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 We came in peace (Gabriel)

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Victor E. Wagner
Victor E. Wagner
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MessageSujet: We came in peace (Gabriel)   We came in peace (Gabriel) Icon_minitimeJeu 28 Jan - 16:43


We came in peace
Victor — Gabriel

Victor n’en faisait qu’à sa tête.
Il y a trois jours, il était tombé par hasard sur une affiche où l’on appelait aux candidatures pour intégrer un prestigieux orchestre new-yorkais. C’était en rentrant du « travail », dans la pénombre, que son oeil avait jouit d’une lumière toute particulière. Celle de l’envie, de la passion. Quelque chose d’indescriptible s’était produit à cet instant, l’amenant à prendre cette proposition comme une obligation, une nécessité. Cela faisait des années qu’il ne parvenait plus à toucher un violon, sans virer, par la suite, dans une euphorie dangereuse. Cela faisait aussi des années que son état mental l’handicapait au point qu’il n’avait plus eu la foi de prouver, à l’époque actuelle, son talent. Le fantôme qu’il était avait été cédé aux archives allemandes, rien de plus ni de moins.
Narciso, car tel était son prénom aujourd’hui, s’était rendu sur les lieux. Sans savoir ce qu’il allait en advenir, que ce soit des conséquences humaines ou purement internes. Il ne méditait tout simplement pas sur la question, il agissait en bon pantin. En fin d’après-midi donc, après avoir quitté la station service, il s’y était rendu à pied. Il avait effectivement traversé une bonne partie de la ville, ce qui le fit arriver presque deux heures après son départ. Il avait un manteau épais qui n’était pas de très bonne qualité, la capuche du sweat qui se trouvait en dessous rabattu sur son crâne imberbe. Une file de personnes attendaient, ils n’étaient plus qu’une dizaine à présent car il était venu presque aux clôtures des auditions. Tous avaient leur propre instrument, étaient parfois accompagnés. Victor s’était assit par terre en attendant, chose que personne ne fit par bienséance. Bien qu’il fût silencieux, la file avançant - et lui se décalant de son sol marbré sans se lever - il commençait à entendre presque imperceptiblement le son d’un violon. Les regards se perdaient souvent sur lui depuis son arrivée, du fait même de son accoutrement jugé inadapté. Ou même le fait qu’il avait plutôt l’air d’un clochard cherchant un coin chaud plutôt qu’autre chose, au vu de l’absence d’instrument ou de quoi que ce soit d’autre du domaine sur lui.

Il s’était levé presque d’un bond et avait grugé tout le monde. C’était évidemment une façon de parler, car il avait seulement voulu placer son oreille contre la porte pour écouter. Son visage était étrangement fermé, mais une curiosité dans le regard, ce « petit quelque chose » rendait le tout bien plus exotique. Le jeune homme entendit des remontrances derrière son dos, alors que la personne qui était près de la porte tentait de le virer de là où il se trouvait. « Monsieur, veuil… », commença la femme bien habillée. Un doigt maigre vint s’échouer sur les lèvres de la jacasseuse. « Chut. », lui dit-il sèchement. « Mais enfin vous voyez bien q… », voulut-elle se défendre après qu’il ait retiré la glace de sa bouche. « Tais-toi et écoute. », insista t-il d’une voix mi-basse, accompagnant ses mots d’un regard foudroyant. Elle ne se fit cette fois pas prier, se disant - à juste titre - qu’il ne faisait rien de mal. D’autant qu’il avait habilement retourné la situation à son avantage. Il s’affaissa au sol près de la porte à double battants pour écouter, l’autre ouverture étant destinée à l’entrée et à la sortie des candidats. En soi, il ne savait même pas pourquoi il était là. Il avait juste voulu, semble t-il.

Son tour arriva finalement, et il se trouva qu’il était l’avant-dernier. En se levant, la femme qui l’avait importunée un peu plus tôt lui demanda, un peu à contre-coeur : « Ça va être à vous. Où se trouve votre instrument ? » Au lieu de demander s’il avait tout ce dont il avait besoin, ce qui n’était pas le cas évidemment, elle lui avait posé directement la question. Effectivement il n’avait rien en main pour se présenter. Mais une fois de plus, il ne s’arrêta pas aux faits et pivota vers la jeune femme qui avait attendu derrière lui. « Merci. », lui dit-il en lui empruntant sans aucune gêne le violon qu’elle avait déjà sorti au préalable, l’archet coincé entre deux de ses phalanges. Il lui avait cependant offert son plus beau sourire, charmant qui plus est, avant de s’engouffrer dans la pièce. En refermant la porte, il avait cru entendre des plaintes venant de la jeune personne qu’il précédait.

La matière fraîche et lisse qui pesait sous ses doigts faisait remonter en lui d’indénombrables souvenirs. Mais son attention fut happée par autre chose, à savoir la pièce dans laquelle il venait d’entrer. Pièce étant un mot faible, car il était littéralement sur scène, et l’étendue était assez impressionnante. Des têtes étaient alignées en face de lui, un peu en contrebas. Les regards échangés entre eux auraient dû perturber ou au moins éveiller un soupçon de stress, d’anxiété envers la personne si ouvertement jugée. Et encore, ils n’avaient pas vu son visage en entier. Victor avait tiré sa capuche en arrière afin de pouvoir jouer convenablement. Les murmures ne cessaient pas, semblant se battre entre eux férocement. Maintenant l’hypocrisie au mieux. Pendant ce temps où on ne l’avait pas encore interpellé, il avait les yeux rivés vers l’ensemble de la salle. Un gamin qui découvrait un tas de choses merveilleuses…ou un vieillard blessé par la vie qui redécouvrait son ancien sentier de gloire.

« Hum, monsieur, votre nom s’il vous plaît ? », commença une femme cinquantenaire aux petites lunettes rondes. Elle s’était éclaircit la voix avant de la faire porter jusqu’à lui. « Narciso… », commença t-il en finissant de disséquer du regard les lieux. « …Hernandez. » Enfin, ses yeux redescendirent trouver la brochette de personnes qui s’adressaient enfin à lui. Sans aucune raison apparente, il pouffa de rire. « Enchanté. » Elle était en train d’écrire, comme les autres. Avant même qu’un membre du jury n’ait le temps de lui poser des questions complémentaires avant de « commencer », Victor glissa l’instrument sous son menton et commença à jouer.

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Dernière édition par Victor E. Wagner le Jeu 28 Jan - 23:55, édité 2 fois
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WE CAME IN PEACE
Victor & Gabriel

«  Vous l'avez renvoyé, débrouillez-vous pour lui trouver un remplaçant avant la représentation.
- C'est dans deux semaines. On peut faire sans.
- Non ! On ne peut pas !
- Mais si, il suffit de réadapter un peu les morceaux.
- Hors de question ! Il nous faut un nouveau violoniste ! Ce n'est pas une négociation, c'est un ordre ! »

Ce à quoi je réponds par des insultes en espagnol dans ma barbe tout en m'éloignant. Certes, j'ai pris la décision de renvoyer un des violonistes sans en parler à qui que ce soit, notamment à la femme qui est techniquement mon employeur mais il n'était pas possible de le garder plus longtemps tant sa musique n'était plus de la musique, pas à mon sens en tout cas. Il avait perdu cette étincelle dont j'ai indéniablement besoin chez chacun de mes musiciens. Certains l'ont plus que d'autres, beaucoup plus même mais chacun l'a au moins un petit peu et lui, il ne l'avait clairement plus du tout. Il jouait bien, ce n'était pas le problème, mais je n'attends pas de mes musiciens qu'ils jouent bien : j'attends qu'ils soit habités, possédés par la musique comme moi je peux l'être. Voilà ce que je veux et, à bien des égards, c'est difficile à trouver. Chez certains c'est très prononcé, chez d'autres c'est bien plus discret et ceux-là, il me faut souvent les réécouter plusieurs fois avant de pouvoir les accepter dans mon orchestre. C'est d'ailleurs pour cela qu'il m'a fallu beaucoup de temps pour réussir à avoir un orchestre à mon image : cela a entraîné de nombreux renvois et de nombreuses auditions. C'est ainsi. Je ne sais pas fonctionner autrement et même si cela peut exaspérer ceux qui me payent et qui me payent bien, dans le fond, cela leur convient bien puisque la salle est toujours très, très bien remplie : l'argent rentre, alors ils n'ont pas à se plaindre. Je ne manque jamais de le leur faire remarquer.

Nouvelle audition donc. C'est en traînant les pieds, comme j'ai traîné les pieds à chaque audition, et accompagné de ma flasque de rhum, comme elle m'accompagne au quotidien, que je termine par me rendre dans la salle, ma jeune assistante sur mes talons. Le jury est déjà installé mais, refusant de m'asseoir à leurs côtés, je m'installe deux rangs plus hauts. De cette façon, j'aurai une meilleure vue sur la scène et sur ceux qui vont s'y produire mais en plus, je n'aurai pas à supporter les remarques de ceux qui, je l'estime, ne sont nullement habités par la passion et qui n'ont donc aucune capacité pour choisir un nouveau violoniste. De toutes les façons, ils donneront leur avis, c'est certain puisqu'ils le font toujours mais le choix final m'appartient. Ceci dit, ils peuvent très bien, s'ils le décident, me mettre des bâtons dans les roues. Je les vois me jeter des regards désapprobateurs en arrière dans ma direction, je ne peux m'empêcher de leur sourire de toutes mes dents tout en soulevant ma flasque dans leur direction : je me délecte de les voir me détester sans jamais pouvoir rien me dire. Je m'en délecte réellement. Je croise les jambes, m'installe le plus confortablement possible dans mon siège et jette un coup d'oeil aux fiches que mon assistante est en train de préparer.

« Combien allons-nous en voir ?
- Trente deux Maestro.
- Aaaaahhhh... »

Je feins de m'évanouir ce qui fait rire mon assistante qui cesse rapidement de rire en subissant le regard courroucé des coincés qui sont assis deux rangs plus bas. Je me redresse un peu et leur fait signe de se tourner vers la scène.

« Ce n'est pas nous qu'il faut regarder. » je leur lance en haussant les sourcils.

Ils s'exécutent et reportent leur attention sur la scène tandis que je lève les yeux au ciel en secouant la tête. Je vois mon assistante esquisser un sourire et fais de même : je l'apprécie énormément. Elle me comprend, sait comment je fonctionne et en plus, elle est très travailleuse. Que demander de plus ? Moins de violonistes à écouter ce serait bien mais malheureusement ils sont nombreux et rapidement les passages sur scène s'enchaînent, tous plus ennuyeux et déprimants les uns que les autres. Ils choisissent tous des morceaux trop classiques, trop attendus, trop entendus, trop joués et rejoués encore et encore. Personne n'ose. Personne n'a cette flamme que je recherche et au bout du septième violoniste, je désespère déjà. Je vais être obligé d'en engager un, obligé alors quoi ?... Je vais devoir prendre le moins pire de tous ? Apparemment, je ne vais pas y échapper oui. Mon assistante prend des notes et il me suffit de quelques signes de tête ou de la main pour lui faire rayer des noms et bientôt, alors qu'il ne reste plus qu'une douzaine de violonistes à écouter, je réalise qu'il n'y a que des noms rayés. Ceci dit, certains sont rayés avec plus de traits que d'autres : je rappellerai ceux qui sont un peu moins rayés pour une seconde audition et je choisirai parmi ceux-là, voilà tout.

« Je n'en peux plus. » je murmure tout bas plus pour moi-même qu'à l'intention de mon assistante.

Fort heureusement, ma flasque me tient compagnie et je bois une nouvelle gorgée de ce rhum exquis quand ce qui est censé être l'avant-dernier violoniste fait son entée sur scène. Je n'observe d'abord que sa silhouette puis repose ma flasque et me redresse un peu sur mon siège pour mieux l'observer, avec bien plus d'insistance que j'ai pu observer les autres.

« Son nom ?
- Je ne sais pas, il n'est pas sur la liste. »

Son physique est atypique. Toute son apparence est atypique. Je penche doucement la tête sur le côté en esquissant un petit sourire : il me rappelle... Il me rappelle moi en fait. Cette différence, je la connais bien pour la cultiver et en être fier. Quand mon employeur prend la parole pour demander son nom au violoniste, bien qu'elle ne puisse pas me voir, je lui jette un regard noir : je n'aime pas le ton qu'elle emploie, je ne l'aime pas du tout même si je ne devrais pas être étonné qu'elle s'adresse à lui de cette façon puisqu'elle cultive tout sauf la différence. La voix du violoniste s'élève rapidement et il se présente. Alors, mon sourire s'élargit : voilà que nous semblons partager plus que notre culture de la différence. Il a clairement des origines hispaniques : est-il né ici ? En Espagne ? Je suis curieux. Il éveille ma curiosité, il arrive à faire ça sans même avoir commencé à jouer et en général, lorsque ça arrive, c'est plutôt bon signe pour la suite. Je plisse les yeux lorsque je le vois pouffer de rire et, quand il se met soudain à jouer alors que personne ne l'y a invité, il me conquit davantage encore : j'aime cet esprit. J'aime vraiment beaucoup cet esprit. Ceci dit, mon esprit n'est bientôt plus du tout focalisé sur son allure ou sur sa façon d'être mais sur son jeu, son jeu exquis. Je le fixe tandis que mon cœur s'emballe à chaque note : ça... Oui, c'est pour ça que je suis devenu chef d'orchestre, pour découvrir ce genre de talents, pour avoir le plaisir et l'honneur d'entendre jouer des virtuoses dans son genre. C'est un naturel, il l'a cette chose en plus, cette flamme que je cherche encore et toujours. Plus personne ne dit rien, même les imbéciles qui se trouvent deux rangs plus bas ne disent plus rien. Il ne subsiste plus que lui et sa musique, et moi. Moi qui le fixe, moi qui me noie dans chacune de ses notes, des notes qui éveillent bientôt autre chose en moi, une chose qui a été éveillée lorsque j'étais très jeune et je termine par cesser de sourire en fronçant les sourcils, non pas parce que je n'apprécie plus ce que j'entends mais parce que je suis... Interpellé, c'est le bon mot, parce que ces notes-là, ces notes particulière, je les ai déjà entendues. Ce sont ces notes qui m'ont donné envie de devenir violoniste, qui ont éveillé cette passion en moi pour qu'elle ne disparaisse plus jamais. Mais les notes finissent par s'arrêter. Un silence s'installe, tout simplement parce que tout le monde doit être sous le choc de ce que l'on vient d'entendre et moi... Moi, je me redresse complètement. Je veux le voir. Je veux mieux le voir.

« Bien... » Le voix de l'autre empafée vient briser ce moment magique. « C'était... Intéressant. »

Je fronce les sourcils.

« ¿ Bromeas ? C'était parfait ! »

Elle se retourne, me jette un regard furieux avant de se retourner pour observer le virtuose et accessoirement, mon nouveau violoniste car oui, je veux de lui : il me le faut.

« Pourriez-vous retirer votre capuche complètement s'il vous plaît ? Nous aimerions mieux vous voir. »

Et là encore, elle me jette en regard noir car je sais qu'elle m'entend prendre une bouffée d'air lorsque je suis sur le point de protester. Je me fous de son physique : il est unique par sa musique, c'est tout ce qui compte. Mais pas pour eux... Par pour ces bureaucrates à la noix... Je reporte mon regard sur lui et j'attends : il faut qu'il se montre, il n'a pas trop le choix.

Ils ne laissent aucun choix.

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We came in peace
Victor — Gabriel

La gourmande de billets verts et de paillettes n’avait même pas eu le temps de contredire les notes qui s’étaient élevées. Sa capuche était arrêtée au milieu de son crâne, menaçant de s’échouer derrière lui et lui découvrir intégralement la tête. Mais l’habileté avec laquelle il jouait, ses mouvements fluides et son expertise hors normes ne laissaient même pas place à cette hypothèse. Le jeune homme ne dormait pas sur ce violon qui ne lui appartenait, à vrai dire, même pas. Il avait choisi un morceau allemand qui n’était pas de ces titres ou concerto phares que l’on avait l’habitude d’entendre. Victor jouait un morceau que de nombreux nazis haut gradés avaient apprécié, un morceau qu’il avait dû se résoudre à amputer adroitement de ses autres phases habituelles. Son cerveau avait réhabilité le tout de façon à ce que ce soit viable, présentable. Le garçon ne s’était pas contenté de rester droit comme un piquet, il n'était pas incrusté dans une place définie. Il avait marché un peu, sur une très courte distance. On n’avait ni vu ses yeux, ni rien d’autre à part sa gestuelle et sa musique. Habité, il l’était. Il l’avait toujours été. Il fusionnait avec l’âme du morceau, lui rendant hommage. Le morceau se termine finalement, et le silence s’impose.

Imposé, mais pas respecté. Cette même voix féminine brise l’étrange et le mystique qui venait d’atteindre ceux qui en avaient la sensibilité. Victor, sous sa capuche, fronce les sourcils, plissant un peu les yeux. Aucune reconnaissance n’émanait d’elle. Aucun geste. Aucune émotion positive. Il était vexé. Une dernière chose le retenait de ne pas lui ouvrir le ventre à la prochaine nouvelle lune, une chance qu’elle pouvait saisir, mais qu’elle n’aurait peut-être pas :

« Quel morceau était-ce ?
- Je vous demande pardon ? Je… »


Victor l’avait visiblement coincée. Prise au piège de sa piteuse ignorance. Elle n’avait pas su répondre. Ou faisait mine de ne pas vouloir le faire. Elle tenta de balayer cette lacune d’une main de fer, qui ne fut qu’un piètre cirque maladroit. Il était en train de la fixer dans l’ombre, très profondément. Il était en train de chercher cette faille qui donnerait raison à son prochain sacrifice. Blessé.

« ¿ Bromeas ? C'était parfait ! », fit une voix hispanisante derrière elle, un peu plus en hauteur. Ça lui plaît. La vivacité de regard avec laquelle il passa d’une personne à l’autre fut étonnante. Ces moments-là étaient rares. Comme ce qu’il venait d’entendre vis à vis de sa personne, son art, ce trésor enfoui qu’il avait décidé de remettre au goût du jour. Il lui a ôté les mots de la bouche, tandis que, dans un élan rancunier, on lui demande de se découvrir. Son visage ? Il n’en avait pas honte. Il n’avait honte de rien. Si ce n’est de cette femme qui faisait naître en lui un dégoût particulier.

Alors, il s’exécuta. De la main qui tenait son archet, il fit glisser la capuche de son sweat. Le tatoué fixa intensément ce morceau de chair de sexe féminin qui paradait à sa manière. « Bouh. », souffla t-il entre ses lèvres. Alors que dans les yeux de cette femme semblait irradier la satisfaction d’avoir trouvé un point contestable chez Narciso, cet éclat s’estompa au moment même où il l’avait fixée,  démembrée d’un sourire naissant sur ses lèvres.
Un sourire qui pouvait être interprété de toutes les façons possibles. Narquois, arrogant, espiègle, gamin,…il était aussi indescriptible que difficilement traduisible. Il était ce fantôme qu’on essayait de comprendre sans pouvoir toucher ne serait-ce qu’un soupçon de vérité. Le doute était là, car en fin de compte, il n’était plus personne.

Il n’attend pas d’eux une réponse. Il avait simplement voulu jouer devant un public sensé être compétent. Qui saurait le reconnaître. En fin de compte, c’était peut-être ce qu’il avait cherché pendant toutes ces années : que l’histoire se répète, qu’on lui tende la main pour le faire remonter sur scène, et ainsi réécrire cette partition damnée. Il voulait revivre.
Alors, Victor tourne les talons après avoir jeté un vif coup d’oeil à la personne qui s’était levée pour lui. À lui, il lui sourit pleinement, mais ce fut bref et couplé d’un basculement de tête; qui leur donne alors la pleine vue sur l’arrière de son crâne et par extension l'ensemble de son corps filandreux. La porte s’était ouverte avant qu’il n’arrive, et la prochaine - et dernière - personne, plus angoissée que jamais, s’était placée là en tendant presque les bras pour récupérer son instrument, difficilement apte à exprimer son mécontentement à son égard.

« Prends-en soin davantage, », lui avait-il dit, la reproche n’étant pas très aisée à saisir. Il y avait quelque chose qu’elle ne faisait pas et que lui faisait avec son instrument. L’autre femme qui s’occupait de faire rentrer les candidats, interloquée, joua de regard avec le jury, leur demandant ce qui se passait d’une voix à peine audible et de gros yeux. Victor avait franchi le seuil de la porte, l’émeraude de ses yeux galopant sur son propre reflet qu’il redécouvrait dans le marbre lustré du sol.

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MessageSujet: Re: We came in peace (Gabriel)   We came in peace (Gabriel) Icon_minitimeMer 24 Fév - 16:51
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Victor & Gabriel

Est-ce qu’il va la retirer sa capuche ? Est-ce qu’il va plutôt choisir de sortir de scène sans même prendre la peine d’accéder à la demande l’autre empafée ? Oui, c’est une empafée pour de nombreuses raisons : ne pas avoir reconnu le morceau, lui parler à lui comme si il était un demeuré alors qu’il est un génie, un virtuose. Elle a véritablement tout faux donc empafée oui. J’observe le virtuose en silence, j’attends sa décision et, quand je vois ses mains s’élever pour venir retirer sa capuche, je ne peux ignorer le fait que mon cœur s’emballe. Il s’emballe vraiment et ce, pour la première fois depuis un long moment. Je tends un peu plus le cou pour pouvoir mieux le regarder et, quand j’aperçois enfin son visage en entier, je pourrais être surpris mais je ne le suis pas vraiment. Bien sûr qu’il est unique, il est comme sa musique. Ses nombreux tatouages sont impressionnants mais, à mon sens, très appréciables. J’aime l’originalité, j’aime baigner dedans alors forcément… Et son petit « bouh » adressé à ce qui lui sert du public et plus particulièrement à l’empafée de service me fait sourire à pleines dents. D’ailleurs, lui aussi sourit et là, pour la première fois aussi depuis longtemps, j’en viens à regretter d’avoir de l’alcool dans mon organisme car j’aimerais vraiment beaucoup savoir ce qu’il pense. Je donnerais cher oui, pour savoir ce qu’il se passe dans sa tête. Et puis, voilà que son regard se lève vers moi et l’espace d’un instant, nous nous observons en silence. A ce moment-là, même si je ne peux pas lire dans ses pensées, j’ai l’étrange impression que nous nous comprenons. Il me sourit et je perçois la différence dans ce sourire-là si bien que mon sourire à moi s’élargit et je me mets même à taper très doucement dans mes mains pour… Quoi ? Le féliciter ? Non, il ne s’agit pas de ça. Je suis simplement admiratif de ce qu’il nous a proposé, voilà tout. Il hoche légèrement la tête puis se détourner et s’éloigne même sans attendre que qui ce soit prononce le moindre mot.

Mon sourire disparaît.
C’est instantané.

Je jette un regard au jury qui ne devrait même pas se faire appeler ainsi tant ce sont des incapables. Ils ne disent rien. Ils ne lui demandent même pas son nom. Rien. Rien du tout. Ils ne veulent pas de lui ? Oh mais il est absolument hors de question qu’on le laisse filer : que je le laisse filer. Je secoue la tête, dépité par tant de stupidité de leur part avant de me faufiler parmi les fauteuils. J’entends mon assistante me dire qu’il y a encore une autre personne.

« Je le veux lui ! » je lui réponds en descendant vers la scène.

Bien sûr, l’autre empafée s’en mêle également et me répète ce que mon assistante a tenté de me faire entendre mais je secoue la tête en levant la main pour lui faire signe de se taire. Je lui adresse un regard furieux.

« Vous pouvez perdre votre temps avec celle qui reste mais je n’en veux pas : je le veux lui ! » je répète au cas où ils ne m’auraient pas entendu lorsque je l’ai dit à mon assistante.

Je tourne les talons pour m’éloigner.

« C’est hors de question !
- Je suis parti ! » je réponds sans même me retourner.

Je vais devoir me battre pour qu’il soit accepté dans l’orchestre, je le sais mais bon sang, rien que de l’imaginer devant une salle comble… J’en ai des frissons. Je croise finalement la dernière candidate qui m’adresse un sourire qui se veut engageant mais je me contente de lui tapoter brièvement sur l’épaule avant de me glisser jusque dans les coulisses.

« Maestro ?
- Où est-il ? » je demande à celle qui s’occupe des postulants.

Elle fronce les sourcils.

« Qui ?
- Le virtuose ! Ah, le tatoué ! j’ajoute finalement, exaspéré, puisqu’elle est visiblement incapable de faire le lien.
- Oh ! Il est parti ! »

Je me mets à pester en espagnol avant de la dépasser puis de me lancer à la poursuite du virtuose. Lorsque je passe le pas de la porte, je regarde à droite puis à gauche et j’aperçois sa silhouette qui, fort heureusement, n’est pas trop loin.

« Attendez ! ATTENDEZ ! » je hurle finalement pour être certain qu’il m’entende et, il a beau s’arrêter et se retourner vers moi, je vais jusqu’à lui en courant parce que non, il est absolument hors de question qu’il quitte l’enceinte du bâtiment : pas avant que je n’ai récupéré son nom et surtout que je lui ai proposé le rôle de soliste de l’orchestre. Il y en a déjà un ? Peu importe, il vire parce que lui… Lui, il a vraiment cette chose en plus que je recherche tant, cela va même au-delà de ce que je recherche. Lorsque j’arrive à sa hauteur, je lui adresse un sourire rayonnant. « C’était absolument divin. J’espère que vous êtes disponible tout de suite parce que je vous veux dans mon orchestre. Et ne vous inquiétez pour les imbéciles là-bas. » je lui dis en désignant d’un geste de la tête la salle où se trouve encore le jury et d’où on peut entendre un air de violon joli mais trop médiocre comparé à lui.  « J’en fais mon affaire. Gabriel Raul Torres. » je lui lance en lui tendant la main.

Je déborde sans doute un peu trop d’enthousiasme, on peut remercier l’alcool. Quoiqu’en y réfléchissant, je serais sans doute presque autant enthousiaste même sans l’alcool. Au moins, il a eu le mérite de m’emporter, de me faire vibrer, de me faire vraiment oublier tout le reste et ça, ce n’est vraiment pas rien.


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Dernière édition par Gabriel R. Torres le Mer 2 Mar - 11:21, édité 1 fois
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Victor — Gabriel

Si elle n’avait pas su reconnaître le morceau qu’il lui avait joué, elle saurait certainement reconnaître celui qu’il allait lui ôter…tout n’était pas complètement perdu, au final.

Car il avait encore ce visage voilé d’incrédulité en face de lui, alors qu’il était encore loin de ce dernier. À suivre son reflet sur le sol - si lustré qu’il en aurait été difficile de ne pas avoir mal aux yeux. Ses rétines n’en étaient pas moins coriaces, puisqu’insensibles. Victor continuait son chemin à rythme modéré, songeant à ses prochaines lubies. Sa main s’arrêta sur la surface de la porte alors que cette voix enflammée vint l’interpeller. Le jeune homme n’était pas sourd et encore moins complètement débile : il savait que c’était de lui dont il s’agissait. Le visage de Narciso est pourtant empreint d’un abattement qu’on ne lui connait tout simplement pas. Du moins, ceux qui le connurent ainsi n’étaient plus là pour en parler, embaumés depuis des lustres dans ce qui était leur dernière demeure. C’est d’avoir retouché à un violon qui le rend ainsi, et surtout, d’en avoir joué. À cet instant précis, il était en train de méditer sur la façon dont il allait pouvoir découper paisiblement l’ignorante croisée plus tôt. Ce qui ne l’empêcha pas de se laisser pivoter légèrement dans la direction du cri enthousiasmé, qu’il remarqua déguisé d’un sourire sincère. Sur la défensive, le tatoué se tut. Il le laissa déverser ce qu’il avait sur le coeur, bien qu’il fut presque certain qu’il en ait encore gardé pour lui. La première chose que remarque Victor, c’est son col de chemise en vrac, puis l’odeur de l’alcool. Vient ensuite l’émotion prépondérante, celle qui l’anime de tout son être, et il l’avait déjà senti : la passion.

Cette même passion, viscérale, qu’il semblait lui aussi partager. Narciso était à la fois surpris, enchanté, et bousculé. Toutes ces sensations, même hypothétiques, il voulait les refouler. Et il y parvenait à sa manière, quand ce n’était pas ses hautes instances psychiques qui décidaient d’en faire à leur sauce.
Et alors, il parla. Victor le laissa faire, s’approchant un peu plus du maestro. Il lui demandait s’il était disponible. Disponible ? Il l’était toujours de manière générale. Cela ne tenait qu’au fil de sa volonté, et HYDRA s’en mordait les doigts en permanence. Le parfum alcoolisé se faisait plus fort à son approche, mais peu lui importait. Le violoniste, sans aucune gêne apparente, replaça correctement le col de chemise de son interlocuteur. Moins de quelques secondes plus tard, c’est un geste qui se stoppe et il lève le nez vers le chef d’orchestre. Il fut prit d’un vif élan de recul lorsqu’il lui annonça clairement qu’il le voulait dans son orchestre, chose que le dénommé Gabriel Raul Torres coupla d’une main tendue.

De toute évidence, Victor ne s’en saisit pas. Même autrefois c’était quelque chose qu’il se refusait à faire, et la situation n’aidait certainement pas. Il allait devoir se heurter à la frustration vrombissante de cet homme, qui était aussi la sienne, quelque part. Ne pas pouvoir aller plus loin, sous peine de replonger dans une folie des plus tortueuses. Lui qui ne s’estimait pas fou l’était, c’était là une certitude. Et il redoutait de le redevenir. Remonter sur scène définitivement c’était retourner dans une spirale qu’il ne contrôlait pas. Qui était régie par l’angoisse, la nostalgie, la confusion. Il dévisagea un moment, ses perles émeraude encastrées dans le regard qui commençait à s’imprégner d’une autre émotion dont il voulait à tout prix faire abstraction. « Je regrette, señor Torres, », commença t-il d’une voix pourtant aussi douce que le revers d’une lame polie, « je n’étais pas ici pour ces raisons. » Ça paraît idiot. Déplacé. Il n’est pas en phase avec cette réalité - il ne l’a jamais vraiment été. Son élocution est étrangement soignée, comme celle qu’il employait des siècles plus tôt. S’il lui demandait pourquoi, il aurait une réponse. Peut-être pas aussi sincère mais elle aurait au moins l’air de l’être. « Vérifiez la liste. » Parce qu’il n’y figurait pas et c’était pour une bonne raison. Son absence d’instrument personnel aussi était là pour appuyer ce fait indéniable. Tandis que ce vouvoiement n’était pas commun non plus, lui qui avait tutoyé tout le monde jusqu’ici…venait d’élever ce prétendu maestro alcoolisé à un rang dont lui seul avait le secret. Narciso ôta enfin son regard de l’hispano, ses yeux teintés d’une tristesse sans nom. Elle était aussi mal venue que surprenante, dérangeante. À son image. « Considérez ça comme un cadeau. », lui glissa t-il à voix basse. Le tatoué replace son couvre-chef. S’il en croyait ses mots, s’en était certainement un. Lui seul avait bien voulu le considérer ainsi et l’accueillir comme il se le devait, avec respect. Il recula encore un peu, s’apprêtant à pousser la porte pour sortir à l’extérieur du bâtiment. Sauf que tous ici n’étaient pas de cet avis-là.
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WE CAME IN PEACE
Victor & Gabriel

Ce sentiment qui m'habite m'est devenu trop étranger depuis quelques temps pour que je sois capable de ne pas me laisser complètement emporter par ce dernier. J'ai trop longtemps été dans l'ombre, trop longtemps été face à l'absence de passion, trop longtemps et lui, il a éveillé cela et bien plus encore. Il a éveillé ces mêmes sentiments qui s'étaient éveillés en moi lorsque j'ai découvert la musique. C'est pour cela que je l'ai choisi. C'est pour cela que je le choisis même si cela signifie que je vais devoir me battre pour lui. Je sais que je vais devoir sortir les griffes et les crocs, je sais que je vais devoir me faire violence pour lui faire une place dans l'orchestre mais je suis prêt à le faire. Pour lui, pour sa musique, pour cette chose qui brille en lui et qu'il ne peut pas cacher aux yeux du monde. J'en veux plus, inévitablement, j'en veux plus. Mon enthousiasme exacerbé n'est que la continuité de ce qu'il a éveillé en moi quand il était sur scène. Je ne peux imaginer ma future existence de Maestro sans l'avoir lui, dans mon orchestre. C'est impensable parce qu'il a tout ce que je recherche, tout ce dont j'ai besoin plus que de raison. Peut-être même qu'il a davantage et cette pensée m'effleure l'espace de quelques secondes quand sa main vient replacer le col de ma chemise. Ce geste me trouble, sans doute trop d'ailleurs, et c'est parce que c'est trop que je balaye intérieurement le trouble aussi rapidement qu'il est apparu. Je ne peux pas me permettre de me laisser troubler comme ça, je ne peux pas me permettre de perdre pieds et ainsi ma crédibilité parce que cette crédibilité, en tout cas le peu que je possède, m'est nécessaire pour réussir à le convaincre de rejoindre l'orchestre. Il ne faut surtout pas qu'il distingue autre chose que le Maestro. Il ne faut pas qu'il soit capable de voir l'homme qui se cache derrière le Maestro, l'homme qui peut être effectivement troublé par un tout petit geste comme celui qu'il a eu. Je me refuse à le laisser paraître face à lui, pas aujourd'hui, pas maintenant. Plus tard peut-être mais là, non. Hors de question. J'en fais du coup peut-être un petit trop mais mieux vaut en faire trop que pas assez : je risquerais bien de le perdre si je n'en fais pas assez.

Le perdre... Cela me pend au nez au fait.

Mon sourire se fait tout à coup moins large quand je vois que le virtuose ne vient pas se saisir de ma main, une main que j'abaisse finalement. Je pourrais dire que je suis déçu mais c'est plus qu'une simple déception. Je continue cependant de sourire, je l'observe avec l'espoir fou qu'il va accepter. Tant pis s'il refuse de me serrer la main, tant qu'il accepte de faire au moins un essai. Le silence s'installe davantage mais il ne me dérange pas, il ne me met pas mal à l'aise, le fait que je me perde quelque peu dans les prunelles émeraude de mon interlocuteur doit y être pour beaucoup. Puis, vient le moment où le virtuose brise le silence et si seulement il avait pu le briser pour m'apporter un semblant de joie et de satisfaction... Rien de cela cependant, il le brise pour venir détruire les espoirs qu'il a fait naître en moi. Son « Je regrette señor Torres. » me fait perdre complètement mon sourire. Il ajoute très rapidement qu'il n'était pas ici pour ces raisons : pour rejoindre l'orchestre ? C'est bien cela, il n'était pas là pour auditionner. La tristesse face à ses mots m'accable soudain, sans crier gare, sans que je ne m'y sois attendu : c'est brutal, très brutal, si brutal en fait que j'en fronce les sourcils en secouant très légèrement la tête de droite à gauche. Et, lorsque finalement il me dit de vérifier la liste, je crispe la mâchoire et reste là, sans bouger, pétrifié par ce qu'il me dit ou plutôt, pétrifié à l'idée de la signification de ses mots : il ne jouera pas sous ma direction. Il ne jouera pas. J'en ai les larmes aux yeux.

« Quoi ?... » je murmure à voix basse, quasiment inaudible en fait, lorsqu'il termine par m'annoncer que je peux considérer sa prestation comme un cadeau. Peut-être que le virtuose ne m'entend même pas tant ma voix n'est que murmure, peut-être voit-il simplement mes lèvres former le mot sans qu'aucun son n'en sorte véritablement. Puis, il recule, remet sa capuche et alors qu'il s'apprête à pousser la porte, mon instinct me pousse, moi, à l'empêcher de partir. C'est incontrôlable. Je me penche donc et m'empresse de refermer ma main sur la poignée avant qu'il n'ait eu le temps de le faire et lui claque la porte au nez avant de venir m'y coller, mes doigts serrant la poignée avant tant de force que mes phalanges en blanchissent.

« Non ! » je lui dis en relevant mon regard vers lui. « Ne partez pas. S'il vous plaît. S'il vous plaît... » j'ajoute une seconde fois.

Oui, c'est une véritable supplique, à n'en pas douter.

« Je sais que votre nom n'était pas sur la liste, je l'ai demandé. Je le sais mais ne partez pas. »

Ma voix en tremble sous l'émotion. Je fais face à de véritables montagnes russes en matière de sentiments là et cela faisait bien longtemps que cela ne m'était pas arrivé. C'est sans aucun doute pour cela que j'ai des réactions aussi vives, aussi excessives mais je n'en suis pas responsable : il en est responsable.

« Je ne connais pas ces raisons dont vous parlez, je ne sais pas pourquoi vous êtes venu mais vous êtes venu. Vous êtes là... Et vous... »

Je marque un silence, cherche mes mots, cherche aussi à contenir mon émotion grandissante au fil des secondes. Je parviens à esquisser un sourire malgré mes traits crispés par la tristesse et par la peur de le voir partir et ne plus jamais revenir.

« Ce que vous venez de faire sur scène dépasse tout ce à quoi j'ai pu aspirer en devenant Maestro. Vous avez un don vous... »

Je lève ma main libre vers lui, crispant les doigts comme pour essayer d'attraper cette chose invisible et inexplicable qui se dégage de lui. Mes doigts en tremblent d'ailleurs.

« Vous êtes un diamant brut. Vous êtes tout ce que je cherche alors ne partez pas. Donnez-moi un numéro où vous joindre ou une adresse mais ne partez pas comme ça. Je ne vous demande pas de me dire oui... » j'ajoute rapidement. « Je vous demande simplement de ne pas me dire non. Je vous demande de réfléchir parce que... Parce que si vous partez comme ça, ce n'est pas un cadeau que vous me faites... Vous ne pouvez pas m'offrir une telle chose pour me la reprendre aussi sec. Vous ne pouvez pas. Narciso, ne partez pas. »

J'use pour la toute première fois de son prénom et je dois me faire violence pour ne pas me mettre à pleurer ce qui est complètement dingue. Ou alors c'est juste moi qui suis complètement dingue.

Complètement...
Dingue...


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Victor E. Wagner
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Victor — Gabriel

Comment aurait-il pu imaginer un seul instant pouvoir partir sans que l’homme ne l’en empêche ?
À vrai dire, il était plutôt sain d’imaginer que leur route allait diverger, les éloignant l’un de l’autre. Victor n’était plus fait pour ça. Victor était venu pour une raison, peut-être injuste, tout comme le traitement qu’il était en train de faire subir au maestro. Celle d’avoir flanché face à son instinct et de l’avoir suivi, sans réfléchir plus loin. Il avait voulu savoir s’il était toujours digne, si quelqu’un d’assez fou que lui aurait pu capter la qualité de son art. Car le dernier qui l’avait fait n’était plus de ce monde, et il saurait même vous assurer qu’il avait été à son goût, quoiqu’un peu trop en graisse. Le jeune homme avait été plus que correct avec lui, il n’avait pas fait espérer outre mesure - et de toute façon, c’était là des sentiments qui ne l’atteignait pas. L’allemand n’était tout simplement pas prêt à songer au delà, car son esprit s’était bridé de lui-même. Il agissait bien souvent ainsi, par instinct, qu’il soit de survie ou purement pulsionnel. Son cerveau ayant été autrefois apparenté à ceux des premiers reptiles que la Terre ait porté pour ces mêmes raisons. Il est complètement fou, disaient-ils. Répétez après moi, voulez-vous ?, faisait l’un. Son regard était perdu dans ce vide pathologique qu’on lui avait cédé. Je m’appelle Victor Einrich Wagner. Au même moment, la poignée de la porte lui est subitement inaccessible, et la silhouette du trentenaire se glisse face à lui, l’empêchant d’aller plus loin. Je m’appelle Victor Einrich Wagner. Ce coeur qui ne bat pas, il a pourtant l’impression qu’il se serre de toutes ses forces sous sa cage thoracique. Sa main reste flottante dans le vide, à quelques centimètres de cette poignée volée. Les mots du maestro se mélangent alors aux paroles enrobées de douleur qui foisonnent dans son esprit malade. Je m’appelle Victor Einrich Wagner, avait-il répété pour lui-même dans sa tête, énonçant cette vérité à double tranchant, soumis à ses tumultes psychiques. Tu vas bien reprendre un peu de praline, hein, Narciso ?, fit la voix de Mama Charlotte. Ses sourcils se froncent, tandis que sa main revient lentement se placer le long de son corps maigre. Je…m’appelle…Victor Einrich Wagner., répéta t-il, muet, alors que son regard se voilait d’obscurité.

Narciso ne le regardait pas, le regard toujours perdu dans un coin de cette porte qu’il avait voulu ouvrir - acte réprimé. « Vous m’empêchez de sortir… », remarqua t-il à voix basse, énonçant cette pénible réalité tandis qu’il écoutait d’une oreille ce qu’il était en train de lui dire. Il entend une voix chevrotante, il est presque sûr d’avoir à faire à des yeux larmoyants. Cette émotion flagrante le rendait à la fois malade et perdu. Parce qu’il ne comprenait pas. Il ne voulait pas comprendre. Car ça pouvait l’atteindre à tout moment, lui aussi, et il ne supporterait pas cette pression au sein de son enveloppe corporelle. « Je suis libre. » Une affirmation, toujours posée avec une voix délicieuse, qui s’était voulue encore moins haute que ses mots précédents. Un commandement, peut-être bien. Il avait gagné sa liberté au prix fort et une déconvenue pouvait le rendre plus différent encore. En proie à des troubles psychiques, les barrières dressées. Il avait beau avoir toute la jugeote possible, il se laisserait envahir. C’était dangereux.
Oui, il était venu. Oui, il avait joué, et il s’en était délecté, bien qu’il ne veuille pas encore l’assumer. Il avait été touché par ces mots qui étaient sortis spontanément de la bouche de cet homme. Là aussi, il était incapable de l’accepter. Ce n’était qu’une satisfaction, rien d’autre. Il ne pouvait pas ressentir davantage. En soi, il avait gagné. Il avait réussi à avoir ce qu’il était venu chercher ici : de la considération. Victor avait été alors très loin du compte en pensant qu’il allait passer inaperçu. C’était pourtant ce qu’il avait été pendant un moment, à jouer dans les rues berlinoises, sur son lit de fortune. On passait, parfois, sans prendre en compte le son du violon qui se perdait dans le brouhaha citadin. Mais lorsqu’il y mettait de la voix, là…ils se retournaient tous, figés dans l’instant.

Un numéro ? Il n’avait même pas de ce qu’ils appelaient téléphone portable. Inutile. Victor vivait simplement, vibrait au gré des sons, des odeurs, des saveurs…il observait, survivait avec ce que ce qui l’entourait avait à lui donner. Entre autre les esprits et la nature. Guidé par sa foi. Toujours. Et là, qu’irait lui dire son vénéré Mictlantecuhtli ? Que voulait-il qu’il fasse dans une si pénible situation ? L’homme n’était pas prêt à entendre ce qu’il avait à dire sur le sujet. Peut-être parce qu’il n’avait jamais suivi une voix extérieure, même éthérée; mais belle et bien une autre, intérieure. Qu’il s’imaginait être au service d’un tiers alors qu’il était à genoux face à son propre avatar. Un dieu vivant qui s’ignorait, et à bien des niveaux.

Il lui intime de rester, de lui offrir plus qu’un simple « cadeau » qui, selon ses dires, n’allait plus en être un s’il disparaissait. Le bicentenaire n’appréciait pas qu’on lui dicte ce qu’il avait à faire, et encore moins qu’on lui pose des limites. Piégé. Les barrières mentales s’élèvent davantage, il a l’impression qu’on lui refuse la liberté, qu’on empiète sur celle-ci. Son interprétation ne tient qu’à lui, et dieu seul sait qu’est-ce qu’il pouvait se tramer d’autre là-haut. « Je ne suis pas un cadeau… », corrigea t-il, l’amenant à réfléchir davantage sur le sens du dit présent, voire de ses propos précédents. Le jeune homme ne le regarde toujours pas. Fatalement, leurs apparences font penser à un écart minime d’ancienneté. Sauf que dans son regard, outre cette peine teintée de haine emmêlées, brillait l’éclat d’une expérience, une sagesse que peu parvenaient à saisir lorsqu’ils y étaient confronté. Il paraît calme alors que ses sphères cérébrales sont en ébullition.  Les derniers mots du maestro résonnent eux aussi dans sa tête, il répète alors une énième fois dans ces mêmes instances. Je m’appelle Victor…Einrich…WAGNER ! Victor se rapproche sans crier gare, scelle son regard au sien. Sa main va délibérément chercher la poignée, se fichant des obstacles, qui tombaient à leur façon sous son passage. Et pour cause, il brisa d’un coup sec ladite poignée, rendant le mécanisme obsolète. La porte s’ouvre sur la rue, nue de verrou. Victor a éclaté ce petit morceau de métal comme un oeuf de caille. Il l’a laissée tomber par terre sans la regarder. ¡Dios!, qu'il s'est retenu. Quelques pas et ses pieds sont de nouveau sur le trottoir. Pendant cet ouvrage, il ne l’a pas quitté des yeux, ceux-là presque dissimulés par l’ombre de sa capuche. Lui aussi est spécial, il comprendra. Et son silence sur la facilité avec laquelle il avait brisé ceci témoignait d’une certaine forme de compréhension. Il semblait être élu pour l’être…compréhensif. Envers lui, au moins. La perle maudite.

« Alors je réfléchirai… », souffla t-il de manière plus audible, l’air de plus en plus atteint. Il s’éloigne. Puis il disparait dans cette foule qui s’empressait comme chaque fin d’après-midi sur les trottoirs de Manhattan. Ce n’est pas un refus, ni une acceptation. Victor est garant de son choix. Et il a choisi d’être celui qui viendrait à lui s’il en avait envie. Pour l’heure, il avait d’autres projets pour son début de soirée, à voir comment les choses s’orchestreraient par la suite.
Victor Einrich Wagner voulait épancher sa confusion émotionnelle, ne supportant pas que ce fusse le cas. C'était déjà là un bon début.
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Victor & Gabriel

Il ne me regarde pas. Il s'évertue à garder son regard résolument détourné du mien. Et moi, je m'accroche à cette poignée comme un noyé s'accroche à une bouée de sauvetage. Je ne peux pas le laisser partir. Je ne le veux pas. Je le supplie de rester. Je le supplie de ne pas partir comme ça. Je le supplie d'au moins réfléchir à ma proposition à défaut de l'accepter de but en blanc. Il ne peut pas dire non, il me doit au moins un « peut-être ». Quoiqu'en y réfléchissant, il ne me doit absolument rien mais c'est pourtant bien l'impression que j'ai. J'ai ce sentiment qu'il a ouvert une boîte, que c'est sa responsabilité et que cette boîte, elle ne peut pas se refermer comme ça. C'est impossible et si au moins il me regardait, il verrait mon regard, il y verrait ma supplique mais aussi ma détermination. Il y verrait l'amour que j'ai pour sa musique. Il ne me regarde cependant pas, non, rien. Son regard est fixé sur la porte contre laquelle je suis toujours collé et quand sa voix s'élève pour me dire que je l'empêche de sortir, mes doigts se resserrent davantage autour de la poignée : bien sûr que je l'empêche de sortir. Je ne veux pas qu'il parte sans m'avoir au moins fait la promesse qu'il va réfléchir à ma proposition. Lorsque soudain il ajoute qu'il est libre, je fronce les sourcils, ne comprenant pas pourquoi il me dit ça, à moi. Je n'ai pas l'intention de le mettre en prison. L’orchestre n'est pas une prison et je ne suis pas un tortionnaire. Je veux juste qu'il nous offre plus de sa musique, c'est tout. Je veux qu'il m'en offre. J'insiste sans doute trop mais je ne le forcerai pas. Je ne veux pas lui extorquer un « oui », juste un « peut-être », c'est tout. Je l'observe et ma bouche s'entrouvre et murmure finalement quelques mots.

« Bien sûr que si... » je souffle, tout bas, quand il me dit qu'il n'est pas un cadeau.

Il est mon cadeau et la seule chose que je lui demande c'est d'envisager de continuer à l'être. Il s'approche de moi sans crier gare et cela me surprend. Cela me surprend autant que son regard qu'il vient planter dans le mien : il s'est tellement évertué à ne pas me regarder que je ne peux qu'être surpris. Mon cœur s'emballe, je suis sur le point d'ajouter un nouveau « s'il vous plaît » mais sa main se referme sur la poignée. Je sens la douleur rapidement : c'est vif, c'est violent. Je ne peux que lâcher la poignée. Je ramène ma main contre moi et je reste là, les yeux écarquillés alors que j'observe la porte s'ouvrir sans aucun problème maintenant que la poignée est en miettes. Enfin, plus précisément, la poignée n'est plus qu'un petit amas de métal que Narciso laisse tomber à terre. Mon regard va de cet amas de métal à la porte puis à lui, puis encore à la porte, puis encore à lui. L'idée m'effleure rapidement : mutant. Comment ne pas y penser alors qu'il vient de transformer la poignée en une sorte d’œuf de métal ? Est-ce que j'ai peur ? Je devrais. Il m'a fait mal, certainement sans s'en rendre compte mais il m'a fait mal. Pourtant, je n'ai pas peur. Je suis simplement là, à le regarder les bras ballants, désespérant de le voir maintenant quitter les lieux sans se retourner et sans rien ajouter. C'est d'ailleurs ce qu'il se produit. Il est très vite sur le trottoir. J'ouvre la bouche puis la referme : qu'est-ce que je pourrais bien lui dire de plus ? Je baisse la tête, sincèrement abattu quand il prononce les mots de la délivrance : « Alors je réfléchirai... ». Je relève aussitôt le visage et l'observe tandis qu'il s'éloigne. Un sourire vient naître sur mes lèvres.

« Merci. » je lui dis mais j'ignore s'il m'entend parce qu'il est déjà à de nombreux pas de moi.

Je l'observe un moment avant de me détourner et de retourner à l'intérieur du bâtiment en soupirant, soulagé qu'il n'ait pas dit non. Le soulagement passé, la douleur me rappelle à l'ordre et j'observe ma main en grimaçant. Je tente de bouger mes doigts mais si certains sont capables de répondre à cet ordre de mon cerveau, d'autres non. Deux ne bougent presque pas : brisés, à n'en pas douter. Je ne suis cependant pas inquiet : j'ai vu pire. Cela va guérir et cela ne m'empêchera pas de diriger alors... Alors, je retourne vers les coulisses. Sur mon chemin je croise la dernière violoniste à laquelle j'adresse un simple petit hochement de la tête. Lorsque j'arrive sur scène, toutes les têtes se tournent vers moi et je laisse échapper un soupir avant de descendre les marches.

« Nous vous attendions. 
- Je sais. »

Une fois en bas des marches, je me dirige vers mon assistante qui est quelques rangs plus loin.

« Nous avons quelques noms à vous proposer.
- Pas la peine, j'ai celui qu'il me faut.
- Non Maestro, ça ne peut pas être lui.
- Oh que si. »

J'arrive auprès de mon assistante.

« Vous pouvez ouvrir ma flasque s'il vous plaît ?
- Pourquoi ?
- S'il vous plaît... »

Je lui montre brièvement mes doigts et elle écarquille les yeux avant de me tendre ma flasque après l'avoir ouverte. Elle est presque vide au moment où je m'en saisis : elle est vide quand je la repose dans mon sac.

« Maestro ? »

Je soupire une nouvelle fois en entendant la voix de l'imbécile juste derrière moi. Je me retourne et me retrouve nez à nez avec tout le jury au grand complet.

« Il est parfait.
- C'est vrai qu'il est bon mais...
- N'essayez pas de prétendre que vous comprenez quoi que ce soit à sa musique. Je suis le meilleur juge ici, et vous le savez.
- On ne peut pas l'accepter !
- Pourquoi ? A cause de son apparence ?
- Entre autres choses oui ! Niveau exubérance on a assez avec vous ! 
- Nous y voilà ! Vous n'aimez pas qu'on ne rentre pas dans les cases toutes préparées hein ? On n'a jamais assez d'exubérance. Il faut de l'originalité pour briser la routine. Il est parfait. Les gens viendront de partout pour l'écouter. »

J'esquisse un sourire, sûr de moi. J'ai confiance : Narciso sera parfait. Il va faire briller l'orchestre. Ils m'observent tous en silence puis elle croise les bras et me toise de haut : je n'aime pas ça.

« Bien. Où est-il ?
- Quoi ?
- Vous lui avez couru après. Vous n'avez même pas pris la peine d'écouter la dernière violoniste.
- Quel dommage... »

Ironie, quand tu nous tiens.

« J'imagine que vous l'avez rattrapé et que vous lui avez offert le poste sans même nous demander notre avis ?
- Et vous imaginez même très bien. Bravo. »

Mon sourire s'élargit : elle est moins stupide qu'elle en a l'air.

« Alors où est-il ? »

C'est là que ça va se corser mais je garde mon sourire accroché aux lèvres.

« Il est parti.
- Comment ça parti ?
- Il m'a dit qu'il allait y réfléchir.
- Pardon ? Vous lui avez offert le poste et il a dit qu'il allait y réfléchir ? C'est une blague ?
- Ah non, je vous assure qu'il est très sérieux. C'est une grande décision vous savez...
- Son nom n'était pas même pas sur la liste. »

Un autre imbécile qui me coupe presque la parole. Je perds mon sourire, le fusille du regard.

« Je me fous de cette putain de liste !
- Maestro, votre langage... » me glisse tout bas mon assistante.

Je prends une profonde inspiration.

« Pardon. »

Le silence qui suit est franchement désagréable, pesant, si bien que je finis par le briser en tendant ma main complètement valide vers les empafés.

« Donnez-moi les noms que vous avez retenus. Je les comparerai avec ceux que j'ai retenus et on les appellera pour une seconde audition s'il dit non. »

Ils ne semblent pas complètement satisfaits mais pas complètement désabusés non plus. Elle me tend le morceau de papier et ils s'en vont. Après ça ? C'est un aller direct chez le médecin qui accepte de me prendre en urgence. Quand il veut m'envoyer à l'hôpital je refuse net : je déteste les hôpitaux, pour des raisons évidentes, et il le sait très bien. Il insiste, me dit que j'ai peut-être besoin de chirurgie et que je risque des dommages irréversibles et finalement, j'accepte d'aller passer une radiographie dès le lendemain dans un cabinet privé : on avisera ensuite. Pour le moment, il me les immobilise et basta. La nuit est déjà tombée lorsque je quitte le cabinet du médecin. Je traîne le pas pour rentrer à la maison : je suis fatigué. Mentalement et moralement épuisé en fait. Le fait que l'alcool commence à se faire moins présent dans mon organisme n'aide pas : je commence à percevoir les pensées des autres. Lorsque je pénètre à l'intérieur de mon appartement, je n'allume qu'une petite lumière : pas envie de me faire agresser par trop de luminosité. Je me dirige sans attendre vers la cuisine et ouvre un placard, puis un autre, puis un autre, et je me mets à rire froidement lorsque je réalise que je n'ai plus d'alcool à la maison. Je devais en acheter après les auditions mais j'étais trop occupé à me faire immobiliser les deux derniers doigts de ma main gauche alors... Plus d'alcool. Je jette un coup d’œil vers la porte d'entrée mais me résigne à ne pas sortir. J'ai envie de m'allonger et de dormir. Mon appartement est grand, mes voisins sont physiquement loin de moi, je ne devrais pas être ennuyé par leurs pensées. Enfin ça c'est la théorie parce que lorsque je retourne dans le salon où règne une certaine pénombre malgré la petite lampe allumée, je perçois soudain des pensées ou plutôt, des flots de pensées qui sont très brouillon. Cela me rappelle les pensées des patients qui étaient à l'asile quand j'y étais moi-même enfermé. J'en frissonne tant j'ai l'impression que c'était hier alors que c'était pourtant il y a très longtemps. J'en éprouve même une nausée.

Ce sont là des souvenirs dont je me passerais bien.

Lorsque j'arrive à hauteur de mon canapé je me fige. Mon cœur s'accélère. Je fronce les sourcils. Je l'aperçois la silhouette et je suis persuadé qu'elle n'était pas là quand je suis rentré. Je prends une profonde inspiration et me tourne vers la silhouette dont je ne distingue pas les traits de là où je suis. Je vois simplement que cette personne est assise sur la grille de mon balcon. Comment est-elle arrivée là ? Je vis au quinzième étage nom d'un chien... J'hésite un instant puis décide de m'avancer. Doucement. Prudemment. Ce n'est que lorsque j'arrive au niveau de la baie vitrée que je reconnais le visage car, bien qu'il soit caché par la capuche, les lumières de la ville éclairent assez pour que je distingue les tatouages. Ma bouche s'ouvre sous la surprise. J'ai su qu'il était différent au moment où il s'est mis à jouer. Il m'a confirmé qu'il était davantage différent lorsqu'il a réduit la poignée d'une porte à l'état d'une simple morceau de métal (et qu'il m'a cassé deux doigts au passage). Il me le confirme à présent qu'il est assis sur la grille de mon balcon. Et ses pensées... Ce sont bien les siennes que je perçois. Je pourrais m'enfuir. Je pourrais partir en courant. Je pourrais m'enfuir. Je pourrais même avoir simplement peur sans m'enfuir mais je suis curieux. Très, très curieux. Alors, je déverrouille la baie vitrée et l'ouvre avant de m'avancer sur le grand balcon pour lui faire face.

« Est-ce que ça veut dire que vous acceptez ? »

Ce sont là mes premiers mots. Je pourrais lui demander ce qu'il fait là ou mieux comment il est arrivé là mais non. Moi, la seule chose qui m'intéresse en cet instant est de savoir s'il a pris sa décision. C'est aussi un choix de ma part : me focaliser là-dessus m'évite de me focaliser sur ses pensées qui sont pour le moment trop chaotiques pour que je parvienne à bien les discerner. Cela m'évite aussi de me focaliser sur ce que ses pensées réveillent en moi et qui est extrêmement douloureux.


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Victor — Gabriel

Disparu telle une ombre, il était parti fouler d’autres paysages. Et c’était ça qu’il voulait, s’en aller…voler. Il lève les yeux vers le ciel alors qu’il s’arrête devant un passage clouté. D’ici une heure, l’astre solaire se détournera d’eux. Ce sera le moment parfait. Victor continue sa marche, sans ressentir la fatigue, jusqu’au Bronx. Là où il avait élu domicile, là d’où il était venu pour arriver ici. Le chemin inverse, et sans broncher. Mais là où une activité physique faisait du bien aux personnes lambda, lui qui ne ressentait rien était happé par bien d’autres choses. À commencer par les voix. Actuellement, celles qui appartenaient à son cerveau, à ses souvenirs déracinés de leur époque d’origine. Ils s’infiltraient en lui comme un vieux poison et le rendaient instable. L’allemand marchait vite, traçait sa route sans se soucier des personnes qui se trouvaient dans sa trajectoire. Certains furent bousculés, d’autres frôlés, mais n’importe lequel d’entre eux fut de toute façon ignoré. Une bénédiction pour ces derniers car certains, projetés parfois un peu trop loin, voulurent en découdre. L’homme était en train de compter le nombre de ses pas, psalmodiant à voix basse. Victor Einrich Wagner, qu’entendez-vous ?, appelait une voix masculine, baignée dans cette soi-disante science infuse. Le garçon ne répondit pas, mais dans le vitreux de son regard, des épines semblent en sortir. Serait-ce de la colère, Victor ? La question arrivait à point nommé, elle était là comme bien d’autres, celles qu’on avait pu lui poser en tentant de le comprendre. Alors non, il ne voulait pas qu’on cherche à l’atteindre de cette façon-là, il ne voulait pas de ces artifices, de ces menottes aux poignets, de ces ronces au cœur. Oui, c’est ça que tu détestais le plus…les ronces au cœur.

Son monde s’effondrait à cette simple idée. De sentir son cœur saigner à cause des ronces. Elles qui lui en voulaient tant. Des émotions qu’avaient pu lui procurer Mama Charlotte, Hannah…Hannah. Est-ce que tu veux m’écouter jouer ?, avait-elle dit, premiers mots que la belle lui avait adressé, brisant ce mur invisible qui les séparait. Bien sûr que si…, fit alors la voix de Gabriel, vibrante de passion. S’en est trop. Il se glissa jusqu’à une ruelle, celle qui faisait l’entrée de service d’un bar. Son épaule traîna le long du mur dans son avancée, avant qu’il n’éclate ce dernier d’un coup de poing, en rajoutant quelques uns derrière. Ses phalanges se brisent sous l’impact, il les entend, et c’est ça qu’il veut. Il les broie. Victor s’arrêta lorsque la dernière pierre tomba et disparut. Il en fallut de peu pour qu’il se fasse voir, les secousses ayant alerté l’environnement proche, et surtout ceux qui se trouvaient derrière ledit mur. L’homme devint chouette, disparaissant à tire d’ailes.

Et c’est ainsi qu’il retrouva le chemin du Bronx. Le crépuscule était là, et il vola à la recherche de sa future proie. Il avait faim. L’appel était fort, et ses os devaient se ressouder plus vite qu’ils ne le faisaient déjà, quant bien même il n’était aucunement gêné par cet état de fait. Ce tribut, il le voulait au goût du jour, et surtout, de ses caprices. On l’avait déshonoré, le Dieu comprendrait cet affront qu’on lui faisait par la même occasion. C’est tout naturellement que son intérêt se porta sur l’ignare qu’il avait croisé quelques heures plus tôt. Pas pour la prendre elle, non…sa progéniture, oui.

Cette dernière vivait à Manhattan, ce qui lui avait valu de nouveaux coups d’ailes. Mais sa vitesse de déplacement étant plus rapide en altitude, il n’y vit que du feu. Une heure qu’il était posté là, à observer. Une heure passée à décrypter les paroles muettes, les gestes, leurs habitudes. Victor était passé maître dans l’art de deviner ce genre de choses. Et pour cause. Leur repas allait bientôt commencer, ce n’était qu’une question de minutes. Mais la gamine, qu’il voyait jouer sur son ordinateur, avait visiblement réussi à gagner du temps…de toute façon, cette femme n’avait pas fait le repas, ayant préféré déléguer à une société de restauration rapide ce fardeau. Ses journées étant pénibles et particulièrement bien remplies, après tout, cela se tenait. Parent célibataire qui plus est. Les iris cristallins de l’animal continuaient d’observer au travers des fenêtres. Et puis, on sonna à l’interphone. La tête du hibou se surélève légèrement, aux aguets. Le moment approche. La femme disparait dans le couloir, sort de l’appartement pour aller réceptionner la commande dix étages plus bas, annonçant à l’adolescente qu’elle devait se préparer à aller à table. L’élu s’élança.



Gritos en la noche, eso sólo puede significar una cosa…¡liberación!

Le messager reprend sa route, insaisissable. Mais il n’est pas tout à fait comblé. Il voulait quelque chose d’autre, il voulait revoir celui à qui il devait s’offrir. Pas d’une façon déplacée, mais distinguée, ça, oui. Victor savait pertinemment qu’il avait brisé des os sous sa poigne, pour l’avoir senti, mais aussi vu la douleur à travers ses yeux à ce moment-là. Gabriel Raul Torres n’avait rien dit, et à en juger la conversation des esprits de la nature, qui dura un moment, c’était toujours le cas. En plus de n’avoir rien dit, il avait reconnu son art. Il avait senti ce que les autres n’avaient pas senti, et qui plus est, il lui avait dit. Quant bien même Victor n’avait pas réussi à accueillir le tout en temps voulu, c’est tout naturellement qu’il lui devait ceci…la possibilité de se venger de sa personne.

Il passa rapidement à l’hôtel où il logeait, ayant besoin de méditer. Cette communion l’amena, une demie-heure plus tard, à sortir de là et de se laisser guider, tel un automate, vers sa prochaine destination. Il prit même le métro, cette fois-ci, retournant sur l’île de Manhattan - une fois n’est pas coutume. Victor semblait plus apaisé, ses tumultes intérieurs s’étant adoucis. Après un repas sacrificiel, il en était souvent ainsi. Plus encore lorsqu’il n’était pas inachevé, certes. Ce n’était pas le cas de ce soir, et il en était quelque peu frustré…mais il savait que c’était un mal nécessaire.
Victor s’arrêta à quelques endroits, recueillant les suppliques de certains esprits, tentant également d’avoir des informations sur Gabriel au passage du carrefour qui jouxtait la salle d’audition. Leurs mots sont clairs, pourtant. Ils entendaient les conversations téléphoniques, tout, et c’est en trouvant la bonne âme charitable qu’il emmagasina tous les souvenirs de cette dernière…avec ses bons et mauvais côtés. Des pensées qui ne lui appartenaient pas s’inscrivirent dans son champ mental, tandis qu’il suivait le chemin qu’il semblait tout à coup connaître par cœur. Il s’arrêta dans un coin, puis leva le nez en l’air face à un immeuble gigantesque. 15ème étage. L’appartement allait être une surprise. Il se cache derrière une benne, à l’abri des regards, et recouvre une nouvelle fois la forme qui lui sied tant.

Des allées et venues, mais aucune trace du maestro. Puis une énième silhouette se profile, il s’avère que c’est lui. Il attend qu’il s’engouffre dans l’ascenseur avant de se mettre à voler en direction du quinzième pallier. Le hibou fit sa ronde, l’oeil aiguisé. Une lumière s’alluma, peut-être était-ce lui…non. Raté. Victor continua, jusqu’à ce que l’indice ultime lui tombe sous le nez, le faisant s’arrêter sur un balcon en particulier. Entre temps, il reprit forme humanoïde. Habit habituel, il fallait simuler en fonction de la météo, et il faisait plutôt frais à vrai dire. Il s’était assit dans un coin, sur la grille du balcon, fixant le maestro s’affalant dans son sofa, visiblement éreinté. Les souvenirs de l’esprit qu’il avait emmagasinés sont siens, mais ses pensées sont entremêlées avec celles qui étaient liées à ces derniers. Maman m’a enfermé dans le cagibi, tu sais pourquoi, Victor ?, fit celle de l’esprit avec lequel il avait été en communion. Parce qu’elle voulait pas que grand-mère me voie avec des bleus partout. Et tu sais qui a fait ça, Victor ?, continua t-elle, comme un écho lointain…auquel il répondit par des pensées plus concrètes, relatives à ce qu’on avait pu lui transmettre. Papa…il sentait fort l’alcool, papa… Des pleurs qui n’étaient pas les siens résonnent pourtant en lui, comme s’il les vivait. Il le remarqua enfin. Se leva, le reconnut même, au point où il en ouvrit la porte-fenêtre, sans crainte, pour aller vers lui. « Est-ce que ça veut dire que vous acceptez ? », avait-il dit d’emblée, comme s’il voulait chasser quelque chose d’autre. Il faisait mal, tu crois qu’il m’aime encore ?, supplia l’enfant. Des images d’horreur se dressent, des cris se font retentir dans ce brouillon cérébral. Il t’aime encore, oui, continua t-il afin d’apaiser cette voix. Il ne répondit pas à Gabriel, s’approchant de lui davantage, le fixant. Mais il ne te sourira plus, Judy. Parce que cela faisait déjà deux semaines qu’il avait étripé ce bougre, ce père indigne qui avait continué de vivre paisiblement malgré la mort de sa fille, qu’il avait déguisé en accident. Si l’esprit de l’enfant lui avait fait confiance, c’était pour une bonne raison - celle-ci.

Victor arriva à la hauteur du maestro, le frôla sans gêne pour passer derrière lui…en direction de l’appartement, dans lequel il s’engouffra. « Ça veut dire que j’ai quelque chose à vous dire, oui, », commença t-il, lui faisant toujours dos. Victor observe les lieux, attentif au moindre détail. Puis, il pivote vers le légitime garant des lieux, ôtant sa capuche et ne se gênant pas de planter son regard émeraude dans le sien. « Je vous ai cassé deux doigts tout à l’heure… » Une affirmation, sans haine dans le regard, ni présence d’une certaine fierté. Ça aurait pu être le cas, or, Victor n’était pas de ceux-là. Pas lorsqu’il s’agissait de rares individus, étincelant autant que cet homme. Victor…serait-ce…de la colère ?, cette pensée s’infiltre un peu trop alors qu’elle n’avait rien à faire là. Pourtant, elle lui intime de recevoir les émotions qui voulaient germer en lui, de les assumer. Il ferme les yeux un instant, crachant un « Non ! » sec qui n’était pas dédié à son interlocuteur réel, charnel, tout ce que vous voulez. Car non, s’en était pas, de la colère. Ça pourrait cependant le devenir s’il ne se prêtait pas au jeu, s’il refusait ce pourquoi il était venu. L'émeraude de son regard finit par réapparaître, et il redresse la tête. « Rétablissez l’équilibre, señor Torres, », confessa t-il en écartant les bras, s’offrant littéralement au maestro. « Vengez-vous. »

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WE CAME IN PEACE
Victor & Gabriel

Je lui fais face, l'observe en silence. Quoique cela ne soit pas totalement vrai. J'aimerais pouvoir dire qu'il ne subsiste que le silence entre nous en cet instant, j'aimerais pouvoir prétendre à ce semblant de paix mais ce n'est pas le cas ou, plus exactement, ce n'est plus le cas maintenant que l'alcool a grandement déserté mon organisme, heureusement pas complètement car cela serait véritablement chaotique pour moi si c'était le cas. Entre le manque et les pensées, j'aurais sans aucun doute envie de me jeter par le balcon. Est-ce-qu'il pourrait me retenir ? Est-ce qu'il a ce pouvoir ? Est-ce qu'il peut voler ? Sauter très haut ? Allez savoir, il est spécial, cela est certain. A quel point, ça je l'ignore encore. Mais ses pensées... Ses pensées me sont désagréables tant elles sont autant chaotiques que les miennes en fait. Je ne parviens pas à percevoir des images nettes, des mots nets, ce ne sont que des choses floues, sombres, sans queue ni tête auxquelles j'essaye de ne pas prêter attention mais c'est loin d'être simple. Je me concentre, en tout cas j'essaye, pour ne pas être complètement acculé par ses pensées, aussi brouillon soient-elles. Je cligne des yeux, j'essaye de me focaliser sur ce que je vois et non pas sur ce que j'entends dans ma tête et c'est là qu'il s'approche soudain de moi, toujours enfermé dans son silence. Je garde la bouche fermée, je prends une profonde inspiration et, lorsqu'il me dépasse finalement en me frôlant, je frissonne. De peur ? D'autre chose ? En réalité, ce frisson est un savant mélange de tout un tas d'émotions sur lesquelles je ne préfère vraiment pas m'attarder. L'espace d'un instant mon cœur s'emballe car j'imagine qu'il va venir se faufiler dans mon dos pour... Quoi ? Me faire du mal ? Murmurer quelques mots à mon oreille ?

Rien ne se passe cependant.

Je finis par me retourner et soupire doucement lorsque je le vois à l'intérieur de mon appartement. Il m'annonce soudain qu'il a quelque chose à me dire et je m'avance à sa suite avant de refermer la baie vitrée. Mes sourcils sont froncés, je le regarde avec une certaine appréhension, non pas que j'aie peur de lui mais j'ai plutôt peur de ce qu'il va dire. Il n'a pas dit qu'il allait accepter, il a dit qu'il avait quelque chose à me dire : non ? C'est cela qu'il veut dire ? Sauf qu'il n'en dit pas plus, qu'il se contente de s'avancer encore au milieu de mon salon, regardant autour de lui comme s'il jaugeait les lieux et moi, j'essaye de rester concentré sur sa silhouette, sur les mots qu'il a prononcés, sur ceux qu'il va prononcer plutôt que de me laisser envahir par ce brouhaha qu'il y a dans sa tête. Il se retourne finalement pour me faire de nouveau face, retire sa capuche avant de planter son regard émeraude dans le mien et je suis, là encore, déstabilisé, comme j'ai pu l'être lorsqu'il a replacé le col de ma chemise un peu plus tôt dans la journée. Si tout son être a quelque chose de fort intriguant et déstabilisant, ses yeux le sont encore plus. Ne dit-on pas que les yeux sont les fenêtres de l'âme ? Je trouve ce proverbe très vrai, encore plus aujourd'hui, en cet instant. Son âme est différente, je le sais, je le sens, je l'entends, mais j'ignore dans quelle mesure, voilà tout. Lorsqu'il reprend finalement la parole, voilà qu'il parle des deux doigts qu'il m'a cassés tout à l'heure. J'entrouvre la bouche, surpris qu'il se mette à parler de ça car non, je ne m'attendais clairement pas à cela. Je jette un bref regard à l'attelle qui maintient mes doigts pour éviter d'aggraver la blessure avant de relever mon regard vers lui. C'est là que je le perçois. Ce n'est qu'un mot. Juste un mot. « Colère ». Il est plus net que le brouhaha, il se distingue et je ne comprends pas pourquoi ce mot-là se fait davantage une place. Le « non » que Narciso prononce soudain, alors qu'il a le visage à présent baissé, me fait presque sursauter tant je suis focalisé sur ce que j'ai « entendu ». Je fronce davantage les sourcils en secouant presque imperceptiblement la tête. Je ne comprends pas ce qu'il se passe dans sa tête si bien que la mienne commence à me faire mal.

J'ai tout à coup envie qu'il s'en aille et qu'il me laisse seul pour que je puisse me reposer et retrouver le calme auquel j'aspire tant au quotidien. Je suis pourtant heureux qu'il soit là, heureux qu'il soit venu jusqu'à moi, curieux également, mais l'espace d'un instant, le mal de crâne qui se profile à l'horizon l'emporte sur tout le reste. Jusqu'à ce qu'il relève son regard vers moi. Jusqu'à ce qu'il reprenne la parole. J'oublie que j'ai envie d'être seul. J'oublie le bourdonnement dans ma tête. J'oublie tout pour la bonne et simple raison que la façon dont il s'adresse à moi me fait quelque chose, une fois encore.

« Señor Torres. »

Je n'ai pas bien saisi pourquoi il a parlé d'équilibre, je ne m'arrête que sur les deux derniers mots, pas longtemps cependant car il écarte soudain les bras en croix avant de m'intimer de me venger.

Là, je me fige. Je bloque. Littéralement.

Je l'observe en silence, mon esprit s'adaptant progressivement à l'information. Il veut que je me venge. Il veut que...

« Vous voulez... Que je vous frappe ? Vous... »

Ma voix se meurt. L'espace d'une seconde, j'ai envie de m'avancer non pas pour le frapper mais pour le prendre dans mes bras. C'est violent. C'est viscéral. Cette envie... Je ne le fais cependant pas. Je parviens à me contrôler, à ne pas me laisser porter par cette envie. Je fais ceci dit un pas, puis un deuxième, puis un troisième pas vers lui avant de m'arrêter. Nous devons être séparés d'à peine trois pas à présent, peut-être même moins. J'ai du mal à rester constant en raison du bourdonnement dans mon esprit mais je parviens cependant à garder mon regard planté dans le sien.

« Non, je ne peux pas. » A peine ai-je prononcé les mots que je réalise que je mens : ce n'est pas que je ne peux pas. « Je ne veux pas. Je n'ai aucune raison de me venger : c'était un accident. » j'ajoute finalement rapidement en levant ma main gauche. « Je vous bloquais la sortie, vous avez voulu sortir, c'était la poignée que vous cherchiez à atteindre et mes doigts étaient dessus mais ce n'est pas de votre faute. J'ai fait ça. J'ai... »

Je fronce doucement les sourcils tandis que je réalise ce que j'ai fait oui justement. Je détourne le regard, honteux. Il a parlé de liberté et je prends soudain conscience que j'ai empiété sur sa liberté.

« Je vous ai obligé à rester, à m'écouter alors que vous vouliez partir. Je vous ai fait ça alors c'est comme si je m'étais fait ça tout seul. »

Je pousse un profond soupir avant de trouver le courage de relever mon regard vers lui.

« Je ne veux pas vous faire de mal. Je veux... » Voilà qu'un sourire teinté d'une certaine tristesse se dessine sur mes lèvres. « En fait, la seule chose dont j'ai envie, là, tout de suite, c'est de vous entendre jouer encore. Tant pis si ce n'est pas dans l’orchestre, tant pis. » j'ajoute en haussant les épaules. « Juste... Vous entendre jouer... » Mon sourire s'élargit l'espace d'une seconde puis se dissipe. « Bon, j'ai aussi envie d'un verre mais je n'ai plus rien à boire... » Et voilà qu'un rire amer s'échappe encore une fois de ma bouche. « Mais on n'a pas toujours ce qu'on veut. » Je marque un bref silence, penche doucement la tête sur le côté. « Et vous, que voulez-vous ? Vous voulez vraiment que je vous fasse du mal ? »

J'ignore s'il verra la tristesse dans mes yeux mais elle est bien là à l'idée qu'il ne puisse vouloir que ça de moi.


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Victor E. Wagner
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Victor — Gabriel

Le père de Judy aimait sa fille comme le sien avait pu le faire. Comme l’époque s’y était prêté, ce fut lui, le responsable de ménage, qui prit cette décision arbitraire - celle d’enfermer son propre fils dans les locaux de l’Enfer.
Mais même le concerné, qui aurait dû se voir hanté par ce visage, ne l’était pas. Victor ne se souvenait plus du visage de son père, son cerveau malade l’avait effacé dans sa décadence. Il n’y pensait plus suffisamment pour être maintenu dans sa mémoire, quant bien même il avait été responsable de bien des maux. Il n’avait été que l’élément perturbateur - il l’avait poussé là-bas, alors qu’il souffrait encore à marcher seul. Le gamin n’était pas fait pour ce monde. Dans son trop plein de sincérité et sa recherche de reconnaissance, il s’était égaré. On lui avait rongé l’âme et il ne lui restait que ce que vous en voyez aujourd’hui : un melting-pot à la fois amer et sucré, une soupe froide dont un rêverait sans aucune raison, un miroir recomposé d’identités plurielles, plus souvent idéalisées et empruntées que siennes…

C’était d’autres voix, d’autres souvenirs qui remontaient en permanence, à son insu. Régi par des pulsions tant agressives qu’affectives - un instinct plus ambivalent que jamais. Mais ô grand jamais tout ceci ne lui appartenait. Il n’était qu’un réceptacle et tant qu’il ne ressentait pas à outrance, ou ne s’en rendait pas compte si c'était le cas…la vie pouvait continuer. L’enfant pleurait toujours, s’étouffant dans ses sanglots. Il ne pouvait pas la prendre dans ses bras. Non, il ne pouvait pas passer dans l’outre-monde pour le faire, car elle n’y était plus tout à fait. D’ici peu de temps, elle cesserait de parler là-haut, comme un écho de sa conscience éthérée.
Gabriel ne semble pas comprendre. Ou alors, il ne le veut tout simplement pas, mais…combien de fois avait-il voulu se venger dans sa vie ? De quelqu’un, d’une situation ? Il pourrait lui faire subir n’importe quelle sévices qu’il ne s’en soucierait pas. Victor était venu pour cette raison-ci, exclusivement. Mais son impulsivité particulière lui faisait bien souvent virer de bord, ou au moins diverger. Après que le premier objectif ait été atteint, bien sûr. Quoiqu’ici nous pourrions parler de devoir, de rendu nécessaire. Une équivalence, ou au moins rétablir ce qu’il considérait comme l’équilibre. Celui-là était très important pour Victor, d’autant qu’il ne touchait pas tout le monde. Au moment où le violoniste avait brisé la poignée, il sut que leur destin allait être lié. S’exposer ainsi à autrui, se présenter comme un mutant - ou une autre créature farfelue, si ça pouvait leur faire plaisir - n’était absolument pas permis par HYDRA, et n’était pas coutume chez lui. Le peu qui en étaient témoin finissaient en sauce.

Alors, oui, le maestro pouvait refuser, tenter de se braquer comme il le pouvait, mais ça ne changerait rien. Car de toute évidence, s’il n’était pas apte à le faire, ce serait à Victor de s’en charger lui-même. Une mauvaise surprise à laquelle il ne souhaiterait certainement pas assister, dans l'impuissance qui plus est. C’était pourtant ce qui allait se produire, d’ici peu de temps, s’il ne s’engageait pas plus à accepter ce cadeau (légitime) qu’il lui faisait.

Mais il préféra se culpabiliser. Avançant vers lui, d’un, deux, puis trois pas, se stoppant à courte distance. Il l’avait suivi des yeux malgré son immobilité, s’efforçant de simuler une respiration humaine lambda.
Victor n’y avait pas réfléchi, n’était pas retourné en arrière, comme la plupart du temps d’ailleurs - c’était trop dangereux de s’y replonger, menaçant de s’y noyer. Il s’était basé sur des faits, des conséquences, n’élevant certainement pas les potentielles émotions qui avaient pu germer en lui à ce moment-là…celles qu’il avait tant peiné à balayer depuis quelques heures. Son expression est vitreuse, il est calme, trop calme…il boit ses paroles mais son esprit s’embrume, alors qu’il lui soumet son envie de le réentendre jouer. La petite fille se calme progressivement, marmonnant quelque chose…qu’il capta avec une attention toute particulière. George, lui, il aimait le monsieur aux boucles d’ébène, et lui tout pareil. Elle parlait au passé. Et elle parlait en connaissance de cause. Qu’avait-elle pu voir, ou entendre d’autre ? George ?, se répéta t-il pour lui-même, son regard s’absentant dans un coin de la pièce. Les derniers souvenirs se l’enfant s’évanouirent alors que Gabriel le ramenait à la réalité. « Mais on n’a pas toujours ce qu’on veut… », souffla t-il finalement en guise de réponse à son envie de l’entendre jouer à nouveau, piquant la locution que ce dernier avait utilisée. On n’a pas toujours ce qu’on veut…sauf lorsqu’on s’appelle Victor Einrich Wagner.

Ses bras sont toujours tendus, ils ne tremblent pas sous une quelconque fatigue musculaire. C’est le cas de le dire : il ne baisse pas les bras. Ce sont ses perles émeraude, encore, qui font le chemin jusqu’au visage du maestro alors qu’elles s’étaient égarées. Une remarque, son coeur mort vibre pourtant d’une lubie chevaleresque qu’il a l’habitude de suivre. « Il n’y a pas d’enfant ici… » Y en avait-il déjà eu, seulement ? Le doute devait être apaisé. Victor sentit en lui le besoin irrépressible de l’interroger des yeux, comme pour se rassurer. Il ne voulait pas qu’un autre enfant que Judy subisse les sévices d’un père alcoolisé. Et jusqu’à preuve du contraire, Gabriel en avait été imbibé il y a peu, et y était soumis - bien que ce fut là qu’un bon retour des choses. Il n’était pas idiot et savait qu’une raison toute particulière se cachait derrière cette addiction. Comme la sienne, pour la chair et les sacrifices, qui n’était due qu’à son devoir. Mais tout portait à croire qu’aucune essence magique ne coulait dans les veines du maestro, ne le faisait pas vibrer comme lui. Sauf si on assimilait volontairement l’art de Victor à un charme ensorcelé de cet acabit. Ce qui paraîtrait déplacé au vu de sa nature propre, soit dit en passant. « Où est George ? », la question lui avait brûlé les lèvres, une continuité inévitable. Il le fixe toujours alors qu’il avance d’un pas vers l’homme qu’il surplombe de dix centimètres. Narciso lui avoua alors, enfonçant malgré lui une dague affûtée dans son cœur passionné, « Je veux que vous le fassiez, », lui assura t-il, levant les yeux un peu plus haut l’espace d’un instant. « ou je m’en chargerai. » Et il a même la délicatesse de le prévenir avant d’agir. Douce attention…sauf que le moment fatidique lui pendait au nez.

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Victor & Gabriel

Il ne peut pas vouloir que je lui fasse du mal. C'est impossible. Impensable. Ce qu'il a fait, il ne l'a pas fait consciemment. Il ne me voulait pas du mal à moi, il voulait juste partir et je me dressais entre lui et cette échappée. Alors, pour moi, c'est tout simplement hors de propos de réclamer une vengeance, je n'y ai pas pensé un seul instant et voilà que lui, il veut que je le fasse ? Il veut que je me venge ? Je n'ai rien demandé. Je n'ai pas demandé à m'en prendre à lui. Pourquoi Diable pense-t-il que j'en ai besoin ? Mais peut-être n'est-ce pas à moi qu'il pense en réalité. Peut-être cette vengeance qu'il réclame, il en a besoin, lui, et peut-être est-ce pour ça qu'il est là : pour lui, pas pour moi. Pas pour moi du tout... Il est vrai que cette pensée me blesse parce que je me suis imaginé qu'il était venu pour moi, pour intégrer l'orchestre ou au moins apporter quelques réponses aux mille et unes questions que je peux me poser à son sujet. Or, il n'est pas là pour ça. Il est là pour lui, pour soulager sa conscience sans doute, parce qu'il estime qu'il me doit cette vengeance. Je secoue presque imperceptiblement la tête de droite à gauche, baisse le regard, mes épaules s'affaissant au fil des secondes puis, quand au milieu de tout ceci, quand au milieu du chaos qui résonne dans ma tête parce qu'il résonne dans la tête de Narciso, quand au milieu de tout cela des mots me parviennent, je me fige, mon cœur manquant un battement. Les mots me parviennent et me font si mal que j'en ai le souffle coupé. Je l'entends cette voix, je l'entends qui parle de George. D'où vient-elle ? Ce n'est pas la voix de Narciso. Les larmes me montent aux yeux tandis que je les relève vers lui et qu'il répète, en écho à mes propres paroles qu'on n'a pas toujours ce qu'on veut. Moi, je suis là, incapable de bouger le moindre centimètre, incapable de battre le moindre cil tant je suis pétrifié dans ma douleur.

Dans la douleur qu'il a lui créée par ses pensées.

Un frisson me parcourt soudain quand Narciso replonge son regard dans le mien, un frisson car j'ai tout à coup une très désagréable sensation, sans parler du fait que ce qu'il dit me blesse davantage encore. Alors, je secoue doucement la tête, toujours les larmes aux yeux et je souffle un « Non... » très bas, dans un murmure, qu'il entend sans doute puisqu'entre nous règne un silence presque oppressant. Dans ma tête, j'ajoute un « Mais ça aurait pu... » qui meurtrit un peu plus mon cœur déjà trop abîmé et trop écorché. Oui, nous aurions pu avoir un enfant ou des enfants... George en voulait, moi aussi, mais nous n'avons pas eu le temps. En fait, on a tout juste pu commencé à y penser et il est... Non. Je refuse d'y penser. Je chasse cette image d'un bref mouvement de la tête. Je veux que cette image reste loin de moi. Je ne veux pas me replonger dans ce moment. Surtout pas. Je ne veux pas le revivre. Je ne veux pas... « Où est George ? » qu'il demande soudain et j'écarquille les yeux. Quoi ? Mais... Quoi ? J'ouvre la bouche puis la referme, incapable de produire le moindre son. Il s'avance, je ne bouge pas. Je ne bouge plus. Impossible. Je suis figé. Glacé. Bousillé. C'est lui. Eux. Tous. Je l'observe à travers mes larmes tandis qu'il me surplombe de sa hauteur, tandis qu'il me fixe, tandis qu'il me susurre qu'il veut que je le fasse. Il veut que je le frappe. Il le veut ou lui-même s'en chargera. Je déglutis. Alors c'est cela mon choix ? Mais ce n'est pas véritablement un choix, pas quand il se menace devant moi, pas quand il me dit droit dans les yeux qu'il va se faire du mal si moi je ne lui en fais pas. J'ai beau être presque écorché vif tant j'ai mal, j'ai beau être au bord de craquer, de foutre le camp et de claquer la porte en le laissant là planté dans le milieu de mon salon, je ne suis pas incapable de réfléchir. Je suis capable de comprendre que si je ne le frappe pas, il va se faire très mal. La force, il en a, à n'en pas douter. La preuve, il m'a brisé deux doigts et il a réduit à l'état de morceau de métal une poignée de porte. Donc oui, la force il l'a et s'il se fait du mal, quels dégâts va-t-il s'infliger ? Bien plus que si c'est moi qui le frappe, cela est certain.

Tellement plus...

Et je ne veux pas de cela. Non, je n'en veux pas. Je serre le poing, fronce les sourcils et hoche finalement la tête de bas en haut pour lui signifier que c'est d'accord. Je suis incapable de le dire, incapable de lui dire quoi que ce soit sur le moment, je suis juste capable de ce petit geste pour lui faire comprendre que j'accepte sa requête. J'abaisse mes bras, l'observe encore un instant sans bouger puis, cela me revient. Tout à coup, cela me revient. Son « Où est George ? » et c'est là que le coup part. Le poing serré vient s'écraser sur sa mâchoire. Je mets tout mon poids derrière, je mets toute ma force dans ce coup : il veut de la vengeance ? C'est cela qu'il obtient. Il cille un peu, grimace légèrement : je sais cogner même si je n'y suis pas habitué. Je secoue la main après le coup, fait bouger mes doigts car mine de rien, cogner aussi fort fait mal. De nouvelles larmes me montent aux yeux mais est-ce simplement la douleur de la main ou celle de mon cœur ? Sans doute des deux. La main me fait mal oui, enfin les deux mains maintenant mais le cœur... Ce foutu cœur, lui, il est en miettes parce que je revois son visage, entends encore ses mots, perçois encore ses pensées jusqu'à ce moment fatidique où elles ont disparu brutalement quand son corps s'est écrasé sur les rochers des dizaines et des dizaines de mètres plus bas.

« George est mort. » je lâche soudain la voix tremblante et la mâchoire serrée.

Je me détourne alors de Narciso, le dépasse pour m'approcher du plan de travail de ma cuisine américaine. J'ai envie de fouiller dans les placards mais je suis conscient que cela ne sert à rien, que je ne trouverai rien à boire. Strictement rien. Je me sers un verre d'eau mais à peine l'ai-je soulevé que je m'aperçois que je tremble. Je balance le verre dans l'évier où il se brise. J'observe mes mains tremblantes et termine par secouer la tête avant de m'appuyer contre le comptoir en rentrant la tête dans mes épaules.

« Il est mort et je ne veux pas en parler. » je souffle tout bas.

Au bout de quelques secondes, je relève mon visage pour observer Narciso, peu importe où il se trouve.

« Je ne veux pas en parler et je ne veux pas que vous en parliez non plus, peu importe comment vous le savez. Ne parlez plus de lui. Jamais. »

Ce qui se passera ensuite ? Je m'en contrefous en fait. J'ai trop mal. Mal au cœur. Mal au crâne. Mal partout.

Je veux boire.

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Victor — Gabriel

Pas d’enfants. Un poids est ôté avec la réponse plus claire que jamais offerte par Gabriel. Ça pourrait même se lire dans les yeux de Victor à ce moment-là, si son interlocuteur daignait lever le nez vers lui. Il semblait plus perturbé que lorsqu’il l’avait rencontré à l’audition, l’homme tentait alors de recoller les morceaux dans le débris qui lui servait de cerveau. Son comportement était aussi étrange qu’il s’était enfermé dans le mutisme au même moment où Judy avait parlé pour la dernière fois, mentionnant le nom de George. George, le traître inconnu qui avait éveillé la curiosité de Victor. Et elle n’en fut que plus vive lorsqu’à l’appel de ce dernier, le regard embrasé du maestro s’était redressé jusqu’à lui. Il ne lui répondit pas. Le silence s’installe plus lourdement cette fois et les tremblements qui font vibrer les membres de son interlocuteur n’échappent pas à Narciso. Quelque chose boue à l’intérieur, ça se sent, mais aux premiers abords il ne lui semble pas déceler de la colère. De…la peine ? Victor a du mal à jouer à ce genre de devinettes, lui-même étant incapable d’assumer ses propres émotions quand elle tendaient vers certains extrêmes. Il continuait de le fixer dans le blanc des yeux, puis il sentit le mouvement arriver. Ses bras se replacèrent le long de son corps frêle et il accueillit un coup dans sa mâchoire, prenant le temps de mimer une pseudo-douleur. Sauf qu’il ne put s’empêcher de sourire quelques secondes plus tard, faisant craquer méchamment son articulation et passant sa langue sur ses dents désormais maculées de son sang.

Il s’est détourné peu après, annonçant une vérité qui, à l’entendre, semblait être d’une atroce calamité. Renvoyait une souffrance certifiée, qui le laissa cependant de marbre. S’il avait eu un souffle véritable à expirer, Victor l’aurait fait sans se gêner. Ce qu’il venait de dire l’avait touché d’une certaine façon, mais pas comme on pourrait l’entendre. Parce qu’il ne percevait pas du tout de la même façon les choses…se vexant presque de la façon dont il voyait la Sainte Mort. Comme du simple coup qu’il venait de lui lâcher, oui; cela n’allait pas réellement être quelque chose d’équivalent en soi. Deux doigts brisés contre une droite - qui pourrait certes bien piquer s’il avait ressenti quelque chose, mais tout de même ? Pour rétablir correctement l’équilibre, il allait devoir y aller aussi de son propre chef, bien qu’aidé par la bonne volonté du maestro.

Victor ne s’était pas retourné vers lui lorsqu’il était passé derrière, dans l’espace cuisine, où il avait voulu se servir de l'eau. Le son du verre qui se brise lui fut perceptible, mais ça n'irrite pas ses tympans, le damné est prétendument calme. C’est alors qu’il tourne les talons pour passer non loin de l’ouverture qu’avait empruntée Gabriel pour se rendre dans ce coin-là. Il se rappelle qu’il lui avait dit qu’il avait soif. Puis, il fait le lien avec cette odeur d’alcool qu’il avait eu plus tôt dans la journée. Ça l’avait rendu euphorique. Si euphorique qu’il avait voulu le rattraper, que cette substance avait faussé ses perceptions. Il n’avait pas véritablement écouté, senti sa musique. Il n’y avait qu’en étant sobre qu’il aurait pu. Alors qu’il relève les yeux une nouvelle fois, commençant à lui donner des directives, Narciso détourne aussitôt le regard et prend le chemin de la sortie, le pas rapide. Il déverrouille la porte alors que les derniers mots du mélomane lui parviennent, lointains. « Jamais. » Serait-ce de la colère, Victor ?, fit cette foutue voix dans sa tête, le ton plus fort, impérieux. « Silence, », trancha le dénommé Victor d’une voix tout aussi forte alors qu’il sortait en claquant la porte. Non, il avait l’intention de revenir. Pour ainsi dire la soirée était loin d’être terminée. Pour le prouver, il avait ôté son manteau trop large pour lui, et l’avait accroché sur la poignée avant de se mettre à marcher de nouveau. Le jeune homme regarda ses rangers usées s’écraser sur le sol jusqu’à ce qu’il arrive jusqu’à une porte d’où semblait venir du bruit. Un homme seul ? Il écouta en posant son oreille sur la surface, décelant alors la voix d’une femme. La trentaine, peut-être plus, cela restait à voir.

Sa joue n’est pas endolorie, la régénérescence a fait son effet étant donné son repas plus que récent. Il est en tee-shirt, n’est visiblement pas intrus des lieux malgré son apparence plutôt hors du commun - l'immeuble est trop sécurisé pour ça. Après avoir toqué deux fois, il recula d’un pas et quelques et resta concentré sur ce qui se trouvait en face de lui. Des bruits de pas derrière, des tours de clés dans la serrure, puis une ouverture. Instantanément, un sourire sincère illumine le visage du tatoué. Il semble être complètement différent de ce qu’il avait pu être un peu plus tôt, dans l’appartement du maestro. Ingénu. Presque adorable. « Bonsoir, navré de vous déranger, », commença t-il alors que la femme lui rendait ses salutations. « En fait, on était en train de préparer un cake au rhum pour l’anniversaire de mon frère, c’est ce soir, mais on en a pas assez finalement… » L’homme finit par arriver, capté par la voix masculine de Narciso. « Vous sauriez nous dépanner ? » « Qu’est-ce qu’il demande ? », demanda le mari à sa femme. Des bourges. L’immeuble en était gangrené. Mais c’est bon aussi, les bourges, quand c’est pas trop pouponné. « Si on a du rhum, tu en as ? », lui rendit-elle, prête à rendre service comme bonne voisine qu’elle pouvait être. Il acquiesça, chose qui ne surprit presque pas Victor. Tous les bourges qui se respectaient avaient un « bar » avec leur collection de bouteilles alcoolisées; sauf si vous tombiez sur des musulmans bien entendu - et quelques juifs au passage, en ce qui concernait les boissons à base de raisin. Il avait visité tellement de ces logements que ça semblait couler de source. Finalement, il revint avec le dû. Il s’excusa presque de n’avoir que la moitié à lui présenter. « C’est pas grave, merci beaucoup. Ah, mais…vous voulez peut-être que je vous rembourse, ou… », et le subterfuge marcha, après tout ils n’étaient pas dans le besoin et leur étiquette devait restée collée. C’était pour un anniversaire après tout, et le réceptacle n’était plein qu’à 60%. Ils refusèrent poliment. Le tatoué les salua, ajoutant, « ¡Que Dios los bendiga!, » et gardant contre lui la bouteille et armé d'un sourire charmant. La porte se ferma en même temps que l’expression sur son visage s’effaçait. Il s’éloigna vers l’ascenseur qu’il appela puis bifurqua pour retourner chez le maestro.

Il s’en souvint grâce à la présence de son manteau à ce niveau et se glissa dans cet espace vide qui n’aurait pas dû exister. Car après son passage, il avait fermé la porte. Le maestro l’avait donc rouverte…ou alors, dans sa précipitation, Victor n’avait pas relevé à temps, ratant l’interstice. Il n’y avait de toute façon personne derrière la porte, aucune présence.
Tel un serpent des profondeurs, il s’était déplacé avec une hâte mesurée. Ne respirant pas et étant désormais débarrassé de son manteau laissé à l’entrée, les cliquetis et froissements caractéristiques n’avaient plus lieu d’être. L’homme s’était glissé jusqu’à Gabriel qui était détourné de sa direction, passant son avant-bras sous son cou et gardant le torse contre son dos. Le tout avec hâte, habileté et sans réelle agressivité.

« Mais on n’a pas toujours ce qu’on veut… », susurra t-il à son oreille, embaumant le corps de son interlocuteur de son parfum à la fleur de cerisier.
Oh, non, on ne l’a pas toujours. Sauf Victor. Et personne n’était en mesure de lui céder des ordres, quels qu’ils soient. Il pourrait tant réagir violemment que se comporter tel un jeune agneau curieux. Mais le résultat était le même : il finissait par avoir ce qu’il voulait lui. Avec ou sans confrontation directe. Sa main valide qui tenait la bouteille frôla le bras de Gabriel, lui agitant son dû sous les yeux. « Du rhum pour un égoïste. » Un coeur battait pour deux, si fort que Victor se perdit un instant à l’écoute de ce dernier. Une vague mélodie qui, malheureusement, lui était tout à fait étrangère - car ne lui ayant jamais appartenu.

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Victor & Gabriel

C'est dit. Je ne veux pas qu'il me parle de George. Je ne veux plus jamais qu'il ne mentionne son prénom, jamais. Tout simplement parce qu'il n'a pas à le faire et surtout, surtout, parce que cela me fait trop de mal. Il est près de la porte, il s'en est rapproché sans doute pendant que j'avais la tête baissée. Il ouvre la porte, je l'observe, d'abord impassible puis, lorsque sa voix s'élève soudain et qu'il m'intime le silence, je crispe la mâchoire en fronçant les sourcils. Puis, la porte claque, lui disparaissant derrière. Je reste un instant à observer la porte, le silence refait son apparition mais cette fois-ci, il s'agit d'un véritable silence et non pas d'un silence entrecoupé du chaos dans la tête de Narciso. C'est un franc silence qui d'ordinaire ne me dérange pas et il me faut quelques instants pour comprendre pourquoi d'ordinaire il ne me dérange pas : c'est l'alcool qui m'aide à le supporter ce silence, que je cherche certes, mais qui est bel et bien insupportable sans l'alcool pour m'aider. Je baisse de nouveau la tête, les larmes me montent aux yeux, je plaque ma main contre ma bouche, étouffe un sanglot puis, je ferme le poing et murmure un « Non. » avant de relever mon regard vers la porte. « Non. » je répète encore une fois avant de me diriger vers la porte, décidé. Je ne veux pas qu'il s'en aille, pas comme ça, pas là-dessus. J'ai été blessé, je le suis encore mais je ne veux pas qu'il parte pas sans... Je ne sais pas. Je ne veux juste pas être si vite séparé de lui, de ce qu'il dégage, de ce qu'il est. J'ouvre la porte à la va vite et à peine ai-je posé un un œil dans le couloir qu'un bruit de tissu m'interpelle et je tourne mon visage pour finalement porter mon regard sur le sol où se trouve une veste. Non, pas une veste : sa veste à lui. Je penche doucement la tête sur le côté tout en fronçant les sourcils et termine par m'agenouiller au sol avant de glisser ma main sur le tissu. Mes doigts frôlent, touchent et je comprends : je comprends que la veste était posée sur la poignée de la porte et qu'elle a dû tomber lorsque j'ai ouvert la porte. Alors, malgré ma douleur, malgré tout ce qui me ronge, un petit sourire vient étirer mes lèvres.

« Il va revenir... » je souffle tout bas avant de me redresser et de jeter un œil dans le couloir. « Tu vas revenir... » j'ajoute là encore pour moi-même avant de reposer la veste avec délicatesse là où elle a été mise. Puis, je referme la porte mais pas complètement, je la laisse légèrement entrouverte : un signal, mon signal pour lui faire comprendre qu'il est le bienvenu. Cela peut paraître complètement fou, insensé, mais il est le bienvenu. Je m'avance à l'intérieur de mon salon, toujours dans la pénombre car ma lampe n'éclaire que très peu. Je regarde autour de moi puis m'approche de la fausse cheminée qui trône contre le mur et mes doigts glissent sur le cadre qui se trouve posé sur l'encadrement de la cheminée. J'observe la photo avec douceur, avec douleur...

« Je trouve que ça fait un peu trop de toi pour aujourd'hui, George. »

Je ferme les yeux quand ça me revient de plein fouet. C'est si violent que je m'accroche à l'encadrement de la cheminée. « Non ! George ! Tu n'as pas intérêt ! » Mes doigts se crispent. « STOP ! Range-moi ce couteau ! Je vais trouver un moyen ! » C'est tout mon corps qui se crispe. « Je t'entends. » J'ai un haut le cœur. « Je t'aime aussi. » Je me laisse tomber à genoux, toujours accroché à l'encadrement de la cheminée. Mes larmes et mes sanglots sont silencieux. Comme son silence, à lui, quand son corps s'est écrasé sur les rochers. Le silence... Je lâche l'encadrement de la cheminée, me frotte le visage pour l'essuyer et rouvre les yeux avant de regarder le plafond. Je prends de profondes inspirations pour me calmer. Je finis par me remettre debout et je regarde autour de moi, de plus en plus vidé en réalité.

« C'est tellement vide sans toi ici... Tellement vide... » Un silence. « Pourquoi ça ne m'a jamais semblé aussi vide que maintenant ? »

Comme si quelqu'un pouvait me répondre. Certainement pas lui. Mon cerveau lui, il peut répondre à cette question et il le fait. Il le fait tellement bien que je termine par secouer la tête, de dépit : c'est l'alcool qui rend l'appartement moins vide d'habitude. C'est aussi moins vide à l'instant où le chaos me parvient de nouveau. Là encore, je me mets à esquisser l'ombre d'un sourire en fermant les yeux : il est revenu. Avant même qu'il ne passe la porte, je sais qu'il est revenu. D'ailleurs, la porte, je l'entends se fermer. Je ne cherche pas à comprendre le chaos de son esprit, je ne cherche pas à capter des pensées en particulier : le chaos me convient très bien, il est tellement mieux que ce terrible silence qui m'oppresse tant... Je savoure le brouhaha. Il est derrière moi avant même que je n'ai pu l'entendre approcher. Je pourrais me demander comment il peut parvenir à être aussi silencieux mais je suis simplement bien qu'il soit revenu. Je sens son bras se refermer autour de ma gorge et là encore, pas de peur, pas d'appréhension, juste le soulagement qu'il soit là. Je garde les yeux fermés, ne bouge pas alors qu'il est glissé contre moi et, quand je l'entends susurrer de nouveau à mon oreille qu'on n'a pas toujours ce qu'on veut, je soupire.

« Non... » je souffle tout bas.

Je prends une profonde inspiration et son odeur vient emplir mes narines. Qu'est-ce que c'est ? Une fleur ? Mais quoi ? Je ne sais pas mais ça sent bon, c'est même presque enivrant. Je sens que sa main frôle mon bras et je rouvre les yeux pour doucement tourner mon visage vers sa main mais je n'ai finalement guère de mouvement à faire car sa main, elle est juste devant mes yeux. Ou plutôt, c'est ce qu'il tient dans sa main qui est juste devant mes yeux. Ma bouche s'ouvre sous la surprise tandis qu'il me déclare qu'il s'agit de rhum. « Du rhum pour un égoïste. » qu'il me dit. Mon cœur se met à battre plus vite à la vue de ma délivrance. C'est rapide, c'est instinctif : ma main valide vient se refermer sur la bouteille ou, plus exactement, sur la main de Narciso qui tient la bouteille. Je ne cherche cependant pas à la lui arracher des mains. Je veux juste la tenir. Juste...

« Tu es allé me chercher à boire... » je termine par lui dire tout bas. Petit sourire qui étire très brièvement mes lèvres. « Merci. » j'ajoute en continuant à observer la bouteille ou nos mains qui y sont accrochées, ou le tout. Le sourire s'évapore doucement, la culpabilité arrive. Ou, plus exactement, la peur de ce qu'il peut penser de moi. « C'est... » Un silence. « Cela m'aide. Vraiment. » Je ne peux pas en dire plus. Ne veux pas en dire plus. Mes doigts se resserrent un peu plus sur les siens. « Tu n'as pas idée à quel point ça me soulage... » Je marque un nouveau silence et me revient soudain la peur que j'ai ressentie lorsqu'il a claqué la porte. Me revient ce que j'ai ressenti lorsqu'il a joué : cela valait le meilleur alcool du monde, à n'en pas douter. Alors, je tourne doucement mon visage vers lui. « Rejoueras-tu un jour pour moi ? »

Ce n'est pas une supplique. Ce n'est pas une demande. C'est une simple question. J'ai besoin de cette information car, en fonction de la réponse, je vais avoir besoin d'une certaine dose d'alcool.


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Victor — Gabriel


F. Kafka a écrit:
Cette grave blessure, […] elle resta comme un visible souvenir, fichée dans sa chair - parut rappeler, même à son père, qu’en dépit de la forme affligeante et répugnante qu’il avait à présent, Gregor était un membre de la famille, qu’on n’avait pas le droit de le traiter en ennemi et qu’au contraire le devoir familial imposait qu’à son égard on ravalât toute aversion et l’on s’armât de patience, rien que de patience.

Étrange, surprenant, ces termes florissant dans l’esprit de ceux qui iraient juger Victor comme une personne dénuée de tout, même de ce genre d’attentions. Victor agit par instinct et ne "réfléchit" qu’en conséquence, c’est une ligne directrice qu’il suit, prend le risque d’emprunter divers sentiers afin d’y parvenir. Au risque de s’égarer, mais ça n’arrivait que rarement. Comme si la notion de risque existait chez lui…de toute évidence, non. La peur - qu’est-ce que c’est, la peur, au juste ? Il ne s’en rappelle pas, plus, ou ne veut pas que ce soit le cas. C’est beaucoup mieux ainsi, New York comme beaucoup d’autres contrées n’ont pas à subir ça. Ça ne fait pas partie de sa mission. Ça ne fait pas partie de lui non plus. Prend un praline, Narciso…tu vas mourir de faim !, non, il ne mourra jamais de faim, se disait-il. Il ne mourra tout simplement pas. Pas tant que ses activités ici-bas ne soient reconnues et vivement récompensées par la Sainte Mort, l’entité maîtresse. Un jour, lui aussi, il pourra accéder au Mictlan. Le Royaume des Morts. Un jour…mais il lui semblait pressentir que ce chemin allait être long. Plus long qu’il ne l’aurait imaginé. Mais l’élu ne se posait pas plus de questions, il avait simplement envie d’être reconnu, et plus que jamais par ce Dieu qu’il aimait tant.

Les derniers mots de Gabriel qui lui reviennent en mémoire l’irritent péniblement, tenta même de les chasser en fermant vainement les yeux en laissant un instant son front reposer sur l’épaule du maestro. Il est mort. George est mort. Mais pourquoi est-ce que cette bénédiction te fait-elle tant souffrir ? Car s’en était une. George aurait pu rester coincé ici dans l’attente d’être libéré de ses tourments…et l’allemand aurait pu être l’un des rares à pouvoir l’y aider. L’homme était presque certain qu’avec un tel repos, il pourrait entrer en contact, même bref, avec ce défunt dont il ne voulait même plus entendre prononcer le nom. Est-ce que Victor irait lui proposer quoi que ce soit ? Certainement pas. Il veut qu’il saisisse cette chance tout seul. Il veut qu’il change d’avis, ou se mette au moins à douter sur la question. De toute évidence, ce monsieur Torres n’est pas issu d’une famille hispanique latine, plutôt espagnole. Ce qui expliquerait aussi ce premier écart. Néanmoins, comme énoncé plus tôt, le tatoué n’était pas à se triturer autant la tête. Les pensées allaient et venaient, difformes et brouillonnées, incapable d’y faire face lorsqu’elles se présentaient aux portes de sa conscience. Alors, il ôta son front et écouta les derniers mots de l’homme aux boucles d’ébène. Le mot qui revint vibrer en écho dans sa tête fut celui-ci : égoïste. Mais il est peiné de l’admettre.

Sa main froide était entourée d’une soeur étrangère, dont la chaleur était plus humaine que la sienne ne pouvait l’être. Et puis, il incline son visage vers le sien, bien qu’il ne puisse pas le voir complètement. Juste une partie, mais ses yeux faisaient partie du lot. C’était déjà, en soi, un peu trop. Le regard du violoniste était perdu dans un réel vide. Il tenait toujours cette bouteille de rhum et ne la céderait visiblement pas immédiatement à Gabriel. « Narciso n’aide pas les égoïstes qui s’ignorent, » lui murmura t-il, l’air d’avoir compris plus que jamais l’étendue du problème qui semblait ronger le maestro et qui, de toute évidence, faisait ricochet sur Victor. Il avait posé ces mots sans agressivité, c’était dans un faux souffle qu’il avait dissipé cette vérité dans l’air. Le dénommé Narciso sait que ça ne va pas lui plaire. Et quoi ? Qu’allait-il faire de plus ? Lui briser les jambes pour qu’il ne bouge pas, il en serait capable. Juste pour qu’il l’écoute. Parce que ce qu’il disait, il ne le jetait pas par hasard. Lui, il avait de la chance d’être en un seul morceau ce soir. Il avait de la chance que les esprits soient de son côté. À moins que ce soit lui qui le soit et ne l’accepte pas. Le garçon tire vers lui la bouteille sans réel effort, la glissant de nouveau le long de son corps. Elle est contre la face latérale de sa cuisse. Et il ôte sa main. Il la glisse comme tout à l’heure, mais dans le sens inverse, libérant le trentenaire de son étreinte.

Pourquoi a-t-il fait ça, docteur ?, fit l’un derrière la porte verrouillée de la pièce d’isolement. Allez demander à un fou pourquoi il entend des voix, monsieur…, lui rétorqua t-il avec un sourire narquois, accompli. Ce n’était pas lui le fou après tout, il avait la science infuse. Le subordonné murmure. Mais enfin, il a arr… Le médecin se reprend, lui coupant la parole. Naturel. C’est naturel pour ces énergumènes. Enfermez-le jusqu’à nouvel ordre. Ces voix existent, avait-il commencé par dire, les membres tremblants. Elles ont besoin de moi ! Je dois les aider ! Le coche se referme et il s’était mit à frotter ses ongles frénétiquement, finissant par arracher le tissu qu’on dont on l’avait embaumé. Ils finissent contre ses bras nus qui se lacérèrent. Mais même ça, ça ne lui faisait rien, ça ne l’apaisait pas, et ça lui crevait le cœur. Il ne sentait que le vide, mais aussi la peur, cette terrible peur à l’allure de ronces. Dans ses divagations internes, Victor s’était mit à reculer lentement sans savoir où il mettait les pieds, ni où il allait. Un choc se produisit, son corps vibra un instant, l’informant qu’il avait atteint un obstacle. Ce qu’il n’avait pas senti par contre, c’était les morceaux de verre qu’il venait de s’enfoncer a priori dans la paume de la main en voulant s’appuyer près de l’évier. Deux gros morceaux avaient sauté sur les rebords, avec d'autres projections moindres. Ils s’étaient logés dans cette extrémité sans crier gare, si fort que sa main maigre n’avait pu braver sa longueur. Ce n’est que le bruit de verre qui frotte sur l’inox qui l’interpelle, il regarde alors, l’air de rien, ce qui semble être un « estropiage » qui aurait dû valoir un séjour aux urgences. Ailleurs, il ignore si Gabriel s’est retourné ou non, s’il a assisté à quoi que ce soit ou s’est contenté de bouillonner en silence. Victor a désormais le nez au dessus de l’évier, mais il ne lâche pas la bouteille de son autre main. C’est à ce moment-là qu’il répond à sa question, la dernière, celle qui tiraillait tant le coeur passionné de son hôte.

« Parle-moi et je jouerai pour toi. »

Il n’avait pas réellement le choix. S’il ne lui parlait pas, non seulement il n’allait pas pouvoir boire ce soir, mais il n’aurait pas l’opportunité de l’entendre jouer à nouveau. Alors qu’il était en train de remuer un peu sa main au dessus de l’évier pour voir si le morceau allait sortir de lui-même - ce qui n’était pas le cas - il poursuivit, au risque de se prendre d’autres coups. Mais là au moins, l’équilibre serait définitivement rétabli, ce n’était pas plus mal. « Pourquoi Gabriel Raul Torres n’est-il pas en paix ?, sa voix était posée et le restait contre ce qu’il pouvait se passer autour de lui. La main du tatoué est en sang, ce dernier glisse le long de son avant-bras. Son silence permet à Gabriel de digérer ses premières paroles (si ce n’était que ça). Victor attrapa le bout du plus gros morceau de verre avec ses dents et tira afin de l’extirper de sa prison de chair, sans prévenir ni expliquer son geste outre mesure. Le premier - et plus gros morceau - tombe dans l’évier, claquant contre ses autres comparses éparpillés. « George l’est, lui. Ça n’a pas été aisé pour lui de traverser. » Sa voix est assurée, ça se sent, ça se lit, il sait. Il le nomme car il mérite qu’on le fasse. Comme tout ceux qui sont passé dans l’outre-monde, peu importe la façon et les difficultés rencontrées pour y parvenir. « Mais toi, Gabriel, tu es égoïste. » C’était ce que pensais Victor, c’était là aussi la seule explication possible. Il se retourne un peu plus vers lui, remuant légèrement la bouteille de rhum et évitant habilement son regard. Il ne pouvait pas lui en vouloir d’être triste. Il ne pouvait pas. Mais d’être égoïste au point d’effacer George de ce monde, de pervertir sa mémoire sous prétexte d’une souffrance ‘insoutenable’…ça, il ne comprenait pas. Comme il ne pouvait accepter le fait qu’il soit désormais en paix, là-bas, contrairement à lui. Gabriel perdait son temps à se faire souffrir ainsi. « Si tu es en colère, sois-le contre toi. Pas contre moi. » lui avait-il avoué. Il a quelque chose qu’il gardait en lui. Il a quelque chose qu’il ne veut pas dire, mais qu’il finirait par dire un jour. Narciso encaisse pour le moment. Tout. Ça durera le temps qu’il le pourra, avec ses fluctuations. Des morceaux de verre sont encore encastrés, mais la première blessure se referme déjà dans cette main qu’il avait refermée pour former un poing semi-squelettique.

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We came in peace (Gabriel)

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