Gwen poussa la porte du coffee shop, un gobelet fumant à la main, avant de sortir dans la rue bondée. Elle venait encore de passer une sale nuit, et il lui fallait une bonne dose de caféine si elle voulait pouvoir tenir toute la journée sans s'écrouler de fatigue. Et son instinct de justicière lui soufflait qu'elle allait encore passer une très longue nuit. Depuis qu'elle était dans ce monde, elle se tuait à la tâche. Entre son boulot de prof de musique, les cours qu'elle suivait à la fac en tant qu'auditrice libre et ses activités de Spider-Woman, elle ne s'arrêtait quasiment jamais. C'était loin d'être la vie idéale, mais elle faisait ça parce qu'elle sinon, ses pensées se tournaient aussitôt vers son ancien monde. Son ancienne vie. Son père, ses amis, Peter... ici, elle n'était pas à sa place. Elle n'était personne. Rien de plus qu'un nom gravé sur une pierre tombale. Si Gwen avait essayé d'en savoir plus sur l'entourage de la Gwen Stacy de ce monde, elle n'avait pas cherché à nouer contact avec eux. La jeune femme ne souhaitait pas leur imposer une telle épreuve. Pas plus qu'elle ne souhaitait s'imposer ça. Ce monde était l'occasion pour elle de se créer une nouvelle vie, même si elle avait choisit de ne pas abandonner le masque. Tant parce qu'elle adorait sauver des vies qu'à cause de la promesse qu'elle s'était faite des années plus tôt, alors qu'elle n'était qu'une jeune lycéenne en bas de la pente. S'arrêtant à un kiosque, elle feuilleta les journaux, tout en sirotant son café. Et comme à son habitude, elle s'attarda sur le Daily Buggle. Qui, comme à son habitude, déversait sa hargne légendaire sur le dos de Spider-Man. Cet odieux criminel qui terrorisait la population de New-York. Et de sa nouvelle complice, tout aussi vile et cruelle. Même si, contrairement à l'autre Web-Warrior de la ville, elle n'avait pas le droit à la une du journal. Dans les bons jours, elle avait la page trois ou quatre. Dans les mauvais... une petite colonne en page huit. Mais ça ne la dérangeait pas de ne pas être en première page du journal. Ça faisait du bien de ne pas être la femme à abattre par tous les moyens en ville, pour un crime qu'on avait qu'à moitié commit. Et puis ici, le Buggle la faisait rire, au lieu de lui faire monter les larmes aux yeux et lui ramener au visage sa responsabilité dans la mort de Peter. Ici, il était bien vivant, et pour ce qu'elle en savait, en bonne santé.
Son café dans une main et le journal coincé sous le bras, Gwen reprit sa route, évoluant dans la horde de new-yorkais qui se rendaient au travail à pied et de touristes qui venaient visiter la Grosse Pomme. Malgré les récents troubles, la grande majorité essayaient de faire comme si de rien n'était, occupés avec leur petite vie. Tant qu'ils pouvaient balayer les problèmes sur le devant de leur porte, ils étaient contents. Oh, il y avait toujours des grincheux pour cracher après les héros, les mutants ou le S.H.I.E.L.D., mais ils étaient minoritaires. Et Gwen n'était pas la mieux placée pour leur jeter la pierre, vu à quel point ses relations avec la bande de super-espions du gouvernement étaient tendues. Soudain, un type avec un téléphone collé à son oreille déboula devant elle, et elle s'écarta rapidement de son chemin pour éviter de le percuter. Et évidemment, elle mit un coup d'épaule involontaire à une autre personne. Gwen se retourna, avec la ferme intention de s'excuser « Je suis vraiment désolée, je... » Mais la suite de sa phrase resta coincé dans sa gorge alors que ses yeux se portaient sur le visage de la personne qu'elle venait de bousculer. Elle connaissait ce visage. Elle le connaissait même trop bien. C'était le visage de sa meilleure amie. Gwen sentit à peine sa main lâcher son gobelet de café, et le bruit du gobelet qui s'écrasait au sol lui parut incroyablement distant. La jeune femme était figée sur place, incapable de dire ou faire quoi que ce soit. Elle ne savait même pas quoi dire ou quoi faire! Elle avait passé des mois à craindre autant qu'à espérer que ce genre de situation arrive. Mais elle ne s'y était jamais préparée. La blonde se contentait d'ouvrir et de fermer la bouche, sans qu'aucun son n'en sorte, comme un poisson qui essayerait en vain de respirer hors de l'eau. Et finalement, après ce qui sembla être une éternité, l'air sembla enfin décidé à circuler à nouveau dans ses poumons « Em Jay, je... je te jure que... » Elle ne savait même pas par où commencer. Le mieux aurait encore été de lui raconter son histoire, de lui forcer à admettre la dire réalité qui disait que Gwen Stacy était morte, et qu'une autre Gwen Stacy avait déboulé dans ce monde depuis une autre réalité. Mais est-ce que Mary-Jane allait seulement la croire? Même dans un monde ou des portails vers l'autre bout de la galaxie s'ouvraient dans le ciel, ou des robots fous essayaient de provoquer l'extinction de l'humanité et ou les mutants étaient légion, son histoire était totalement folle. Passant nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille, elle attendait avec appréhension la réaction de la rousse. Joie, pleurs, panique, colère... Gwen ne savait pas quelle option était la plus logique, car elle-même ne savait pas comment elle aurait réagi si les rôles avaient été inversés.
Au moment où sont réveil sonne, Mary-Jane ouvre les yeux comme quelqu'un qui n'aurait pas dormi. Elle ne reste pas une seconde de plus dans son lit, se lève en mode presque automatique. Ses nuits sont courtes, depuis quelques jours. Les pensées grouillent dans son esprit comme des fourmis dans une fourmilière, et elle a du mal à se concentrer sur une seule chose. Elle se prépare à la vitesse de la lumière, et en l'espace d'une demi-heure, elle est en bas de son appartement, en route pour la tour Avengers, son smartphone dans sa main. Elle qui aime tant prendre son temps le matin, elle qui fait attention de se lever tôt pour pouvoir être toujours la plus présentable possible… Les choses l'ont bien changé. Les événements récents ont bouleversé sa vie plus que jamais. Plus que quand elle a appris que Peter était Spider-Man. Elle a l'impression de ne pas avoir été aussi perdue depuis la mort de Gwen, honnêtement. Aujourd'hui, elle a beaucoup de choses à gérer. C'est un peu le chaos chez les Avengers, depuis les récents attentats. La communication n'est pas une affaire facile, surtout en situation de crise. Mary-Jane a eu l'occasion de le comprendre très vite en prenant son poste. Mais ce n'est pas que son travail qui lui donne du fil à retordre. Beaucoup de ses amis ont souffert de ce qui s'est passé. Elle s'inquiète pour sa mère. Elle s'inquiète pour Peter, aussi, qui essaie de tout tourner en dérision, même quand elle essaie de lui faire comprendre que tout ça est sérieux. Elle sait très bien qu'il essaie de la protéger, en faisant comme s'il prenait les choses à la légère. Mais ça ne fait que l'inquiéter un peu plus. Et puis il y a Harry. Au moment où sa vie devient plus compliquée, il retombe sur son chemin. Ils ont discuté, et il lui a dit qu'elle lui manquait. Qu'il l'aimait. Et bien sûr qu'elle ressent la même chose. Mais les choses ne sont pas aussi simples qu'elle le voudrait. C'est le chaos à New-York, c'est aussi le chaos dans sa tête.
Elle avance dans la foule, les yeux rivés sur son écran. Elle lit les derniers tweets envoyés par les followers du compte officiel des Avengers. La timeline s'est remplie de haine et de débats houleux entre les internautes, et elle est un peu malade de voir toute cette négativité. Elle le prend presque personnellement, parfois, surtout quand les followers s'attaquent à Spider-Man et par extrapolation, à Peter. Difficile d'avoir l'esprit léger quand on baigne ainsi dans le pessimisme. Elle soupire dans sa barbe et secoue la tête d'exaspération en voyant un nouveau tweet idiot et plein de fautes d'orthographe. La journée va être longue.. Heureusement, Peter a dit qu'il serait là quand elle arriverait ce matin. Elle va pouvoir discuter un peu, et il arrivera sûrement, comme d'habitude, à la faire déconnecter un peu, à rire pour quelques minutes. Ça va lui faire du bien. Elle a toujours les yeux plantés sur les commentaires quand elle se fait bousculer. Elle reconnecte avec la réalité et relève les yeux vers la personne qui lui a foncé dedans. « Je suis vraiment désolée, je... » Le cœur de la rousse a un raté en entendant la voix, d'abord. Puis quand ses yeux glissent sur le visage, c'est tout le monde qui s'arrête. Mary-Jane a l'impression que tout vient de s'effacer autour d'elle. La ville a disparu, la foule a disparu, il y a comme un voile tendu entre elle et le monde. Pendant une seconde, elle pense qu'elle s'est évanouie, peut-être à cause de la fatigue. Parce que ce qui se joue devant ses yeux ne peut être autre chose qu'une hallucination. C'est la chaleur du café qui tombe sur ses chevilles et ses chaussures qui la réveille de sa torpeur. Tout à coup, elle reprend contact avec le monde. Mais le visage est toujours là, et c'est là que les choses commencent vraiment à devenir encore plus folles qu'elles ne l'étaient déjà. « Em Jay, je... je te jure que... » Mary-Jane ferme les yeux, puis les rouvre, comme pour s'assurer qu'elle ne va pas disparaître quand elle clignera des yeux. Mais Gwen est toujours là. Aussi parfaite que dans ses souvenirs. Belle, avec ses cheveux blonds, bien habillée. Il y a un petit bleu juste à côté de son oreille, mais c'est la seule chose qui diffère. La jeune femme ne peut s'en empêcher, elle vient enfoncer un doigt dans l'épaule du sosie de sa meilleure amie, pour être certaine que ce n'est pas une sale blague avec un hologramme ou quelque chose comme ça. Mais à étudier l'expression sur le visage de la blonde, impossible de prendre ça pour une blague. Il y a un inconfort, un malaise dans les yeux de Gwen. « Ok, Mary-Jane. C'est un bon signe qu'il faut que tu te mettes en arrêt, là. Ça ne va pas du tout, ça sent le burn-out. » Se parler à elle-même, peut-être qu'elle va réussir à faire disparaître l'hallucination, comme ça. Mais elle reste bien là, plantée devant elle, plus réelle que jamais. Il y a un petit silence, puis Mary-Jane sent les larmes qui lui montent aux yeux. Elle touche les cheveux de la blonde, son visage. Et secoue la tête d'incrédulité en même temps. « C'est pas possible. C'est pas possible. Je t'ai vue dans ton cercueil, ce n'est pas possible. » Sa voix se brise sur le mot cercueil. Elle secoue la tête, encore, incapable de trouver une cohérence à ce qu'elle a devant elle. « C'est… C'est bien toi ? »
Gwen aurait voulu s'enfuir, crier, pleurer, serrer sa meilleure amie dans ses bras. Gwen aurait voulu faire tout ça à la fois et bien plus encore, et pourtant, elle n'arrivait même pas à se résoudre à faire quoi que ce soit. Elle réagit à peine lorsque Mary-Jane lui enfonça un doigt dans l'épaule, comme pour s'assurer que la personne en face d'elle n'est pas une hallucination ou un hologramme. Pas très surprenant, puisque MJ devait sûrement se croire totalement folle, à voir une morte se tenir juste en face d'elle comme si de rien n'était. Mais la chose était loin d'être aussi simple. Ils n'étaient pas dans un film de Georges A. Romero. Les morts ne revenaient pas à la vie pour aller tourmenter les vivants, en essayant de leur dévorer la cervelle au passage ou pas d'ailleurs. Face à elle, la rousse semblait revivre à la vitesse de l'éclair toutes les étapes du deuil, et inconsciemment, Gwen s'en voulait de lui infliger ça. C'était totalement involontaire, mais l'obliger à voir tous les sentiments qu'elle a pu éprouver à la mort de Gwen resurgir et lui exploser en plein visage... c'était aussi horrible de voir ça que de l'éprouver. Après la mort de Peter, MJ avait été l'une des rares à être vraiment là pour elle, avec Harry et la tante de Peter. Même si il était arrivé que les deux adolescentes aient des disputes – principalement liées aux absences de Gwen lors de répétitions du groupe, la blonde étant trop occupée à coller des raclées aux criminels – elles étaient malgré tout de très bonnes amies. Si elles avaient étés aussi proches ici que là d'où elle venait, perdre Gwen avait du être un véritable déchirement pour la rousse. Peu à peu, elle voyait les larmes apparaître dans les yeux de son amie, et Gwen dût faire un effort pour ne pas l'imiter. Depuis la mort de Peter, elle s'est jurée de ne plus jamais pleurer. D'être forte, aussi inébranlable qu'un roc. Mais là... si elle ne se retenait pas, elle se jetterait au cou de MJ et se mettrait certainement à pleurer toutes les larmes de son corps. Même si elle détestait plus que tout pleurer. Lorsqu'elle sentit la main de la jeune femme passer dans ses cheveux, puis sur son visage, le cœur de Gwen loupa quelques battements. Comme si ce simple geste rendait cet instant réel, comme si avant ça, il n'avait été qu'un de ces rêves qu'on fait quand on est à moitié endormie. Visiblement, MJ ne voulait pas y croire, ne pouvait pas y croire. Elle savait très bien que Gwen était morte et pourtant... elle se trouvait juste en face d'elle, comme si elle n'était jamais passée de vie à trépas. Et lorsque Mary-Jane finit par lui demander si c'était vraiment elle, Gwen craqua. Elle n'y arrivait plus, ne voulait plus. Une larme coula sur sa joue, suivie d'une autre. Elle les essuya avec sa manche, avant de renifler de façon bien peu élégante. Elle avait les jambes qui tremblait tellement elle avait peur. Même lorsqu'elle sautait du haut de l'Empire State Building pour se rattraper à une dizaine de mètres du sol, qu'elle affrontait des types armées jusqu'aux dents ou des super-criminels qui essayant de l’aplatir, de la faire rôtir ou de la faire exploser en morceaux, elle n'était pas à ce point effrayée. Mais cette situation... elle n'avait pas été aussi proche de l'implosion depuis cette horrible journée ou Peter était mort dans ses bras « Mary-Jane, je... j'aimerais te dire oui. Te dire que je suis bien Gwen, et que tout ça n'était qu'une très mauvaise blague mais... » Est-ce que MJ était réellement prête à entendre la vérité ? Gwen se doutait bien que non, mais elle s'était déjà lancée, et il n'y avait plus vraiment de retour en arrière possible. À moins de prendre la poudre d'escampette et d'aller se planquer au fin fond de l'Alaska, avec des ours et des élans pour seuls voisins. Mais la vérité était tellement dingue que l'option de l'exil en Alaska devenait de plus en plus tentante. En général, Gwen n'avait pas le moindre mal avec les mots, pour trouver la bonne petite pique à lancer à un criminel pour l'énerver ou à trouver la bonne blague un poil lourdingue pour faire rire les copains. Mais pour convaincre les gens de l'existence d'un univers parallèle quasiment semblable à celui-là, c'était une toute autre paire de manche « Ce que je vais te dire, ça va te sembler dingue. Tu va avoir l'impression que je suis totalement folle, ou que tu es totalement folle. Sûrement même les deux. Tu va sûrement te dire que c'est une blague ou un truc du genre, mais c'est pas le cas. » Gwen se passa une main dans les cheveux, cherchant la meilleure façon de lui annoncer que sa meilleure amie n'était pas revenue à la vie, et que pourtant, sa meilleure amie était vivante « La Gwen Stacy que tu as connu... j'aimerais te dire que je suis cette fille-là, mais ça n'est pas le cas. Et c'est là qu'arrive la partie la plus dingue de l'histoire, parce que je suis Gwen Stacy. Mais je viens d'une autre Terre, dans une autre réalité, qui est à la fois incroyablement proche de celle-ci, mais aussi totalement différente. Je suis comme elle, j'ai vécu les mêmes choses qu'elles. À quelques détails près. » Autant dire que dans sa tête, les choses avaient eu l'air beaucoup moins stupides. Maintenant c'était certain, Mary-Jane allait croire qu'elles étaient aussi folles l'une que l'autre. Ou alors qu'elle était victime d'une machination quelconque venue de la part d'un taré quelconque qui en aurait voulu à Mary-Jane pour X ou Y raison, « Je t'avais dit que ça aurait l'air dingue. » Lança-t-elle en affichant un sourire qui se voulait le plus rassurant possible « Mais... je peux te prouver ce que j'avance. J'ai juste besoin que tu me fasse confiance. » Si MJ acceptait de lui faire confiance sur ce coup-là, elle lui raconterait tout. L'entière et absolue vérité. Dans son monde d'origine, elle avait eu de nombreux secrets pour sa meilleure amie. Em Jay n'était même pas au courant que Gwen était en réalité Spider-Woman. Ici... c'était l'occasion pour elle de rattraper ses erreurs, de construire quelque-chose d'aussi solide que sincère. Et sinon... Gwen préférait ne pas envisager cette option.
Mary-Jane observe, incrédule, ces larmes qui coulent désormais sur le visage de Gwen. Les gens passent à côté d'elles dans la foule New-Yorkaise, et doivent se demander quelle est cette scène étrange. Mais la rousse n'en a absolument rien à faire. Elle déglutit avec difficulté, la vision troublée par des larmes qui ne cessent de couler. « Mary-Jane, je... j'aimerais te dire oui. Te dire que je suis bien Gwen, et que tout ça n'était qu'une très mauvaise blague mais... » Elle ne comprend pas très bien dans quel sens tout cela est en train d'aller. Si elle n'est pas Gwen, alors qui est-elle ? Si elle n'est pas Gwen, cela veut-il dire qu'elle a bel et bien perdu la tête ? La blonde semble tergiverser, ne pas être sûre de ce qu'elle doit dire. Mary-Jane a l'impression qu'il y a tant de tension en elle qu'elle va tomber dans les pommes. Il faut que Gwen – la jeune fille, qui qu'elle soit – parle pour qu'elle puisse retrouver un peu pied. Il lui faut des explications, quelque chose qui peut l'aider à reprendre son souffle. « Ce que je vais te dire, ça va te sembler dingue. Tu va avoir l'impression que je suis totalement folle, ou que tu es totalement folle. Sûrement même les deux. Tu vas sûrement te dire que c'est une blague ou un truc du genre, mais c'est pas le cas. » Le ton est si sincère que la rousse n'arrive même pas à se dire que c'est un canular, de toute manière. Dans les larmes de la blonde, tout sent la sincérité, à vrai dire. Mary-Jane souffle un bon coup, et s'apprête à entendre ce que la fille en face d'elle a à dire. Elle a comme l'impression que les choses ne seront plus jamais pareilles après aujourd'hui. « La Gwen Stacy que tu as connu... j'aimerais te dire que je suis cette fille-là, mais ça n'est pas le cas. Et c'est là qu'arrive la partie la plus dingue de l'histoire, parce que je suis Gwen Stacy. » Mary-Jane fronce les sourcils. Elle n'arrive pas à suivre. Elle ne comprend pas. « Mais je viens d'une autre Terre, dans une autre réalité, qui est à la fois incroyablement proche de celle-ci, mais aussi totalement différente. Je suis comme elle, j'ai vécu les mêmes choses qu'elles. À quelques détails près. » La rousse reste paralysée devant le fantôme de son amie. Son doppelgänger, si elle en croit ce qu'elle vient de lui dire. Puis elle finit par secouer la tête. Tout ceci n'a ni queue ni tête. Les autres dimensions, ça n'existe pas. C'est impossible. Puis elle se souvient que Thor vient d'une autre planète. Que Peter a été mordu par une araignée radioactive. Que des aliens ont envahi la terre. Que des gens avec des pouvoirs, descendants d'aliens colonisateurs, se révèlent un peu partout dans le monde. Tout peut arriver. « Je t'avais dit que ça aurait l'air dingue. » Mary-Jane relève les yeux vers Gwen, et n'arrive toujours pas à parler. Elle est incapable d'accepter pleinement ce qu'elle vient d'entendre. Et pourtant, cela pourrait avoir du sens. Elle n'a jamais entendu parler de dimensions parallèles, mais pourquoi pas ? Elle se surprend elle-même à déjà considérer l'idée alors qu'elle vient juste d'avoir l'un des plus gros chocs de sa vie. Et c'est là qu'elle se dit qu'elle a changé. Elle, qui était une simple petite étudiante en communication il y a encore quelques années. Aujourd'hui, en l'espace de cinq petites minutes, elle est capable d'appréhender sérieusement la possibilité qu'il existe des dimensions parallèles.
« Mais... je peux te prouver ce que j'avance. J'ai juste besoin que tu me fasse confiance. » fait la Gwen devant son silence. Mary-Jane secoue un peu la tête, comme pour reprendre contact avec la réalité. Elle n'a vraiment pas rêvé. Gwen est bien devant là. Elle pèse le pour et le contre dans son esprit. Il est clair qu'elle ne peut pas être la Gwen qu'elle connaissait. Elle est la même, mais un peu différente. Il y a une part d'assurance en elle que Mary-Jane ne connaît pas. Sans compter le fait que la Gwen d'ici est belle et bien morte, même si ça lui tord le cœur d'y penser. Il n'y a pas de doute possible sur le fait que sa meilleure amie soit morte, malgré la folie de ce monde. Ce que la jeune femme avance est la seule explication plus ou moins plausible qui expliquerait la présence d'un sosie de Gwen en plein milieu d'une foule New-Yorkaise. « …. Je… Euh… Ok. » Elle secoue la tête de gauche à droite. « De toute manière, je ne peux pas te laisser filer comme ça. Qui que tu sois. Alors... » Mary-Jane met ses mains devant elle. « Dis-moi que tu n'es pas obligée de filer quelque part. Il faut qu'on parle. Et je crois que tu devais boire un café. Et moi il va me falloir quelque chose de plus fort si je dois entendre encore plus fou que ce que tu viens de me dire là. » Son regard se tourne vers la tour Avengers, qui trône au milieu de Manhattan. Il ne faut pas qu'elles restent dans les parages. Elles ne peuvent pas aller chez Mary-Jane, parce que c'est là que Peter ira la chercher quand il verra qu'elle n'arrive pas au travail. « Il y a un café juste là. » dit-elle en pointant du doigt la devanture d'un des nombreux cafés de la grosse pomme. « Je t'en supplie, dis-moi que tu peux rester pour m'expliquer, tu peux pas me laisser comme ça. »
Gwen attendait que son amie ne réagisse enfin, et ne faisait rien pour la précipiter. Elle venait d’anéantir totalement la conception qu'elle avait de son univers, la moindre des politesse était de lui laisser temps d'assimiler tout ça, et de s'en accommoder tant bien que mal. Tout ça, c'était nouveau pour la rousse. Gwen elle, avait eu des mois pour s'y faire. Et ça ne serait rien à côté de toutes les choses que Gwen allait lui révéler par la suite. Mais Mary-Jane pouvait l'encaisser. Elle était bien plus forte que ce qu'on pouvait croire au premier abord. Si elle était un tant soit peu semblable à celle qui était sa meilleure amie dans son monde d'origine, alors elle pourrait encaisser cette horrible vérité qui venait de lui être présentée. Finalement, après ce qui lui sembla durer une éternité, MJ finit par ouvrir la bouche, et la blonde poussa un soupir de soulagement. Elle croyait à l'histoire de la blonde. Peut-être tout simplement parce que personne n'était assez fou pour inventer une histoire pareille. Et c'est sans grande surprise que la rousse lui demanda, la supplia de ne pas s'en aller et de tout lui raconter. Mais elle n'avait pas à s'en faire. Elle ne partirait pas. Gwen devait la vérité à son amie, et la laisser comme ça avec un millier de questions au bord des lèvres sans lui offrir ne serait-ce qu'un semblant de réponse... c'était tout simplement cruel. Surtout que MJ n'était pas la seule à avoir une foule de questions à poser. Elle aussi, elle voulait savoir. Elle s'était toujours demandé comment était la Gwen Stacy de ce monde. De savoir qui elle était réellement, au-delà de la jeune et jolie major de promo qui travaillait chez Oscorp et qui sortait avec Peter. Tout ça, c'était les trucs bateaux qu'on pouvait choper sur le net. Ce qui l'intéressait, c'était de savoir comment elle avait vécu. Et elle voulait aussi en savoir plus sur MJ, sur Harry, sur Peter. Ce Peter Parker qui était exactement ce que celui de son monde avait voulu devenir. Avec le poids énorme qui venait de s'envoler de ses épaules, Gwen sourit et posa sa main sur l'épaule de la jeune femme « Ne t'inquiète, je ne vais pas disparaître comme ça. C'est pas comme si je pouvais rentrer chez moi... » Elle ne pouvait pas rentrer. Otto Octavius était un génie bien plus brillant qu'elle, et il avait probablement mit des années à mettre au point son prototype de machine pour voyager entre les réalités. Gwen elle... la jeune femme n'avait jeté qu'un bref coup d’œil aux plans de la machine, et elle n'avait ni le cerveau ni les ressources nécessaires pour s'atteler à un tel projet. Et même si jamais une telle machine venait à être construite dans ce monde, rien ne lui indiquait qu'elle pouvait revenir à son point de départ. Si on admettait qu'il existait au moins deux réalités bien distinctes, alors il fallait admettre qu'il y en avait une infinité. Tout ça formait une immense toile, et elle n'avait pas la moindre idée de l'endroit ou se trouvait le fil sur lequel elle était, et l'endroit ou était le fil d’où elle venait. Et y aller au pifomètre... c'était à exclure d'office. Non, elle ne pouvait pas rentrer. Elle avait finit par faire une croix sur cette possibilité, et se contentait de vivre ici, dans ce monde qui était à présent le sien « Et puis tu t'en doute, dans mon cas, c'est assez dur d'avoir une vie. » Difficile de vivre une vie autre que celle qu'elle avait quand du point de vue de la loi, on était six pieds sous terre. Gwen arrivait à se débrouiller malgré ça, mais sa petite vie clandestine n'était pas rose tous les jours, Gwen se pencha pour ramasser son gobelet de café vide, avant de se diriger vers la poubelle la plus proche et l'y jeta. Son journal était toujours coincé sous son bras, il était toujours en bon état, bien qu'un peu froissé. Son aplomb et son assurance habituelle retrouvés, elle fit signe à Mary-Jane de la suivre, avant de se diriger vers le café qu'MJ lui avait indiqué un peu plutôt. Malgré l'heure, l'établissement était peu bondé, et les deux jeunes femmes n'eurent pas le moindre mal à se trouver une table un peu à l'écart, ou elle pourraient discuter sans prendre le risque d'être écoutées ou interrompues. Gwen posa son sac – qui contenait son costume de Spider-Woman et qu'elle emmenait partout depuis l'attentat ou elle avait joué le rôle de malheureuse victime – à côté d'une des chaises, laissa tomber son exemplaire du Buggle sur la table avant de retirer sa veste « Bouge pas, je vais aller nous chercher un truc à boire. » Elle se dirigea vers le comptoir, avant de commander deux cafés. Elle ne savait pas quels étaient les goûts de la rousse, alors elle faisait simple. Une fois les deux tasses en main et sa commande réglée, elle retourna vers son amie, avant de poser une tasse devant elle et s'assit sur la chaise libre « Je savais pas trop ce que tu voulais alors je t'ai prit ça. J'espère que ça t'ira. » Avec la MJ de son monde, elle savait que la jeune femme prenait toujours un double cappuccino avec un supplément chantilly, mais ici... elle pouvait très bien adorer ça, comme elle pouvait au contraire détester le double cappuccino avec supplément chantilly. Gwen porta sa tasse à ses lèvres, avant de boire une gorgée de café. Le liquide était brûlant, mais la sensation lui fit un bien fou. Elle poussa un petit soupir de contentement, avant de se pencher un peu en avant pour regarder Mary-Jane de plus près, et pour s'assurer que personne n'entendrait ce qu'elles allaient dire « J'ai tellement de choses à te dire, je t'avoue que je sais pas trop par où commencer. Et je suis sûre que t'as des dizaines de questions à poser. Alors si tu veux savoir un truc en particulier... lance-toi. »
Franchement, elle se demande bien où elle trouve le sang-froid pour réagir aussi… Bien à cette situation. Après tout, le sosie de sa meilleure amie décédée vient d’apparaître devant ses yeux, de lui annoncer qu’elle vient d’une autre planète, et le tout en l’espace de dix minutes au milieu d’une foule New-Yorkaise. Il y a de quoi complètement perdre les pédales. Mais il faut croire que Mary-Jane a changé, depuis qu’elle connaît le secret de Peter et qu’elle a commencé à travailler pour les Avengers. Elle a été confrontée à des choses plus incroyables que ce qu’elle aurait pu imaginer, avant. Elle a entendu parler de planètes et de créatures qui n’auraient pas pris vie même dans ses rêves ou cauchemars les plus fous. Quelques mois auparavant, elle aurait sûrement cru à un canular de la part de cette fille en face d’elle. Une blague de mauvais goût que quelqu’un aurait essayé de lui faire. Mais aujourd’hui… Eh bien aujourd’hui, Mary-Jane en a assez vu pour prendre pour une potentielle vérité ce que ce doppelgänger de Gwen vient de lui balancer. C’est quand même incroyable, comme une personne peut changer en si peu de temps, quand elle découvre des secrets aussi gros que ceux sur lesquels elle est tombée depuis quelques mois. Le sosie de Gwen pose une main sur son épaule et lui sourit. La rousse a l’impression de vivre dans un drôle de rêve. C’est terriblement réel et irréel à la fois. « Ne t'inquiète, je ne vais pas disparaître comme ça. C'est pas comme si je pouvais rentrer chez moi... » Mary-Jane relève les yeux vers elle. Elle est coincée ici ? Elle va avoir besoin d’explications. « Et puis tu t'en doute, dans mon cas, c'est assez dur d'avoir une vie. » La rousse lui envoie une moue un peu triste. Des tas de questions lui traversent l’esprit. Depuis combien de temps est-elle là ? Était-elle là avant même la mort de Gwen ? Comment a-t-elle fait pour se fondre dans la masse depuis ? Est-ce que Peter est au cour-- Non. Peter ne peut pas être au courant. Il lui en aurait sûrement parlé. La jeune femme observe la blonde ramasser son gobelet, le mettre à la poubelle, et a l’impression d’être dans un film au ralenti. Elle suit bien entendu le sosie de Gwen - comment est-elle d’ailleurs supposée l’appeler? - et elles s’installent toutes les deux dans le café. Ses chaussures sont encore pleines du café qu’elle a renversé, mais peu importe… à vrai dire, Mary-Jane ne se laisse pas beaucoup déconcentrer, en ce moment précis. La blonde annonce qu’elle va leur chercher quelque chose à boire, et MJ prend quelques secondes, la tête dans les mains, pour assimiler ce qu’elle est en train de vivre. Le choc initial est passé, mais elle a toujours l’impression qu’on va la réveiller d’un moment à l’autre. Elle commence à réfléchir à toutes les conséquences que la présence du sosie de Gwen peuvent engendrer, et ça la rend déjà malade. C’est bouleversant, et quand elle pense à Peter, c’est encore plus bouleversant. Comment son meilleur ami va-t-il réagir quand il saura qu’une fille qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la fille qu’il a aimé se balade dans les rues de New-York ? Peut-être vaut-il mieux ne pas encore y penser. Il y a d’autres choses à régler avant ça.
Finalement, la blonde revient et s’assoit en face d’elle. Bon, un café, ce sera déjà bien. Même si Mary-Jane a bien l’impression qu’elle ne serait pas contre quelque chose d’un peu plus fort pour que tout ça soit plus facile à encaisser. Quoique… Est-ce que même avec quelque chose d’un peu plus fort, ce serait facile à encaisser ? Non, sûrement pas. « Je savais pas trop ce que tu voulais alors je t'ai prit ça. J'espère que ça t'ira. » Mary-Jane sourit légèrement et baisse les yeux vers les annotations sur le gobelet. « C’est parfait.. » dit-elle, essayant de tout son être de faire en sorte que le moment ne soit pas trop bizarre. Mais quand elle relève les yeux vers la jolie blonde, impossible de faire comme si tout était naturel, normal. Impossible que cette situation ne soit pas bizarre. « J'ai tellement de choses à te dire, je t'avoue que je sais pas trop par où commencer. Et je suis sûre que t'as des dizaines de questions à poser. Alors si tu veux savoir un truc en particulier... lance-toi. » commence la blonde. Mary-Jane inspire un bon coup. Au moins, la fille en face d’elle est quelqu’un de bien. Elle la met à l’aise. Tout comme sa Gwen à elle, d’ailleurs. Et ce n’est pas si surprenant, au final, si elles sont vraiment les mêmes personnes, mais de réalités différentes. MJ pince les lèvres puis finit par dire, un petit sourire gêné aux lèvres, le coeur battant toujours un peu trop vite : « J’ai… un peu beaucoup de questions, comme tu t’en doutes. » Elle réfléchit une demi-seconde puis commence. « Comment est-ce que je dois t’appeler ? Gwen, aussi ? C’est aussi ton prénom là d’où tu viens ? Pardonne-moi, j’avoue que je suis encore un peu perdue avec toutes ces histoires de réalités alternatives… » En même temps, pas bien difficile. Peter a essayé de lui expliquer, une fois… Mais sans grand succès. « Ça fait longtemps que tu es ici ? Combien de personnes sont au courant ? Est-ce qu’il y a des gens au courant, tout simplement ? Comment es-tu arrivée là ? Es-tu arrivée seule ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »
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Mar 15 Mar - 23:14
