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 SHE WAS ALREADY GONE | One Shot

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Primrosae Dahl
Primrosae Dahl
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SHE WAS ALREADY GONE

Primrosae Dahl | One Shot

Il parait que la nuit porte conseil. Celle de Primrosae, ça n'avait pas été le cas. Allongée dans le fond de sa baignoire, l'eau chaude montait doucement mais sûrement. Son regard était vide de sens, vide de vie. Elle observait le robinet craché son eau comme s'il la refusait en lui, comme s'il cherchait à s'en débarrasser à tout prix. Depuis des mois, elle se sentait comme lui. Piégée, forcée, avec la forte envie de tout faire pour se débarrasser de ce qui la gênait. Sa teinture violette de la veille commençait à déteindre dans l'eau. Les tâches étaient hypnotisantes. Elles s'étalaient avec lenteur, cherchant à prendre toute la place dans la baignoire mais le jet d'eau semblait les repousser loin de lui. Il remplissait la baignoire, se souciant peu des tâches, se souciant de rien. Primrosae était comme lui, oui. Égoïste, ne cherchant qu'à remplir ses objectifs sans se soucier des autres. Pourtant, elle n'avait pas le choix depuis des mois de faire avec les désirs de Jeremiah, d'accepter ce bébé qu'elle portait sans savoir de qui il était vraiment. Ça aurait pu s'arrêter là, elle commençait à accepter son sort, elle commençait à se dire qu'une fois sorti, elle l'oublierait, elle laisserait Jeremiah s'en occuper, s'en débarrasser parce qu'il l'avait promis et qu'elle lui faisait peut-être bêtement confiance. Pourtant, elle le savait, donner sa confiance c'était comme vouloir courir sur une piste glissante: on s'y casse les dents. Néanmoins, elle ne pouvait pas faire autrement pour la seule raison qu'il était le seul à ne pas lui avoir tourné le dos depuis l'annonce de cette grossesse et sûrement le seul à la maintenir vraiment en vie en faisant attention à ce qu'elle ne fasse pas n'importe quoi. Ce n'était pas que théorique, c'était réel. Il était là même quand elle se montrait exécrable avec lui, hormones ou non d'ailleurs.

Ce matin, elle n'y arrivait plus. Elle ne pouvait plus tenir la promesse à demis mots qu'elle lui avait faite. Garder cet enfant, ne lui faire aucun mal jusqu'à sa naissance. Enfin cet enfant... ce monstre, au regard de Primrosae, serait plus exact. Tout allait bien jusqu'à hier soir, sur les coups de vingt-deux heures. Elle avait quitté son entreprise très tard, elle était seule à passer les portiques de sécurité qui, dorénavant, avait des détecteurs de gêne X, comme tous les portiques détecteurs de métaux de la ville. Elle s'en souciait peu jusque-là - sauf au début, bien entendu, car grâce à eux, elle avait pu virer des employés et même en tuer certains mais ça c'était une autre histoire - mais hier soir, ils ont pris un tout autre sens. Quand elle quittait Dahl CORP. à son passage, les détecteurs s'étaient illuminés de rouge. Jamais ils n'avaient fait une telle chose. Elle avait cru à un bug informatique, une connerie du genre, elle s'en était persuadée jusqu'à ce que dans la rue, une sentinelle l'interpelle et lui ordonne de faire recenser son enfant dès sa naissance. Cette bestiole haute de quatre mètres, sans émotion, incapable de comprendre l'humanité dont elle se croyait dépourvue, n'avait en rien constaté la détresse sur le visage de la trentenaire.

Elle aurait pu s'appeler Charlotte... ça aurait été probablement une salope comme sa mère, à se faire prendre par deux jeunes types sur une chariote ou à se filmer pour chatroulette mais tant pis. Il aurait pu s'appeler Noah, être en rébellion contre ce père trop religieux et en désaccord avec sa mère trop extrême mais tant pis aussi. Ca aurait pu si elle n'avait pas pris sa décision, si l'idée n'était pas restée bloquée dans son esprit trop étroit pour laisser une chance à ce gamin qui n'avait rien demandé. Dans l'une de ses mains, son téléphone. Le prénom de Jeremiah y était affiché, elle hésitait. Devait-elle le contacter? Si c'était le cas, par sms ou par appel? Elle ne voulait pas qu'il ait le temps de se ramener pour la convaincre du contraire parce qu'elle savait qu'il en serait parfaitement capable. Il la rendait faible, il arrivait à modeler ses pensées et elle détestait ça. Tant pis, elle inventerait un mensonge si jamais il décrochait. Alors qu'elle passait son appel, elle coupait l'eau avec son pied et de son autre main, elle faisait la majorette avec un fil de métal fin. Quand la messagerie lui indiquait qu'elle pouvait laisser un message, c'est un long silence qui s'installait. Seul le son de gouttes d'eau s'écrasant à la surface de l'eau plane de la baignoire se faisait entendre.

Elle pleurait, sans savoir s'en empêcher, sans comprendre. Elle n'avait pas peur de la mort, elle n'avait pas peur d'en finir avec cette grossesse et d'y passer en même temps. Elle ne comprenait pas parce qu'elle n'acceptait pas l'évidence: son cœur était meurtri par ce qu'elle s'apprêtait à faire, il était peiné de briser la confiance que Jeremiah avait mise en elle, peiné de lui faire du mal alors qu'il était amoureux d'elle et ne méritait sûrement pas qu'elle lui fasse un coup pareil. Seulement voilà, elle avait cette sensation de ne pas avoir le choix, de ne pas pouvoir aller contre son éducation et ses convictions. Ravalant difficilement ses larmes, la gorge nouée, elle lui laissait finalement un message, court, explicite, peut-être rempli de détresse sans l'admettre pour autant. « Je suis désolée de ne pas l'être... Je peux pas continuer... Il peut pas vivre Jeremiah... C'est un monstre, je le sais maintenant. » La colère commençait à monter dans sa voix, la détermination prenait la place de ses larmes. Ces dernières n'étaient plus de tristesse, elle était de colère après le monde. Les mutants in utero étaient rares, il fallait que ça tombe sur elle. « Les portails l'ont détectés hier soir, une sentinelle l'a confirmé... Je peux pas le laisser vivre, je peux vraiment pas... C'est plus fort que moi, pardon. » Raccrochant, elle posait son téléphone sur le bord de la baignoire.

Ce n'était que de longues minutes plus tard que des cris de douleur s'échappaient de la maison de la jeune femme qui tentait tant bien que mal de les étouffer ou de les retenir. Le rouge mordait le violet de l'eau, prenait sa place rapidement. C'était douloureux, terriblement douloureux, autant physiquement que moralement mais elle devait le faire sortir ou le tuer à tout prix. Sa détermination était plus forte que le reste, plus folle également. Elle savait parfaitement qu'elle prenait le risque de mourir, elle savait parfaitement qu'elle pouvait échouer surtout à ce stade très avancé de sa grossesse. Elle devait accoucher dans deux mois mais ça n'allait pas se faire, elle s'y refusait. L'enfant en elle réagissait et si sous ses yeux son ventre bougeait, elle ne s'arrêtait pas pour autant, encore plus persuadée que s'il bougeait, c'est qu'il était encore en vie. Bientôt, le sang semblait avoir remplacé l'eau. Livide, elle avait fini par arrêter de se torturer et elle se laissait se vider de son sang. Si elle mourait, il allait mourir avec elle et là était sa plus grande satisfaction. S'accrochant à la baignoire pour ne pas sombrer, elle laissait le cintre heurter le sol de sa salle de bain, tâchant le blanc marbré de sang. Sa respiration ralentissait, ses yeux commençaient à se fermer et pourtant, elle restait calme, comme si elle partait enfin en paix avec elle-même. Dans un dernier effort, elle appuyait sur le bouchon dans le fond de sa baignoire, le faisant se relever pour que la baignoire se vide et se redressant un peu par la même occasion. Elle ne sentait plus rien d'autre que le vide. Elle avait gagné.

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Jeremiah Reagan
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Jeremiah Reagan | Droit de réponse

« Je suis désolée de ne pas l'être... Je peux pas continuer... Il peut pas vivre Jeremiah... C'est un monstre, je le sais maintenant. »

Mon pied écrase le frein, je n'en suis pas conscient mais je le sais parce qu'une voiture m'a embouti. Mon téléphone a dégagé du siège jusqu'au sol, continuant la lecture du message vocal et je suis resté figé contre mon volant, à ne pas pester contre la douleur de cette pression de la ceinture de sécurité contre mes points de suture. Sont-ce des hoquets de peine en haut-parleur, que j'entends ? Ou est-ce l'écho de sa trahison tout simplement ? Les possibilités se dessinent immédiatement dans ma tête, la mort de Primrosae, ou pas ; celle de l'enfant, ou pas. Ma voiture s'est immobilisée sur le côté et le conducteur derrière moi – du moins j'aperçois qu'il s'agit d'une conductrice – sort déjà de son véhicule.

« Les portails l'ont détectés hier soir, une sentinelle l'a confirmé... Je peux pas le laisser vivre, je peux vraiment pas... C'est plus fort que moi, pardon. »

Je dois la rejoindre, maintenant. Je dois la rejoindre, tout de suite. J'ouvre ma boîte à gants et en sors mon arme. Je défaits ma ceinture et quitte ma voiture après avoir remis le moteur que j'entends ronronner normalement. Je cale l'arme dans ma ceinture et rabats ma veste au-dessus pour la cacher aux yeux de la malheureuse que je rejoins. Elle est déjà en train d'exiger son constat et je regarde par dessus son épaule pour constater l'état de son véhicule qui ne semble pas avoir subi beaucoup de dégâts. Elle cale son constat contre mon coffre et agite son stylo. Je me vois caler mes doigts sur la crosse, lui mettre une balle. Sans douleur, sans peur, sans appréhension pour elle. Pour simplement partir plus vite, pour m'en débarrasser.

Mes tempes battent et j'essaie de respirer doucement pour ne pas faire une connerie. Et pourtant, je pourrais, personne ne le verrait, personne ne le saurait. Je ferme les yeux une seconde mais ai un brutal mouvement de recul quand elle pose sa main contre mon épaule pour me demander comment je me sens. Je rouvre les yeux sur elle, me mords la lèvre et empoigne son stylo. Je pourrais... Je me penche sur mon coffre, écris mon nom sur un coin avec mon numéro et signe en bas de page : « Je n'ai pas le temps, ma compagne est enceinte et elle a un problème. Je suis le Pasteur Reagan, je vous laisse remplir et me contacter plus tard. » Je relève le regard sur elle alors qu'elle acquiesce, sentant sans doute mon empressement. Je remonte en voiture puis démarre en trombe.

Le trajet semble long, trop long. Quand je me gare devant chez Primrosae, je ne sais même pas si je récupère mes clefs de voiture ou pas, je me contente d'y aller. Je me précipite vers la porte d'entrée fermée. J'essaie d'y mettre un premier coup de pied, un second. Forcément, elle ne se laissera pas cambrioler, cette garce. Je m'approche d'une fenêtre au hasard, prends mon arme et file un coup dans la vitre, veillant à retirer les morceaux de verre qui pourraient me tomber dessus ou ceux qui m'empêchent de passer. J'enjambe l'encadrement, à croire que ça devient une habitude. La maison est silencieuse. Soit elle est absente et le service de sécurité privé, ou les flics, me demandera pourquoi j'ai déclenché l'alarme silencieuse, ou elle est terrée quelque part. Attendant elle aussi de se prendre une balle dans le cœur.

J'entre dans la cuisine, perdu entre la peur de ce que je vais trouver, l'envie d'être en colère contre pour m'avoir menti. Mais rien, la colère s'écrase sous l'inquiétude, je prends quelques secondes avant de finalement l'appeler, sans réponse. « Primrosae ? Prim ? Prim ? » Chaque fois que je pousse une porte, je suis à la fois rassuré de ne pas y trouver son corps, et inquiet de ne pas découvrir son visage contrarié par ma présence intrusive. Finalement, j'arrive à sa chambre aussi bien rangée qu'une chambre d'hôtel après le départ de ses visiteurs. Aseptisée, comme voudrait l'être la belle tueuse aux mille visages. Finalement, ma main rencontre la poignée de la salle de bains et alors que je prends conscience de la scène qui s'offre à mon regard stupéfait, je ne peux rien dire.

J'attends une seconde, deux au plus avant de m'approcher d'elle. Je dégage ce maudit cintre d'un mouvement sec du pied et plonge immédiatement les bras dans le bouillon sanguinolent pour en extraire le corps de Primrosae. Ses paupières rabattues sur ses yeux et ma propre panique m'empêchent de réaliser immédiatement que sa poitrine se soulève péniblement au rythme d'une respiration faible. L'eau rouge s'étale davantage sur le marbre et mes mains encadrent son visage alors que j'essaie de l'appeler. Ma main couvre son cou le temps de chercher un pouls et quand je le trouve, j'ai l'impression de pouvoir respirer à nouveau moi-même. Putain de téléphone resté dans la voiture. Je la prends dans mes bras et alors que je l'éloigne de la salle de bains, je ne cesse de lui dire que ça va aller, je lui ordonne de vivre, je lui crache de survivre et nous rejoignons le salon. Je manque de tomber plusieurs fois, j'ai la tête qui tourne et mon bras me fait terriblement mal. Mais je la garde tout précieusement contre moi jusqu'au salon où je la laisse sur le canapé. Je retire ma veste de laquelle je la couvre et prends quelques secondes pour appeler les secours, faisant état de sa tentative d'avortement chez elle, évidemment.

Revenant près d'elle, je m'agenouille à ses côtés, restant tout contre elle pour qu'elle n'ait pas froid. Mon front vient rencontrer son menton et je ferme les yeux. J'essaie de faire le vide mais je ne peux m'empêcher d'avoir peur... peur de la perdre. Cela l'horrifierait car n'est-ce pas là cette faiblesse qu'elle supporte si mal ? Cet attachement incontrôlable à l'autre ? Oui, je suis attaché à Primrosae et en dépit de ce qu'elle a pu croire, je l'aime plus que j'aime cet enfant. Je le réalise maintenant que je suis auprès d'elle, comptant les secondes qui nous séparent de sa prise en charge. « Il ne reste que nous, contre le monde. Ne me laisse pas, pas ici sans toi... » Je survivrai que tu me détestes, je survivrai que tu m'en veuilles, je survivrai que tu me trompes, je survivrai que tu me méprises parce que tu reviendras vers moi, comme je reviendrai vers toi. Alors cette fois, cette seule fois, fais ce que je te demande et abandonne ton bras de fer avec la vie. Tu ne gagneras pas, abandonne et vis. Je reste tout contre elle, reprenant son pouls de temps à autres. Je me sens inutile, terriblement inutile face au sang qu'elle perd et qui imprègne le canapé. Je reste auprès d'elle jusqu'à ce que l'ambulance arrive. Je ne la quitte que pour leur ouvrir.

Ils la prennent en charge, je reste quelque peu hagard, appuyé contre le canapé sale. L'un des ambulanciers, avant qu'ils ne partent me demande si je suis blessé. Je baisse les yeux sur ma tenue et réalise en me redressant qu'il a un mouvement de recul, se mettant à fixer l'arme que je porte à la ceinture. Je souffle un bon coup, essayant de reprendre un peu contenance puis me dirige vers la sortie. Je lui crache juste un « Elle a voulu avorter, ce n'est pas une blessure par balle. En route, je vous suis. » Il me semble qu'un « abruti » se perd quelque part dans la phrase et comme convenu, je lui accompagne, sans même avoir le temps de l'apercevoir plus de quelques secondes avant qu'elle ne parte en chirurgie. La grossesse de Primrosae, comme la relation étrange que nous entretenons est un secret et pourtant, c'est naturellement que je me présente comme son compagnon lorsqu'on me demande qui je suis. J'ai jeté l'arme sur le trajet de l'hôpital et me voilà maintenant à attendre. La seule rencontre que j'ai avec un médecin est ce bref échange qui consiste à me dire qu'elle a perdu beaucoup de sang, que le pronostic vital est engagé, ainsi que celui de l'enfant. Assis dans la salle d'attente, penché en avant, je me retiens simplement de vomir. Je relève mes yeux rouges sur lui, et réponds froidement : « Peu importe l'enfant, sauvez-la. » J'ai un goût amer dans la bouche, je manque d'appeler Lewis, pour lui demander ce que je dois faire maintenant. L'enfant serait-il viable ? Et s'ils provoquent sa naissance, que ferais-je de ce prématuré ? Le plus judicieux serait de l'emmener et l'abandonner à Lewis pour qu'il le cache, dans un endroit inconnu de Primrosae et moi. Mais quelles chances aurait-il de survivre maintenant ? Je passe la main sur mon visage, laisse les heures mourir avant qu'on ne m'annonce qu'elle a quitté la chirurgie et est stabilisée. Il ne me faut pas plus d'informations, et je la rejoins dans ma chambre où elle dort désormais. Je me cale dans le fauteuil près d'elle et avant qu'il ne nous laisse, le médecin juge bon de préciser : « Votre enfant est sauf. » La porte claque. À moins que ce ne soit les espoirs de voir Prim accepter la vie de cet enfant qui ne viennent d'être détruits. Elle m'avait dit qu'elle ne le ferait pas, elle devrait lui laisser une chance. Je rabats mes genoux contre mon torse et les entoure de mes bras. Bravo Primrosae, tu as vraiment gagné.

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