Tenter de reprendre sa vie, reprendre le travail, se refondre dans le quotidien comme si rien n’avait bougé, c’était clairement l’une des choses les plus difficiles lorsqu’on sort d’un évènement traumatisant. Lorsqu’on se réveille le matin, quand on a encore une plaie béante à l’intérieur de soi, l’envie de sortir de sa torpeur et faire face au monde qui n’en a que faire des blessés de la vie, n’était pas forcément présente. Mais il fallait le faire, rester courageux pour ne pas se laisser aller et sombrer dans la folie. La mort de son père était une terrible épreuve à surmonter, surtout quand on sait que sa vie n’a pas été dérobée de façon naturelle. Beaucoup de personnes auraient laissé tomber, se seraient laissé tomber dans une mélancolie qui aurait sans doute finie par être fatale. Ce n’était pas le cas de Karen qui n’allait pas se laisser abattre. Elle avait regagné son bureau au Bulletin dès la fin de son congé, ouvertement blessée, mais dotée d’une nouvelle détermination qui la maintenait en vie, lui donnait intimement cette force de continuer à exister.

Entre deux articles écrits et transmis à son responsable, Karen faisait des recherches sur les différents moyens de repérer les mutants, et quelles étaient les manières les plus efficaces de les neutraliser, au moins pour pouvoir se débrouiller de façon théorique. Les mutants, elle savait qu’il y en avait plusieurs sortes, avec des capacités particulières. En tant qu’humaine, Miss Page savait bien qu’elle ne pourrait pas se lancer dans cette croisade seule sans prendre aucun risque. Il allait falloir qu’elle trouve un moyen de pouvoir accomplir sa vengeance sans danger, et pour le moment, les portes et les solutions n’étaient pas encore ouvertes, ni apparues. Mais loin, Karen était de vouloir abandonner. A force de chercher, de creuser sans arrêt pour pouvoir se frayer un chemin accessible, elle allait trouver, la jeune femme, une ouverture pour réaliser ses desseins. Il était juste question de temps et de recherches à présent.

Karen se rendit compte de l’heure du déjeuner que lorsque son rédacteur en chef toqua à sa porte pour lui proposer de manger avec lui afin de discuter d’une affaire qu’ils pourraient médiatiser, levant son nez du dossier d’éléments qu’elle était en train de réunir pour mieux appréhender les êtres mutants. Elle n’avait pas vu le temps passer mais elle savait qu’une pause lui ferait le plus grand bien. Rapidement alors, elle verrouilla son ordinateur et suivit son patron à l’extérieur du bâtiment, l’air estival et la haute luminosité firent un bien fou à la jeune femme qui rayonnait de santé et pouvait penser à autre chose que son deuil si douloureux. Ils marchaient ensemble, conversant avec une bonne énergie sur ce nouveau papier à réaliser en se rendant vers le restaurant habituel où ils appréciaient se ravitailler. Tout le monde autour d’eux, se pressaient pour rejoindre leur destination d’un pas pressé, ainsi était la vie à New York, et ils étaient loin d’en faire exception. Mais alors qu’ils levèrent le nez ensemble pour traverser un passage piéton, le regard de Karen se figea d’un seul coup sur le visage d’un homme face à elle, qui la fixait, alors que son responsable continuait à parler, ne se rendant pas compte tout de suite que Karen, bizarrement, n’était plus apte à l’écouter. « Euh, écoutez, je suis désolée mais … Je crois qu’on va devoir remettre notre déjeuner à plus tard. » Son responsable s’arrêta tout d’un coup, fixant Karen d’un air plutôt incrédule, mais sa collaboratrice ne démordit pas. Elle avait reconnu quelqu’un, Karen, et dès la seconde où elle avait enfin percuté son identité, ce sentiment horrible d’incompréhension se fit, une surprise trop grande pouvait se lire sur son visage. Le souffle presque haletant, elle se mit à courir en direction de cette personne, prise d’adrénaline. Traversant la zone piétonne aussi vite que ses pas hissés sur talons le lui permettaient, elle ne crut d’ailleurs pas tout de suite à cette apparition, se trouvant un peu idiote, mais il fallait qu’elle en soit sûre. Cet homme, il aurait dû être mort il y a des années, Karen l’avait enterré tristement avec ses parents, cet homme, il ressemblait étrangement à son frère disparu, Kevin.

C’est pour cela que c’était presque avec les larmes aux yeux qu’elle avait suivi à la course ce mystérieux « inconnu » qui avait dû accélérer sa marche, se sentant clairement suivi. Karen, elle dévala entre les personnes, tentant de le garder à vue, mais pas évident avec ces aiguilles qui lui demandaient plus d’attention pour ne pas risquer de se briser la cheville. Elle crut voir alors bifurquer dans une ruelle, dans laquelle Karen suivit une quinzaine de secondes plus tard. Au moins, elle se débarrassait du flot de personnes, et la visibilité allait être plus facile pour elle … Sauf qu’il n’y avait personne. Karen se retrouvait seule alors qu’elle était persuadée avoir vu le fuyard tourner par ici … Avançant prudemment, la blonde tenta alors de reprendre son souffle, tout en observant les alentours face à elle, mais soudain, des mains derrière elle arrêtèrent sa marche d’un seul coup, lui arrachant un cri étouffé de surprise, et son corps se retrouva collé, sur le ventre au mur d’un grand bâtiment sans aucune possibilité de bouger. Elle était coincée, Karen, sa vigilance clairement trompée sur ce coup. « Je … Je ne vous veux pas de mal ! » lâcha t’elle, sur le coup. Etant bloquée, la jeune femme ne pouvait pas visualiser son assaillant, ni même trouver une parade pour se libérer. Elle pria alors intérieurement pour qu’il ne s’énerve pas et ne lui fasse aucun mal. Pauvre idiote, ce n’était sans doute pas Kevin, il ne pouvait pas être lui.