a few days ago. ~ La tombe descend doucement dans ce sombre trou. La soi-disant réconfortante parole du prêtre qui accompagne les derniers instants sur cette Terre du défunt. Les visages fermés, une douleur apparente, rien de plus normal et conventionnel quand on assiste à la cérémonie d’un proche, d’un être pourtant aimé de tous. Une vieille dame sanglotant sans pouvoir s’arrêter, se retenant à peine dans ses bras, de cette grande blonde toute aussi peinée, éplorée. Les yeux rougis par les larmes et la fatigue accumulée, Karen Page était méconnaissable, dans ce grand cimetière perdu dans son village d’enfance du Vermont. Entourée d’amis de la famille, de collègues locaux du grand scientifique qu’était son père, c’était pourtant difficile pour les deux femmes Page de trouver ne serait-ce qu’une once de réconfort, impossible à retrouver lorsque l’on enterre cet homme pilier de leur foyer. Une page qui se tourne, définitivement, et qui fait mal. Lors de ce discours d’adieu que Karen avait prononcé, une fois seule devant la dernière demeure de son père, elle s’était mise en tête et lui avait promis de changer, de se durcir et de faire ce qu’il y avait à faire, prendre sa revanche sur ces monstres, en sa mémoire. Après les attentats, qui mieux que les mutants pour en vouloir à son père ? C’était plus inconscient qu’autre chose, elle n’en avait pas la preuve formelle, mais Karen, elle savait que la science et ces êtres améliorés n’étaient pas faits pour fonctionner ensemble. L’un d’entre eux avait forcément eu l’envie d’arrêter son père, puisque cette explosion du labo était clairement déterminée comme criminelle, et d’avoir subi de telles mutilations, un humain n’était sans doute pas capable de cela, bien que l’histoire en ait vu, des psychopathes … De quelque nature que soit le coupable, elle allait le trouver, la Karen tourmentée, et établir sa vengeance, quoi qu’il en coûte … Elle sentit le regard lourd de sa mère derrière elle, la jeune blonde brisée, qui l’attendait sans doute avant de rentrer … Pour toute la douleur de sa mère, pour lui rendre le peu de bien qu’elle pouvait lui redonner, elle traquerait jusqu’à son dernier souffle, Karen, afin de prendre la liberté du meurtrier, quoi qui lui en coûtera.

now ~ Une dizaine de jours. C’était le temps dont elle avait eu besoin de s’évaporer de Hell’s Kitchen pour se recueillir et être présente pour sa mère. Dix jours douloureux, cathartiques, mais suffisant pour faire accroître en elle cette haine, cette rage nécessaire pour vouloir prendre les devants, vouloir s’engager dans une lutte qui scellera sans doute son destin et n’allaient pas plaire à ses proches. Elle n’en n’avait pas pris la peine de parler de ce groupuscule dont elle avait entendu parler, Karen savait très bien que Penelope ne la laisserait pas faire, de peur de perdre le seul enfant qui lui reste. Et il n’y avait pas qu’elle, elle était encore loin de se rendre compte qu’à Hell’s Kitchen, il y avait deux autres hommes qui pensaient à elle, mais avec les derniers évènements, Matthew et Foggy, avaient quelque peu été relégués au second plan … Les aléas de la vie, de la justice, d’un destin qui ne semblait prendre de plaisir qu’à tordre encore un peu plus des âmes déjà bien abîmées.

Son départ à Fagan Corners, peu de personnes étaient officiellement au courant, enfin pour être plus précis, seul son responsable au Bulletin avait été averti des raisons de ce voyage précipité en pleine campagne américaine. Il avait tout à fait compris et avait offert à Karen ces quelques jours pour se reconstruire et prendre soin de sa mère. Il était tard d’ailleurs, lorsque son avion atterrit à l’aéroport de New York et c’était avec ses valises, le visage toujours morne et l’esprit totalement ailleurs qu’elle appela un taxi qu’elle redirigea en direction de son adresse à Hell’s Kitchen. Elle s’imaginait rentrer, Karen, et vider cette bouteille de vodka qui l’attendait dans le placard de sa cuisine, sans aucun doute qu’elle arriverait à s’endormir après cela. Mais lorsqu’elle sortit du taxi une fois arrivée à destination, elle vit alors une ombre quelque peu familière, postée devant la porte du hall d’entrée de son immeuble. Et c’est à ce moment qu’elle reconnut tout de suite ce visage si entêtant, grave, qui la fixait en silence … Karen fut clairement surprise, elle ne s’attendait pas à trouver Matthew aux portes de chez elle. Elle n’avait pu rien dire de tout cela, de son départ, de sa douleur … Elle s’attendait à ne plus avoir d’importance pour lui. « Matt .. ? » s’annonça-t’elle simplement, en s’avançant un peu vers l’avocat aveugle. Elle ne lui devait pourtant rien, Karen, ne comprenant pas vraiment pourquoi il se trouvait ici-même en cette fraîche nuit alors qu’il avait sans aucun doute des heures de sommeil à récupérer, suite à un dur travail … Mais au fond, elle ne peut s’empêcher de se sentir soulagée, Miss Page, de le savoir toujours présent, malgré tout. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Lui demanda-t’elle, réellement intérogée par l’intérêt qu’il pouvait porter à sa présence ce soir … Un simple coup de fil aurait suffi, mais il fallait croire que Matt n’était décidément pas le genre d’homme à vouloir faire les choses à moitié.
 

L’air frais balaye la robe noire de New-York, elle qui est en surchauffe une fois lumineuse avec les températures estivales. Une douceur rafraîchissante qui pouvait faire du bien à beaucoup de monde, mais qui n’en était rien face à l’enfer dans le cœur de la jeune femme. Le seul bien qui pouvait lui être fait à la rigueur, c’était de savoir qu’un être ayant été important, très important pour elle, n’allait pas la laisser retourner seule à sa vie bien trop torturée. Mais en était-il réellement capable, maintenant, Matt ? Leur relation amoureuse qui était pourtant si belle à ses yeux, n’était à l’évidence plus qu’un lointain souvenir face aux erreurs trop nombreuses de l’avocat aveugle. Erreurs qui n’arrangeaient rien non plus à son propre jugement, puisqu’elle divergeait elle-même de l’opinion de tous lorsqu’il s’était agi du Punisher. Sans doute cela, en plus de l’éloignement de Matt, avait finalement réussi à les séparer. Au fond, elle en avait tout aussi mal Karen, mais peut-être pas autant que de savoir son père dorénavant enterré six pieds sous terre, alors qu’il n’avait, jusqu’à preuve du contraire, jamais fait de mal à qui que ce soit.

Elle aurait été peut-être un peu hostile à sa présence, Karen, si elle ne s’était pas souvenue de cette fois où elle était venue chez lui à l’improviste, afin de lui apporter son soutien suite à l’anniversaire de la mort de Jack Murdock. Elle avait été là, la blonde amoureuse à l’époque, trop intimidée pour lui avouer quoi que ce soit. Mais elle était touchée que l’ascenseur lui soit renvoyé ce soir, même si elle devait bien se l’avouer, elle était certaine que Matt ne serait pas présent si quelque chose de moins grave le lui était arrivée. Soyons réalistes, leur séparation n’avaient pas été des plus cordiales. Certes, Karen lui avait clairement dit qu’il ne pouvait plus rien faire pour elle, sauf que ce soir, était peut-être celui où elle se rendrait enfin compte, qu’elle ne pourrait sans doute jamais se passer définitivement de lui.  Il était si charmant, Matt, si attentionné quand il le voulait. Dommage que ce ne soit plus aussi facile qu’avant. « Je suis venu te voir. » Lui répondit-il, sachant pertinemment qu’il n’en avait plus ce pouvoir. Son fin sourire pouvait se voir dans la pénombre, et Karen, plus nerveusement qu’autre chose, laissa passer une seconde de silence avant de continuer : « Non, tu ne veux pas vraiment me voir Matt, j’ai vraiment une tête à faire peur. » Et pour cause, cela faisait qu’elle n’avait pas eu de bonne nuit de sommeil, ni même eu la force de cacher cela avec un peu de maquillage. Non, elle n’était pas présentable, mais elle s’en moquait, au point pour ce soir que Matthew n’en retrouve pas la vue … Mais son cœur trop serré la rappela à l’ordre, intimant à son visage de se refermer … Elle n’avait pas non plus le courage d’en sourire plus, elle n’en avait pas le droit pour le moment. « J’ai appris ce qui s’est passé pour ton père et je voulais te présenter mes condoléances. » A cette vérité, sa lèvre inférieure se mit à nouveau à trembler, son regard d’enfant désormais sans repères s’embua de nouvelles larmes. Portant sa main à sa bouche pour étouffer un sanglot, Karen rassembla toutes ses forces pour ne pas craquer, comme elle avait fait si souvent face à lui : « Merci ... merci. » Elle ne pouvait pas vraiment répondre autre chose. Elle aurait aimé que ce décès, ne se passe tout simplement pas de cette manière, si l’on devait tous partir un jour, autant que ce soit de la plus douce et d’avoir eu la chance d’avoir son existence bien remplie, ce qui n’était pas la cas de son père. S’il ne bougeait pas, Karen se mit fermement à serrer quant à elle la poignée de sa valise, visiblement stressée et affaiblie. « Je voulais savoir si je pouvais faire quelque chose pour toi ou pour ta mère. » La voix si rassurante et compatissante de Matt était décidément bien plus convaincante que celui du prêtre officiant quelques jours plus tôt. Il fallait dire qu’il avait toujours cet ascendant sur elle auquel elle ne pouvait rester si indifférente. Laissant finalement quelques larmes couler, Karen détourna légèrement le regard, abattue : « Si tu pouvais nous réveiller Matt … Nous dire que tout cela n’est qu’un mauvais rêve, qu’il n’a pas été tué aussi sauvagement … » Et ses larmes reprenaient de plus belle alors qu’elle croyait ces dernières toutes versées. Indubitablement, elle avait encore besoin de soutien, tellement besoin. Ce n’était pas comme si on pouvait se relever d’un seul coup de la mort de celui qui avait été depuis si longtemps son guide et modèle.
 

Il lui avait fait du mal, Matt. Il avait joué au ténébreux, au mystérieux sans aucun visage alors qu’il s’était avéré qu’elle avait tellement besoin de lui, Karen. De toute sa vie, elle ne se souvenait pas d’avoir été éprise d’une telle manière, même dans sa jeunesse alors qu’elle n’était pas très réjouissante, de la même manière qu’une vedette de lycée. Non pas qu’elle n’était pas jolie ou pleine de boutons au point d’être la risée de sa promotion, non, mais disons qu’à ce moment-là, elle avait d’autres aspirations, la jeune blonde, qu’au lieu de perdre son temps avec des histoires sans lendemain. Et pourtant, elle s’était évertuée à se convaincre qu’elle n’était pas amoureuse, Karen, mais les mots de Frank dans ce bar quelques temps plus tôt, si vrais en réalité, lui ont fait comprendre le contraire. Et elle sentait le danger dans cette relation, car elle savait bien que l’avocat aveugle était un être instable, pour lui avoir infligé de telles blessures. Il n’était pas parfait, comme elle-même sans doute était loin de l’être. Et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir ne serait-ce qu’une lueur de bien-être dans tout son drame, un bien-être inexpliqué, juste parce qu’il était là. « J’en doute fort. Mais vu les circonstances ça serait tout à fait normal si c’était vraiment le cas. » Ce qui était sûr, c’est qu’elle n’aurait pas, même jamais pu rentrer avec un sourire béant sur les lèvres après cet enterrement. Karen aimait vraiment son père, et cela aurait été clairement mal venu, et elle n’aurait jamais pu faire une chose pareille. « Et bien, je peux te dire que c’est vraiment le cas … » Les yeux rougis, le teint feutré de pâle, elle n’avait plus le goût à la plaisanterie Miss Page. Même si le petit accès de Matt lui était tellement caractéristique et si plaisant au fond, c’était bien trop dur pour elle de jouer le jeu dans un moment pareil. « Je ne peux pas le faire, malheureusement. » Lui répondit-il alors qu’elle lui demandait, dans une parole désespérée, de la réveiller de son cauchemar. Oui, elle savait bien que c’était impossible, qu’on ne pouvait pas changer le passé, elle aurait donné cher pour sauver son père, mais pour honorer sa mémoire, il se pourrait qu’elle aurait trouvé le moyen … Mais alors qu’elle ne put rajouter quoi que ce soit, Matt se redressa, dans une grâce qui était toute sienne, et Karen ne put se résoudre qu’à le suivre du regard alors qu’il s’approchait d’elle. Il était le seul à lui faire cela, Matt, de la captiver comme cela alors qu’elle avait toutes les raisons du monde de le repousser sans aucune gentillesse de sa part. « Mais je peux être là pour vous. Je suis passé par là et je sais ce que ça fait. Je peux écouter si tu as besoin de parler. Je peux aider ta mère si elle en a besoin. » Elle ne le savait que trop bien Karen, au fond, il n’y avait pas mieux placé que Matt pour comprendre sa peine, lui aussi avait perdu son père, et le souvenir d’avoir été là pour lui était encore bien présent dans son esprit. «  Oui, tu es là Matt, et au fond je crois que c’est tout ce qui compte … »  Bon, il ne pouvait pas vraiment aider sa mère puisqu’elle était restée dans le Vermont, mais Karen n’était pas partie en la laissant seule, elle s’est arrangée pour que sa maman soit toujours entourée et essaie d’oublier la douloureuse absence de son mari. «  Ne t’inquiètes pas pour ma mère … Je … Je ne suis pas repartie en la laissant désœuvrée … »  Ajouta-t’elle avant d’essuyer quelques larmes sur son visage et tentant de s’exprimer de façon audible sous ses faibles sanglots. Et c’est à ce moment précis que Matt posa sa main sur son épaule, qui électrisa tout le corps de la jeune femme d’une sensation de réconfort. Tellement affaiblie qu’elle en est dépendante de son contact, le regard bleuté de Karen se tourna machinalement sur cette main rassurante, mais n’en fit rien pour la retirer. « Malgré tout ce qui s’est passé, je serai toujours là Karen. » Cette phrase sonnait comme une promesse, véritable ou non, sincère ou juste pour paraître un minimum compatissant, sa raison n’en avait rien à faire. Prenant cette phrase comme cette douce caresse inespérée sur son cœur, celui-ci se mit sans crier gare à battre à tout rompre, tout comme cette première fois où elle s’était rendu compte qu’elle était tombée sous son charme. Il l’avait toujours dit, Matt, même si ces derniers temps elle avait eu tellement du mal à y croire avec son éloignement injustifié. Elle était tellement tiraillée, à ce moment précis, mais envoûtée par ses paroles, elle ne pouvait même plus réfléchir correctement. Il n’y avait plus de rancœur, juste cette bulle que Matt était en train de créer autour d’eux. Autour de sa douleur qu’il apaisait sans s’en rendre compte. Et alors qu’il posa sa main sur sa joue, qu’il invita le regard de Karen à croiser les verres rubis de ses lunettes, son cœur vacilla de nouveau. Elle n’avait pas été aussi proche de lui depuis si longtemps maintenant. « Si je peux faire quoi que ce soit, je le ferai. » Devant la telle sincérité dans le ton de parole de l’avocat aveugle, la conscience de haine de la jeune femme reprit le dessus sur tout l’affectif qu’elle ressentait pour cet homme décidément si extraordinaire, à sa manière. Et même si quelques larmes étaient encore présentes, le visage de Karen prit alors un peu de dureté, et elle continua. «   Il faudra de toute façon faire quelque chose, Matt. Je veux faire quelque chose, il est hors de question que ce … Monstre, reste dans la nature et continuer tranquillement son chemin. » Oui, c’était dit. Elle avait fait une promesse sur la tombe de son père et Karen n’y dérogerait pas. Seule sa mort pourrait la dissuader de rompre son principe. Pour sa mère, tout comme pour elle-même.
 

Le ton de sa voix s’était considérablement durci lorsque Matt a invoqué l’idée de faire quelque chose pour elle. Karen n’était pas sans savoir à quel point l’avocat était un homme de fer et de convictions lorsqu’il s’agissait de son aspect professionnel. Il avait ce tel sens de la justice qu’il partageait, au moins cela, avec elle. Mais il ne savait pas encore de quelle manière elle avait décidé d’agir, et il fallait avouer que même pour elle, c’était encore flou. La seule certitude qu’elle avait cependant, c’était de ne plus vouloir rester uniquement de ses retranchements. Elle était trop remontée, elle en avait trop vu sur le danger que pouvait représenter les mutants et dès à présent, elle était piquée à vif sur le fait que les humains devaient se dresser contre eux, et pouvoir se défendre. Sur la question, Karen avait sa petite idée, une piste à creuser, mais pour le moment, elle ne pouvait physiquement se permettre de se lancer à corps perdu dans cette lutte, n’ayant pas encore les relations nécessaires. « Il ne restera pas dans la nature, il sera arrêté d’une façon ou d’une autre. »  A cette affirmation, Karen hocha la tête, elle en avait une détermination farouche d’en faire le nécessaire. Elle en ferait une affaire personnelle, comme c’était le cas avec Frank, bien que ses raisons fussent intimement plus profondes aujourd’hui. «  Tu peux être là pour ta mère, c’est ce qui importe le plus. Mais si tu veux vraiment faire quelque chose, je suis persuadé que ton chef sera d’accord pour que tu utilises les moyens du journal pour retrouver la personne qui a fait ça. » Ce que Matthew ne savait pas vraiment, c’est que malgré les larmes qu’elle avait versé, Penelope pouvait se montrer bien plus forte que sa fille. Même si perdre son amour était une chose insupportable, elle avait persuadé sa fille de retourner à sa vie, qu’avec ses attentions et son aide, elle s’en sortirait, et que c’était maintenant à la petite fille de se reconstruire avec ses proches. « Sur certains points, elle est bien plus forte que moi. » avoua t’elle d’une demi voix. Mais Karen savait qu’elle avait hérité de sa force et c’est également de celle-ci qu’elle avait eu ce courage de faire cette promesse à son père disparu. « Je n’ai même plus réellement besoin de l’autorisation de mon chef à présent, avec l’affaire Castle il a été habitué à me voir passer des heures dans les archives … » Elle n’était pas vraiment fière de reparler de cela, mais c’était la vérité. Une vérité qui était sans doute l’un des moteurs de séparation de leur couple naissant, rejoignant bien d’autres. Mais aussi, parce qu’elle était une personne entière aux yeux de la justice, tout comme l’était Matt. Elle voulait connaître la vérité, traquer l’assassin, et rendre grâce à son père. « Quelqu’un trouvera la personne qui a fait ça à ton père et il ou elle sera arrêté. » Cette affirmation posa de nombreuses questions dans la tête de Karen. Mais de qui voulait-il parler ? L’assaillant était un mutant, un être dangereux dont ne serait-ce que l‘énerver pourrait apporter de lourdes conséquences. Elle ne se rendait absolument pas compte que Matt pouvait avoir des idées qu’elle n’imaginerait pas … Comme le recours à une certaine double identité. « J’en fais une affaire personnelle, Matt. Si quelqu’un doit arrêter ce meurtrier, ce sera moi. » Une pointe déterminée, et abattant une dernière fois sa tristesse pour se reprendre et ne plus laisser étaler sa faiblesse. « Je … Je sais que je ne pourrais pas faire cela toute seule, j’aurais sans doute besoin d’aide et de temps, mais je ne compte pas laisser tomber tant que je n’aurais pas mes réponses … » Ni sa tête. Mais elle tut ce dernier élément, car ce serait encore relever de vieilles blessures qu’elle n’avait jamais confiées et n’aura sans doute jamais le courage ni la force de le mettre sous lumière. Elle savait ce que cela faisait d’abattre un homme, elle savait que faire justice soi-même n’était pas forcément moral, au regard de l’exemple de Frank. Mais elle avait trop souffert, Karen, elle en avait trop pris pour rester dans l’ombre de sa douleur une nouvelle fois. Elle avait été actrice une fois de levée d’éclat dans une affaire de justice, et elle ne comptait pas s’arrêter là, et encore moins lorsqu’il s’agissait d’une affaire qui la concernait personnellement. Elle s’en moquait du danger que cela pouvait représenter pour elle, au contraire, Karen s’était mise en tête de vouloir l’affronter à présent. Tous ces événements qu’elle avait vécu, qui l’avaient forgée, la poussait irrémédiablement à cette extrémité, de vouloir agir et finalement se battre.  Elle ne savait pas vraiment si Matt la rejoindrait sur ce point, mais sa décision était fermement prise. Et que ce soit avec, ou sans lui, Karen allait, dès le lendemain, échafauder ses plans pour faire toute la lumière sur cette terrible histoire qu’était la sienne.  
 

Elle ne sait pas encore ce qui l’attend. Elle ne se doute pas encore de l’amplitude de ses choix, des conséquences. Karen, elle n’est plus que souffrance, désolation, mais armée d’une envie de s’en sortir, d’une envie de justice qui était sans faille. Grâce à cette force fragile, elle tenait encore sur ses deux jambes, elle tenait à sa vie et à son honneur bien qu’elles soient toutes deux vacillantes. Mais de sa faiblesse, elle était certaine d’en trouver le chemin pour rebondir, reprendre sa vie sur le chemin de la quête de sa vérité. Quoi qu’il en coûte. Sa famille en avait intimement besoin, tout comme elle en avait besoin pour faire son deuil. Certes, son envie d’agir était grande, même dominante à ce moment précis, mais elle ne se rendait pas encore compte qu’elle allait avoir de beaucoup de soutien, de ses proches, de ceux qui croyaient vraiment en elle. Karen, elle allait avoir besoin de sa mère, de Foggy, et peut-être intimement de Matthew, car il était sans conteste le plus fort, le plus moral des trois, celui qui avait un ascendant si fort sur elle. « Je comprends Karen. Vraiment, mais tu vas te mettre en danger alors que d’autres personnes peuvent s’en charger. » La belle releva les yeux, l’air plus grave. Si l’attention qu’il portait sur elle était clairement touchante, Karen pensait avoir assez prouvé à Matthew qu’elle pouvait prendre soin d’elle, faire attention à ses arrières. Certes, il ne l’a pas rencontrée dans sa plus forte des périodes, mais cette faiblesse était révolue à présent, il serait peut-être temps que Matt le comprenne. « D’autres personnes peuvent s’en charger, mais quoi que tu en dises je serai l’une d’entre elles Matt, quel que soit ma manière … Il s’agit de mon père. »  Elle savait aussi pour Jack Murdock, Matthew était clairement dans la même position qu’elle, mais elle n’en savait pas réellement plus sur l’enfance et passé de l’avocat aveugle, les circonstances, ce que lui aurait pu faire face au meurtrier de l’ancien boxeur. « Je ne veux pas te dire de ne rien faire, mais tu risques de perdre plus que tu ne gagneras. » A vrai dire, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle avait à perdre de plus à présent. Son père décédé, sa famille en lambeaux, son cœur battant pour une histoire d’amour en laquelle elle n’avait plus l’impression de croire en un renouveau, Karen en haussa les épaules : « J’ai … J’ai l’impression d’avoir tout perdu Matt. » Soupira-t’elle. Elle commençait à être épuisée de son voyage, de sa tristesse, de toute cette mauvaise énergie qu’elle avait accumulée ces derniers temps. Mais quelque chose en la présence de Matt la retenait un peu, comme si elle avait au fond toujours besoin de lui, de l’entendre. « Ta mère n’a pas besoin d’enterrer quelqu’un d’autre. » Électrochoc. Karen ne s’attendait pas vraiment à ce qu’il utilise des termes si directs avec elle, surtout dans son mal-être évident. « Je … Je ne me laisserai pas faire Matt … Je … » Elle se perdait elle-même. N’étant pas sûre d’elle, Karen n’avait pas vraiment envie de lui parler de son plan en détail, déjà parce qu’il était encore flou, et moralement elle savait que l’avocat ferait tout pour l’en empêcher, elle le savait rien qu’en entendant ces sermons qu’il tenait pour la raisonner. « Prends le temps de penser à ce que tu veux faire. Si tu fonces tête baissée, tu ne parviendras à rien. » Il avait sans doute raison, Matthew. Bien qu’elle fût clairement déterminée, Karen, il était certain qu’elle agissait sous le coup d’une trop grande émotion depuis ces derniers temps. Elle était bousculée, elle veut juste que son mal s’arrête, retrouver de la sérénité … A ces derniers mots, Karen hocha la tête, affaiblie. Resserrant les pans de son manteau autour d’elle pour parer au temps frais et couvrir un peu mieux sa peau déjà assez refroidie par la fatigue, elle brisa de nouveau le silence, espérant le rassurer. « Ce n’est pas dans mes habitudes de ne pas parvenir à mon but … mais promis, je prendrai le temps de la réflexion. » Peut-être sera-t-il un peu plus confiant avec cela, même si légitimement elle n’avait plus aucun compte à lui rendre. Cependant, elle ne pouvait qu’apprécier ce fait qu’il serait toujours là, même de loin à veiller sur elle, malgré tout ce qui avait pu se passer entre eux avant que leur relation ne soit si brutalement mise à mal.