont pas en condition. Ils doivent s’échauffer, s’étirer, faire trois heures de course. Il ne faut pas négliger la partie préparation !
On passe également à côté du fait que Jared vient d’annuler toute crédibilité à la réponse de Jazz, hein. Ce n’est pas la peine. Ce serait lui faire du mal que de l’enfoncer un peu plus. De toute manière, sa mère l’a déjà grillé. Elle est maintenant persuadée que son fils est un obsédé sexuel qui a préféré jeter son dévolu sur une jeune femme, histoire qu’elle tienne la route. Pour noël, plutôt que de lui offrir des chocolats, elle lui offrira un séjour en hôpital pour soigner son obsession au sexe. Chambre individuelle, avec salle de bains privatisée. Climatisation. Chauffage. Pension complète. Il va être chouchouté comme un roi ! “Peut-être qu’on pourra envisager de venir.. une fois mes travaux de groupe rendus et si son horrible patron accepte de donner ses congés à son coursier préféré.” Alors, comment dire ? Il n’acceptera jamais. Si on cumule tous les retards de Jared, on peut dire qu’il doit au moins vingt jours de travail. Ce qui correspond approximativement à son nombre de congés payés. Dooonc, maman Hemingway ne verra jamais son fils à la maison. JA-MAIS. On soupçonne qu’il fasse exprès. Mais nous n’avons pas encore de preuves pour l’attester. Si vous entendez quoi que ce soit, contactez le 805.334.826. Merci. En attendant, sa mère n’a plus qu’à croire Jazz. Et Jared n’a plus qu’à jouer la comédie. “D’ailleurs, faudrait que j’aille lui demander tout de suite, non ?” Oui, parce que n’oublions pas qu’il est censé travailler. Au lieu de cela, il est juste en train de se goinfrer de croissants. Autant dire qu’il est loin du coursier super-productif qu’il devrait être. Mais bon, on ne peut pas être parfait, n’est-ce pas ? D’un autre côté, il n’a pas le droit de laisser Jazz supporter sa mère. Sinon, y en a une des deux qui risque de mourir. Il ne veut pas savoir laquelle, honnêtement. Mais peut-être que s’il assomme sa mère et l’enferme dans un placard, il aura le temps de retourner faire son job (c’est-à-dire se tourner les pouces) et de revenir, avant que sa mère ne se réveille. Vous en pensez quoi ? Oh, ça va ! Ne vous insurgez pas devant la maltraitance de sa mère. Je vous rappelle qu’elle a commencé en lui donnant des gènes de maladroit ! Alors, à un moment donné, il faut bien que ça lui retombe dessus. “Ne me dis pas que ton patron te refuse encore tes congés, Jaja ! Il est vraiment temps que tu changes de travail...” Et c’est repartiiiiiiiiii. Faut toujours qu’elle lui rabâche les mêmes choses. Pour la séquence qui suit, merci de prendre une voix aiguë et d’imaginer sa mère, avec des bigoudis dans les cheveux et un rouleau à pâtisserie dans la main. ‘Tu mérites bien mieux que ça’, ‘Tu te tues à la tâche’, ‘T’as un cerveau, sers-toi en, bordel !’. Je m’arrête là, sinon vous allez en avoir marre. Vous avez compris, de toute manière. Janet veut que son fils devienne un homme d’affaires qui passe son temps en costume. Sauf qu’il y a un problème : il ne sait pas repasser correctement une chemise. Ah oui, il pourrait aussi oublier le fer à repasser sur ses fringues. Petit détail à souligner.
Et purée de biquette, ils sont obligés d’avoir cette conversation devant la parfaite Jazz ? La petite-amie idéale qui a trouvé le boulot de ses rêves, qui est brillante (trois fois plus que Jared) et qui n’a sûrement pas envie d’être là pendant cette discussion ? Non, évidemment que non. Ils ne peuvent pas attendre que Jazz parte ? “Je ne vais pas changer de....” Il est coupé par sa mère qui reprend aussitôt la parole. Comme d’habitude. Il pousse un soupir quand il la voit poser son regard sur Jazz. Evidemment. Prendre la petite-amie à parti. La solution parfaite. “Vous ne pensez pas qu’il gâche ses capacités à travailler pour cet… cet idiot ?! Il exploite Jared et ne lui donne même pas quelques jours !” Bon okay, Janet a raison. Jared est mal payé. Il risque sa vie (regardez tous les hématomes qu’il se tape à force de se casser la tronche sur le trottoir…. oui, je sais, il n’a pas besoin de travailler pour ça). Il se fait tout le temps disputer (même si les trois quart du temps, il le mérite). Et sérieusement, ce boulot n’est qu’un job alimentaire. Il a d’autres ambitions. Qu’il laisse en sourdine parce que bon, hein oh, il faut payer le loyer, les gars ! Il fait des choix : être coursier lui permet de connaître New-York comme sa poche, d’être disponible n’importe quand pour trouver les super-héros et de s’absenter pour jouer les héros, lui aussi. Un autre poste ne le lui permettrait pas. Qui accepterait que son employé s’absente quelques heures, hein ?
Jared est sans doute le pire menteur de l’univers mais elle fond devant ses billes pleines de malice, elle n’a aucun moyen de résister au drôle d’effet qu’il lui fait, même si il est maladroit, même si il renverse des objets sur son passage, même si il n’est plus cette normalité absolue qu’elle espérait. Quand il fait l’idiot, quand il détruit ses efforts pour lui donner l’image du fils parfait, elle ne peut s’empêcher de sourire. Janet pourrait ne pas être là, ce serait pareil, dans sa manière de l’observer tout trahissait ses émotions, son affection pour ce kamikaze du vélo. « D’ailleurs, faudrait que j’aille lui demander tout de suite, non ? » Elle hausse les épaules. Il est théoriquement en plein dans ses horaires de travail mais cela, il ne peut pas le dire à sa mère, elle serait bien trop suspicieuse. La rousse réfléchit à un moyen de l’aider, de discrètement lui permettre de partir. Difficile. Elle voit tout, la dame. Elle a des yeux au rayon laser pour surveiller son gamin terrible, l’habitude sûrement de le retrouver au sol un bras cassés alors qu’il a essayé de s’envoler comme Thor. L’expression amusée trahit ses pensées quand elle tourne les prunelles mordorées vers Jared. Piégé. Il n’avait qu’à pas détruire son joli argument d’un Jaja qui se prend en main. « Ne me dis pas que ton patron te refuse encore tes congés, Jaja ! Il est vraiment temps que tu changes de travail… » Elle parle beaucoup. Elle croit vraiment que le patron est le seul fautif ? Jazz n’a pas son mot à dire dans cette histoire, elle n’est pas concernée par la maltraitance dont il est victime, en dehors du fait qu’elle est actuellement la responsable de son retard - du moins ce matin-là, c’était sa faute. Vous n’étiez pas avec eux cette nuit, vous ne pouvez pas comprendre. Si elle avait passé la nuit chez elle, il n’aurait pas été piégé par sa chaleur, par sa peau, par sa foutue façon de le coller. Puis il y’a la tringle de douche tueuse, elle lui fait aussi perdre du temps. Enfin bref, il y’avait un tas de paramètres que Janet ne pouvait pas comprendre.
« Vous ne pensez pas qu’il gâche ses capacités à travailler pour cet… cet idiot ?! Il exploite Jared et ne lui donne même pas quelques jours ! » Bien sûr que Jared est mal payé, que ça lui demande plus d’efforts qu’il n’obtient de récompenses. Bien sûr que c’est un job ingrat, mais Jazz ne juge pas, elle n’en a pas envie. Elle vient de quitter ce qui faisait toute sa vie et elle comprenait que son petit-ami se plaise dans un emploi jugé par beaucoup, parce qu’il y avait ses habitudes, ça lui laissait du temps, il voyait du monde et connaissait la ville par coeur. « Si Jared n’avait pas été sur ce vélo, à livrer des colis, je ne l’aurais jamais rencontré. » C’est une affirmation tendre ornée d’un sourire doux. Elle n’aurait pas été renversée par ce fou des pédales, il ne l’aurait pas harcelée pour lui offrir un café, ne lui aurai pas livré un colis, et ils n’en seraient pas là. On dit parfois que c’est le destin et si Jazz n’y croyait pas, elle était consciente de la chance qu’elle avait eu de rencontrer un garçon capable de l’accepter toute entière, avec son optimisation et sa dangerosité.
« Et puis, le jour où il se sentira prêt à faire autre chose, il sera toujours à temps de le faire. N’est-ce pas Jaja ? » Elle se moque, la vilaine fille. Elle se moque de ce petit nom affectueux. Jazz et Jared avaient beaucoup trop de lettres en commun pour qu’elle s’en prive, surtout qu’il l’appelait Jazzounette, ça méritait bien une petite vengeance. Oh que oui mesdames et messieurs. Elle se lève, dépose un baiser sur la joue du jeune homme et va déposer son verre dans l’évier. Elle nettoierait plus tard, quand ils auraient réglé le problème Janet. Calmement, elle se dirige vers le téléphone de Jared qui vibre. Tricheuse, elle a discrètement lancé un appel pour tenter de le sortir de l’impasse. « Tiens Jared, ton patron t’appelle. Je crois qu’il a besoin de renforts. Heures sup’ ? » Menteuse. Elle pose le portable entre les mains masculins en prenant soin de ne pas mettre l’écran sous le nez de Janet. Opération Coursier en Danger ?
Il déteste quand elle fait ça. Quand sa mère se mêle de sa vie. Quand sa mère joue la coach sportif. Alors, 1/ elle ne porte pas un affreux sur-vêtement rouge 2/ elle n’a pas fait de sport depuis trente ans 3/ elle n’est pas du tout crédible dans le rôle de la coach qui tire ses poulains vers le haut. Y a qu’à voir ce qu’elle a fait de sa propre vie ! Elle est tombée enceinte, jeune, et elle n’a jamais cherché à trouver une autre personne pour partager sa vie. Elle s’est concentrée sur son fils. Lui offrir un avenir. Lui donner tout ce dont il a besoin. Mais pas que ! Lui faire vivre des hontes monumentales. Lui refuser tous les bonbons qu’il voulait (à quoi bon travailler s’il ne pouvait pas avoir de bonbons, sérieux !). Lui interdire l'utilisation de la télévision (il a pourtant promis que la fenêtre s'était cassée toute seule). Et bien d’autres encore. Depuis des années, sa vie tourne autour de Jared. Alors qu’elle ne lui dise pas qu’il peut mieux faire ! D’abord, il en a parfaitement conscience. Mais il a trop la flemme pour entreprendre quoi que ce soit pour le moment. Ensuite… ensuite, il a trop la flemme. Je n’ai pas d’autres excuses. Il pourrait. Sérieusement. Il doit juste trouver le courage de surmonter sa fainéantise. A moins qu’il n'ai peur de l’échec. Lui, le gars qui ne se prend jamais la tête. Ce serait vraiment étrange, non ? “Si Jared n’avait pas été sur ce vélo, à livrer des colis, je ne l’aurais jamais rencontré. ” AH ! VOILA ! Preuve que son travail est parfaitement utile ! Sans ce job, il n’aurait jamais rencontré l’amour de sa vie, il ne pourrait jamais donner des petits-enfants à sa mère et il serait déprimé, au fin fond de son lit. Janet ne peut qu’être heureuse de ce qu’il se passe dans la vie de son fils ! Okay, il pourrait avoir un meilleur salaire et donc, un meilleur appartement. Mais quand même. D’ailleurs, Janet fait la moue. Quand il était petit, Jared imaginait à quoi elle ressemblerait si elle rétait coincée ainsi. Ce qui avait la fâcheuse tendance de le faire éclater de rire. Ce qui enclenchait immédiatement un regard noir, puis (si son fou rire persistait) une punition. Hé oh, on se moque pas du Dragon ! Jamais. A l’époque, Game of Thrones n’existait pas. Jared ne pouvait pas savoir ! “Et puis, le jour où il se sentira prêt à faire autre chose, il sera toujours à temps de le faire. N’est-ce pas Jaja ?” Il tourne brusquement la tête dans sa direction. Jaja ? JAJA ? Elle ose l’appeler JAJA ? Il va être obligé de le lui faire payer dès qu’ils seront seuls. Pas le choix. Il peut déjà réfléchir à sa sanction. Parce qu’on ne rigole pas avec ce surnom. Il le tolère venant de sa mère (il n’a pas son mot à dire, de toute manière). Venant de sa petite-amie, c’est différent. Surtout que dans son regard, il lit une pointe de moquerie. Elle se moque ! Elle a conscience qu’elle pourrait avoir le même surnom ridicule ? Ou même pire ! Quoique, il n’y a pas pire que Jazzounette… SI ! Mon sucre d’orge. Mon poussinou d’amour. Hein hein. Une idée machiavélique commence à faire son chemin dans son cerveau. Elle ne sait pas ce qu’elle a déclenché. Elle ne sait pas à qui elle a affaire.
Pour l’instant, elle a eu l’image de Jared, le gars sage. Jared, le petit-ami parfait. Jared, le mec patient. Jared, l’homme maladroit. Il est temps de dévoiler une facette plus sadique et vengeresse. Attention ! Elle pourrait le regretter. Et là, on ne parle pas de chatouilles. On ne parle pas d’attaque de baisers. On parle bel et bien d’une vengeance. Niark niark niark. Tremble, Jazz, treeeeeeemble. Et le baiser sur sa joue n’y change rien. Trop tard. Il est déjà en train d’élaborer une stratégie. Un plan bien ficelé. Elle va voir ! Elle va regretter. “Je suis parfaitement d’accord avec vous ! Mais je pense qu’il pourrait faire tellement mieux… qu’est-ce qu’il est arrivé à toutes tes ambitions ? Tu avais plein de rêves quand tu es parti.” Bien sûr qu’il avait plein de rêves. C’est la raison pour laquelle il avait décidé de tout quitter pour New-York. Et d’ailleurs, il en a exaucés quelques uns ! Il a rencontré des super-héros. Il a discuté avec Thor. Le dieu s’est même tenu sur le canapé. Pile à l’endroit où Cathor adore ronfler pendant des heures. Coïncidence ? Je ne pense pas. “Elles sont toujours là, maman… faut juste du temps. Okay ? Je compte pas faire le même job toute ma vie !” Et regardez, là, son regard de chien battu. Mais non, pas celui de Jared ! Celui de sa mère, voyons ! Vous pensiez quoi ? Que le mec avait inventé cette expression juste pour obtenir ce qu’il veut ? Pas du tout. Il le tient de sa mère. Il a observé comment elle l’utilisait pour éviter une amende, pour convaincre ses parents de garder son mioche maladroit (allez, mamaaaaaaaan, promis, j’te payerai les vases cassés). Quand il a découvert le pouvoir d’un simple regard, il ne pouvait qu’en profiter. Ce n’est pas le dernier pour capter ce qui fonctionne ! Et là, aujourd’hui, elle fait la même tête, histoire de convaincre son fils de lâcher son job pour un truc mieux payé et plus gratifiant. M’enfin, c’est gratifiant de se faire insulter parce qu’on est en retard, de supporter la mauvaise humeur des gens ou de porter un colis de trois kilos sur cinq étages, sans ascenseur. Tout le monde ne peut pas se vanter d’avoir monté autant d’étages avec un poids lourd (et quand je dis poids lourd, je ne parle pas de la tartiflette de la veille qui pèse encore sur l’estomac). “Je ne veux pas prendre n’importe quel poste. Je veux un boulot où je suis utile et où je peux aider les gens.” Super-héros. C’est un bon job, vous ne trouvez pas ? Okay, il serait encore moins payé qu’en étant coursier. Okay, ce serait deux fois plus dangereux que faire du vélo à New-York. MAIS, il se sentirait utile et il serait plus épanoui dans son travail. On ne peut pas tout avoir ! De toute manière, il a déjà commencé les changements. Sauf qu’il ne peut pas le dire à sa mère. Il meurt d’envie de le lui hurler au visage, de lui montrer ce dont il est capable, de voir son sourire joyeux. Il ne peut pas. Parce qu’elle pourrait le punir de trois semaine sans sorties. Parce qu’elle pourrait leur faire infarctus. Et franchement, qu’est-ce qu’il ferait d’une meuf morte dans son appartement, hein ? “Tu ne vas pas réessayer d’entrer dans la police, hm ?” Pourquoi elle a l’air si sceptique ? Il a compris qu’il n’était pas fait pour la police. Trop maladroit. Trop irresponsable. Du coup, il se lance dans un truc moins ambitieux. Il pense à un truc moins difficile : super-héros. Chuuuuut ! Ne dites rien ! Je n’ai pas précisé quel type de super-héros il sera. Si ça se trouve, il se contentera de sauver des chats coincés dans des arbres. C’est gratifiant et en plus, il aurait un salaire. Ben oui. Les gâteaux offerts par les grands-mères sont une forme de salaire. Et après quelques années d’expérience, il négociera une augmentation salariale : une cuisse de poulet pour chaque chat sauvé. Un bon deal, non ?
Jared n’a pas le temps de répondre à sa mère. Jazz est à côté de lui, son téléphone dans les mains. “Tiens Jared, ton patron t’appelle. Je crois qu’il a besoin de renforts. Heures sup’ ?” Son patron ? Merde de merde de merde ! Vous l'aurez compris : très grosse merde en perspective. Mais quand il baisse les yeux sur l’écran, ce n’est pas le numéro du boulot qui apparaît. Il se lève de table pour s’enfermer dans la chambre. Sur le chemin, il prend une grande inspiration. Il entre dans la peau du salarié modèle. Il se lance dans une incroyable prestation de comédien. Il aurait dû prendre des cours de théâtre quand il était gamin. Ca lui aurait servi à tant de reprises ! Ca devrait être obligatoire à l’école. Rien que pour savoir mentir aux parents. Ils ne sauraient même pas que vous n’avez pas fait vos devoirs. Génial ! “Yep, boss ? Qu’est-ce que j’peux faire pour vous ? … Hein hein, hmmm… MON DIEU UNE LIVRAISON EXPRESS ?!... mais, vous voyez, j’suis en famille… d’accord, okay, j’arrive. D’ici trente minutes. Okay.” Je serais toujours aussi étonnée par son talent d’acteur. On croirait vraiment voir Leonardo Dicaprio. Vous ne trouvez pas ? Non ? ROH ! Que vous êtes difficile à convaincre. Vous verrez, dans quelques années, il sera le premier super-héros a avoir une carrière au cinéma. Quand il recevra des récompenses, il aura une petite pensée pour vous. Une pensée qui se résumera en un “fuck you!”. Une pensée toute en élégance et en maturité, vous constaterez. Il range le téléphone dans sa poche. Fuck aussi le cancer des testicules. Enfin, il sera moins vindicatif le jour où on lui en diagnostiquera un. En attendant, il joue les inconscients. Manière, il a plus important à gérer : sa mère. Un problème à la fois. Oui, sa mère est un problème. Il n’y a aucune gêne à le souligner, voyons. Que vous êtes coincés ! Il sort de la chambre, une grimace sur le visage. Pour une fois qu’il ment facilement. M’enfin, attendons qu’il ouvre la bouche avant de sauter de joie. “J’suis désolé, je vais devoir y aller...” Et finalement, c’est la vérité. Okay, il n’a pas reçu d’appel, mais son patron l’attend réellement. Espérons juste que le mec ne s’est pas aperçu de l’absence de son employé. Sinon, Jared risque d’avoir des ennuis. Beaucoup d’ennuis. Il désespère d’avance. Il va encore se retrouver à livrer des trucs à l’autre bout de New-York. Vive les courbatures ! Il se dirige vers la table pour en débarrasser ses affaires. Jazz avait déjà commencé avec sa propre vaisselle. Genre, elle fait que sa partie ! Elle pourrait aussi faire la lessive et participer au nettoyage de la litière de Cathor. Ce serait la moindre des choses, déjà qu’elle loge ici presque gratuitement ! Booon, d’un autre côté, il commence à faire froid, alors s’il peut économiser un peu d’argent sur le chauffage grâce à la chaleur de Jazz, il ne va pas cracher dessus. Allez, il fait le ménage, elle s’occupe de la température. Un bon compromis. “Mais enfin, je viens juste d’arriver ! C’est légal de te faire venir dans l’heure ?” Il pousse un soupir. Elle n’est pas un peu pénible, la mère ? Un peu, hein. Juste un tout petit peu. Jared préfère ignorer. Technique de base développée pendant son adolescence. Il a appris quand il était gamin à ne pas prendre en considération certaines de ses remarques. Vous pouvez voir ça comme une sorte d’instinct de survie.
Au lieu de cela, il s’arrange pour croiser le regard de Jazz. Raaaah, sa petite Jazzounette. Oui, SA. Parce qu’il l’aime bien. Parce qu’elle est juste parfaite. Et parce qu’elle est capable de foutre sa mère dehors. Rien que pour ça, il pourrait l’épouser. Ouais. Quand il a capté son attention, il articule un ‘merci’ silencieux. Reste à savoir s’il aura une bonne conscience professionnelle : rester avec Jazz ou repartir travailler. C’est qu’il a bien envie de prolonger leur soirée… ou de débriefer la venue de sa mère. Jazz aura sûrement besoin d’exprimer tous les malaises qu’elle a eus. “Je t’appelle un taxi, maman ?” Il tient trop à ces deux femmes pour laisser sa mère dans son appartement. Déjà, elle en profiterait pour faire tout ranger et nettoyer (tiens, tiens, ça pourrait être intéressant). Et elle fouillerait. Elle ne peut pas s’en empêcher ! Elle doit entrer dans la vie de son fils quand il tourne le dos. Elle est insupportable ! Il la soupçonne d’avoir eu une vie antérieure de détective privé. Avec une pipe dans la bouche. Une casquette à carreaux. Des lunettes rondes. Une cape. Vous voyez le truc ? “Fais donc… on se revoit après ta journée, mon chéri ?” Merde, quoi ! Pire qu’un roquet, cette mère. En même temps, il s’attendait à quoi ? C’est SA mère, justement. Si vous vous demandiez d’où vient la ténacité de Jared, vous savez. Sachez aussi qu’elle est pire que lui. Bien pire. La seule personne devant laquelle elle n’a jamais obtenu ce qu’elle voulait, c’était le père de son gamin. Autant dire qu’elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Jared jette un coup d’oeil en direction de Jazz. Il verra sa mère ce soir, c’est certain. Elle a fait tant de kilomètres pour le voir juste pendant quelques heures. Il ne peut pas le lui refuser. Et puis, ça fait une éternité qu’ils ne se sont pas vus. Par contre, Jazz semble avoir eu sa dose de Janet Hemingway pour les trois prochaines années. “Je te vois ce soir, oui. Je réserve le restau de la dernière fois ?” C’était quoi, déjà ? Un truc où ils servent ce qu’ils appellent de la ‘bonne bouffe’. Un truc où les plats sont trop bons pour être vrais. Un truc qui se fait passer pour de la gastronomie américaine. Mais non ! Non non et non ! La bouffe américaine, c’est de la pizza, des burgers, du graaaaaas. Partouuuuuuuut. “Oh oui ! Tu devrais y emmener Jazz, un jour. Je suis sûre qu’il ne vous a jamais emmené dans un vrai restaurant, pas vrai ?” Trop que si ! Il l’a déjà emmenée dans un restaurant… un fast-food, ça compte ? Ah non, attendez, y a bien eu cette fois où… en fait, non, oubliez. BON OKAY. Ils n’ont jamais eu de repas en amoureux, dans un restaurant où on ne sert pas les plats dans des boîtes en carton. Okay. Mais ça reste un repas, non ? Sa mère finit par laisser le couple tranquille, dans l’appartement. Non sans avoir claqué la bise à Jazz et avoir enlacé son fils. On ne dira rien de la menace maternelle pour qu’il soit à l’heure, ce soir. On n’évoquera pas non plus sa tentative échouée de caresser Cathor. On risquerait de blesser la mère, le fils et le chat.
Lorsque Jared referme la porte derrière sa mère, il pivote sur place. Un enthousiasme faussement feint. Non pas qu’il soupçonne Janet de rester derrière la porte, l’oreille collée au mur. Quoique… ce serait incroyablement étrange, non ? Imaginez que ses voisins la surprennent, le cul tendu. Mon dieu. Jared va encore avoir une réputation étrange ! Elle ne doit pas montrer le mauvais exemple, sinon tous ses voisins vont l’imiter. “Hé bien, ça ne s’est pas passé si mal que ça !” Hein ? Mais siiiiii, si on omet l’évocation de leur vie sexuelle et les reproches de sa mère, tout s’est bien passé. Regardez, elle a bien aimé son jus d’orange et son croissant. Ce qui est un bon point ! Vous ne trouvez pas ? Rhan ! Vous gâchez son enthousiasme, vous êtes casse-pieds ! Toujours sur la même vague de déni, Jared continue. Il est lancé, qu’est-ce que vous croyez. On ne l’arrête plus. “C’est une femme adorable, hein ?” FOR-MI-DA-BLE. C’est le premier mot qui vient à l’esprit de chaque personne qui parle avec Janet pour la première fois. Jazz ne peut qu’approuver. Ou pas.
Jazz a la vague impression d’être dans un univers parallèle où elle aurait une vie normale. Rendez-vous compte : une vie normale ! Une belle-mère envahissante, un petit-ami pas dégourdi, un appartement rangé à la dernière minute - seconde en fait - et un chat. Quelle horreur ! Si elle ne parle pas beaucoup, c’est qu’elle observe, et qu’elle se dit qu’elle aurait préféré se réveiller tranquillement, peut-être au retour de Jared, sans avoir à subir des fluctuations émotionnelles stressantes. Soyons honnêtes deux minutes : la première fois qu’elle arrive à apprécier pleinement tout ce que comporte le fait d’être en couple - contacts compris - il faut que Janet débarque, et ça c’est carrément pas sexy. Pendant qu’ils parlent des ambitions du fils pas assez prodige, Jazz en profite pour mettre sa concentration en pause, parce qu’elle est fatiguée, elle le réalise à peine. Elle a dormi combien de temps déjà ? Pas assez. Et elle ne peut pas bailler devant madame Hemingway qui se vexerait dans la seconde. Si elle avait dormi chez elle, elle se serait couchée tôt et elle aurait été en forme. Bon, elle aurait perdu une jolie nuit dans les bras du speedster, c’est vrai. Ca pèse dans la balance mais peut-être pas autant que le gros point négatif qu’était Janet. Quoi ? Non mais c’est vrai ! Elle est pénible à se mêler de tout, et elle embarrasse Jazz avec ses questions intrusives. « Tu ne vas pas réessayer d’entrer dans la police, hm ? » Pitié, elle arrête quand de vouloir régir la vie de son gamin ? Il a vingt-six ans, il peut se débrouiller et s’il ne devient pas ingénieur, c’est quand même pas bien grave - surtout qu’il pédale plus vite que n’importe qui dans cette fichue ville. Elle n’a même pas perçu la vengeance dans les yeux du coursier, trop occupée à faire semblant d’écouter. Jazz n’avait jamais été dissipée, ni en cours ni le reste du temps, mais apparemment elle apprenait vite. Dieu qu’elle rêverait de s’étaler dans les couvertures..
Sauvetage de Jared. Et d’elle-même un peu. Le coup du téléphone devait suffire à les débarrasser de la curiosité maladive de la mère. Ouais, cours toujours va. Elle lâche jamais rien, Janet. Jamais. Elle trouverait de l’eau au milieu du désert pour rejoindre son bébé d’amour. Quant aux talents d’acteurs de Jared, on a vu mieux, parole d’agent du Shield. Ex-agent du Shield, pardon. Elle a du mal à s’y faire. Et rien que d’y penser ça la déprime. « Mais enfin, je viens juste d’arriver ! C’est légal de te faire venir dans l’heure ? » Le soupir est explicite et tandis que la rousse enlève les miettes, lui semble résolu à ignorer les remarques - tant mieux vous me direz parce que la dame a l’air capable de passer la journée à réprimander la moindre marque d’insolence. Malheureusement pour Jazzounette, son Jaja sera aux abonnés absents ce jour-là, entre son job et sa.. mère. Chouette. Paye ta déprime gamine, ça ira mieux demain. Elle pourrait aller voir Bobby et Warren, puisqu’elle avait du temps. Quoique, mauvaise idée : Warren était bien capable d’aller faire un scandale au SHIELD parce qu’on embête sa rousse préférée. Vous connaissez pas ce piaf, aucune limite ! Un peu comme Janet mais avec des plumes. Que quelqu’un ramène l’univers à sa place, pour la santé mentale de la demoiselle ! Elle les aimait bien, ses journées trop remplies, ses heures à courir derrière des mutants incontrôlables. Pour la première fois depuis des années, elle se sentait carrément inutile. Elle avait eu de l’ambition toute son adolescence et ça lui explosait entre les doigts, c’était donc Jared le plus réaliste : autant ne pas faire trop d’efforts, après on est déçus.
« Oh oui ! Tu devrais y emmener Jazz, un jour. Je suis sûre qu’il ne vous a jamais emmené dans un vrai restaurant, pas vrai ? » Hein, quoi ? Qu’est-ce qu’elle dit ? Un restaurant ? Mais si, un fast-food. A emporter. Qui avait le temps pour les restaurants ? Ah bah elle maintenant, il semblerait. Quel enfer. C’est quand qu’elle s’en va, la Janet ? Elle a ce foutu don pour poser des questions auxquelles Jazz n’a ni l’envie ni la foi de vraiment répondre. « Je n’aime pas vraiment cela. » s’est-elle contentée de rétorquer, avec un brin de provocation dans la voix. Okay, Jazz avait atteint le seuil de tolérance. Et en refermant la porte, lui là, il a le culot de lui vanter la formidabilité (j’invente des mots si je veux) de sa mère. Elle lève les yeux au ciel, comme si elle était soudain prise du syndrome Jekyll et Hyde. Finie la nana parfaite, oups. « La prochaine fois je fais la morte. » Ouh. Pas contente. Elle s’est laissée tomber sur le canapé - en prenant soin de ne pas voler la place de Moustache - avec un soupir explicite. Hé, elle est passée où sa copine, à Jared ? Y’a eu un kidnapping, je crois. « Me regarde pas comme ça, le chat, sinon j’fais flamber tes croquettes. » Dissuasion, vous connaissez ? Enfin ça n’a pas l’air d’impressionner beaucoup la bestiole. Soit il est aussi fainéant que son maître, soit il est aussi suicidaire. « Tu sais, Jared, c’est fatiguant de jouer la copine bien comme il faut alors ce serait gentil de me prévenir, quand ta mère doit débarquer. Il va te falloir beaucoup d’autres nuits comme la dernière avant de te faire pardonner.. » … On a perdu Jazz, les gars. Appelez le Shield, quelqu’un l’a détraquée ! Ah non, c’est Jared qui l’a détraquée. Le mec la console merveilleusement bien - sans le savoir - et ensuite il la torture dés le réveil en pensant qu’avec des pâtisseries, ça passerait. Il est naïf, ce garçon. Mais tellement craquant avec ses beaux yeux et son sourire malicieux. Ts. Elle craquera pas, c’est mort. Elle est pas d’humeur. En plus il va la laisser toute seule, sans occupations. Quoi ? Oui, okay, souvent il lui arrivait aussi de partir bosser en urgence le dimanche mais ça c’était avant. Avant que le gouvernement déconne et l’organisation avec. Le chômage, c'est déprimant.