it's a revolution, i suppose x-resistance • never back down! | | | lost in shame I ran out of time and second chances Après une détonation qui n’était que trop familière, Kurt se redressa tandis que le nuage et l’odeur de soufre se dissipaient. Une main tendue en face de son visage pour se protéger de la soudaine luminosité trop abondante qui l’attaquait, alors qu’il s’attendait encore à supporter la noirceur de la soirée ou bien l’obscurité de la forêt dans laquelle il venait d’accomplir la plus terrible des choses qu’il avait fait de toute son existence. Le corps encore tremblotant d’adrénaline et la respiration quelque peu haletante alors qu’il observait son nouvel environnement, il laissa échapper un léger bruit de stupeur en remarquant qu’il n’était pas seulement dans un tout autre endroit et pays, mais surtout qu’il n’était pas à la même hauteur, les pieds suspendus sur une vieille et imposante statue de pierre sale qui décorait mollement et tristement l’un des côtés du bâtiment sur lequel il s’était immédiatement matérialisé. Se penchant pour observer en contre-bas, Kurt fronça les sourcils, une mine d’incompréhension plantée sur le visage alors qu’il reconnaissait les rues de New York, mais surtout devant leur étonnante entièreté, en ce qu’il s’était habitué à les voir réduites en miettes et en débris, parsemées d’impacts et d’explosions plus ou moins imposantes. Mais pas cette fois, tout semblait plus calme, plus vivant et surtout plus serein et apaisé. Comme si tout était de nouveau en paix, comme si Apocalypse et ses cavaliers n’étaient jamais venus. Comme si rien de tout ce que Kurt et les autres avaient fait n’avait eu lieu. Tout autant confus que surpris, Kurt resta immobile sur la figure de pierre pendant quelques instants, sa queue s’enroulant autour de celle-ci dans un geste si automatique que Kurt n’eut même pas conscience de le faire, tandis qu’il réfléchissait. Il ne comprenait pas où il était, si c’était vraiment New York pourquoi n’était-elle pas détruite ? Si ce n’était pas New York où pouvait-il être ? C’était étrange, tellement qu’il ne remarqua même pas que l’hologramme de son inducteur n’était pas activé. Se redressant toujours aussi confus et plein de questions, Kurt escalada la surface du bâtiment pour en faire le tour et pouvoir descendre ailleurs qu’en plein milieu de la rue, là où on ne le verrait pas.
Ne préférant pas se téléporter simplement pour éviter d’attirer l’attention sur lui, Kurt posa finalement les pieds au sol et observa les alentours en silence, se passant brièvement une main sur le visage, pensif et perdu. Faisant quelques pas pour essayer de deviner dans quel genre de réalité il pouvait bien s’être écrasé, il s’adossa contre un mur et tendit l’oreille pour écouter le boucan qui résonnait dans la rue, tout semblait si ordinaire, tout semblait si peu étonnant malgré tout. Comme s’il n’y avait rien à craindre, comme s’il était tombé dans un monde qui n’avait rien de similaire au sien, quelque chose de pacifique de pur et d’ordonné. Soufflé par le contraste avec ce dont à quoi il était habitué, Kurt commença à trop se souvenir des choses de son monde et fut pris de lourds tremblements qui le forcèrent à s’asseoir au sol, le corps fébrile et se prenant le visage entre les mains, il ferma les yeux et commença à prendre de longues inspirations pour essayer de calmer les sanglots qui commençaient à suivre sa respiration difficile et son corps endolori par ses tremblements. Attaqué par le regret et le désespoir d’avoir commis tant d’atrocités, le jeune homme eut bien du mal à s’en remettre et resta immobile, à sangloter pendant de longues minutes qui lui parurent durer une éternité, se souvenant de chaque visage qui avait croisé son regard tandis qu’il leur ôtait la vie, de chaque dernier souffle et de chaque derniers mots qui quittaient des corps sans vies, tous arrachés trop tôt, par lui, par les autres cavaliers, ou Apocalypse lui-même. Les derniers instants de Kitty continuaient de se répéter dans son esprit, pour lui, ça ne faisait que quelques minutes à peine qu’il venait de la perdre… Il ignorait combien de temps s’était réellement écoulé entre sa disparition et son apparition ici, il ignorait même s’il existait dans cet endroit qui correspondait à toutes les théories farfelues d’Hank à l’époque où ils étaient encore tous ensembles, ça avait l’air d’un monde parallèle, peut-être que c’en était vraiment un. Peut-être que Hank ne s’était pas trompé et avait découvert quelque chose à l’époque. Hank, son Hank, avait longtemps réfléchi aux univers parallèles et avait passé une bonne partie de son temps à tenter d’en prouver l’existence, allant même jusqu’à être rejoint par Stephen Hawking dans ses recherches, et voilà que Kurt se retrouvait vraisemblablement lancé dans une de ces autres réalités que Best n’avait jamais pu réussir à prouver l’existence… C’était étrange, fournisseur d’un sentiment de malaise et d’incompréhension.
Perdu à une distance inimaginable de son vrai monde, Kurt se retrouvait projeté dans l’infinie grandeur de l’inconnue et la noirceur d’un monde dont il ne savait rien. Et une fois son calme finalement retrouvé, Kurt se redressa et observa à nouveau son environnement, il inspira une nouvelle fois pour essayer de se donner un peu plus de courage face à ces abysses confuses et incompréhensibles, et se décida à sortir de ce coin pour essayer de découvrir ce nouvel endroit dont il ne pourrait de toute façon plus s’échapper maintenant. Cependant rapidement arrêté lorsqu’il vint apercevoir la bleutée naturelle de son visage, son cœur fit un bond dans sa poitrine et il eut l’impression de ne plus pouvoir bouger l’espace de quelques interminables secondes, avant de réussir à trouver la force et le courage suffisant pour réactiver l’inducteur d’images après tant de temps. Et tout à coup la plus terrible de toutes les réalisations le frappa en plein cœur, Kitty et les autres l’avaient vu sous son vrai visage avant de s’éteindre. C’était pire que tout. Kurt fit de son mieux pour retenir une seconde crise d’angoisse et de panique qui le dévorait de l’intérieur devant le reste de ces souvenirs qui refaisaient tous, tous les visages terrifiés qui l’avaient regardés, tous les yeux pleins d’effroi et de peur qui s’étaient plantés dans les siens… Effrayés par cette apparence monstrueuse, effrayés par la bestialité de ses véritables traits, cette allure de monstre, de créature sortie des enfers eux-mêmes. Kurt poussa un soupir long et lourd, et rouvrit les yeux, rassuré de voir à nouveau ce visage humain et ordinaire qui lui correspondait beaucoup mieux que le véritable. Ces traits n’étaient pourtant qu’un masque qu’il utilisait pour se protéger du monde et de son jugement, mais Kurt ne se sentait lui-même que sous ceux-ci.
Faisant quelques pas pour finalement réellement sortir de cette cachette de fortune, le mutant ne savait pas où il allait, il ne savait pas dans quelle direction se tourner, et la seule chose qui lui semblait familière était cette église qui le regardait silencieusement, imposante et à l’apparence plus pure que tout le reste de la ville. C’était une sensation compliquée à expliquer, ou à retranscrire, mais Kurt avait toujours eu ce genre de relation avec les églises depuis qu’il avait rencontré le père Halder. C’était comme si elles avaient toutes un aspect qui lui rappelait le bonheur, le confort, le réconfort et la sûreté. Les églises, pour Kurt, étaient des sanctuaires dans lesquels il se sentait plus à l’aise que partout ailleurs, même plus qu’à l’X-Mansion même. C’était là qu’il avait découvert et redécouvert à nouveau la compassion, et peut-être était-ce une façon inconsciente qu’avait son esprit de lui rappeler ceci qui faisait que Kurt se sentait vraiment le bienvenu dans une église plus qu’ailleurs. Elles étaient, avec sa foi, des choses qui lui tenaient énormément à cœur. Des choses qu’il hissait au sommet d’immenses piédestaux que personne ne pouvait même ébranler peu importe leur tentative pour le faire plier. Sa foi était toujours plus forte que tout le reste. Non pas qu’il serait capable d’y obéir aveuglément, mais bien qu’il serait sûr et certain de ne jamais cesser de croire. De toujours se convaincre que les choses n’arrivaient pas par hasard et qu’une force supérieure avait un plan, une idée, et que tout finirait toujours par s’arranger. Kurt ne croyait pas en un Dieu miséricordieux ou colérique. Il croyait en un Dieu bon et généreux, un Dieu complexe malgré tout mais dont les intentions n’étaient jamais de faire souffrir ses enfants, et ça Kurt en était persuadé.
Un fin sourire vint brièvement se dessiner sur les lèvres du jeune mutant, qui ne put s’empêcher de regarder les quelques vitraux qu’il pouvait apercevoir depuis l’extérieur, et serrant les poings comme pour se donner du courage, il baissa la tête et s’avança pour entrer à l’intérieur du bâtiment. Lorsqu’il entra, Kurt fut pris d’un frisson lorsqu’il croisa le regard lourd du Christ qui l’observait depuis l’autre bout de l’église et baissa la tête, honteux. Il se dirigea silencieusement jusqu’au bénitier, trempa ses doigts, signa, et ne releva pourtant pas la tête pour aller s’asseoir sur un banc en silence, les mains se joignant dès qu’il fut assis. Priant en silence, implorant même le pardon pour toutes les fautes et les horreurs qu’il avait commis, Kurt ne releva jamais la tête pour croiser à nouveau le regard du christ et ne rouvrit les yeux que lorsqu’il entendit quelqu’un sortir du confessionnal et remercier à voix très basse le pasteur. Kurt ne put s’empêcher d’observer l’homme d’Eglise un moment puis le confessionnal, et maladroitement son regard dévia sur la représentation du Christ qui, comme s’il lui parlait et lui envoyait un message, lui faisait signe de se confesser. Kurt se redressa donc timidement, et alla s’asseoir à l’intérieur du confessionnal. Après un long silence embarrassant agité par de léger bruit de respiration et d’embarras, Kurt parvint enfin à ouvrir la bouche, et laissa échapper un murmure difficile, « Bénissez-moi Vater, car j’ai pêché… son accent mâchant difficilement les mots dans ce ton trop bas, Vater, je ne me suis pas confessé depuis cinq ans, j’ai honte Vater… avoua Kurt ensuite, le visage marqué par l’embarras et la gêne, autant que par la tristesse de n’avoir pas pu se réconcilier avec son Dieu et sa foi depuis si longtemps. Le prêtre prononça quelques mots rassurants et Kurt hocha la tête, « Vater, je m’accuse. J’ai succombé au péché, j’ai été forcé par un homme plus mauvais que je ne pourrais même le décrire à commettre d’horribles choses… marmonna Kurt, sentant des sanglots lui attaquer la gorge et rendre ses mots encore plus difficiles à prononcer, mais les yeux s’inondant de larmes, il continua pour autant. Vater, il m’a forcé à succomber au plus impardonnable de tous… J’ai… J’ai tué, Vater. Pas un, mais trop… Il m’a forcé à tuer tant de fois. J’ai voulu ne pas le faire, j’ai voulu m’y opposer… Mais il avait réussi à m’y forcer et je ne pouvais pas m’en défaire, Vater. J’étais obligé. »
Kurt s’était tut, de mots il ne pouvait plus prononcer. Il n’y avait plus que des sanglots bruyants et difficiles qui s’échappaient de ses lèvres, il était devenu un monstre, porteur de souffrance et de malheur, il avait fini par devenir ce que sa véritable apparence prophétisait depuis le tout début, Kurt était devenu un démon. Il n’espérait même pas pouvoir être pardonné par qui que ce soit et encore moins par Dieu lui-même, mais simplement en parler, avouer et laisser ce poids s’écarter de ses épaules semblait être une idée suffisante pour qu’il parvienne à se supporter plus longtemps, mais la souffrance d’à peine en parler était trop importante et trop dévorante pour qu’il ne puisse se sentir apaisé d’avoir réussi à le dire à quelqu’un. Le prêtre ne lui offrit qu’un silence en réponse, un silence sans doute animé par un débat intérieur complexe et difficile ; après tout, le meurtre était-il un péché pardonnable ? Pouvait-on décider qu’ôter la vie, sous certaine circonstance, n’était pas impardonnable ? Car même s’il disait regretter et y avoir été forcé, l’homme d’Eglise ne pouvait pas en être certain. Pour lui, ce n’était qu’une version d’une histoire, et Kurt s’en doutait bien. Mais il avait eu besoin d’en parler, il avait ressenti cette nécessité avec tant d’intensité que c’était la seule chose à laquelle il avait pu penser depuis qu’il était entré dans l’édifice. La voix tremblante, Kurt essaya de prononcer quelques autres mots qui auraient implorés le pardon du prêtre et du tout-puissant, mais rien n’y fit, incapable de laisser s’échapper le moindre son, Kurt fut contraint au silence. Le prêtre offrit en guise de réponse un autre silence et laissa à Kurt le soin de se remettre de ses émotions avant de le réconforter de quelques mots qui n’auraient pas été grand-chose pour qui que ce soit d’autre, mais qui pour un jeune homme aussi dévot que lui furent le plus fort de tous les réconforts. Un sourire timide se hissant même jusque ses lèvres lorsque le prêtre lui offrit le Pardon et quelques prières à répéter une dizaine de fois pour être sûr qu’il soit libéré de ce fardeau insoutenable.
Soulagé d’être pardonné de ses erreurs, Kurt fut capable de sortir du confessionnal la tête haute et l’esprit allégé d’un poids incommensurable. Mais ça n’était pas encore suffisant pour le faire mieux se sentir, il avait besoin de savoir si les siens étaient toujours là dans ce monde nouveau. Il se doutait que bien des choses seraient différentes de ce qu’il connaissait, et il lui fallait réfléchir avec énormément de précaution, quittant l’Eglise, il alla chercher le chemin d’une bibliothèque, où il pourrait chercher sans crainte à propos de ses compagnons sur cet autre monde. Kurt était débrouillard, et même s’il était confus et perdu dans ce monde qui n’était pas le sien, il savait qu’il allait réussir à s’organiser suffisamment pour parvenir à déceler le plus d’informations possibles. Alors forcément, une bibliothèque était le parfait endroit pour ça. Il pourrait lire sur l’histoire de ce monde, le comparer avec le sien, et peut-être comprendre pourquoi et comment il était arrivé là. Quand bien même il ne se faisait pas vraiment énormément d’espoirs sur cette dernière possibilité. Malheureusement pour lui, il semblait bien qu’il soit tombé dans un quartier qu’il ne connaissait pas – ou bien qui était trop différent du New-York de sa réalité et trouver une bibliothèque dans un labyrinthe dont on n’avait jamais vu la configuration s’avéra un exercice compliqué qui dura de longues minutes et alla même jusqu’à s’élargir pendant presque une heure jusqu’à ce qu’il n’arrive enfin à une destination qui semblait convenir à ses aspirations. Rapidement, Kurt se dépêcha de rejoindre les rangées de livres et d’autres vieux documents et commença son interminable entreprise. Au bout de plusieurs heures, il avait fini par comprendre et réaliser que le passé de ce monde semblait parfaitement identique à celui du sien, à quelques minuscules détails près, il existait d’autres genres de héros que les X-Men. L’information était déroutante, autant que surprenante, Kurt ne comprenait pas comment d’autres pouvaient exister, ni même comment ce monde faisait pour endurer tant de personnes aussi puissantes à lui tout seul. Et puis, il se dit que si ce monde avait tant de héros, alors il était plus sûr que les autres. Et que si ce monde avait vécu l’arrivée d’Apocalypse comme le sien, alors il aurait été vaincu et toutes les choses que Kurt avait vu n’auraient jamais eu lieu.
Et des heures durant, Kurt fit ce que n’importe qui d’autre à sa place aurait fait, quoique sans doute d’une autre façon, mais Kurt n’était pas quelqu’un du genre à demander des réponses et des explications, il était quelqu’un de plus réservé, de plus discret et de surtout plus renfermé et scolaire que les autres, quand bien même son entraînement de X-Men avait fait de lui quelqu’un qui savait survivre et se défendre, il avait aussi fait de lui quelqu’un de plus intelligent et de plus débrouillard qu’il ne l’était déjà. Ce n’était après tout qu’une situation, certes urgente, mais relativement calme et sereine dont il devait se tirer. Et capable d’improviser peu importe les circonstances, il savait – et espérait, par la même occasion – que rien de grave n’allait se passer ; que si Apocalypse n’était pas dans ce monde ci, alors, il n’avait clairement rien à craindre. C’était autant frustrant qu’énervant que de réaliser que l’histoire de ce monde, comme du sien, et peut-être comme d’une infinité d’autres ne se faisaient que dans la haine et la violence, Kurt était déjà déçu par ce monde. Sa déception n’en fut que plus grande lorsqu’il entendit parler de ce District destiné seulement aux mutants, une idée qui le répugna et l’effraya. Si ce monde en était à agir de la sorte avec les mutants, c’était sans doute aussi grave que si Apocalypse s’était éveillé chez eux. Fronçant les sourcils, Kurt décida que pour mieux comprendre cette situation vis-à-vis de ses congénères, il fallait qu’il le voie de ses propres yeux pour y croire. Sa nouvelle destination en poche, Kurt traversa le reste de New York pour rejoindre Staten Island, traversant les quartiers en grande partie à travers de multiples téléportations qu’il s’efforçait de garder discrètes pour qu’on ne puisse ni le remarquer ni le croiser ou l’arrêter sur son chemin. Ce que Kurt n’arrivait guère bien à comprendre fut que l’on veuille massivement et consciemment se liguer d’une telle façon contre sa propre espèce, car même si nombreux prétendaient que les mutants et les sapiens étaient différents, ils étaient tous des humains aux yeux du jeune homme.
Et quand bien même l’on disait aussi que ce district n’existait qu’afin de les protéger et de les aider, le parallèle avec les camps d’internement était inévitable, encore moins lorsqu’on savait pertinemment que les américains avaient eux-mêmes eut leurs propres camps destinés à emprisonner et isoler les familles japonaises. Et Kurt ne pouvait pas y croire, l’idée même de déplacer un certain groupe de personnes, ici des mutants, dans des zones spécifiques et interdites à ceux qui n’en étaient pas l’inquiétait et le terrifiait ; il fallait qu’il en ait le cœur net. Se frayant un chemin à travers la ville, Kurt n’eut pas bien grande difficulté à rejoindre Staten Island et les bordures de l’endroit où se trouvait ce fameux District X dont il ne savait, au final, que bien peu de choses ; à dire vrai, seulement ce que l’on avait publiquement annoncé à son sujet. Mais Kurt se doutait, et supposait comme n’importe quelle personne qui se sentait concernée par sa propre survie, que peut-être les choses n’étaient pas aussi pavées de bonnes intentions comme le prétendait le gouvernement, et puisque Kurt ne venait pas de ce pays ni de ce monde, il ne connaissait rien des figures politiques en place, elles pouvaient être mille fois meilleures que celles de son propre monde, autant que mille fois pires. Le jeune mutant avançait dans l’inconnu et ne savait pas ce dans quoi il mettait les pieds, mais malgré tout était déterminé à comprendre ce qu’il se passait ici, déterminé à savoir si les siens étaient en sécurité. C’était sa seule motivation, savoir si les autres n’étaient pas mis en danger, pas sa propre sécurité, ni rien d’autre de personnel. Kurt était seulement animé par la plus pure de toutes les bontés, par le simple besoin d’être rassuré à propos de personnes qu’il ne connaissait même pas mais dont il se sentait inévitablement proche, simplement parce qu’ils étaient des mutants. Comme lui.
Face à cette entrée visiblement gardée, Kurt resta immobile quelques instants avant de regarder autour de lui et de finalement faire marche arrière, il fallait qu’il trouve un endroit suffisamment en hauteur pour lui permettre de voir l’intérieur du district pour qu’il puisse s’y téléporter, et que l’endroit dans lequel il n’arrive ne soit pas en pleine ligne de mire de ces gens qui s’occupaient de réguler les entrées et les sorties ; et ce fut bien ce qu’il fit. Grimpant au sommet d’un arbre au départ, puis se téléportant jusqu’au sommet d’un immeuble qu’il grimpa finalement pour observer sa destination finale, le district lui-même. Prenant finalement la décision de s’infiltrer à l’intérieur du district, Kurt disparu dans un habituel nuage explosif à l’odeur de soufre et se faufila dans un coin où personne ne pourrait le voir, puisque son camouflage naturel le rendait presque invisible aux yeux de tous. Le regard planté sur l’horizon et ses alentours, Kurt restait immobile et silencieux, presque paralysé sur place tant il ne bougeait plus.
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Le dégoût et son manque de confiance en lui n’étaient que d’infimes détails entre toutes les autres choses qui faisaient et alimentaient le désagréable sentiment qui envahissait Evan chaque jour un peu plus lorsqu’il réalisait à quel point ses parents et lui n’avaient rien en commun. Même le bruit sourd de leurs paroles, qui résonnait dans un coin de sa tête lorsqu’ils s’efforçaient de dire et répéter qu’ils ne lui en voulaient pas et qu’ils insistaient à lui rappeler qu’ils seraient toujours fiers de lui, peu importe ses choix, ne le convainquait pas. Il n’avait rien choisi. Il n’avait jamais voulu quoi que ce soit de tout ceci, et même s’ils continuaient de dire qu’ils ne lui en voudraient jamais, Evan savait que c’était faux. Le visage mortifié de son père était toujours gravé dans l’esprit du jeune homme, tout comme ces cris de terreur qu’avait poussée sa mère, eux à jamais là dans le creux de ses oreilles. La simple, innocente et malencontreuse erreur d’être né différent. D’être incapable de décider qui il était, et, ce qu’il était. Condamné à endurer ce regard lourd de sens depuis les yeux de ses propres parents plus que de tous les autres. À tel point qu’il s’était senti trahi lorsqu’ils avaient décidés pour lui et choisi de le faire se recenser, choisi de le faire se déclarer publiquement comme quelqu’un d’anormal. Prétendant que c’était pour son bien et que personne ne lui ferait de mal, qu’il fallait croire en son pays, en un président comme lui, ses parents avaient été tellement heureux de voir un président qui les représentaient, leur ressemblait, qu’ils lui faisaient presque aveuglément confiance. Persuadé que jamais rien ni personne ne pourrait corrompre les décisions d’Obama et en profiter à mauvais escient, et Evan n’était même plus permis d’émettre ce genre d’hypothèses à propos du recensement ou du district, parce qu’ils avaient peur. Parce qu’il avait peur. Sa mère ne supportait pas la simple idée qu’on puisse profiter d’eux, et de leur fils. Elle ne voulait pas y croire et s’était réfugiée dans un espoir vain et hypothétique, un espoir qui continuait de grandir à mesure qu’on forçait un peu plus sur le réconfort et le bien-être des siens, et des mutants, et de tous les autres qui ne rentraient pas dans cette case couverte d’or et de privilèges. Elle avait peur pour son fils, évidemment. Mais elle se disait qu’Obama savait ce qu’il faisait, que le gouvernement tout entier était de son côté. Et que le District X, comme le recensement ne pouvaient pas être si mal.
Alors évidemment, parce qu’ils étaient persuadés que c’était pour le bien de leur seul fils, le joyau de leur cœur, les Daniels acceptèrent d’y vivre. Décidèrent d’y vivre. Parce qu’ils ne pouvaient plus endurer l’idée de voir leur fils grandir et de devoir supporter de vivre dans la terreur de le perdre à cause d’un policier un peu trop zélé et terriblement raciste, et dorénavant, en plus, dans l’horreur du traitement qu’on réservait aux mutants. Ce qu’Evan ne comprenait pas, trop jeune et trop entêté, c’était bien que ses parents étaient férocement de son côté, ils ne savaient simplement pas comment réellement agir et faire, puisque ni l’un ni l’autre n’était mutant ; et ni l’un ni l’autre ne savait ce que c’était que de l’être, puisqu’il était le premier des Daniels à l’être. Mais cet amour trop protecteur n’était pas uniquement porteur de bonnes choses, ce que les parents d’Evan ne contrôlaient absolument pas. Ils n’avaient jamais anticipés que toute la vie de leur fils en serait chamboulé à tout jamais, qu’il perdrait la quasi-totalité de son entourage et que le peu qu’il lui restait d’amis et de compagnie ne voulaient plus l’approcher ou du moins le regardaient avec inquiétude, à se demander s’il n’était pas aussi monstrueux que Magnéto et que d’autres mutants qui, comme celui-là, tuaient et tentaient d’assurer la suprématie de leur espèce. Et ils s’en voulaient, ils s’en voulaient terriblement. Ils avaient poussés leur fils à se faire recenser dans l’espoir que, peut-être, cela amènerait à l’éventuelle obtention d’un antidote à sa condition. Mais, ça n’était pas le cas. Et encore une fois, Evan se retrouvait projeté dans une situation qu’on l’avait forcé à vivre, et dont il ne voulait pas la moindre chose. Il se sentait condamné. Comme si une sanction planait au-dessus de sa tête maintenant qu’on savait qu’il était loin d’être quelqu’un d’ordinaire. Et il ne le supportait plus. Il voulait partir, loin de ce district, loin de tout. Loin de tous ces gens qui le regardaient et qui savaient qu’il n’était pas un humain ordinaire.
Des heures durant, Kurt était resté là, tapi dans l’ombre et invisible à tous ceux qui ne disposaient pas de capacités qui auraient permis de le voir, il avait vu passer hommes et femmes, certains clairement mutants, d’autres sans doute aussi, d’une manière moins frappante. Et dans sa contemplation silencieuse, il n’avait pu s’empêcher de remarquer que nombre d’entre eux étaient là d’eux-mêmes, et qu’ils ne semblaient pas s’en plaindre, certains heureux de pouvoir sortir librement et d’autres, quoi qu’introvertis, plus à l’aise auprès des leurs. Il y en avait évidemment d’autres qui ne sentaient pas à l’aise, et Kurt pouvait le voir, comme sans doute n’importe qui d’autre. Le bilan était simple, Kurt ne savait plus quoi penser. Il savait que l’idée en elle-même ne présageait rien de bon, mais pendant un court moment, il commença à se dire qu’ici, peut-être, il pourrait être fier de qui il était vraiment. Un simple regard baissé et il pouvait voir ses mains blanches, ces mains qui n’étaient pas les siennes – mais qui l’étaient en même temps. Ces mains qui feignaient d’être composées non pas de trois doigts abjects, mais bien de cinq quand bien même le majeur ne pouvait se détacher de l’index et l’annulaire de l’auriculaire… Redressant la tête pour observer d’autres passants, un mutant à l’apparence déformée et un autre à l’allure ordinaire, qui discutaient, Kurt laissa échapper un soupir plein de frustration. La dualité de son être, en face de lui, représentée par ces deux mutants l’agaça autant qu’elle le frustra. Il aurait tant voulu apparaître aussi fier, être capable de montrer fièrement son véritable visage. Mais la seule personne à qui il avait su le montrer sans en avoir honte, c’était Kitty, et il l’avait tuée. Serrant la mâchoire silencieusement, il en eu assez. Sa découverte devait toucher à sa fin immédiatement, et il devait trouver un moyen de ne pas rester plus longtemps dans ce monde qui n’était pas le sien. Cependant qu’il se redressait et tournait la tête pour voir l’endroit où il souhaitait disparaître, le sommet d’un arbre duquel il se téléporterait à nouveau, il entendit un bruit lointain, peu rassurant, qui l’interrompit en plein milieu de son déplacement, ne laissant qu’apparaître qu’une fine fumée noirâtre, sans détonation, l’espace de quelques instants.
Essayant simplement d’en découvrir la source d’origine, Kurt tendit l’oreille et se téléporta à proximité presque instinctivement lorsqu’il entendit un second bruit. Inquiet, car quelque chose ne tournait pas rond dans ce district. Plissant les yeux lorsqu’il se matérialisa à quelques pas du bruit et de ce qui le provoquait, il fronça les sourcils en réalisant qu’il s’agissait de mutants s’en prenant à un autre, plus jeune. La scène n’était que trop similaire à ce qu’il avait lui-même vécu du temps de son vagabondage avant de rencontrer le Père Halder… Les dents serrées et les poings tout autant, Kurt resta immobile quelques instants, à la fois furieux de voir une telle chose se reproduire, mais aussi terrifié à l’idée d’intervenir, la peur lui faisant revivre ces évènements en rapides images qui envahissaient son esprit et ses sens. Les yeux se glissant sur la victime de ces mutants, Kurt commença à prier qu’il puisse leur échapper et fut bien surpris de voir jaillir d’entre les paumes du jeune homme de larges pointes osseuses qu’il serra entre ses mains comme des armes blanches, et même s’il n’avait pas de posture particulière ni suivi un quelconque entraînement au combat, le jeune homme semblait savoir ce qu’il faisait, ou du moins, il avait l’air suffisamment confiant pour en donner l’impression. Mais les poings de l’un de ses assaillants s’enflammèrent soudainement, comme deux roches en fusion desquelles s’écoulait de la lave qui s’écrasait au sol par petites gouttes ardentes. Et l’autre, qui n’avait pas l’air de posséder le moindre pouvoir particulièrement visuel glissa une main dans son dos, tirant un couteau de sa ceinture. Kurt ne pouvait pas rester là sans rien faire, et prenant son courage à deux mains se téléporta derrière les deux individus, la queue s’enroulant autour des jambes du mutant aux poings ardents pour le forcer à s’écraser au sol tandis qu’instinctivement, le garçon qu’on assaillait lança l’une de ses pointes à la main de celui qui avait foncé dans sa direction, couteau en avant.
Pensant à toute vitesse, Kurt fit s’enrouler sa queue autour de la gorge du mutant aux poings de feu et la fit se soulever avant d’y abattre un violent coup à pieds joints, le faisant immédiatement s’évanouir. L’autre, lui, se tordait de douleur depuis que la pointe lui transperça non seulement la main mais vint se loger directement dans son épaule par la même occasion, le contorsionnant dans une position horriblement douloureuse et inconfortable. Kurt était désolé pour eux, car même s’ils n’avaient rien d’enviable et n’étaient sans doute que d’exécrables personnages, il se sentait terriblement mal chaque fois que les siens souffraient, fussent-ils bons ou mauvais. Et se redressant pour approcher du jeune homme encore sur ses gardes qui fixait Kurt d’un air confus et frappé de terreur, il leva les mains en face de lui, signe de l’absence totale de mauvaises intentions, sa queue bleue toujours virevoltant derrière lui malgré son apparence tout à fait humaine sur le reste de son corps. « Je ne veux pas de mal ! Promis, crois-moi. » avait-il annoncé, son accent plus fort qu’à l’ordinaire sans doute à cause de la soudaine fatigue de tant d’efforts aussi soudains, les mains toujours dressées en face de lui, ses trois doigts de chaque main lui donnant l’air idiot d’un gamin qui essayait d’imiter Monsieur Spock dans une situation certainement pas propice à l’humour. Les sourcils froncés, Evan ne parvenait pas à regarder autre chose que la longue queue bleue et pointue qui remuait encore dans le dos de Kurt. Son regard, chargé de confusion et d’innombrables questions s’estompa un moment lorsqu’il se débrouilla finalement à relever les yeux vers ceux de Kurt. Il était sincère. Véritablement sincère. Laissant tomber la pointe osseuse qu’il serait encore dans une main, Evan commença à lentement retrouver son calme et après avoir pris une grande inspiration était enfin de nouveau apaisé et non plus apeuré. Kurt hocha la tête et baissa les mains lentement, sa queue disparaissant tout à coup lorsqu’elle s’immobilisa, après s’être enroulée autour de sa taille. « C’est impressionnant ce que tu sais faire avec ces… Trucs. » lui dit-il, sur un ton qui se voulait volontairement amical et rassurant à la fois, comme s’il cherchait simplement à obtenir la confiance du jeune mutant. Et ça semblait fonctionner puisqu’il laissa s’échapper un sourire timide avant de hausser les épaules. « Moi, c’est Kurt. » ajouta-t-il, en faisant un pas vers lui. « Kurt Darkhölme, mais en général les gens m’appellent Nightcrawler. »
Evan haussa les épaules une nouvelle fois, le regardant silencieusement, le détaillant du regard. Et finalement, il osa répondre, « Evan... » avait-il simplement soufflé, déplaçant son regard sur les deux hommes encore au sol, plus particulièrement sur celui avec une pointe toujours plantée dans la main et l’épaule, « Spyke. » ajouta-t-il. Kurt se mit à sourire, son prénom comme ce surnom lui allaient bien, il tourna la tête un moment pour regarder les deux assaillants à terre et reposa les yeux sur Evan, ajoutant, « Ça arrive souvent ce genre de choses ? J’suis pas… Pas vraiment d’ici » Evan supposa à son accent qu’il faisait référence à ses origines, pas spécifiquement au district lui-même et secoua la tête, avant de rajouter « Enfin… Si. Mais seulement à ceux qui n’ont pas de chance. » en serrant un poing, presque mécaniquement. Kurt hocha la tête. Puis, il se passa une main à l’arrière du crâne, réfléchissant. « Merci… » Evan lança, l’interrompant dans sa réflexion, « Je sais pas ce qui se serait passé si t’étais pas venu, mais je pense pas que j’aurai fait l’poids contre ces deux-là tout seul. Merci, Kurt. » Il se pencha pour ramasser la pointe en os qu’il avait faite tomber plus tôt et la glissa dans la poche droite de son pantalon. « J’ai jamais demandé à me retrouver ici. Ni à devoir être anormal comme ça… » avait-il ensuite fini par avouer, ne sachant même pas pourquoi il en parlait à ce parfait inconnu, mais c’était comme s’il pouvait vraiment lui faire confiance, comme s’il se doutait intérieurement qu’il n’avait rien à craindre de Kurt. « Si au moins je savais me servir de ce truc correctement, j’aurai pas ce genre de problème. » Evan désigna d’un signe de tête les deux types encore à terre et haussa les épaules. Kurt esquissa un autre sourire, avant d’ajouter, presque fier, « Je crois que je connais des gens qui pourraient t’aider avec ça... Ils ont fait pareil pour moi. » Evan haussa les épaules, et répondit, « Tant que ça veut dire que je peux foutre le camp d’ici… » Kurt fronça les sourcils à son tour, la façon dont Evan en parlait indiquait clairement qu’il ne voulait pas être ici et l’idée que l’on ait forcé l’un des siens ici énerva Kurt au plus haut point. Il tendit une main à Evan, et lui dit, le visage sérieux et déterminé. « J’vais t’aider. »
Evan lui serra la main, un sourire sur le visage, et dès que leurs mains entrèrent en contact Kurt et Evan disparurent dans une autre détonation bruyante. |
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