Il n’aurait pas pu rêver mieux. Depuis qu’il avait pensé à se venger, Brock avait cherché une façon d’approcher Steve, Sharon et Sam. Pour le premier, il comptait s’insinuer dans sa vie sans qu’il ne le remarque pour connaître son entourage et pouvoir finalement le confronter. Pour le Faucon, il n’avait pas encore d’idée précise, mais il y travail. Mais pour Carter, l’idée était toute trouvée. Il avait pensé devoir la confronter à visage découvert, mais l’attaque de mutants en ville, lui avait permis d’aller aider Sharon alors qu’elle était blessée. Il l’avait même prise dans ses bras et avait joué les sauveurs, mais sous un visage différent que le sien. Il avait ainsi donc pu se rapprocher d’elle et aider de son mieux, non seulement pour qu’elle ne sache pas qui il était, mais aussi pour ne pas se faire arrêter au moment de l’attentat. Après que chacun ait pu être sauvé et amené en lieu sûr, Brock était retourné au QG d’HDYRA. Son voile photostatique avait pris un coup à cause de la chaleur, mais heureusement pour lui, le modèle de son visage restait en mémoire dans les ordinateurs. Donc, il laissa passer quelques jours avant de reprendre le même et d’aller en ville. Il savait que Carter était encore à l’hôpital et il passa d’abord faire un achat avant de se rendre là-bas. Sur place, il demanda le numéro de sa chambre à une infirmière et il alla directement la voir. Frappant à la porte de sa chambre, il attendit qu’elle lui dise d’entrer et il le fit en souriant.
Bonjour.
Fermant la porte derrière lui, il montra alors son achat qui était une boîte de chocolat.
Je me suis dit que vous auriez déjà des fleurs, alors j’ai voulu changer.
Jouant celui qui était gêné, il déposa les chocolats sur la table proche de la jeune femme, avant de croiser les bras sur son torse.
Je venais juste prendre des nouvelles. J’ai appris que l’autre jeune femme s’en était sorti après une lourde opération, donc je voulais juste m’assurer, que vous alliez bien aussi.
Il n’avait jamais été du genre mal à l’aise avec les femmes, mais il fallait bien jouer le jeu, mais il savait aussi qu’il ne devrait pas trop en faire. Cela éveillerait les soupçons de la jeune femme, mais qu’elle n’était pas non plus à tomber dans les bras du premier venu. Il devrait donc être subtil et improviser au fur et à mesure.
Quarante-huit heures. Voilà quarante-huit heures que l’enterrement s’est transformé en enfer. Cette cérémonie devait servir à honorer une dernière fois une grande personnalité du S.H.I.E.L.D. Elle est devenue un combat pour la vie. L’odeur de cendre lui colle encore à la peau, aux cheveux, aux narines. Elle peut encore voir les flammes ravager les poutres, les bancs, les corps. Elle visualise encore la poutre s’effondrer sur elles. Parfois, lorsqu’elle ferme les paupières, elle a l’impression d’être là-bas. Tout s’est passé avec une rapidité incroyable. Une rapidité qui n’a pas permis à son cerveau de tout enregistrer. La cérémonie. Les flammes. Les craquements. Les poutres. Les tentatives de sortir. Riley qui tombe dans l’incendie. Ava qui a besoin de soins urgents. L’ambulance. Et maintenant, l’hôpital. Elle a retrouvé les sensations dans ses jambes, mais remarcher est encore difficile. Marcher est un exploit. Marcher est un effort. Si le médecin lui a demandé de rester calme et d’attendre pour bouger, elle lui a désobéi. Elle est déjà en train de s'entraîner. Pas après pas. Centimètre après centimètre. Elle est incapable de rester immobile. Elle est incapable de rester allongée dans son lit, à se tourner les pouces. Elle a besoin de bouger. Elle a besoin de faire quelque chose. Elle a besoin de progresser. Vite. Très vite. Elle espère reprendre du service rapidement. Elle espère rejoindre son équipe dès la semaine prochaine. Elle espère contredire le pronostic médical. Les médecins lui prédisent plusieurs jours de rééducation, voire plusieurs semaines. Des semaines à s’ennuyer chez elle. Des semaines à ne rien faire, alors que son équipe fait tout le travail. Ce n’est pas une option. La télévision allumée sur une chaîne d’informations est en fond. Les oreilles sont concentrées sur la voix des présentateurs. Son regard est fixé sur son objectif. Les mains sont cramponnées au lit. Elle en fait le tour. Elle aligne les pas. Elle tente de lâcher prise. Mais l’équilibre est sommaire. Les jambes fléchissent. Elle se rattrape de justesse. Elle ferme les yeux. Calmer la frustration. Apaiser la colère. Elle déteste ne pas avoir le contrôle de ses propres jambes. Elle déteste de ne pas être en forme physiquement. Physiquement et mentalement. Elle a l’impression de tourner en rond. Elle a l’impression de devenir folle. Pourtant, cela ne fait que quarante-huit heures. Mais quarante-huit heures qui lui semblent une éternité. Quarante-huit heures qui lui paraissent interminables. Quarante-huit heures qui sont longs. Elle laisse échapper un soupir. Elle décrispe ses doigts autour du drap. Elle est tendue. Elle se met la pression. Alors qu’elle devrait se ménager. Se reposer. Les paroles des médecins tournent dans sa tête. Comme un mantra pour la motiver. Elle compte leur prouver qu’une Carter se remet en un rien de temps. Qu’une Carter ne se tourne pas les pouces. Qu’une Carter n’a pas peur.
A la télévision, ce sont les événements des derniers jours qui tournent en boucle. Des vidéos amateurs. Des témoignages. Des experts. Les images se succèdent. A leur manière, les médias créent un sentiment d’insécurité général. Les manifestations contre les mutants fleurissent ici et là. Ils n’ont pas attendu que les familles des victimes fassent leur deuil. Ils sont descendus directement dans la rue. Sharon est arrachée à son découragement par des coups donnés à la porte. Sûrement sa soeur qui vient lui rendre visite. Sûrement Hunt qui veut la couver de son regard. Elle prend une inspiration. Elle prend une dose de courage. Elle se redresse. Elle retire tout désespoir et agacement de son visage. Elle ne veut pas montrer ses faiblesses. Elle ne veut pas montrer son désarroi. Et de toute manière, elle serait incapable de supporter les attentions de ses proches. “Oui ?” Elle accueille son invité du jour, debout. Un comportement symbolique. Un effort important. Mais ce n’est ni sa soeur, ni son ami. C’est un visage presque inconnu. Un visage qui fait remonter des souvenirs de l’église. Elle ne s’attend pas à lui. Elle ne connaît même pas son nom. Elle aurait préféré qu’il ne la revoit pas. Pas dans cet état. Mais elle n’oublie pas qu’il l’a aidée. Il l’a aidée et a été là pour Ava et Riley. Elle ne peut pas l’oublier. Elle n’a pas pris le temps de le remercier plus tôt. Il est temps de réparer cet oubli. “Je me suis dit que vous auriez déjà des fleurs, alors j’ai voulu changer.” Elle porte son regard sur la boîte de chocolats. Un sourire vient naître sur ses lèvres. L'attention est délicate. Toutefois, elle ne peut pas s’empêcher d’être méfiante avec cet homme. Ces dernières années, elle a appris à l'être. A ne pas faire confiance à n’importe qui. Il a un visage inconnu. Elle ne connaît même pas son nom. Deux raisons pour qu’elle se méfie. D’autant plus qu’il a été présent à l’église, presque chevaleresque et serviable. Sur le moment, elle a été satisfaite d’entendre ses paroles rassurantes. Maintenant qu’il n’y a plus d’incendie et de blessures, elle est moins susceptible de lui accorder toute sa confiance. Son avis est partagé entre la reconnaissance et la méfiance. Elle ne sait pas comment se comporter avec lui. Elle hésite entre lancer un interrogatoire ou partir dans une conversation civilisée. Elle hésite et ce sera le cas jusqu’à ce qu’elle ait la preuve qu’il n’est pas un ennemi. Soudain, elle se sent vulnérable. Atrocement vulnérable. Elle aimerait avoir une arme à côté d’elle, cachée dans la table de chevet. Elle aimerait avoir un couteau pointu sur le plateau. Elle n’a que ses jambes déséquilibrées et ses bras pour se battre. “Je vous remercie, mais il ne fallait pas vous donner cette peine. Vous avez déjà été d’un grand secours lors de l’enterrement.” Faute de savoir comment réagir face à cet individu, elle décide de jouer la politesse. De jouer la femme civilisée qui remercie son ‘sauveur’ pour sa visite. Elle lui fait signe de s’installer dans le seul fauteuil de la pièce. De son côté, elle se hisse sur le lit d’hôpital. Ses jambes restent suspendues dans le vide. Deux pauvres membres inanimés.
Elle pose son regard sur lui. Elle lui trouve une démarche de militaire, d’homme entraîné. Il n’a pas la carrure d’un professeur d’histoire non plus. Il a de sacré réflexe et une force remarquable. C’est certain qu’il n’est pas le bon samaritain qu’il tente de montrer. Cependant, elle n’a pas de raison de s’inquiéter. Elle n’a pas de raison de se méfier. Pour l’instant, en tout cas. “Je venais juste prendre des nouvelles. J’ai appris que l’autre jeune femme s’en était sorti après une lourde opération, donc je voulais juste m’assurer, que vous alliez bien aussi.” Un homme qui se soucie des autres. Un homme qui va jusqu’à lui rendre visite. Un homme qui lui apporte des chocolats. Cet homme est trop parfait pour être normal. Il est trop parfait pour être seulement animé par de bons sentiments. Il aurait pu passer un appel. Il aurait pu se contenter d’envoyer une lettre. Il aurait pu ne pas venir du tout. D’ailleurs, quelle est la probabilité pour qu’il trouve sa chambre dans un hôpital ? Elle est sceptique. Même en connaissant son prénom, il n’a pas pu trouver sa chambre comme ça. Les infirmières ne se seraient pas laissées abuser par son sourire et son charme. Quoique… De nouveau, le sentiment d’être nue, d’être désarmée. Elle essaye de rassembler ses jambes sous elle, en tailleur. Un méli-mélo qu’elle parvient à organiser. Elle tente un sourire rassurant, même si elle doit faire une tête horrible. Une tête qui trahit sa fatigue et son impatience. Une tête qu’elle veut la plus calme et sereine possible. Sans compter ce vieux pyjama qu’on a dû récupérer au fin fond de son armoire. Un vieux machin à carreaux, large et pas du tout seyant. Elle ressemble à sa mère. Pire, elle ressemble à une grand-mère. Elle en deviendrait presque coquette. “J’en ai vu d’autres, ne vous en faites pas.” Elle fait un geste pour balayer ses inquiétudes. Il n’y a pas de choc. Il n’y a pas d’inquiétudes. Elle a l’habitude d’être soumise à des situations stressantes. Par contre, elle n’a pas l’habitude de finir à l’hôpital, alitée pendant quelques jours. Elle n’a pas l’habitude de perdre l’usage de ses membres. A son arrivée aux urgences, elle a eu un élan de panique. Elle a craint que son rêve ne se réduise en miettes. Elle a craint qu’elle ne puisse plus jamais égaler Peggy Carter. Au final, le diagnostic a été plutôt rassurant. A côté d'Ava, elle peut même s'estimer chanceuse. “Pardon, je ne me rappelle pas que l’on se soit déjà présentés. Je suis Sharon et vous êtes… ?” Elle veut être certaine de ne pas le connaître. Elle veut s’assurer que son nom n’est pas sur une liste des membres de l’HYDRA. Elle veut vérifier qu’elle n’est pas en train de discuter avec un potentiel adversaire. Même si son visage ne lui est pas familier. Mais peut-être n’a-t-elle pas retenu son visage. Peut-être n’a-t-elle pas enregistré ses traits. Peut-être a-t-elle oublié leur rencontre. Elle ne se pense pas infaillible. Elle ne se croit pas assez forte pour mémoriser toutes les têtes croisées.
Néanmoins, elle ne parvient pas à se détacher de l’impression de l’avoir déjà vu. Sa manière de parler. Sa manière de bouger. Elle ne saurait pas dire. Il s’agit d’un ressenti. Il s’agit d’une possibilité. Elle se convainc que son cerveau lui joue des tours. Elle se martèle qu’elle se trompe. Ils se sont rencontrés pour la première à l’église. Il ne peut pas en être autrement. Cependant, elle relance la conversation. Elle le questionne pour en savoir plus sur lui. “Donc, vous connaissiez l’agent Hawthorne ?” La conversation prend la tournure d’un interrogatoire. Elle adopte un ton chaleureux pour lui donner l’impression qu’elle s’intéresse seulement à lui. Pour lui montrer qu’elle est curieuse. Pour ne pas lui donner l’impression qu’elle accumule des informations sur lui. Elle a perdu l'usage de ses jambes, mais pas de son cerveau.
Il se doit d’être subtil et ne pas se faire prendre. Une telle opportunité ne se reproduira pas, il le sait parfaitement et il doit donc faire attention. Allant jusqu’à l’hôpital, il parvint à la chambre de Sharon et frappa. Brock est excité à l’idée de pouvoir l’approcher de si près et de pouvoir voir si elle découvrira qui il est. Mais il sait aussi qu’il doit rester calme et ne pas être arrogant au point de pouvoir avoir une chance de l’amadouer. Il sait de quoi la blonde est capable et il doit donc faire attention. Après qu’elle lui ait laissé la permission d’entrer, il le fit, la saluant, avant de lui montrer la boîte de chocolats qu’il avait été acheté. Une geste insignifiant ou presque. A son sourire, il fut content de marquer un point, mais il n’en montra rien.
Je fais ce que je pouvais pour aider.
Haussant les épaules avec un air quelque peu gêné, il la remercia en prenant place vers la place qu’elle lui proposait. Expliquant sa venue et le fait qu’il avait appris que Ava avait eu une lourde opération, il était donc là pour prendre des nouvelles. Aux paroles qu’elle eu alors, il hocha la tête.
Je n’en doute pas.
Il savait parfaitement qu’elle avait vu pire, mais il ne pouvait pas le dire de la sorte, donc il sortait une phrase plus bateau. Seulement, il ne pu s’empêcher de sourire quand elle lui demanda son identité. Bien joué Sharon.
Nous ne l’avons pas fait, nous avions autre chose à faire dans une église en feu. Enchanté Sharon et moi c’est Carl Campbell.
Un nom au hasard, un nom qui ne fait pas partie d’une liste rouge ou noir du S.H.I.E.L.D., pas besoin qu’il donne un nom qui lui amènera des ennemis. A sa question, il hocha à nouveau la tête.
Moins bien que mes parents, mais oui un peu. Mes parents sont des agents de la NSA et ils ont travaillés avec Hawthorne de temps en temps. Donc, forcément j’ai fini par faire sa connaissance.
Autant aller sur un terrain autre que le S.H.I.E.L.D. pour qu’elle ne puisse pas tout savoir du premier coup.
Je suppose que vous avez du le connaitre aussi pour avoir été à son enterrement. Mais si vous voulez savoir quelque chose sur moi, demandez-le directement au lieu de passer par des tournures de phrases.
Gardant un air amusé, il voulait montrer qu’il savait ce qu’elle faisait et qu’il n’était pas dupe, mais que ça ne le dérangeait pas et qu’il comprenait la chose.
Des chocolats. Il n’y a pas mieux pour réconforter et donner du baume au coeur. Elle se jetterait bien dessus, mais elle reste perplexe quant à la bonté de cet inconnu. Elle ne le connaît pas. Il ne lui semble pas l’avoir déjà vu auparavant. Pourtant, il était là. Au bon moment. Il a été chevaleresque, alors qu’il aurait pu courir loin du danger et les abandonner à l’extérieur de l’église. Et maintenant, il joue les saints samaritains en apportant des chocolats et en s’inquiétant de son état de santé. Elle ne sait pas quoi en penser. Elle a trop l’habitude de se méfier pour être parfaitement sereine face à cette personne. Une déformation professionnelle. Un réflexe qu’elle ne parvient pas à effacer, une fois la journée terminée. Il pourrait très bien avoir empoisonné les chocolats. Il pourrait très bien lui tendre un piège. Qui sait ? Et il reste toujours ce mystère : comment a-t-il trouvé sa chambre ? Elle ne se rappelle pas s’être identifiée lors de l’incendie. Mais il est possible que son prénom ait été prononcé. Un prénom qui aurait suffi à l’identifier par les infirmières. Il y a une explication à tout. Sauf qu’elle ne se détend pas pour autant. Trop de gentillesse n’est pas habituel. Non ? “Je fais ce que je pouvais pour aider.” Même sa fausse modestie est suspecte. Bien sûr qu’il a fait ce qu’il pouvait pour aider. Comme tous les autres ce jour-là. Mais ceux qui ont aidé étaient connus. Des gens qu’elle a rencontrés. Des gens qu’elle connaît. Des gens dont elle sait presque tout. Ce n’est pas le cas de cet homme. Il n’était pas obligé de les aider, une fois dehors. Il n’était pas obligé de revenir aujourd’hui. Le doute est là, même si elle aimerait se détacher de cette méfiance et saluer simplement la générosité du sauveur. Pour se rassurer, elle se présente. Elle n’indique que son prénom, convaincue qu’il a obtenu le nom de famille par l’équipe médicale. A moins que ça ne soit pour lui tendre un piège. “Nous ne l’avons pas fait, nous avions autre chose à faire dans une église en feu. Enchanté Sharon et moi c’est Carl Campbell.” Carl Campbell. Elle mémorise l’identité pour réaliser quelques recherches lorsqu’elle aurait le temps. Une première requête sur les moteurs de recherche lui permettra de trouver des éléments sur le web. Ensuite, elle devra utiliser les moyens du S.H.I.E.L.D.. Le moyen ultime de s’assurer que cet homme est bien inoffensif. Mais déjà, elle est certaine de ne jamais avoir entendu ce nom. Carl Campbell. Il n’est pas apparu dans un dossier qu’elle a pu traiter ou lire, en tout cas. Ce qui est déjà un bon point. Cependant, elle sait aussi qu’une identité peut s’inventer facilement. Un bon contact pour fabriquer une fausse carte d’identité, quelques compétences en piratage et le tour est joué. Il pourrait très bien lui indiquer un faux nom. “C’est un plaisir.” Un nouveau sourire. Jouer la comédie a l’avantage de lui occuper l’esprit. Elle ne se concentre plus sur ses jambes qui n’avancent pas aisément. Elle ne pense plus aux jours de convalescence qui arrivent. Elle ne s’agace pas d’être enfermée dans une chambre d’hôpital. Elle ne pense qu’à ce Carl Campbell et à lui montrer une image contrôlée de Sharon Carter.
Elle passe à un deuxième sujet. Deuxième étape pour la vérification de l’identité de Carl. Parfois, il suffit de parler avec une personne pour trouver des incohérences dans son discours ou pour déceler un comportement ou une phrase suspecte. Il n’y a pas toujours besoin des nouvelles technologies. “Moins bien que mes parents, mais oui un peu. Mes parents sont des agents de la NSA et ils ont travaillés avec Hawthorne de temps en temps. Donc, forcément j’ai fini par faire sa connaissance.” Son explication n’est pas totalement dépourvue de cohérence. Durant sa longue carrière, Hawthorne a eu l’occasion de croiser le chemin de nombreux agents secrets et d’organisations gouvernementales. Ce ne serait pas étonnant qu’il ait rencontré les Campbell. Pourtant, ses parents n’étaient pas sur place ou en tout cas, ils ont pu échapper à l’incendie avant que toutes les sorties ne soient bloquées. Sinon, elle n’explique pas son détachement et son apparente bonne humeur. “Je suppose que vous avez du le connaître aussi pour avoir été à son enterrement. Mais si vous voulez savoir quelque chose sur moi, demandez-le directement au lieu de passer par des tournures de phrases.” Cette fois, le sourire qui s’étire sur ses lèvres est sincère. Elle est prise à son propre jeu. A trop vouloir le connaître et vérifier qu’il est inoffensif, elle en perd sa discrétion. Elle a visiblement affaire à un agent entraîné. Peut-être la CIA ou le FBI. Peut-être un agent de l’HYDRA ? Elle n’en sait rien, mais elle ne peut pas user des techniques habituelles avec lui. Il les connaît toutes. Elle doit donc jouer franc-jeu et ne pas tourner autour du pot, dans l’espoir qu’il lâche une information compromettante. “Je suis désolée, je suis plutôt curieuse.” Un demi-mensonge. Elle est curieuse d’en savoir plus sur lui. Elle est curieuse de découvrir qui se cache derrière ce visage. Elle est curieuse de connaître les vraies motivations de cet homme. Elle est curieuse, oui, et elle compte bien assouvir sa soif de renseignements. Elle s’empare de la boîte de chocolats pour l’ouvrir. Au premier coup d’oeil, ils n’ont pas l’air d’être empoisonnés ou d’être périmés. Elle ne devrait pas mourir dans les prochaines secondes. Et puis, il faut savoir vivre avec les risques. Elle prend quelques secondes pour en choisir un, puis lorsqu’elle a fait son choix, elle tend la boîte à son invité du jour. “Vous en voulez un ? Il paraît que lorsqu’on a failli mourir dans un incendie, il est recommandé de manger beaucoup de chocolats.” Une étude menée par elle-même au cours de ces dernières vingt-quatre heures. Elle avale la confiserie, non sans une petite pensée pour Riley qui doit être quelque part dans les couloirs. Ce serait vraiment triste qu’elle se fasse assassiner par un inconnu, alors que sa soeur n’est qu’à quelques mètres de là. Mais mourir, tuée par un chocolat, il y a pire.
Une fois qu’elle a avaler le morceau, elle reprend la parole. “Hawthorne était un collègue et un instructeur respecté. On a tous beaucoup appris à ses côtés.” Elle ignore encore tout ce qu’il sait sur Hawthorne et son appartenance au S.H.I.E.L.D. L’organisation est censée être secrète, mais on est jamais à l’abri d’une surprise. Peut-être que ses parents étaient assez proches de Hawthorne pour être savoir qui était son employeur. Mais Sharon ne peut pas risquer d’exposer l’organisation. Officiellement, le S.H.I.E.L.D. a été dissous. Officieusement, il s’est reformé et continue d’agir dans l’ombre. “Vous aviez avec des proches à l’enterrement ? J’espère qu’ils ont pu sortir à temps et qu’ils vont bien.” Le jour de l’enterrement, elle n’a pas pris le temps d’étudier tous les visages, de repérer les connus et les inconnus, de déceler les relations entre chaque présent. Elle n’avait même pas conscience que ce Carl Campbell était là, à quelques mètres, jusqu’à ce qu’il apparaisse pour les aider. Elle pose son regard sur lui et de nouveau, elle a cette sensation qu’il ne lui est pas inconnu. Elle n’a pas perdu la mémoire, pourtant. Elle n’a pas eu d’accident ou de traumatisme assez violent pour qu’elle oublie. Il n’y a qu’un moyen de le savoir. Il n’y a qu’une façon de le déstabiliser. “Ça va vous paraître idiot, mais j’ai l’impression de vous avoir déjà vu avant.” Maintenant qu’il est assis, la ressemblance est moins flagrante. Toutefois, elle a l’impression d’avoir face à elle une autre version de Brock. Avec un autre visage, mais toujours la même démarche. Un espèce d’impression qui ne la quitte plus. Pourtant cet ancien collègue qui s’est révélé être un traître est mort. Il a péri dans la destruction de la tour du S.H.I.E.L.D. Le Faucon en est certain. Et Carl n’a pas le même comportement, le même regard ou le même caractère. Alors, peut-être n’est-ce qu’une impression. Un vague sentiment de déjà vu qui ne la lâche pas. Elle tente de se convaincre en se disant que Brock est six pieds sous terre. Une tentative qui fonctionne à moitié.
C’était peut-être de trop les chocolats, mais c’était ce qu’il avait trouvé de mieux à apporter. Mais il voit la tension chez l’agent et le fait qu’elle ne baisse pas sa garde. Il le comprend, il était devenu pareil avec le temps. A sa façon de se présenter, il en fit autant, donnant un prénom et un nom. Identité totalement fausse mais qu’elle ne pouvait pas savoir pour le moment. Elle ajouta que c’était un plaisir, mais il savait que c’était une façade. Il avait peu côtoyé la jeune femme, mais il avait vu suffisamment pour pouvoir dire avec certitude qu’elle ne se laissait pas approcher facilement et qu’il allait devoir être malin pour pouvoir continuer à se rapprocher si cela en valait la peine et pouvoir ainsi prendre sa revanche. La laissant reprendre la parole, il décida d’être clair avec elle. C’était plus simple de jouer celui qui n’avait rien à cacher. A part sa vraie identité c’était le cas. Parlant de parents ayant été agents à la NSA et ayant connu l’homme qui avait été enterré, il savait que Sharon ne pourrait pas vérifier tout cela tout de suite. Puis, il enchaîna avec le fait que si elle aussi avait été présente ce jour-là, c’était parce qu’elle l’avait connu. Pas besoin de tourner autour du pot, il dosait préférer être franc. Ca avait ses avantages, c’était certain. Souriant quand elle expliqua qu’elle était curieuse, il ne répondit rien. Il savait pourquoi, donc pas besoin de commentaire et puis, il rit légèrement à ce qu’elle vint ajouter.
Oh vraiment ? Je ne peux pas refuser alors.
Prenant la boîte de chocolats, il en choisit un et lui rendit le tout ensuite. Laissant le chocolat fondre dans sa bouche, il écouta Sharon reprendre la parole. Il le pensait aussi, lui qui avait beaucoup appris auprès de cet agent qui n’était plus parmi eux aujourd’hui. Il avait vu son regard quand Brock s’était révélé être un agent sous couverture de HYDRA. Mais, il était simplement partit sans se retourner. Ecoutant la question de la jeune femme, il secoua la tête.
Non, c’était juste moi. Mes parents n’étant plus en vie, je suis le seul de la famille à être venu.
Un sourire triste aux lèvres, il faisait en sorte de paraître le plus crédible possible. Fils unique, des parents décédés et donc le seul vivant de sa famille. Ca tenait la route et pas besoin d’inventer toute une famille.
Si je me souviens bien, il y avait une autre jeune femme blonde avec vous. Une amie proche ou un membre de la famille.
Il savait de qui il s’agissait, mais il n’en disait pas trop. Cependant, il haussa les sourcils à ce qu’elle venait de dire.
Vous voulez dire d’avant l’église ? Je ne crois pas. Je m’en serai souvenu.
Souriant, il secoua la tête et leva les mains devant lui.
Désolé, c’était déplacé. Mais peut-être que vous m’avez déjà croisé quelque part, mais je n’en ai pas souvenir.
Haussant les épaules avec un air désolé, il ne pouvait pas d’un seul coup dire la vérité. Il devait continuer à jouer le jeu et c’était ce qu’il ferait.
Pour ma part, tout ce que je sais de vous, c’est que vous étiez à l’enterrement et que j’ai du vous décrire pour parvenir à savoir dans quelle chambre vous étiez. Apparemment vous n’êtes pas la seule grande blonde à avoir subi une opération récemment.
Le chocolat a la capacité d’apaiser les problèmes et de se sentir mieux. Au-delà des effets aphrodisiaques. Elle préfère se dire que cet inconnu lui a offert une boîte de chocolats uniquement pour le geste et non pour ses vertus. Elle récupère la boîte pour la poser sur le lit, à côté d’elle. Elle ne compte pas se goinfrer de ces petites choses. Déjà que l’inactivité qui l’attend va lui faire prendre du poids, elle n’a pas l’intention d’aggraver les choses. Lorsqu’elle sera de nouveau sur pieds, elle compte bien reprendre les muscles perdus et revenir rapidement au même niveau qu’avant. C’est le projet. Il y a toujours une possibilité qu’elle ne marche pas rapidement. Il y a toujours une possibilité pour qu’elle ne retrouve pas son niveau aussi vite qu’elle l’espère. Mais elle va s’en donner les moyens. Déjà, ce soir, elle retourne dans son appartement. Un premier pas vers le rétablissement. Un premier pas vers le retour à la normale. En attendant, si elle ne peut pas entraîner son corps, elle peut entraîner son cerveau. Son invité du jour est la personne idéale pour le faire. Rencontrer de nouvelles personnes est toujours enrichissant et intéressant pour le commun des mortels. Pour Sharon, cela est synonyme de questions, de méfiance et de doute. Elle ne sera rassurée que lorsqu’elle aura vérifié les informations. Et encore. Si vraiment le profil est trop parfait, trop lisse, ses soupçons risquent de s’amplifier. Jamais satisfaite, elle pourrait tomber dans la paranoïa. Mais elle veille à ne basculer là-dedans. Elle veille à reste vigilante, tout en accordant sa confiance. Elle essaye, au moins. “Non, c’était juste moi. Mes parents n’étant plus en vie, je suis le seul de la famille à être venu.” Raison pour laquelle il est venu les aider, plutôt que de sauver ses proches. Elle a eu moins une explication pour ce point. Elle prend un air peiné. “Je suis navrée de l’apprendre.” Perdre ses parents. Le cours naturel des choses. Les parents meurent avant leurs enfants et ainsi de suite. Pour autant, ils ont une place importante, positive ou négative. Les histoires avec les parents varient selon les personnes. Mais perdre un proche est toujours une épreuve. Elle s’en rend compte de plus en plus quand elle voit Riley partir en mission et disparaître de la circulation pendant plusieurs jours. Il y a toujours la question persistante de “est-ce qu’elle va rentrer ?”. Sharon a déjà cru la perdre deux fois, elle ne compte pas réitérer l’expérience. Son coeur n’y survivrait pas. Maintenant qu’elles se parlent plus ouvertement et se montrent plus naturelles l’une envers l’autre, ce serait vraiment le comble.
Elle note tout de même la différence de temps employés par Carl. Il parlait de ses parents au présent, avant de lui annoncer qu’ils étaient morts. Petit détail qui peut passer inaperçu, mais qu’elle retient. Sait-on jamais. “Si je me souviens bien, il y avait une autre jeune femme blonde avec vous. Une amie proche ou un membre de la famille.” Question anodine ou pas, elle l’ignore. Cette conversation commence à sérieusement éveiller l’instinct de Sharon. Elle a le sentiment qu’il lui cache quelque chose. Elle a le sentiment qu’il n’est pas Carl Campbell. Pour l’instant, ses doutes ne sont que des hypothèses, mais elle en est certaine. Elle aimerait s’absenter pour faire des recherches. Sauf que ce n’est pas possible. Hors de question de lui montrer ses faiblesses physiques - qui pourraient être retournées contre elle - ni de le laisser seul dans la chambre. Il pourrait en profiter pour fouiller ou poser des micros. “C’est ça, nous sommes venus à plusieurs pour rendre hommage à Hawthorne.” S’il existe une possibilité que Carl ne connaisse pas l’identité d’Ava ou de Riley, elle ne compte les lui divulguer. Toujours protéger les autres, en particulier lorsqu’il s’agit de la famille ou des amis. Ils viennent de traverser une épreuve, ce n’est pas le moment de faire planer une nouvelle menace au-dessus de leur tête. Carl devra se contenter d’elle. “Vous voulez dire d’avant l’église ? Je ne crois pas. Je m’en serai souvenu.” Son regard se perd par la fenêtre. Donc, pour lui, ils ne se connaissent pas. Alors pourquoi elle a toujours le sentiment de reconnaître sa façon de parler, de reconnaître ses mouvements ? Sentiment qui ne la lâche pas. Elle va devoir creuser. Elle va devoir faire des recherches. Elle va devoir calmer ses inquiétudes ou, au contraire, les prouver. Vivement qu’elle reprenne le travail. Elle pense déjà mettre Dylan ou Heather sur le coup. Elles pourraient faire quelques recherches et lui envoyer un rapport sur ce Monsieur Campbell. Elle saurait déjà à quoi s’en tenir. “Désolé, c’était déplacé. Mais peut-être que vous m’avez déjà croisé quelque part, mais je n’en ai pas souvenir.” Elle reporte son regard sur l’homme. Jouer l’homme gêné qui s’excuse, bien vu. Elle esquisse un sourire. Plus ils discutent et plus il devient suspect. Le sentiment ne la lâche pas. Une alarme s’est déclenchée dans son cerveau et persiste à sonner. Encore et encore. Ce n’est pas une histoire de paranoïa, ici, mais plutôt de pressentiment. Elle sait qu’il lui cache quelque chose. Elle sent qu’il est faux. Pour l’heure, elle n’a pas les moyens de justifier cette sensation. Elle trouvera.
“Pour ma part, tout ce que je sais de vous, c’est que vous étiez à l’enterrement et que j’ai du vous décrire pour parvenir à savoir dans quelle chambre vous étiez. Apparemment vous n’êtes pas la seule grande blonde à avoir subi une opération récemment.” Évidemment. Il n’allait pas avouer être entré dans l’hôpital, s’être adressé aux infirmières en usant de son prénom et de son nom. Il serait idiot de le lui avouer. Il a peut-être laissé passer un détail sur ses parents tout à l’heure, mais il est assez doué pour ne pas en reproduire une aussi énorme. Pour autant, elle décide d’entrer dans son jeu. Elle prend une expression désolée et elle balaie le sujet d’un geste de la main. “Je dois me faire des idées, alors. Je suis navrée !” Son attention est attirée par la télévision où les images des attentats continuent de tourner en boucle. Elle était au courant de l’incendie dans l’église, mais elle a découvert quelques heures plus tard l’explosion du centre commercial, la tuerie du commissariat… Le monde ne tourne pas rond. Et ça va en empirant. La peur fait faire des choses inconsidérées, au point de tuer les autres. Il y a forcément une organisation là-dessous. Un groupe de personnes qui s'est réuni et qui a convenu d’un plan d’attaques. Mais qui ? Elle secoue la tête. “Je ne comprends pas comment on peut décider de tuer des gens de cette manière…” Depuis quelques années, tout le monde a l’habitude de voir débarquer des menaces de partout. Jamais les dangers avaient été aussi présents et organisés. Il y a bien eu l’invasion des Chitauris, mais les Avengers étaient arrivés à temps pour tout arrêter. Depuis lors, les attaques avaient été moins importantes, moins impactantes. “Est-ce que vous savez combien il y a eu de morts dans l’incendie ?” Peut-être a-t-il des informations plus sûres et précises que celles qui circulent dans la presse. Après tout, il avait des parents travaillant à la NSA et ses propres réflexes trahissent une formation militaire ou d’agent. Il doit être au courant. Un sujet peu anodin qui peut révéler des opinions extrêmes.
Après tout pourquoi ne pas prendre un chocolat. Rendant la boîte à la jeune femme, tout en laissant le bonbon fondre dans sa bouche, il écouta ce qu’elle disait, avant de répondre. Précisant qu’il avait été seul dans l’église, mentant en expliquant que ses parents étaient morts, il semblait avoir dit ce qu’il fallait. En tout cas, il ne comptait pas parler de Braiden. Il était vrai qu’il ne connaissait pas bien le jeune homme, mais il ne s’était clairement pas attendu à ce qu’il laisse Riley tomber dans l’église en flammes. Il n’avait pas compris le comportement de l’homme. Il l’avait aidé à sortir de l’église avant d’aller aider les autres, mais sur le moment il s’était demandé s’il n’aurait pas du l’y laisser. Il ne connaissait pas assez bien Braiden pour pouvoir le juger, mais avec les propos qu’il avait échangés avec Zachariah et Riley, visiblement ils se connaissaient. Tout comme Ava, mais ça Brock ne pouvait pas le savoir. Laissant donc agent de l’HYDRA hors de la conversation, il se concentra à nouveau sur la jeune femme. A ce qu’elle vint dire, il esquissa un léger sourire. Mais comme elle a parlé de sa famille, c’est à son tour de retourner la chose. Faisant référence à Riley, il retint un sourire sur le fait qu’elle ne donne pas l’identité exacte de sa sœur, mais qu’elle parle d’un groupe.
Il a aidé beaucoup de monde.
C’est vrai qu’il y avait eu énormément de monde à l’église. Cependant, Sharon vint expliquer qu’elle avait l’impression qu’ils s’étaient déjà vus. Qu’avait-il dit ou fait pour qu’elle pense cela ? Il allait devoir faire en sorte de faire attention. Venant jouer les dragueurs, pour s’excuser ensuite était peut-être de trop. Alors, il expliqua que ce qu’il savait d’elle était très maigre. En l’entendant s’excuser, il esquisse un sourire.
Ca n’est rien.
A ce qu’elle vint ajouter, il tourna la tête vers la télévision pour voir les informations qui y étaient diffusées. Soupirant doucement, il ne savait pas non plus pourquoi ces mutants avaient décidés de faire une telle chose. Il faudrait sans doute mettre la main sur un mutant de ce groupe pour comprendre leurs vraies motivations.
Je ne le sais pas non plus.
Autant il pouvait comprendre celles qui avaient été nécessaires pour HYDRA vive, mais pas celles de mutants. Tournant la tête vers elle à sa question, il secoua la tête.
Je n’ai pas le nombre exact.
Fronçant les sourcils, il soupira doucement. Aucun de ses proches n’avait été victimes de tout cela, ce qui était la seule bonne nouvelle.
Mais entre tous les lieux touchés, les journalistes rapportent plus de deux mille morts. Il y en aura sans doute beaucoup plus au comptage final.
Il ne savait pas combien il y en aurait exactement, mais il s’attendait à ce que ça passe au-dessus des trois mille. Le nombre de blessés seraient aussi élevé sans doute, il n’en doutait pas.
J’ai entendu parler de mutants. Je dois avouer que j’en ai déjà rencontré dans mon travail, mais jamais qui voulaient commettre de tels actes. Pour anticiper votre question, non je ne suis pas un mutant et oui j’en ai déjà vu dans mon travail. C’est une part de ce que je fais à la NSA.
La conversation suit son chemin. Elle tente de le mener vers des sujets plus sensibles. Des sujets où il pourrait révéler une opinion extrême. Le genre d’opinions qui pourrait ressembler à celle de l’HYDRA, par exemple. Il y a toujours cette appréhension qui ne la quitte pas. Cette méfiance. Peu importe qui elle rencontre. Peu importe qui elle voit. Elle se demande si cette personne n’est pas susceptible de lui planter un couteau dans le dos. D’autres l’ont fait précédemment sans qu’elle n’ait le temps d’anticiper quoi que ce soit. Elle n’aimerait que ça recommence. C’est bien trop de remise en question. Bien trop de bouleversement. Alors, à ses yeux, tout le monde est potentiellement un danger. Dont cet inconnu. Il a tout du parfait espion qui vient s’assurer que l’agente du S.H.I.E.L.D. est inopérationnelle pour quelque temps. Elle le voit ainsi. Son instinct lui crie, lui hurle, de faire attention. De se méfier. Elle ne sait pas pourquoi. Elle ne sait pas comment. Mais il lui rappelle une personne. Un souvenir qui n’est pas forcément positif. Si elle avait eu une arme, si elle avait été en mission, elle serait déjà tendue, aux aguets. Dans sa chambre d’hôpital, elle n’a rien pour se défendre. A part une boîte de chocolats, une table de chevet, une lampe. Cette dernière peut toutefois être utilisée pour assommer. Mais assommer alors qu’on ne peut pas bouger est assez inutile. Alors, elle ne peut que jouer la patiente détendue qui discute tranquillement avec un parfait inconnu. Elle a envie de croire en son histoire. Elle a envie de penser qu’il est inoffensif et seulement bienveillant. Sauf qu’elle n’y parvient pas. Trop de préjugés. Trop de doutes. Sa seule façon d’être certaine est de parler. Parler et encore parler. Le pousser à s’exprimer, à donner son avis, à se dévoiler. Il y a bien un moment où il fera une erreur. Il en a déjà fait une. Elle peut la mettre sur le compte de l’émotion ou d’une maladresse. Alors, elle a besoin d’un deuxième faux pas. Elle a besoin de vérifier qu’elle ne devient pas paranoïaque. “Je ne le sais pas non plus.” Pas de discours extrémiste. Pas de démonstration de haine. Pas de pulsion meurtrière. Rien. Il semble réagir comme une minorité de la population qui ne se sent pas menacer par les mutants. Ce qui est plutôt bon signe. Finalement, elle s’est peut-être trompée. Elle s’est peut-être fait une idée. Néanmoins, ce n’est jamais assez pour elle. Elle ne doit pas se laisser abuser par une simple phrase. L’expérience lui a appris que certaines personnes pouvaient être bonnes manipulatrices. “Je n’ai pas le nombre exact.” Elle ne s’en étonne pas. Seulement quelques heures les séparent des attentats. Il est encore trop tôt pour faire un état de tous les décès et de tous les blessés. Il faudrait plusieurs heures, plusieurs jours, pour y parvenir.
Ce genre d’événements est toujours atroce. Pour les familles comme pour les professionnels qui interviennent sur place. Elle n’ose pas imaginer ce que certains collègues sont en train de vivre, en ce moment même. Le S.H.I.E.L.D. est forcément sur le dossier. Des mutants sont responsables. Une équipe a dû être dépêchée sur place pour relever tous les indices possibles. “Mais entre tous les lieux touchés, les journalistes rapportent plus de deux mille morts. Il y en aura sans doute beaucoup plus au comptage final.” Deux mille morts. Le nombre la frappe. Probablement l’une des attaques les plus meurtrières perpétrées à New-York. Deux mille morts. Des collègues, des connaissances, en font partie. Des gens qui étaient venus à l’enterrement, des personnes qui étaient au commissariat. Deux mille morts. Le nombre semble terriblement important. Le pire dans tout ça, c’est qu’ils ne l’ont pas vu venir. Ils étaient trop occupés par d’autres sujets pour surveiller les menaces mutantes. Ils ont fait une erreur. Une erreur qu’ils ont intérêt à réparer au plus vite. “J’ai entendu parler de mutants. Je dois avouer que j’en ai déjà rencontré dans mon travail, mais jamais qui voulaient commettre de tels actes. Pour anticiper votre question, non je ne suis pas un mutant et oui j’en ai déjà vu dans mon travail. C’est une part de ce que je fais à la NSA.” Elle esquisse un sourire. Qu’il soit un mutant ou non, cela n’aurait rien changé. Elle considère les homo superiors comme des personnes normales. Des gens qui cherchent seulement à vivre leur vie, à trouver un travail, à sortir entre amis, à fonder une famille. Des gens qui n’ont pas choisi d’être la prochaine étape de l’évolution. Certains souffrent même d’avoir des pouvoirs. Alors, elle n’a rien contre eux. Elle ne se méfie que de ceux qui usent de leurs capacités pour faire le mal autour d’eux. Comme la Confrérie. Elle note également l’information qu’il glisse, négligemment ou intentionnellement. Il travaille pour la NSA. Il est en contact avec des mutants. Il n’a aucune hésitation à le lui dire. Aucun doute. Aucune gêne. Même si la NSA n’est pas un organisme gouvernemental secret, avouer clairement qu’il en fait partie peut être dangereux. A moins qu’il ne sache à qui il a affaire. En attendant de le déterminer, elle continue de compiler les informations. Carl Campbell. NSA. Parents en lien avec Hawthorne. “Vous devez me prendre pour une folle paranoïaque.” Elle s’en amuse. En apparence, en tout cas. Elle retient surtout qu’elle doit se méfier pour la suite. Il a compris qu’elle l’interroge. Il doit se méfier. Il doit faire attention à ses paroles. Les chances de trouver de nouvelles incohérences dans ses paroles viennent de disparaître.
Elle n’a plus vraiment le choix. Elle doit jouer la carte de la sincérité. Elle doit se laisser aller à quelques confessions pour endormir de nouveau sa méfiance. Elle a en l’habitude. Il suffit de révéler juste assez de vérités. Il suffit de lui donner ce dont il a besoin pour relâcher la pression et donc, baisser sa garde. Elle attrape un nouveau morceau de chocolat qu’elle enfourne aussitôt. “On a récemment fait les frais de quelques trahisons qui me sont restées en travers de la gorge. J’ai encore du mal à accorder ma confiance à n’importe qui. Surtout à des inconnus.” La pure vérité. Cela fait plusieurs mois qu’ils ont subi les conséquences de l’infiltration de l’HYDRA. Des collègues proches et des connaissances se sont retournés contre eux. Ils ont braqué une arme et tué des gens qu’ils côtoyaient. Tout cela sans aucun remord. Sans aucune hésitation. Cette froideur est effrayante, inquiétante, préoccupante. Sharon se rappelle encore ce moment où elle a dû menacer Brock. Ils n’ont jamais été très amis, tous les deux. Ils ne se supportaient même pas du tout. Pourtant, elle a été touchée par son double-jeu. Bien plus qu’elle ne l’aurait voulu. “Mais ne le prenez pas mal, ce n'est pas contre vous ! C’est simplement un mécanisme de protection.” Elle s’abstient de rajouter une couche. Elle se retient de souligner le fait qu’il a tout d’un bon samaritain. Ce serait trop en faire. Ce serait prendre le risque d’éveiller davantage ses soupçons. Au lieu de cela, elle prend un air désolé. Plus ils discutent et plus elle est curieuse. Elle veut savoir ce qu’il cache. Elle veut découvrir qui est réellement cette personne. Carl Campbell - ou peu importe comment il s’appelle réellement - est un vrai mystère. Il travaille pour la NSA ou pour toute autre organisation secrète ou gouvernementale. Il n'a pas de pouvoirs, mais peut se révéler être doué en tir. Toutes ces choses, elle veut les vérifier. Elle veut connaître tous les détails et déceler la vraie raison de sa présence ici.
Il était loin d’imaginer qu’elle se méfiait à ce point de lui, mais il faisait en sorte d’être détenu et de ne pas paraître suspect. En l’entendant parler des mutants et de tout ce qui s’était déroulé en ville, il expliqua qu’il n’avait pas le nombre de blessés et morts. Il en avait entendu des estimations, mais ça n’était clairement pas le chiffre définitif. Le donnant à la jeune femme, il sait qu’en effet ça ne sera pas celui qui sera donné quand le comptage sera terminé. Parlant des mutants par la suite, il savait que c’était un risque, mais il continua sur sa lancée. Aux paroles de la jeune femme, il secoua la tête.
Non ça se comprend. Avec tout ce qui se passe dans le monde depuis plusieurs années, ça se comprend que vous ne soyez pas à l’aise face à un gars que vous voyez seulement pour la seconde fois.
Haussant les épaules, il regarda à nouveau la télévision, avant d’écouter ce que la jeune femme disait. Fronçant les sourcils, il vint alors la regarder.
Oh, je suis désolé. Mais il n’y a pas de problème et j’espère que vous ne vous ferez plus trahir alors.
Il pensait évidemment à sa propre personne, surtout au vu de la façon dont ils s’étaient affrontés au Triskelion. Esquissant un sourire à ses paroles, il n’ajouta rien. En même temps, s’il avait été à sa place, lui aussi l’aurait très mal prit. Jetant un œil à la télévision, il soupira avant de reporter son attention sur Sharon.
Ca va être un chantier de devoir remettre la ville en état. J’espère qu’on pourra avoir de l’aide d’un peu tout le monde.
Gouvernements, agences et même de la population. Oui, il s’en faisait pour la ville lui-même, parce que HYDRA devait pouvoir rester caché et lui aussi par la même occasion. Evidemment il aurait plutôt du être dans une de leurs bases pour aider, mais pouvoir voir Sharon était trop tentant. Ca lui permettrait de pouvoir lui faire face sans qu’elle sache qu’il était encore vivant. Parce que oui, tôt ou tard elle finirait par savoir qu’il était encore vivant. Ce jour-là, il n’aurait pas eu la possibilité de l’avoir par surprise. D’ailleurs, il avait hâte de voir sa tête quand ça arriverait. Il hésitait entre choc ou juste de la surprise. Il préférait la première option, mais il verrait le moment venu, en espérant en plus de cela, avoir une chance de l’emporter dans une belle tombe, tout comme Steve et Sam d’ailleurs.
Pourvu que la population ne prenne pas cela mal. C’est vrai qu’on a tous déjà souffert après New-York, Washington et bien d’autres villes, mais ça risque d’être encore pire maintenant.
Il essayait de voir cela d’un point de vue de l’agent de la NSA. Il n’en était pas un, donc il devait faire en sorte de ne pas être trop partial. Mais en plus de cela, il voulait aussi savoir où se situait Carter dans la situation actuelle. Peut-être qu’il pourrait tourner cela à son avantage. Ca serait toujours bon à prendre.
En principe, les infiltrations sont toujours un minimum préparée. Ils savent qui ils doivent surveiller. Ils savent qui ils ont en face d’eux. Ils savent quels sont les dangers. Ils ont toutes les clés en main. Il y a toujours une part d’inconnu. Il y a toujours un risque qu’ils ne puissent pas anticiper. Ils en ont conscience et ils savent agir avec cette possibilité. Sauf que Sharon a l’impression d’être en infiltration ou du moins, d’être face à quelqu’un qui cache ses réelles intentions. Elle ne sait pas qui il est, ni pourquoi il est là. Elle ignore sa dangerosité et encore plus, sa détermination. La détermination. Élément important qui permet de savoir jusqu’où la personne est prête à aller. On peut être dangereux, mais refuser de frapper, de tuer. Jusqu’à maintenant, Carl Campbell s’est montré raisonnable, bienveillant, généreux. Elle est certaine que ça ne durera pas. Elle est certaine qu’il y a autre chose. Et cette conversation est comme un combat. Une bataille. Qui sera le plus prudent. Qui sera le plus doué. Qui saura déceler le vrai du faux. Elle aurait aimé savoir qui elle a en face d’elle. Elle aurait apprécié de pouvoir collecter quelques informations sur lui. Mais on ne demande pas sa carte d’identité, ni un rapport détaillé sur une personne, quand elle vous sauve la vie et qu’elle vous apporte une boîte de chocolats. De bons chocolats, qui plus est. Sharon a les mains liées. Elle ne peut rien faire. Elle ne peut que discuter. Elle ne peut qu’essayer de trouver une faille. La faille. Celle qui lui donnera la certitude qu’il n’est pas ce qu’il prétend être. Celle qui la rassurera sur son état psychologique. Celle qui lui prouvera qu’elle a raison. “Non ça se comprend. Avec tout ce qui se passe dans le monde depuis plusieurs années, ça se comprend que vous ne soyez pas à l’aise face à un gars que vous voyez seulement pour la seconde fois.” Il joue la carte de la compréhension. Il joue la carte de l’empathie. Il est doué. D’un autre côté, il ne lui aurait probablement pas dit qu’elle l’avait mérité et qu’elle devait passer outre. Il se serait grillé tout seul. Elle se contente de sourire. Sourire poli. Sourire entendu. Au moins, il a conscience que gagner sa confiance ne sera pas facile. Il va devoir user de beaux mots et de stratagème pour éteindre sa méfiance et dépasser ses doutes. Il est prévenu. Elle a hâte de voir comment il va se débrouiller et surtout, si elle va tomber dans le piège. Après les émotions de ces dernières heures et les médicaments, il est possible que sa vigilance et son attention baissent d’un moment ou un autre. Alors, elle s’accroche. Elle se concentre complètement. Utilisant chaque geste, chaque mot, chaque expression de son interlocuteur pour s’ancrer dans le moment présent.
“Oh, je suis désolé. Mais il n’y a pas de problème et j’espère que vous ne vous ferez plus trahir alors.” Toujours cette compassion. Toujours cette gentillesse. Là où d’autres l’auraient remercié pour sa compréhension, Sharon n’y arrive pas. Elle ne voit que de la manipulation, que du mensonge. Et elle ne voit pas pourquoi. Peut-être qu’elle déraille. Peut-être qu’elle devient folle. Peut-être qu’elle est trop fatiguée. Peut-être qu’elle est éprouvée physiquement et mentalement. Cet homme pourrait très bien être une hallucination, après tout. Il faudrait qu’elle lui tire dessus pour le savoir. Solution irrecevable et impensable. Tirer sur quelqu’un, en plein hôpital, après les attentats, ce serait complètement suicidaire et irresponsable. Elle va devoir attendre. De trouver des informations sur Campbell. D’être rétablie. D’être sortie. De le localiser. Mais elle partage son avis. Elle espère sincèrement qu’elle ne se fera plus trahir. Que le S.H.I.E.L.D. ne sera plus infiltré. Sauf qu’ils ne peuvent pas être certains. Ils ne peuvent pas contrôler. Ils peuvent vérifier des centaines de fois. Ils peuvent contrôler les antécédents de chacun, il y a toujours des failles. Il y a toujours des erreurs. Toujours. Ils ne sont pas à l’abri d’une nouvelle trahison. Ils ne sont pas totalement protégés contre une nouvelle attaque. Malheureusement. “Ca va être un chantier de devoir remettre la ville en état. J’espère qu’on pourra avoir de l’aide d’un peu tout le monde.” Elle se concentre sur Carl. Il a raison. Une fois de plus. Et elle déteste devoir l’avouer. La ville est dans un état déplorable. La belle New-York a été touchée à différents endroits. Elle est meurtrie, choquée, traumatisée. Les habitants auront du mal à se remettre de ces tragédies. Ils ne pourront plus se promener comme avant. Ils ne pourront plus vivre dans l’insouciance et l’innocence. Ils savent que les dangers rôdent et que les menaces planent partout. Personne n’est épargné. Familles, amis, solitaires. Humains, mutants, inhumains, super-héros… Ils sont tous touchés. Ils sont tous blessés. Il n’y a pas de favoritisme quand il est question de mort. Ils vont devoir reconstruire la ville. Une ville à leur image. Blessée, mais forte. Ils auront besoin de toutes les aides possibles. “J’espère aussi. C’est dans ces moments-là que nous devons nous unir. Toutes organisations confondues.” Mettre les différends de côté. Effacer les disputes et les conflits. Oublier les opinions divergentes. Se concentrer uniquement sur ce qui doit être fait pour le bien de la ville et de ses citoyens. Il faut savoir être plus mature, plus évolué. Il faut savoir mettre de côté les chamailleries habituelles.
Elle espère que les égos de chacun seront mis de côté pour reconstruire la ville. Pour penser au bien-être de ses habitants. Mais le plus important est d’agir sur le long terme. D’accompagner les familles des victimes. De suivre les blessés. De lutter contre cette menace. Tous les mutants ne sont pas dangereux. Certains le sont. Certains ont décidé de se tuer pour véhiculer des informations. Il faut remonter jusqu’aux organisateurs. Il faut les arrêter et les empêcher de nuire à nouveau. Un long projet. Une longue mission. Mais ils doivent le faire. Tous ensemble. “Pourvu que la population ne prenne pas cela mal. C’est vrai qu’on a tous déjà souffert après New-York, Washington et bien d’autres villes, mais ça risque d’être encore pire maintenant.” Même les plus optimistes sont réalistes. Ils savent tous que les prochains jours seront difficiles. Le gouvernement va s’emparer de la nouvelle et essayer de se positionner pour être bien vu. Il va agir dans la précipitation et faire de mauvais choix. Comme d’habitude. Néanmoins, c’est surtout le comportement des civils qui inquiète Sharon. Les gens deviennent de plus en plus violents, virulents, haineux. Ils se perdent dans des amalgames et laissent parler leur peur plutôt que leur cerveau. Ils ne savent plus faire la différence. C’est là que les choses deviennent dangereuses. “J’ai bien peur que ces attentats aient lancé une espèce de chasse aux sorcières. Ils vont essayer de traquer toutes les personnes potentiellement dangereuses, de près comme de loin.” Ils. Les civils. Les autorités. Tous. Il n’y a que 5 % des personnes optimisées qui sont dangereuses. Pourtant, ils seront tous visés. Mutants, inhumains, surhommes et tous les autres. Tous ceux qui auront un pouvoir seront pointés du doigt. Ce n’est pas la solution. Elle ne le sera jamais. Sharon pousse un soupir. “On fonce droit dans le mur.” Elle redoute déjà ce qu’il va se passer. Aussi bien au S.H.I.E.L.D. que dans la rue. Elle n’est pas d’accord avec l’idée de traquer la moindre personne, le moindre individu. Il faudrait se focaliser sur ceux qui posent vraiment problème. Ceux qui ont des idées extrêmes. Ceux qui cherchent à tuer les autres. Mais elle devra obéir. Quoiqu’il arrive. Quoiqu’on lui demande. Elle devra suivre les ordres. Elle regrette davantage de ne pas pouvoir travailler. Son équipe va avoir besoin de toute l’aide possible. Les Alpha seront les premiers frappés par les critiques. Ils sont censés gérer les super-héros. Ils sont censés coordonner leurs efforts avec l’organisation. Sauf que depuis quelque temps, la coordination marche moins bien.
“Si vous avez des proches avec des pouvoirs, vous feriez mieux de leur conseiller d’être discrets.” Elle préférerait ne pas avoir à le dire. Elle serait heureuse d’annoncer à tous les mutants de continuer à vivre au grand jour. De continuer à aller au travail, à aller à l’école, à aller dans les bars. Elle serait contente de voir qu’ils sont acceptés et parfaitement intégrés. Sauf que ce n’est pas possible. L’intégration était déjà difficile avant, elle est impossible maintenant. La moindre étincelle de pouvoir suffira à créer la panique et la peur. Une psychose va s’installer. Comme toujours.
Avoir été lourd avec Sharon par le passé n’avait pas aidé à ce qu’elle l’apprécie. Mais, il aurait sans doute dû jouer un autre jeu. Il aurait dû se rapprocher d’elle, il aurait dû … Il aurait dû faire beaucoup de choses, mais aujourd’hui, il était trop tard. Il voyait qu’elle ne le croyait pas. Il ne doutait absolument pas de ses capacités d’agent, au contraire. Brock savait parfaitement de quoi elle était capable et il devait donc être subtil. Faire en sorte de ne pas se faire voir. Enfin, montrer la fausse identité et pas celle de l’agent qui avait infiltré le S.H.I.E.L.D. quelques années auparavant. La brun allait devoir la jouer fine et il fit en sorte d’être le type empathique, qui comprend ce qui se passe et qui l’aidera au besoin. Mais, il jouait aussi à celui qui comprenait qu’elle n’ait pas confiance, vu qu’ils se connaissaient à peine. Seulement, il ne fallait pas non plus qu’elle s’attarde trop sur lui, donc il vint parler de tout ce qui s’était passé avec les attentats. Avec tout ce qui s’était passé, il faudrait faire le ménage. Ca n’allait pas être joli, mais ça serait nécessaire. Comme à chaque fois. Hochant la tête à ses propos, il savait qu’elle avait raison. Mais, il savait aussi que HYDRA ne serait pas là pour eux. Sauf si cela permettait de recruter des personnes énervés après la mort d’un proche ou que New-York soit toujours le scénario d’évènements atroces. C’était une bonne façon pour recruter des gens qui voudraient eux aussi aider. HYDRA se ferait une joie de les accueillir. Rumlow se doutait que les têtes de l’agence feraient en sorte d’avoir une nouvelle armée. D’avoir de nouvelles têtes. Les anciens comme lui, c’était évident qu’ils resteraient fidèles. Mais pour les nouveaux, il faudrait les modeler rapidement pour ne pas les perdre. Faire en sorte qu’ils soient loyaux et qu’ils ne pensent pas par eux-mêmes. Une chose que le brun pouvait faire, mais il se doutait que son travail, prochainement, serait plutôt de la reconnaissance, pour savoir qui avait fait en sorte que tous ses mutants s’unissent pour rendre la ville comme un champ de bataille.
Il ferait son travail comme toujours et en cet instant, il était content de pouvoir être là. Ca lui faisait quelques heures de repos et ça lui permettait également de pouvoir établir si Sharon serait une menace imminente. Apparemment pas. Son esprit continuait à fonctionner à toute allure. Mais physiquement, elle ne suivrait pas et c’était ce qu’il préférait en cet instant. Il pourrait s’en prendre à elle toute de suite et prendre le dessus. C’était sans doute présomptueux, mais il pourrait facilement lui faire du mal. Seulement, il voulait qu’elle soit en pleine possession de ses moyens quand il ferait en sorte de la tuer. En l’écoutant parler, il hocha simplement la tête. Oui, chacun voudrait faire sa loi et ça deviendrait particulièrement dangereux. Personne ne serait épargné malheureusement. Certain resteraient terrés et feraient en sorte de ne pas se faire voir. Mais d’autres décideraient de se montrer et de prouver qu’eux aussi sont puissants et qu’ils n’ont peur de rien. Ce sont eux qu’il faut arrêter. Ce sont eux les plus dangereux. Aux paroles de la blonde, il hocha la tête.
Je crois qu’ils l’ont déjà compris. Plus personne n’est en sécurité et ceux qui ne voulaient de mal à personne devront se faire encore plus discret.
Dans un sens c’était malheureux. Parce que ceux qui voulaient juste vivre leur vie ou aider étaient dans la ville tous les jours. Personne ne le sait, personne ne les voient. Seulement aujourd’hui, ils seront passés au microscope. Ils seront surveillés en permanence. A voir ce que le gouvernement mettrait en place, à voir si tout le monde sera assez intelligent pour ne pas réagir sans réfléchir.
Nous verrons ce que les prochains jours réserveront. Mais comment allez-vous vous ?
Il se tourna complètement vers elle.
Vous semblez reposée. Vos blessures n’étaient donc pas trop graves ?
C’était fouiner, il le savait, mais il voulait partir sur celui qui s’en faisait pour elle. C’était en partie vrai, il avait besoin de connaître ses blessures exactes pour anticiper la suite de sa visite.
Elle aimerait bouger de ce lit. Faire les cent pas. Participer aux recherches. Aider les secours. Elle aimerait être utile. Il y a encore des centaines de personnes dans les décombres. Des centaines de personnes sans nom, sans famille. Tout agent capable de les identifier avec les moyens du S.H.I.E.L.D. devrait prêter main forte aux autorités. Mais elle est clouée dans cette chambre. A essayer d’aligner ses foutus pieds. Elle ne s’est jamais sentie aussi inutile et impuissante. Elle n’a jamais eu autant l’impression d’être incompétente. Elle déteste ce sentiment. Elle a besoin d’agir. Elle a besoin de faire quelque chose. Elle ne peut jamais rester en place. Même le week-end. Même après le travail. Elle doit se remuer. Ça peut aller de l’entraînement sportif au ménage de son appartement. Ça peut être se promener dans la rue ou aller dans les magasins. Peu importe tant que son esprit est occupé. Tant qu’elle a un objectif clair en tête. Des fois, elle se détend. Principalement quand sa soeur est là. Elle essaye de rester en placer. Elle essaye de se canaliser pour profiter de ces rares instants. C’est encore trop anecdotique pour que ce soit habituel. Alors, là, bien malgré lui, Carl lui permet de s’occuper. Surtout, elle a l’impression qu’il lui cache quelque chose. Une impression persistante. Une impression collante. Elle ne parvient pas à s’en défaire. En principe, elle a raison. Son instinct la trompe rarement. À force de voir les autres mentir et de mentir elle-même, elle reconnaît les subterfuges. Elle reconnaît les techniques. Pourquoi lui mentir ? Telle est la question. Elle ne sait pas pourquoi. Elle ne sait pas pour quelle raison. Elle ne sait pas ce qu’il cherche à obtenir d’elle. Et c’est cette part de mystères qui la démange. Sharon va finir par le découvrir. Elle n’a que ça à faire de toute manière. Et au moins, elle oublie qu’elle ne peut pas marcher trois mètres sans se tenir à un meuble. Elle oublie qu’elle est inutile à l’extérieur. “Je crois qu’ils l’ont déjà compris. Plus personne n’est en sécurité et ceux qui ne voulaient de mal à personne devront se faire encore plus discret.” Vivre caché n’est pas une solution. Vivre dans la peur d’être reconnu n’est pas acceptable. Les mutants et les optimisés ne devraient pas avoir à se planquer. Ils devraient pouvoir marcher librement, faire leurs courses tranquillement, aller au restaurant régulièrement. Ils devraient avoir une vie normale. Si même les Etats-Unis ne sont pas capables d’avoir l’esprit ouvert et d’offrir une vie pareille aux mutants, quelle est la suite ? La dissémination complète et radicale d’une partie de la population ? C’est inconcevable. Elle ne le tolérerait pas.
Elle a toujours considéré les États-Unis comme le pays des libertés. Il y a encore beaucoup d’inégalités. Il y a encore beaucoup de raisons de se battre. Mais il y a de l’espoir. En tout cas, il y en avait. Jusqu’à l’apparition des premiers Watchers. Jusqu’aux attentats. Qui que soit le commanditaire de ces événements, l’objectif est simple : attirer les ennuis aux mutants. On a connu mieux pour un pays libre. “Nous verrons ce que les prochains jours réserveront. Mais comment allez-vous vous ?” Elle lâche la télévision du regard. Voyez-vous ça. Il s’intéresse à elle. Il ramène la conversation sur elle. Soit il est gêné par le sujet précédent, soit il veut vraiment savoir comment elle va. Pourquoi ? Elle ne laisse rien paraître de sa curiosité. Au contraire, elle esquisse même un sourire las. Elle fait mine de réfléchir. Comment elle va. La question est vaste. Elle va bien. Au final, elle est vivante. D’un autre côté, elle ne peut plus marcher et elle est agacée de ne rien pouvoir faire. Elle est bien, au vu des circonstances. Elle pourrait aller pire. Elle pourrait être morte. En partant de ce constat, elle pète la forme. Vraiment. “Vous semblez reposée. Vos blessures n’étaient donc pas trop graves ?” Des détails. Il veut des détails. Il y a vraiment un truc qui cloche chez ce mec. Elle n’a pas envie de répondre précisément à sa question. Ce serait lui donner des indices sur sa condition physique. Ce serait lui donner les armes pour la battre, si jamais cela s’avérait nécessaire. Sa question peut paraître anodine. Elle peut être celui d’une personne qui s’inquiète. Une personne altruiste et empathique. Mais dans leur monde, l’empathie disparaît doucement sous des couches solides de sérieux, d’insensibilité. Ce n’est pas le genre d’inquiétude que l’on nourrit quand on est un agent. Même à la NSA. Elle conserve son sourire et hausse les épaules. “Reposée, oui, mais j’ai l’impression d’avoir été écrasée par un camion. Il va me falloir du temps pour me remettre.” C’est ce que les médecins lui ont vraiment dit. Du temps et de la rééducation. Sauf que du temps, elle n’en a pas. Par contre, elle va se donner à fond pour remettre son corps en état de fonctionner et revenir rapidement. Elle prendra des vacances plus tard pour se reposer. Son regard noisette abandonne le visage de Carl pour se perdre au niveau de la fenêtre. Elle pousse un soupir. “Les médecins pensent me libérer dès ce soir. Je ne suis pas certaine de le pouvoir…” Mensonge. C’est plus sûr de ne pas lui révéler son vrai état d’esprit. C’est plus sûr de garder sous silence sa motivation. Se montrer faible mentalement peut mettre en confiance Carl et le laisser croire qu’il a une chance. Mais le mental est la clé. Même fatigué, on peut faire des miracles.
De nouveau, ses yeux se reposent sur son interlocuteur. Elle n’a toujours pas compris ce qu’il cherche réellement. Il collecte des informations sur son état physique. Elle le sait. Elle le retient. Elle le note. Cependant, il n’a pas dévoilé ses intentions cachées. Elle a besoin de réfléchir. Elle a besoin de chercher toutes les informations possibles sur lui. À partir de là, elle pourra peut-être trouver une piste. “Je suppose que vous avez encore beaucoup de choses à faire… peut-être aller voir d’autres victimes de l’incendie ?” Il a forcément quelque chose de plus intéressant, ce Carl Campbell. Faire quelques rapports pour la NSA. Faire le tour des chambres pour offrir des chocolats à tout le monde. Soudoyer quelques infirmières pour connaître son état de santé. Des tonnes de choses passionnantes.