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 Andrew ♦ The Watchers need you, little boy ♦

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Jeremiah Reagan
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Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés: Lève-toi, dit-il au paralytique, prends ton lit, et va dans ta maison.

Le planning d'Andrew est posé sur mon bureau. Les poissons tournent dans l'eau de leur aquarium. Lapinou m'observe depuis la commode, avec ses yeux boutons et sa patte droite recousue au fil vert. J'aurais fait quelque chose de plus propre, de moins effrayant pour une gamine. Je sors de la douche, passe mes chapelets autour de mon poignet gauche et le dernier autour de mon cou. Ça y est, je me sens bien. Je m'habille d'une chemise rouge et d'un pantalon clair. Normalement, je ne suis pas censé croiser d'effusions de sang aujourd'hui. Espérons que M. Richardson ne pose pas de problèmes. Je relis mes notes une dernière fois, pour ne pas oublier un nom, une date, une information qui donnerait plus de poids à mon argumentaire. Je me rends dans un hôpital que je ne connais pas très bien, je ne veux pas avoir de mauvaises surprises. Une Bible m'attend sur ma table de chevet. Je prends la seconde, un broché avec une tranche dorée et une couverture épaisse. Je passe mes doigts sur cette couverture qui abrite encore quelques éclats de balle et l'ouvre avec précaution. J'y dépose mon revolver. Après les attentats, il n'est pas improbable qu'on soit fouillés à l'entrée. J'entoure le tout d'un fil rouge avec lequel je fais un petit nœud soigné. Je quitte ma maison, située juste derrière l'Église. Chaque fois que je m'éloigne, je vois Jesus qui me scrute de son regard accusateur.

Peut-être que je m'égare. Parce que soudain je me dis que crucifier un mutant ferait un bel exemple. Je secoue la tête, je m'égare sans doute. Mais tout ceci n'est qu'une croisade. Je comprends que certains n'aient pas assez de courage pour faire ce qu'il se doit mais heureusement, les hommes de foi pourront fissurer leur âme pour mener à bien le combat. Il m'arrive de cacher des armes sur moi, comme le revolver dans la bible, ou le couteau dans un crucifix parce qu'on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Il m'est toujours possible de me tromper, je pourrais avoir fait fausse route avec Andrew par exemple. S'il s'exclame qu'il défendra Jimmy quoiqu'il arrive ou me menace, il faudra peut-être que j'en finisse rapidement avec lui. Je me mets en route vers l'hôpital, il ne devrait pas tarder à sortir puisque sa garde se termine dans trente minutes.

Finalement j'arrive avec un peu d'avance, je me présente à l'accueil. Dire qu'on est Pasteur ouvre quelques portes, c'est pratique. J'échange quelques mots avec la personne au triage, chargée de l'accueil. C'est un jeune homme avec des mèches bleues dans les cheveux, plutot jovial. J'imagine qu'il faut de la bonne humeur quand on côtoie le sang, la mort et la douleur quotidiennement. J'évoque l'hôpital que je visitais qui a été la victime de l'attentat de février. Je n'ai pas eu le cœur d'y retourner pour l'instant. D'abord il n'accueille plus de public et ensuite, j'ai vu trop de gens là-bas pour y retourner. Nul n'est parfait, je suis rempli de cicatrices que je masque quotidiennement pour pouvoir remplir ma mission. J'aime à croire que quelque part, elles me rendent plus fort. Et puis il me dit qu'Andrew ne devrait pas tarder mais qu'ils ont eu un accident de la route il y a une heure avec plusieurs blessés. Pourquoi faut-il que les gens conduisent s'ils ne savent pas tourner le volant et appuyer sur les pédales ? Crétins. Je m'en fume une petite à l'extérieur. Tout est prêt pour notre conversation, je regarde ma montre. Finalement, je crois l'apercevoir qui sort.

Je lui emboîte le pas, le temps qu'on s'éloigne un peu de l'hôpital puis accélère pour arriver à son niveau : « Excusez-moi... Excusez-moi ! Monsieur Richardson ? Je suis le Pasteur Reagan, est-ce que je peux vous voler quelques minutes de votre temps ? » Je tends la main dans sa direction. Si tu crois que c'est la seule chose que je vais prendre mon garçon...
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Andrew pousse un soupire de fatigue avant de passer sa main dans les cheveux. Cet accident a été difficile : un camion a perdu le contrôle de son véhicule et la voiture d'une famille de quatre personnes a été percuté de côté. C'était la famille typique : les parents, deux enfants, un garçon et une fille. Le père ne s'en est pas sorti malgré tous les soins procurés par les ambulanciers sur place. Il est mort sur le chemin vers l'hôpital : ses blessures ayant raison de lui. Leur fils de douze ans, tenant toujours sa figurine dans la main en arrivant, n'a pas survécu non plus. Il était derrière son père et est mort sur son lit d'hôpital. L'infirmier se souvient encore de son crâne ouvert et de ses yeux ouverts sous la panique. Le Richardson lui avait attrapé la main, lui demandant de tenir le coup. En vain. La mère s'en était bien sorti avec une juste une égratignure sur le front alors que leur jeune fille de six ans pleurait dans un coin, demandant après ses parents. Si elle savait... Ils étaient maintenant entre les mains des médecins et des radiologue afin de vérifier qu'ils n'aient pas de blessures internes. Mais malheureusement les blessures psychologiques seront plus longues à guérir...

Andrew finit par demander à prendre sa pause. Il a besoin d'évacuer tout ça, d'évacuer surtout toutes ces images qui tournent dans sa tête. Cela fait quelque temps qu'il fait ce métier maintenant mais il ne s'est toujours pas habitué à ce genre de scène, à ce genre de tragédie. Il se dirige vers son casier et prend enlève rapidement sa blouse afin de la changer pour une propre. Il observe la photo de Jimmy et lui accroché sur l'intérieur de la porte. Il caresse doucement le visage du rouquin avant de froncer les sourcils, d'attraper son paquet de cigarette et de le refermer d'un coup. Il avait commencé quand il avait seize ans : un acte de rébellion stupide contre ses parents et n'avait plus touché à une cigarette quelque temps après s'être mis en couple avec le jeune homme. Mais là, avec tout ce qu'il s'est passé avec son ex-petit ami, il avait eu besoin d'un exutoire afin de s'empêcher de péter les plombs. Il se dirige à travers les couloirs afin de trouver la porte de sortie. Sur le chemin, il salue quelques collègues, leur offrant un sourire rassurant. Certains de ses collègues sont au courant de la situation dans laquelle il est et, même si très peu le sont, il sait très bien qu'il est difficile de cacher quelque chose dans cet hôpital de commères.

Arrivé face à la porte, il la pousse d'une geste sûr avant d'amener une cigarette à sa bouche et de l'allumer. Il inspire profondément et ferme les yeux quand il expire. Y'avait pas à dire, il n'y avait rien de mieux pour se détendre un tant soit peu. Il finit par commencer à marcher, vérifiant rapidement qu'il a toujours son bipeur attaché à son pantalon, avant de se diriger vers le café où il a ses petites habitudes. Il a dans l'idée de se prendre un petit café et une pâtisserie avant de reprendre son service. Il a une heure de pause et c'est pas trop tôt. Alors qu'il arrive à quelque pas du café, une voix l’interromps. « Excusez-moi... Excusez-moi ! Monsieur Richardson ? Je suis le Pasteur Reagan, est-ce que je peux vous voler quelques minutes de votre temps ? » Étonné, il se retourne rapidement, les yeux grands ouverts. Andrew se sent un peu méfiant, pas sûr de savoir s'il doit serrer cette main tendue. Finalement, il se dit qu'il est complètement stupide de douter de chaque inconnus qui croisent sa route et lui serre à son tour la main, d'un geste malgré tout hésitant et méfiant. C'est un pasteur, après tout. Qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? « Euh... Bonjour ? Je... » Il hésite et avale sa salive quelques secondes avant de froncer les sourcils. « Écoutez, je suis désolé, mais si on s'est déjà rencontré, je n'en ai aucun souvenir. » Puis, un petit rire lui échappe. « Et si vous essayez de m'amener dans le droit chemin, je vous arrête tout de suite. Je suis gay. Je suis le mal selon vos croyances, non ? » Il ne veut pas être méchant ou dénigré sa religion mais il ne voit pas pourquoi ce pasteur souhaite lui parler.

Finalement, voyant qu'il ne va pas se débarrasser de lui comme ça, il soupire avant de faire un geste de la main afin de dire à l'homme de le suivre. « Bon, j'ai une seule heure pour manger et si je n'ai pas un café maintenant, je n'écouterais pas un seul mot de ce que vous allez me dire alors suivez-moi. » Il n'attend même pas de voir si le pasteur le suit et se dirige vers le café. Une fois à l'intérieur, il commande un café avec du sucre avant de se diriger vers une table libre, côté banquette. Il en boit une gorgée et observe son vis-à-vis. « Alors, Mon Père, que voulez-vous à un pauvre pêcheur de mon espèce ? » Il soulève un sourcil, intrigué et impatient d'entendre ce que l'homme a à lui dire.



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Il se tourne vers moi, semble étonné de me voir ainsi aller à sa rencontre. Les Pasteurs sont partout, ils t'attendent tapis dans l'ombre. Plaisanterie à part, je lui souris poliment pour le mettre en confiance. Et puis comme ça, je suis comme lui, comme n'importe qui. Enfin presque. Je lui tends la main, pourvu que ce ne soit pas un exalté en colère contre Dieu qui pense que ce dernier est responsable de tous ses petits malheurs. Allez, ton frère est mort, te rendant orphelin une fois sur le coup et la seconde jour après jour, ton « petit ami » en est un aussi. Mais ça pourrait être pire. Tout pourrait être pire... Dans l'état actuel des choses, je le prends à la sortie d'un service que je n'imagine pas reposant. Ça pourrait me porter préjudice mais je me dis aussi qu'il sera plus las, peut-être moins combatif. Ce monde qui s'autodétruit, peut-être voudra-t-il le changer. Quand il y a un membre malade sur un corps sain, on ne coupe pas le membre malade, Andrew ?

Je prends sa main dans la mienne. La couvre de ma seconde main, essayant d'accentuer déjà l'emprise que j'aurai peut-être un jour sur lui. Je tiens sa main entre les miennes, affiche le visage de la reconnaissance et plonge mon regard dans le sien. On va pouvoir commencer, je crois. Une fois la porte ouverte, tu ne pourras pas la refermer. « Euh... Bonjour ? Je... » Je lâche finalement sa main puis joins les miennes devant moi. Je jette un œil au-dessus de son épaule, je voudrais qu'on ne me voit pas trop longtemps ici avec lui, au cas où il lui arriverait quelque chose. Glisser sur un objet tranchant, trébucher sous un métro, ce sont des choses qui arrivent tous les jours. Surtout si on prend en compte les heures de sommeil manquantes qui marquent ses traits. « Écoutez, je suis désolé, mais si on s'est déjà rencontré, je n'en ai aucun souvenir. » Oui forcément, ça aurait pu avoir lieu dans le cadre de son travail. Il semble trop troublé par mon arrivée soudaine dans son programme du soir pour aller tous les dimanche à l'église. Je me contente de simplement secouer la tête pour lui faire comprendre que nous nous rencontrons pour la première fois, pour taire la petite gêne qu'il pourrait ressentir face à cet « oubli ». En voilà un qui ne me tutoie pas d'ailleurs, ça fait plaisir. Bon, il a quand même l'air moins dérangé que Braiden, même si l'habit ne fait pas le moine. J'en suis aussi probablement la preuve... je suppose. Et il se met à rire, je penche la tête sur le côté, serre les lèvres et fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il va bien pouvoir me sortir celui-là ?

« Et si vous essayez de m'amener dans le droit chemin, je vous arrête tout de suite. Je suis gay. Je suis le mal selon vos croyances, non ? » Je marque une seconde de pause. Récapitulatif, il est gay – et en l'occurrence ça m'arrange, on dit bien que de l'amour à la haine il n'y a qu'un pas. Et puis mon petit bonhomme vu le nombre d'appels et de messages que vous vous échangiez avec Jimmy, je n'avais pas pensé une seule seconde qu'il puisse être ton thérapeute. Second point, il pense que je vais le kidnapper et le torturer jusqu'à ce que disparaisse l'odieuse déviance sexuelle ? Non à vrai dire, je suis un peu plus souple sur la sexualité que je ne le devrais. Sans doute parce qu'il y a aussi une femme dans ma vie, et qu'elle ne devrait pas atteindre mon lit avant d'avoir la bague au doigt. Je peux bien comprendre que le cœur a ses raisons, que la raison – et l'Église – ignorent parfois... Je me mets soudain à rire gentiment. Je croise les bras et le considère rapidement, un œil de la tête au pied puis lui réponds directement : « Désolé de vous décevoir mais pour moi, le mal personnifié n'est pas un jeune infirmier gay. À l'heure où les combats font rage, que le sang et les larmes coulent, à l'heure où les hommes se prennent pour les anges de l'Apocalypse, je pense que votre sexualité ne me regarde pas. » Je me penche vers lui, pose ma main sur le côté de ma bouche et lui glisse comme sur le ton de la confidence : « On n'aura qu'à dire que ça reste entre nous. »

Et en plus il se dévalorise. Il ne manquerait plus qu'un petit ruban rouge autour de sa tête et ce serait noël. Finalement, il me fait signe de lui emboîter le pas, le corps réclamant apparemment sa dose de caféine pour continuer à tenir. Crois-moi, bois-en parce que tu vas probablement très mal dormir cette nuit. J'acquiesce. Ma sac glisse de mon épaule et je passe un doigt contre la fermeture en le suivant, faisant mine d'ignorer où il va. C'est beau les habitudes. Les habitudes vous définissent, elles vous rendent tellement prévisible et vulnérable. Même moi, ce serait tellement simple de savoir où je vais. Alors ce petit café, on me l'a assez décrit pour que je sache bien comment il est. Quand nous entrons, je jette un œil aux personnes déjà présentes. Tour à tour, elles nous dévisagent aussi. J'affiche un simple sourire confiant puis commande aussi un café avec une pointe de lait. Je m'assieds en face du jeune homme. Le tout est de l'amener à vouloir lui-même en savoir plus. Je ne dois pas lui balancer toutes les informations comme ça, ce serait trop brutal. Un homme entre et prend place près de la porte. Il regarde lui aussi dans notre direction et se met à écrire des messages sur son téléphone. « Alors, Mon Père, que voulez-vous à un pauvre pêcheur de mon espèce ? »

J'entoure la tasse de mes mains, regarde le jeu de la mousse au-dessus du café une seconde. Je pose sur mon visage le masque de la gravité, de la rencontre importante. « Pour commencer, je voudrais que vous preniez vraiment sur vous pour écouter tout ce que j'ai à vous dire. Je ne suis pas venu jusqu'à vous pour vous ramener sur le lumineux chemin de l'hétérosexualité ni pour vous dicter comment vivre votre vie. Je viens au contraire requérir votre aide. Ma question va être abrupte et va vous surprendre, peut-être même vous choquer mais je vous demande de rester assis, de prendre une longue inspiration et d'y répondre.» Petit silence. J'ai son attention, c'est parti. « Que feriez-vous si Jimmy avait tué quelqu'un ? »
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Andrew prend une grande gorgée de café tout en observant l'homme en face de lui. Il a l'air gentil : le sourire doux, l'habit de pasteur, ces yeux bleus presque transparent comme si l'on pouvait y lire chaque expression. Mais ce n'est pas le cas de l'homme en face de lui. Il sourit mais ça n’atteint jamais ses yeux. Ils restent froids, impersonnels, calculateur. On pourrait croire Andrew naïf mais il ne l'est pas. C'est vrai que c'est un gentil garçon, presque trop gentil parfois, mais pas au point de se laisser avoir comme ça. Et ces yeux-là qui le fixent, qui l'analysent, n'ont clairement pas que des bonnes intentions. « L'air » ne veut pas dire qu'il l'est, bien au contraire, et l'infirmier le sait mieux que personne. Il a vu tellement de choses durant ses heures de travail, durant sa vie, qu'il ne peut plus se fier aux airs des gens. Après tout, Braiden, son frère, a « l'air » gentil mais l'est-il ? Il n'en est plus sûr. On lui aurait posé la question il y a des années, il n'aurait eu aucune hésitation mais plus maintenant. Il a changé. Il a dû lui arriver quelque chose mais Andrew ignore quoi.

Il ferme les yeux le temps de quelques secondes afin de reprendre pieds dans la réalité. Ce n'est vraiment pas le moment pour se plonger dans le passé, dans ses réflexions. Alors, il tourne à nouveau son attention vers l'homme d'Église qui entour la tasse de ses mains, comme hypnotisé. L'expression de son visage change d'un coup, prenant un air grave et Andrew fronce les sourcils, prêt à entendre ce que le pasteur a à lui dire maintenant que du café coule dans ses veines. « Pour commencer, je voudrais que vous preniez vraiment sur vous pour écouter tout ce que j'ai à vous dire. » L'infirmier acquiesce. Après tout, n'est-il pas là ? Il veut savoir, veut comprendre ce qu'il lui veut. C'est bien la première fois qu'une telle rencontre se présente à lui alors, malgré sa méfiance du début, il est curieux d'entendre ce que l'homme lui veut. « Je ne suis pas venu jusqu'à vous pour vous ramener sur le lumineux chemin de l'hétérosexualité ni pour vous dicter comment vivre votre vie. » Un petit rire échappe au brun. Ouais, il pouvait toujours essayer de toute façon. Andrew est conscient de son homosexualité depuis ses treize ans. Depuis ce jour où il a rencontré son professeur de mathématique – son premier amour était son professeur : quel cliché ! Un jeune homme qui sortait à peine de l'école âgé d'une vingtaine d'année. C'était son premier emploi et l'adolescent qu'il était à l'époque a été fasciné par la prestance de l'homme, son intelligence et sa gentillesse – le fait qu'il soit bien fait de sa personne ne gâchant rien au tableau, bien entendu. Il a très vite compris ce qui lui arrivait, bien qu'il ait mis du temps à l'accepter, et voir son cher professeur et amour secret embrasser une jeune femme à la sortie des cours lui avait fait l'effet qu'on lui arrachait le cœur et qu'on le détruisait en milliers de morceaux. Il avait mis des semaines à s'en remettre. Comment aurait-il pu penser, à l'époque, que ce n'était rien comparé à la douleur que Jimmy lui apporterait ?...

La voix du Pasteur Reagan le ramène sur terre brutalement et il se concentre à nouveau sur son discours. « Je viens au contraire requérir votre aide. » Andrew hausse les sourcils. En quoi peut-il l'aider ? « Ma question va être abrupte et va vous surprendre, peut-être même vous choquer mais je vous demande de rester assis, de prendre une longue inspiration et d'y répondre.» L'infirmier se sentir mal à l'aise face aux paroles de son vis-à-vis mais acquiesce alors qu'un silence s'installe. Il bouge légèrement sur la banquette avant d'avaler une autre gorgée de café. Il sent qu'il aura au moins besoin de ça pour tenir le choque face à la question du pasteur.  « Que feriez-vous si Jimmy avait tué quelqu'un ? » Le Richardson se fige et ses mains se crispent autour de sa tasse. Il fronce les sourcils alors que sa mâchoire se serre. Comment ce mec osait-il parler de Jimmy ? C'était quoi ce bordel ? Il avale une autre gorgée avant de reposer son café sur la table devant lui. Il relève son regard dur et le plonge dans celui de son vis-à-vis. « Très bien. Jouons cartes sur table, mon père. » Son ton est mordant. Il n'aime pas que l'on fouille dans sa vie privée, surtout un inconnu. « Que vous m'accostez alors que je sors d'une nuit de garde épuisante est une chose – et encore, je pense que si vous n'aviez pas été religieux, je vous aurais envoyé paître –  » il balaye sa dernière remarque d'un geste avant de reprendre la parole, « –  mais que vous vous immisciez dans ma vie en est une autre. » Ses doigts se serrent convulsivement autour de sa tasse. Il se retient difficilement de ne pas envoyer chier l'homme en face de lui mais il sait que s'il le fait il n'aura pas les réponses à ses questions. « Pourquoi vous vous intéressez à moi ? Qu'est-ce que vous me voulez et qu'est-ce que vous voulez à Jimmy ? » Le prénom a du mal à sortir. Il ne l'a pas dit depuis longtemps. Il sent son cœur se broyer au souvenir de son... Son quoi d'ailleurs ? Petit-ami ? Ex petit-ami ? Il n'est même pas sûr lui-même de ce qu'ils sont maintenant. Il avale à nouveau une gorgée et son regard se plonge dans son café, hypnotisé par les bulles qui se forment à la surface.

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Il est sur la défensive, fatigué. C'est bien normal. Cette nuit, chaque mot que je prononcerai lui reviendra à l'esprit. Même s'il se braque aujourd'hui, demain sera un jour nouveau et je ne peux pas tout lui dire aujourd'hui, mais il saura. Je relève les yeux sur lui, ne fais pas cet air renfrogné, ça ne te va tellement pas. Ses mains viennent se serrer autour de la tasse et tout son corps se défend de cette attaque dans son intimité. Il est piqué à vif, et il n'aime pas ça. C'est bien normal.

Une personne se lève, se dirige vers le bar. Des habitudes, uniquement des habitudes. Il prend une nouvelle gorgée de café, semblant la boire comme s'il s'agissait là du dernier bagarre entre son poing et mon visage ou entre son pas et la porte. Je ne le connais pas assez pour dire ce qu'il retient à cet instant. Sa colère est légitime et mon entrée en matière volontairement abrupte. Lui comme moi connaissons les dangers des mutations depuis l'adolescence. Elles ne sont pas apparu soudainement, elles se dissimulaient dans l'ombre et un jour, ça a été évident tout simplement. Si j'ai donné le premier coup, c'était dans un but de protection pour éviter les carnages à venir et j'ignore si Andrew en sera capable mais j'ai envie d'y croire, j'ai envie de croire en lui, véritablement. Il ne se met pas debout, ne tente pas de fuite – qui aurait été vaine – alors nous allons pouvoir nous parler sans s’appesantir sur d'inutiles politesses qui auraient mis à bout sa patience.

J'attends que son regard vienne croiser le mien, je suis serein. « Très bien. Jouons cartes sur table, mon père. » Je n'en attendais pas moins de toi, Andrew. Je me permets le luxe d'une gorgée de café alors qu'il fulmine son éclat de colère, la curiosité ayant disparu de son regard plus adulte. Je prends une brève inspiration, lui laissant comprendre que je suis dans le même état d'esprit que lui. Je suis prêt pour cette conversation, moi. « Que vous m'accostez alors que je sors d'une nuit de garde épuisante est une chose – et encore, je pense que si vous n'aviez pas été religieux, je vous aurais envoyé paître ;  mais que vous vous immisciez dans ma vie en est une autre. » Je hoche simplement de la tête. Sauf que j'ai bien cru comprendre que Jimmy ne fait plus vraiment partie de ta vie. Peut-être de ton passé, peut-être de ton histoire, peut-être détient-il une partie de ton cœur, peut-être cause-t-il tes insomnies mais il ne fait plus partie de ta vie. Je ne veux pas de mal à Jimmy. Bon, si, je lui veux du mal mais tu n'es pas encore sensé l'apprendre et je compte sur toi un beau jour pour presser la détente, pour libérer le monde d'un poids supplémentaire. Je secoue la tête, lui signifiant ainsi qu'il fait fausse route : « Il ne s'agit pas de s'immiscer dans vos vies, M. Richardson. Vous n'êtes pas sans savoir que votre ami est désormais recensé comme mutant. Et vous savez comme moi ce que cela implique. » J'écarte délicatement la tasse que je pose sur le bord de la table. « La raison pour laquelle je requiers votre aide est que je pense que les mutants sont dangereux et malades ; et qu'ils doivent être aidés médicalement pour ne pas causer davantage de désolation. Combien de blessés et de morts voyez-vous dans cet hôpital à cause de la folie de quelques-uns ? » demande-je en désignant l'institution d'un large geste du bras. « Vous pensez que vous êtes seul à avoir subi les ravages d'un mutant qui perd le contrôle ? Vous étiez seul, vous êtes éreinté. Mais désormais vous n'êtes plus seul, vous ne le serez plus jamais. » Je reprends ma tasse de café en main, la fais tourner tout doucement.

La discussion dure ainsi le temps de sa pause, peut-être un peu plus puisque sur les dernières minutes, il regarde nerveusement sa montre. Je ne lui explique pas directement qui sont les Watchers, je parle simplement d'un groupe de personnes qui ne veulent pas que les drames qu'il a connus ne se renouvellent. Je lui laisse finalement mon numéro de téléphone, nous serons amenés à nous revoir. S'il le souhaite du moins...

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