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 Beggining of the end. ♦ WAYDEN

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Warren Worthington III
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Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
En qui vont les péchés d’un peuple, ni creuser
Dans tes cheveux impurs une triste tempête
Sous l’incurable ennui que verse mon baiser

Mes bras grand ouverts. Mon dos grand ouvert. Les yeux gonflés grands ouverts. Mes lèvres tremblent, mais ne sont plus capables du moindre mot. Ils sont restés vains, tous sont restés vains. Je retiens mon souffle quand je crois apercevoir Kayden en face de moi. Ma cage thoracique semble s'écraser sur elle-même quand je vide mon poumons de l'oxygène qu'ils contenaient. Je fais un pas en avant, mes ailes toujours dans les bras. Je lève le visage, pas par fierté mais parce que je ne peux pas les voir ainsi. Mes bras tremblent, chaque partie de mon corps demande à s'effondrer, et j'en ai profondément envie aussi. Mais je me rapproche lentement de lui. Mes pensées s'écrasent les unes contre les autres, je ne sais pas ce que je dois faire, ce que je dois dire. Je ne comprends pas ce qui vient de se passer ni comment je suis arrivé là. Petit à petit, mon corps émerge et les petites sensations se réveillent comme si elles voulaient écraser la douleur de mon dos, de mes ailes manquantes. L'odeur de l'eau vinaigrée qui empeste. La douleur sur mon visage due au coup de pince. Mes pas sur le sol qui me meut sous moi, tente de me faire tomber. J'entrouvre les lèvres pour lui parler, le supplier d'être réellement là, le remercier d'être réellement là, l'empêcher d'être réellement là... au lieu de ça, mes genoux se plient. Les ailes s'écroulent sans la moindre résistance. Et moi. La sensation des bras de Kayden qui me rattrapent. L'envie de me dire « c'est fini » ou « ce n'était qu'un cauchemar... ». Cette envie enfantine et irréalisable.

Il libère mes lèvres, j'ouvre grand la bouche, besoin de lui dire, besoin de la prévenir, besoin de les avertir. Mon corps s’effondre contre le sien, mes muscles se détendent tous, je me cramponne à l'un de ses bras comme s'il s'agissait là de l'ancre qui m'empêchera de partir et dériver dans une nuit sans lendemain. Je reste ainsi, les mains faiblement serrées autour de son bras. Ma tête appuyée contre lui. Assis au sol, mes ailes allongées de part et d'autre de cette étrange silhouette difforme que nous formons.  Son souffle s'accélère quand le mien tend à s'éteindre. Ses muscles se tendent quand mon corps demande simplement un peu de paix. Je voudrais être ailleurs, simplement ailleurs, loin d'ici... je serre à nouveau les lèvres. Et la simple idée qu'elles soient si loin de moi me fait monter les larmes aux yeux. J'ai besoin de fermer les yeux quelques instants, simplement quelques instants. Mes bras continuent de reposer lâchement, un contre mon propre bassin, l'autre dans le vide. Je sens le bitume froid du bout des doigts.

Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts :

Les mots de Kayden me viennent comme une promesse lointaine, comme un souvenir duquel j'aurais du mal à me souvenir. Son souffle chaud me rappelle constamment sa présence. Je les ferai souffrir. Tout en moi, tout ce que je suis, tout ce que j'ai été s'élève contre cette promesse. En mon for intérieur, je sens que je devrais serrer Kay contre moi et lui dire que c'est terminé, qu'il a gagné la paix. Je devrais le faire mais je n'y arrive pas. Mes doigts se posent davantage contre le bitume, cherchent à y prendre appui. Je me mords la lèvre, c'est ma faute. Mes yeux cherchent le ciel. Elle leur a fait mal, elle les a pliées, elle les a cassées, elle les a coupées. J'articule deux mots sans sons, ma bouche elle-même est confuse. Mes doigts rejoignent ma joue quand je ne peux pas retenir une nouvelle larme qui la traverse malgré tout.

Deux mots. À peine les eus-je prononcés que je les oublie. Quoi ? Emmène-moi. Trop tard. Pardonne-moi. Ma faute. Sauve-les. Mes yeux s'arrachent  au coin de ciel que j'aperçois et pénètrent ceux de mon frère, écartant la douleur, la colère, tout ce que je vois sans pouvoir réellement le décrypter à cet instant. Je les ferai souffrir. Mes yeux s'écarquillent. Je les ferai souffrir. L'angoisse m'empoigne, elle me serre violemment alors je pose la main contre l'épaule de Kayden, m'y cramponnant comme je peux : « ma... ma... » mes doigts se serrent mollement contre son épaule. Je devrais me remettre debout, mes jambes fouillent le vide. « Ma mère ! Ma mère ! Kay je... » Le son de ma voix éraillée me fait mal, je ne me reconnais pas quand je parle, quand je lui crie dessus. Ma gorge me fait mal. Et mes ailes, c'est une douleur sans nom. Je crois les sentir dans mon dos, se tordre, les petits os brisés pressés contre les plus gros. Je me presse contre lui, prends sur moi pour essayer d'articuler, pour essayer de le presser : « Va chercher ma mère et Rachel ! Va les chercher ! Je t'en supplie ! »

Car le Vice, rongeant ma native noblesse,
M’a comme toi marqué de sa stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est habité

Mon corps étranger s'amuse à tirer dans tous les sens. Dans un geste qui m'arrache un râle de douleur, je lève mon bras et le plie pour amener ma main dans mon dos. Sous mes doigts, les fils. Je les sens, dans cette anarchie totale, dans cette crasse de sueur, de sang, de peur. Mes ongles s'accrochent aux fils, mon visage ne sait pas. Il ne sait plus. Il oscille entre la terreur et le dégoût. Le froid commence à mordre ma peau, je tremble. Une brise fait voleter quelques plumes sales sous mes yeux alors que l'horrible vision d'agrafes les maintenant m'arrache un cri sans mot. Mes ongles touchent les files, cherchent à s'en saisir. « Va les... Retire-moi ça ! » Je sens mes ailes, je les sens dans mon dos. Je les sens, elles sont là ! Je peux battre des ailes, ne peux-tu pas le voir ? Tu ne peux pas le sentir comme je le sens, je sens qu'elles sont toujours vivantes, je sens qu'il me suffit d'y croire pour battre des ailes, pour fuir, pour m'envoler au loin, au-delà de la nuit, au-delà des nuages, au-delà du monde ! Elles sont là mais il y a ces fils ! Ils ne font pas partie de moi !

Je cherche à les retirer, les gratter, les arracher, les déchiqueter, le bras de Kayden m'en empêche. Arrête, ils m'empêchent de voler. Je vais y arriver. Ce n'est qu'un piège, ce n'est qu'une astuce ! Leur sérum ne me fait rien. Mes jambes fouillent à nouveau le vide, je baisse un regard horrifié sur mes doigts entachés de mon propre sang. Je regarde mes flancs rouges. Je déglutis. Elle va aller les chercher, elle va leur faire du mal. Vas-y, je volerai. Je te suivrai. Mes os orphelins cherchent les humérus mutilés, se baladent dans la chair meurtrie, mes yeux cherchent le ciel, mes poumons cherchent leur souffle. Finalement, mes mains viennent couvrir mon visage. « Va les chercher... Laisse-moi mourir ici, s'il te plaît, Kayden. »

Par un cœur que la dent d’aucun crime ne blesse,
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.
Angoisse. S. Mallarmé
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Kayden T. Jefferson
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Beggining of the end.
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Je le tenais dans mes bras, je le serrais dans ma rage, je ne voulais pas le lâcher. Je ne voulais plus le lâcher. Je voulais le garder là à jamais car c'était le seul endroit où il serait en sécurité. Je le voulais à ma portée pour que plus jamais il ne souffre. Car j'avais fais l'erreur, l'erreur de le croire à l'abri du danger, l'erreur de penser qu'il ne lui arriverait jamais rien. Il était le bien. Pour moi. Pour les autres. Il était le bien et ça avait été naïf de croire que ceci n'arriverait pas. Car le monde lui, le monde était le mal. Il n'était pas ma responsabilité, il était mon frère, il était bien plus que ça. Je ne pouvais décrocher mon regard des sutures dans son dos, des plumes souillées qui jonchaient le sol. Ça me donnait envie de vomir mais la colère me contenait. Il commençait à bouger, à reprendre le contrôle sur son corps. Il se redressait et je le laissais. Je ne voulais pas qu'il quitte le refuge de mes bras mais je ne pouvais pas l'y emprisonner. Je cherchais son regard mais il voyait ailleurs, haut dans le ciel, l’inatteignable désormais. Il parlait mais aucun son ne sortait. Le regard brouillé, je n'avais pas pu observer ses lèvres bouger et j'attendais qu'il répète mais l'angoisse qui le prenait rendait la chose compliquée.

Ne savait-il pas alors? Ou était-ce l'état de choc? Ces enfoirés lui avaient-ils fait croire qu'ils les tenaient? Ou avaient-ils prévu de venir après elles? Il tenait mon épaule mais je sentais la mollesse inhabituelle de la pression de ses doigts. - Elles vont bien, mon grand. Ne t'inquiètes pas. - Mais il n'écoutait pas. Son attention planait, elle passait de moi au ciel, des femmes de sa vie à ses fils dans son dos. Il se torturait pour remonter sa main jusqu'à eux et je le regardais faire, impuissant, jusqu'à le voir commencer à essayer de tirer dessus. - Warren, qu'est-ce que tu... - « Va les... Retire-moi ça ! » - J'inspirais. Je n'avais pas la force de crier, pas la force de gronder. Pas contre lui. Pas pour ça. Pas maintenant. Je ne le voulais pas. - Arrête ça. Tu vas faire une connerie. - Mais il n'écoutait pas. Il continuait et ses ongles en saisissaient un. - Ça suffit. - Et je ramenais son bras devant, avec force. Il ne voulait pas écouter. Il était comme possédé. Je ne sentais plus ce qu'il sentait, je ne faisais que voir, observer, constater, ressentir la frustration de ne pas pouvoir prendre sur moi sa souffrance. Je sentais encore l'échos de la douleur que j'avais subi. Qu'il avait subi. Comme un spasme lent qui irradiait tout mon corps. - « Va les chercher... Laisse-moi mourir ici, s'il te plaît, Kayden. »

J'inspirais dans un sanglot. Je devais garder mon sang froid. Je ne pouvais pas craquer. Pas maintenant qu'il avait repris conscience. Pas maintenant qu'il pouvait le voir. Moi je voyais les sillons de larmes sur son visage sali et je tentais de me contenir. - Elles vont bien. Je ne vais nulle part. Je ne te quitte pas. - Il recommençait à s'agiter. Il recommençait à chercher quelque chose du regard, à s'inquiéter pour elles, pour Rachel, pour sa mère. Il recommençait à vouloir attraper ces fils qui tiraient dans son dos. Il allait se faire mal et c'était stupide de dire ça comme ça. Je passais sur ma bouche une main fébrile, laissant sur ma joue une trace de sang, le sien, et venait l'enserrer de mes bras pour tenter de le garder immobile. Peine perdue. Ma main remontait jusqu'à sa nuque, à la recherche d'un point bien précis, et je relâchait mon étreinte pour y joindre mon autre main. - Je ne te quitterais plus jamais. - Et je faisais pression. J'appuyais sur ce point précis, ce lien sanguin entre corps et tête. Je faisais pression jusqu'à l'inconscience forcée. Je faisais pression jusqu'à ce qu'il s'écroule contre moi, les yeux fermés, paisible. Était-ce seulement possible? Paisible? Je frissonnais.

Je ne pouvais pas rester là. Pas comme ça. Pas alors qu'il avait des plaies partout et ces deux grosses sutures qui devaient être correctement nettoyées et refaites. Dans une autre situation je l'aurais simplement ramené à la maison et l'aurait soigné moi-même, ou discrètement du moins. Mais là c'était plus grave. Là c'était d'un tout autre niveau. Là j'éliminais toute gravité sur lui, sur moi, sur les ailes et le sac en toile. Là je nous faisais voler et je nous transportais au dessus des immeubles. Je nous emmenais dans l’hôpital le plus proche. Je nous faisais atterrir juste devant l'entrée. Derrière moi flottaient le sac et les ailes. Dans mes bras demeurait Warren. Sur mon visage se montraient inquiétude et peur, colère et perdition. Je me contrefichais qu'on me voit, qu'on me voit atterrir, qu'on me voit utiliser mes pouvoirs. Je me fichais qu'on me recense ou qu'on me tire dessus. Je me fichais bien de ce qui pourrait arriver du moment que Warren était pris en charge. Lorsque deux brancardiers venaient avec un lit j'y déposais Warren. Deux infirmières se joignaient au convoi et je les suivais à pas rapide jusqu'aux portes anti-feu où on m'arrêta. Les ailes flottaient toujours. Je n'avais aucun espoir les concernant et le visage de l'une des infirmières, qui avait vite compris ce qui s'était passé, ne faisait que confirmer mes craintes.

Je me retrouvais seul dans le silence relatif des urgences. Seul avec mes pensées et ses ailes qui hantaient mes pas. Je tournais en rond. On venait me demander si j'avais besoin de soins moi aussi, plusieurs fois, mais mes blessures n'étaient pas physiques. Elles étaient ouvertes, béantes, à vif, mais elles n'étaient pas physiques. Je tournais en rond, son sang ornant ma joue, ses ailes reposant sur deux chaises. J'étais incapable de m'asseoir, animé par la colère et l'inquiétude. A un moment une auxiliaire venait avec de quoi nettoyer le sang que j'avais sur les mains et le visage. Mes vêtements étaient fichus. Quelle importance. J'accepterais la nudité à vie pour le voir sortir de là avec deux nouvelles ailes parfaites et flambants neuves, ses plumes blanches revenant éclairer sa présence. Je prenais ma tête entre mes mains. Oh mon Dieu qu'allait-il se passer ensuite?
Le temps avait filé et je dois dire que j'en avais perdu le fil. L'attente, les raisonnements emprunts d'émotions qui obscurcissaient toutes mes pensées, tout ça m'avait fait perdre conscience du monde qui continuait de tourner. Je n'avais repris le dessus que lorsqu'on était enfin venu me chercher pour le rejoindre. Ils lui avait trouvé une chambre simple mais il ne s'était pas encore réveillé. J'avais demandé à ce qu'on mette ses ailes au frais. La morgue était tout indiqué et même si la symbolique me dérangeait, je n'avais pas d'autre option pour les garder à l'abris.

J'avais rejoins Warren. J'étais entré dans la petite pièce et l'avais vu allongé dans le lit, vêtu d'une robe de chambre de l’hôpital, sous les draps blancs. Dehors il faisait encore nuit. Pour combien de temps, je n'en savais rien. Warren était allongé sur le dos. Il ne pouvait pas. Je ne l'avais jamais vu ainsi. C'était pas normal. J'évitais de me concentrer sur ça pour me focaliser sur son visage. J'y voyais quelques plaies nettoyée et son teint pâle, son front parsemé de ses cheveux châtains. Je tirais le fauteuil et m’assaillait à son chevet, attrapant sa main. Elle était si froide, mais je sentais son sang pulser dans ses veines et ça me rassurait, plus que le bip incessant de la machine au dessus de lui. J'attendrais son réveil. Ici. Je ne le quitterais plus. Sans lâcher sa main je me penchais en avant et posais ma tête sur le matelas, mon regard rivé sur son visage si calme.
Oui. J'attendrais son réveil.


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Kathryn est une femme posée, qui pèse chacun de ses mots, chacun de ses gestes vingt secondes à l'avance. Elle aime la discussion, elle aime le débat, elle aime prendre son temps. À cet instant, son ordinateur gît au sol, près d'un vase qui pleure les dernières gouttes d'eau. Parce que Dayle ne répond plus, parce qu'il lui a demandé où se trouve Warren, parce qu'elle sent que quelque chose ne tourne pas rond et qu'elle ne parvient pas à savoir quoi.

Il devait être une petite fille, son ange, après des mois, des années d'attente. Il a été son petit miracle et dès qu'elle a posé les yeux sur lui, elle savait qu'il ne serait qu'à elle. Alors elle a appelé les morgues, les hôpitaux, les commissariats toute la nuit avec l'aide de Tobias, sans qu'ils ne mettent la main sur son fils. C'est dans la nuit, alors qu'elle est de retour vers New York que Dayle la rappelle, lui dit de venir. Sans que l'un des hôpitaux ne l'ait recontactée pour lui dire qu'ils ont une trace d'un W. Worthington. Elle se rend à l'hôpital, se précipite, presse Tobias pour qu'il accélère, il lui a dit que ça ne changera rien...

Mais elle se précipite dans les couloirs. Elle cherche la chambre. Elle appelle son fils, sans obtenir de réponse. Les portes entrouvertes lui font peur, elle y aperçoit des corps, des corps, des corps, pas des patients. Et elle arrive devant celle de Warren. Kathryn se fige quelques secondes derrière, la main posée contre la poignée. Son cœur bat la chamade, elle n'a plus de souffle, elle n'est pas sure de pouvoir tenir vingt secondes de plus ainsi alors elle entre, prudemment. Ses pas sont lents, ses jambes lourdes, la silhouette des jambes de Warren sous le drap. Elle porte la main à sa bouche, se retient du moins bruit. Les bruits mécaniques lui font peur. Elle pose la main sur le mur puis sent Tobias derrière elle qui la soutient physiquement. Dayle est endormi dans le fauteuil tout près du lit. Il ne porte pas ses vêtements, ce qui laisse à penser qu'il n'est pas rentré chez lui depuis qu'ils sont arrivés ici.

Kathryn et Tobias approchent et son regard de la mère remonte le long des jambes couvertes pour découvrir son fils « endormi ». Le bruit du monitoring a installé un bruit de fond routinier qui lui fend le cœur et quand ses mains s'approchent de son visage, elle craint de heurter le tube qui lui entre dans la bouche et attrape la main gauche de Warren de la sienne, la serrant si fort qu'elle peut. De l'autre, elle se met à lui caresser le front. « Oh mon bébé... » Il demeure immobile, mais il y a... Soudain, elle lève le drap d'un mouvement brutal. Elle constate l'impensable, sa bouche s'ouvre en grand et elle pousse un hurlement dans la chambre. Dayle se réveille brusquement, tendant machinalement un bras dans la direction de Warren qui n'a pas bougé. Tobias prend Kathryn dans ses bras et la fait simplement sortir de la chambre. La porte se referme derrière eux et Kay se laisse tomber simplement au sol. Tobias l'accompagne et cale le visage de la femme contre lui pour la calmer alors qu'elle essaie simplement d'articuler : « Mais qu'est-ce que... qu'est-ce qu'ils ont fait à mon petit poussin ? » Il lui caresse les cheveux, alors qu'elle essaie de reprendre contenance mais que la vue de Warren ainsi allongé... sur le dos... lui déchire les entrailles. Elle se sent soulagée de l'avoir vu vivant mais on a blessé son enfant, on l'a amputé d'une partie de lui et elle ignore pourquoi. Alors qu'un médecin s'approche, elle bondit sur ses jambes, décroche une gifle qui lui fait perdre ses lunettes et elle se met à hurler dans le couloir : « Pourquoi vous avez fait ça espèce de malade ? Vous l'avez charcuté ! » Elle se met à crier sur le médecin, Tobias l'emmène à l'écart, un peu plus loin dans le couloir. Ils réapparaissent quelques minutes plus tard dans la chambre. Kathryn masque une partie de son visage de sa main et naturellement, se dirige vers Dayle qu'elle prend instinctivement dans ses bras...
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Ils l'avaient plongé dans un coma artificiel pour l'aider à traverser ça sans douleur. Le temps que son corps reprenne quelques forces. Il avait ce tube dans la bouche, ce teint pâle... Je voulais seulement qu'il se réveille. J'avais fini par m'endormir. Après seulement quelques minutes à me dire que j'allais veiller jusqu'à avoir plus de nouvelles, mais non. Mon corps était usé. Je n'avais aucune blessure, on ne m'avait pas touché et pourtant j'étais épuisé. J'avais tout ressenti et si je ne savais pas encore comment, je m'en fichais. Ce n'était pas important. Un infirmier avait récupéré mes vêtements tâchés de sang pour la police et m'avait donné un ensemble de l’hôpital, des vêtements prévus à cet effet. Un pantalon blanc, un t-shirt uni simple et un sweat à capuche que le type avait été assez sympa de me prêter. Je devais vraiment faire peine à voir. Je m'étais muni d'une couverture dans le placard de la chambre et m'était installé juste là, juste à côté. Le fauteuil presque collé au lit, une chaise pour étendre mes jambes. Je m'étais endormi au rythme des bips des machines et les heures étaient passées. La lune avait fait place au soleil et la lumière du jour ne m'avait pas réveillé. Trop fatigué pour rêver. Trop usé pour songer. Je m'étais endormi au rythme des bips mais c'est un cri qui m'avait réveillé.

J'avais sursauté sur mon fauteuil, posant les pieds au sol, me redressant et tendant le bras sur Warren en une seconde, d'un seul mouvement, prêt à bondir pour le défendre. Mais c'est son visage que j'avais vu en alignant mes yeux et mes orbites. Le visage de sa mère. Déformé par l'horreur de ce qu'elle venait de découvrir. - Kathr... - Mais déjà Tobias fermait la porte derrière et je me retrouvais à nouveau dans le silence, seul avec lui et les bips incessants de ces machines. Je me laissais retomber contre le dossier du fauteuil dans un soupir, passant ma main sur mes yeux encore embrumés. Mon corps était courbaturé, je le sentais sans même bouger. Me levant en poussant silencieusement la chaise je me penchais sur Warren et remettait le drap comme il était, recouvrant son torse abîmé... Comme si ça pouvait changer quoi que ce soit. - Ça va aller, mon grand... - Je lui parlais à lui, je le pensais pour moi. Contournant le lit je rejoignais la petite salle de bain pour me passer de l'eau sur le visage. J'avais toujours détesté les hôpitaux pour cette odeur aseptisée qui les caractérisait.

J'avais appelé Kathryn dans la nuit, lorsque j'avais enfin eu des nouvelles. Lorsqu'on m'avait enfin prévenu qu'il l'emmenait dans sa chambre. Alors seulement j'avais appelé Kathryn. Je lui avais dit de venir, je lui avais dit dans quel hôpital il se trouvait. Je n'avais pas eu la force de lui dire en détail ce qui s'était passé alors j'étais resté vague. J'aurais dû lui dire, j'aurais dû, mais je n'en avais pas eu le courage. Comment annoncer ça. Au téléphone en plus. Warren n'était pas mort... mais y avait-il une différence? Je préférais me dire que oui. Lorsqu'il serait réveillé, il y aurait une différence. Je retournais dans la chambre. J'étais partagé entre l'envie de le regarder pour mieux enregistrer les traits de son visage et la peur de le regarder, la peur de voir... ça. La réalité. Je finissais par retrouver ma place sur le fauteuil et m'accoudait au lit pour mieux me prendre la tête entre les mains. J'avais dormi toutes ces heures et pourtant c'était comme si j'avais attendu sans rien faire. Il ne fallait que quelques minutes pour que la porte ne s'ouvre à nouveau et que je vois Kathryn et Tobias revenir. Je me levais, un air désolé sur le visage. J'avais perdu ma mère et lorsqu'elle me prenait dans ses bras j'avais envie de pleurer comme si j'étais dans ses bras à elle. Mais je me retenais, je me tenais. Je saluais silencieusement Tobias, une main posée sur le rebord du lit comme si c'était Warren. Je voyais son regard, je voyais sa retenue, je voyais sur son visage que ça le touchait aussi. Il connaissait Warren depuis sa naissance après tout.

Je les invitais à s'asseoir et reprenais moi-même ma place sur le fauteuil. Sa bouche ne disait rien mais son regard si. Je n'attendais pas qu'elle demande. - Je l'ai trouvé comme ça en début de soirée... Ils ont détourné votre numéro de téléphone pour lui faire croire que c'était vous. Il pensait vous rejoindre... - Je perdais le fil, ne sachant pas faire la différence entre ce que j'avais vécu, ce que j'avais rêvé, ce que j'aurais préféré rêver... et ce que j'avais expérimenté à travers lui. J'en savais si peu pourtant. Trop peu. Mon visage montrait mon épuisement, mon inquiétude. Mais je n'étais pas important. Ma détresse n'importait pas. Je tournais mon regard vers lui, ses yeux fermés, sa respiration continue et régulière. - Je suis désolé, Kathryn.. J'aurais dû être plus vigilant... - Mon regard revenait à elle et je repliais mes jambes contre mon torse. - J'aurais dû être là. - Je n'étais pas responsable de ce qui lui était arrivé. Je me pensais responsable de ce que je n'avais pas pu faire pour l'aider. Mon absence. Mon imprudence. Ses souffrances. Je fixais sa main sur le lit, mes bras enserrant mes jambes, et mon regard se brouillait de larmes de colère. J'aurais dû être là.


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Tobias se racle la gorge, comme pour combler le silence de la chambre et il s'approche discrètement de Warren, prend sa main dans la sienne. Au cours des premières années de vie de Warren, cet homme n'a pas réellement eu d'existence à ses yeux parce qu'ils ont passé leur temps à se croiser. Ils se saluaient, échangeaient à peine quelques mots, le gamin étant toujours pressé entre deux créneaux horaires et lorsque la présence paternelle s'est amoindrie à l'adolescence, le temps a semblé se tordre et ralentir. Kathryn a toujours eu moins de patience avec les chiffres, et plus avec les gens... Les montées en voiture ont été plus longues, la vitre qui séparait la chauffeur de ses passagers s'est baissée une fois au départ et à l'arrivée, et plus souvent.

Tobias se racle la gorge puis s'assied sur le bout du lit. Il n'est pas homme à montrer facilement ce qui le touche. Ses grands yeux verts trahissent ses émotions, ils sont – eux – terriblement expressifs. Il détourne le regard, comme pour laisser à Kathryn et Dayle une sorte d'intimité. La mère de Warren serre le jeune homme contre lui, et ce simple geste l'apaise parce qu'elle sait combien ce garçon est important aux yeux de Warren, et parce qu'elle sait qu'il est quelqu'un de bien. Elle sait qu'il comprend sa détresse et le temps que son regard est perdu contre le sweat, elle peut essayer d'assimiler les dernières informations. Elle peut se convaincre que le principal est qu'il soit en vie, et que rien d'autre ne compte. Que le reste n'est que superflu.

Quand elle se sépare de lui, elle s'accroche à ça. La vie. Ce monitoring, il ne parle pas de souffrance, il ne parle pas d'accident, il ne parle pas de manque, il parle de vie. À chaque bip, il rappelle la vie. Elle frotte son visage, note que le drap a déjà été remonté et prend la main de Warren dans la sienne, serre fermement ses doigts pour qu'il sente qu'elle est là. Et elle s'assied finalement, le bras tendu pour toucher les doigts de Warren, encore. Le médecin n'a pas eu le temps de s'expliquer dans le couloir. Toutes les possibilités se bousculent dans la tête de Kathryn qui ne sait pas quoi penser entre l'accident, entre... elle envisage même une manigance de Warren Junior mais chasse rapidement cette idée de sa tête. Parce que s'il a blessé son fils, son fils à elle, elle lui défoncera la tête avec n'importe quel objet à portée de mains. Elle prend une longue inspiration. Quand va-t-il se réveiller et pourquoi est-ce que ce n'est pas déjà le cas ? Que va-t-il advenir de son petit ? « Je l'ai trouvé comme ça en début de soirée... » De sa main libre, elle saisit celles de Dayle. Elle frotte son nez contre sa propre épaule et perd son regard dans le vide.

Un instant d'absence, un instant, et reprendre le fil de ses mots. Pour savoir ce qui est arrivé, et ce qu'il va devenir. La main de Kathryn s'éloigne quand il s'excuse, prétextant qu'il aura dû être plus vigilant, plus vigilant à quoi ? Quels signes avant coureurs aurait-il pu voir ? Elle fronce les sourcils et regarde vers Warren, prête à l'ouspiller s'il a fait l'imprudent. Est-ce ça ? Elle se remet debout, caresser le visage de son fils du bout des doigts puis elle pivote vers Dayle, saisit son menton pour amener son visage vers elle. Elle vient caler ses mains contre les épaules du jeune homme et sur le ton de la réprimande : « Dayle, ne me dis pas ça, allez... » Elle passe sa main dans ses cheveux courts puis vient passer ses doigts sur une joue de Dayle. Elle lâche Warren pour frotter ses propres yeux puis elle fronce les sourcils et lui demande, essayant de calmer les élans nerveux de sa voix : « Dis-moi ce qu'il vous est arrivé... s'il te plaît... »
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Il y avait comme une pesanteur dans cette chambre. Quelque chose sur quoi je n'avais aucun contrôle. Une pression. Une tension. Quelque chose de lourd. La détresse, ma culpabilité que je ne pouvais me résoudre à penser injustifiée. Le poids de nos larmes aussi. Tobias gardait le silence, comme souvent, mais s'autorisait le contact de la main de Warren. Kathryn se concentrait sur moi, sur ce que je disais, et je me rendais compte à sa réaction que ce que je disais n'était pas dit de la bonne façon et lorsqu'elle revenait vers moi, plus inquiète qu'en arrivant, j'affichais un air alarmé. - Non... Il n'y a rien de.. Pardon. Je m’exprime mal... - S'il avait été réveillé, Warren aurait prié le saint café en mon nom. Je posais ma main sur la sienne pour mieux la retirer de ma joue. Pas que le contact me gène, il n'était juste pas nécessaire vu mon erreur. - Nous n'avons rien fait. Rien de dangereux. - Je n'évoquais pas les docks. Je ne savais pas ce qu'elle en savait mais je n'imaginais pas Warren lui en parler. Il allait falloir que je lui raconte la soirée, au mieux, au plus précis... Sans flancher.

Alors j'inspirais, et je commençais. - Il a reçu un message qu'on pensait de vous. "Vous" l'y invitiez au restaurant et il est parti de suite... Et puis je sais pas, j'ai eu un mauvais pressentiment alors je vous ai appelé et... - Je ne voulais pas parler des douleurs, des émotions, de tout ça. Alors je passais directement à la fin. - Je l'ai trouvé "comme ça". - Ça je l'avais déjà dis, mais à l'évidence ce n'était pas assez clair. - Je l'ai trouvé lui, et ses ailes dans ses bras. - Et un violent frisson secouait mon corps à la simple évocation de ses ailes. Vu de l'extérieur ça n'aurait pas dû me toucher autant je suppose. Je n'aurais pas dû être autant à fleur de peau. Warren était mon frère mais j'aurais dû être capable de contenir le flot d'émotions. De me tenir. Ça ne m'était pas arrivé à moi. - Ils l'ont mutilé... - Mais si. Je n'avais pas de cicatrice, je n'avais pas de plaies mais j'avais tout senti. J'avais tout subi. J'avais tout enduré avec lui et ça ne faisait aucun sens à mes yeux. Parce que ça n'en avait aucun. Comment est-ce que j'avais pu ressentir tout ça? Je n'étais même pas avec lui. Et pourtant. Et pourtant je savais que c'était réel. Je le savais au fond de moi.

J'inspirais, reprenant contenance. L'air étouffant emplissait mes poumons. - Les médecins n'ont rien pu faire de mieux que suturer les plaies correctement. Ces animaux ont fait ça comme des chiens. - Je passais ma main sur mon visage et souriait par pur réflexe. Ce sourire ne signifiait rien et il avait déjà disparu. Je ne précisais pas de quoi je parlais mais c'était évident... - Je les ai entreposé en bas, au frais, pour les protéger. - Il ne m'appartenait pas de décider quoi en faire. Pas à moi, ni même à elle. Seulement à Warren. Et en attendant son réveil elles étaient mieux au frais dans les sous-sol. Qui pouvait savoir si elles allaient subir le même processus qu'un membre lambda qui se décompose ou si elles allaient rester comme ça? Après tout les plumes ça se décompose pas. Mon dieu, à quoi je pensais... Qu'on le réveille! Ou pas? Je n'osais pas imaginer son réveil. Sa prise de conscience. La simple idée me nouait l'estomac et je voulais revenir dans le passé. Revenir en Australie pour l'éternité. Avant tout ça. Sur la table à côté du lit reposaient ses affaires, celles qu'on avait bien voulu lui laisser. Son téléphone, le pendentif que je lui avais offert, sa montre... Je faisais tourner inlassablement la gourmette autour de mon poignet, c'était devenu machinal. Je me levais au bout de quelques secondes, le regard un peu vide. - Je peux.. je peux vous laisser? J'ai besoin de prendre un peu l'air. - Et un café, aussi. J'avais besoin de me rafraîchir les idées, ou en tout cas de les réveiller elles aussi. J'attendais son aval, même si c'était par pure politesse, pour sortir de la chambre. Ça ne me prendrait que quelques minutes...


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La main de Kathryn vient couvrir sa bouche, elle s'accroche à chaque mot de Dayle comme s'il allait lui apporter quelque libération, comme si savoir pourrait délier l'un des nœuds qui serrent son cœur ; elle fuit Warren du regard, elle fuit Tobias du regard. Peut-être que si elle sait, elle pourra assez se concentrer là-dessus pour ne pas penser à ce qu'il adviendra dans le futur, ou quand Warren se réveillera. Warren se réveillera, pas vrai ?

Et Dayle abat la sentence ? Je l'ai vu, et ses ailes, dans ses bras. Le visage de Kathryn s'abaisse vers le sol, comme si elle n'était plus qu'un pantin à qui on venait de couper un fil de trop. Elle reste un moment repliée sur elle-même, tassée comme écrasée comme la nouvelle. Elle reste ainsi un moment, à l'écouter, à supporter ses mots pour enfin relever ses yeux sur lui. « Ils l'ont mutilé. » Dès lors, elle songe à Warren Junior, à cet homme qui n'a reculé devant aucun obstacle éthique ou moral pour soigner ce qu'il appelait la maladie de son fils. Elle pense à lui parce qu'elle veut que ce mur d'indifférence et de cruauté, il l'utilise pour venger leur fils. Elle veut que cet homme froid et distant qu'il est devenu avec les années, que cet homme fasse enfin quelque chose d'utile pour Warren. Et elle pense à lui parce que... cette perspective lui glace le sang. Il n'aurait pas ? Non, il aime son fils. Et pourtant, elle y a pensé. Tobias perçoit son trouble, la détresse de Dayle. Il le voit essayer de reprendre son souffle, péniblement. À la mention des plaies, les regards de Kathryn et Tobias se croisent, ou plutôt s'entrechoquent pour aller rejoindre le lit.

S'en suit un silence, Kathryn rejoint Warren et Tobias précède Dayle vers la porte de la chambre qu'il ouvre, sortant le premier. Il tient la porte au jeune homme et attend qu'il soit sorti pour lui dire d'y aller et qu'ils restent là. Sa voix grave est chaleureuse, elle inspire la confiance. Il se tient exagérément droit, comme le gardien de la chambre... au moins le temps que ce pauvre garçon ait le temps d'aller « prendre l'air ». Il essaie de lui sourire mais cette expression ne lui va pas ç cet instant. Il attend qu'il se soit éloigné de quelques pas et rentre à nouveau dans la chambre. Il glisse quelques mots à l'oreille de Kathryn puis rejoint le couloir à la recherche d'un médecin qui pourrait leur donner plus d'explications sur ce qu'ils ont fait et sur l'état de santé de Warren.

* * *

Pendant ce temps, un homme s'active. Il n'est ni vieux, ni jeune, et sa discrétion est son meilleur atout, avec sa pugnacité. Perdu dans ses papiers, il est celui qui envisage toutes les possibilités à chaque instant, il propose toutes les solutions quelles que soient leurs limites : légales, morales ou éthiques. Il ne fait que les proposer, chacun en fait ce qu'il veut. L'oreillette qu'il porte l’inonde d'informations auxquelles il ne répond pas pour l'instant. À un moment donné, il se contente de sortir un carnet de sa poche et de prendre quelques notes. Il brise le silence de son bureau pour demander : « Comment vous l'écrivez ? »

Il prépare les derniers documents et quitte le bureau, se postant patiemment devant celui de son bureau. Quand la porte s'ouvre, commence la chanson. La chronologie des événements, les constantes vitales, le point presse et les implications juridiques. La patron passe une main sur son crâne, l'air préoccupé. « Qu'est-ce qu'ils ont dit sur son réveil ? » « Une question de jours monsieur, il ne gardera aucune séquelle. » « Très bien, retrouvez les ailes et faites les incinérer. Nous ne voulons prendre aucun risque. Renseignez-vous pour faire retirer mon fils de la liste des mutants recensés. Et faites préparer les papiers pour un transfert, qu'il aille dans une clinique digne de ce nom. » L'homme suit le patron, prend quelques notes et l'abandonne quand Warren Worthington Junior monte dans sa voiture pour rejoindre l'hôpital. Il arrive accompagné d'un garde du corps et de son avocat et se dirige d'un pas hâtif dans les couloirs.

Il passe près de Kayden dans le couloir, rejoint la porte de la chambre sans y avoir frappé au préalable. À l'intérieur, il s'approprie les lieux d'un coup d’œil circulaire, s'arrêtant sur quelques machines. Faisant un pas dans la direction de leur fils, il ne prête attention ni à sa femme ni à Tobias qui croise les bras sur son torse et s'écarte légèrement. Il lève le drap, considère une seconde Warren toujours endormi puis s'adresse à Kathryn : « Ne t'inquiète pas, ce n'est qu'un coma artificiel. Je vais demander qu'on l'en sorte rapidement et qu'il transféré hors de ce trou à rats. » Alors que la porte s'ouvre à nouveau, il ajoute, pensant s'adresser à son avocat resté dans le couloir : « Est-ce que Julian a ce que je lui ai demandé ? »

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Je répondais au sourire de Tobias par le mien. Si ça ne lui allait pas au visage, le mien n'était pas très net non plus, tordu par la fatigue. S'ils restaient avec lui, ça me rassurait. Je ne voulais pas qu'il soit seul. Warren avait été là pour moi pendant que j'étais inconscient après les docks, je le sais, je l'ai senti, sa présence, toujours là. Je refusais qu'il ressente la solitude. Je descendais le couloir vers une salle de repos où deux distributeurs automatiques vibraient tranquillement. Je n'avais pas de monnaie, bien sur que non, mais je passais mon doigt sur la fente de l'appareil et actionnait le mécanisme grâce à mon pouvoir. Du vol? Seulement si on me surprenait. Le café se faisait et je le prenais dans ma main. Il était chaud, presque brûlant, mais ma peau le supportais. Je revenais distraitement jusqu'au couloir, soufflant sur la surface du liquide noir en baladant mon regard sur les gens qui allaient et venaient. J'appuyais mon épaule contre l'encadrement de la porte et c'est là qu'il passait. C'est là que mon regard le suivait. Lui et son convoi. Le géniteur.

Je n'avais jamais rencontré Worthington junior. Lui non plus. Un homme de cette envergure pouvait peut être savoir qui j'étais pour son fils, même si entre la mafia et le SHIELD j'avais été extrêmement prudent. Je le suivais du regard, je le voyais de loin entrer dans la chambre. Gros con. Je ne l'avais jamais rencontré mais entre son attitude et ce que m'avait raconté Warren... Ma première pensée était pour les ailes. Mais elles étaient en sûreté, dans un box de la morgue et à part le gars du bureau, j'étais le seul à le savoir. Rien n'avait été enregistré, je lui avais demandé ça en face à face, comme un service. Je me dirigeais vers la chambre, mon café à la main. Devant la porte il y avait deux hommes, les hommes qui le suivait en arrivant. Un type baraqué d'une tête de plus que moi, et l'autre, un peu plus vieux, le crâne luisant sous ses cheveux de moins en moins épais. Je leur faisais signe du regard, une salutation sommaire, avant de me diriger vers la porte qu'ils encadraient. Une main se levait face à moi. - « On entre pas. » - Je levais mon regard sur le grand. Garde du corps. Évident. - J'étais déjà là avant votre arrivée, je compte pas partir. - Je faisais mine d'avancer et il avançait sa main. - Et puisque c'est un établissement public, si vous me touchez je serais dans l'obligation de vous traîner en justice pour agression. Demandez à votre copain avocat.

Je tournais la tête vers l'autre gars qui fuyait du regard. - Oui, ça se lit sur votre tête. Maintenant poussez-vous. - L'avocat ne bougeait pas mais ce n'était pas lui qui obstruait le passage. Le garde du corps mettait quelques secondes à se décider durant lesquelles je fixais la porte, l'ignorant totalement. Il finissait par bouger. - Merci. - Et de ma main libre je tournais la poignée et entrais dans la pièce. A l'intérieur la tension était palpable et je croisais immédiatement le regard de Kathryn avant même de fermer la porte derrière moi. -  « Est-ce que Julian a ce que je lui ai demandé ? » - Aucune idée, vous lui avez demandé quoi? - Ne soyons pas désagréable dés le début. Peut être était-il venu avec de bonnes intentions... Connerie. - Bonjour M. Worthington. - Fausse déférence, bonne crédibilité, je l'emmerdais bien. Je contournais l'ensemble pour revenir jusqu'à mon fauteuil et posais le gobelet fumant sur la table à côté du lit. - Je suppose que vous avez appris? Désolé, il est dans le coma à cause de la douleur. Il se réveillera dans les jours qui viennent. - J'étais distant. Kathryn et Tobias devait le sentir. Si j'avais été proche de Warren, émotionnel aussi, là j'étais détaché. Sur la défensive. Je ne me défendais pas moi. Je défendais mon ange. Sa simple proximité était dérangeante et il était hors de question qu'il se croit dieu sur la terre avec moi. Je n'avais pas peur de lui.


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« Aucune idée, vous lui avez demandé quoi ? » Il se retourne brusquement, détaille le nouvel arrivant puis jette un coup d’œil au-dessus de son épaule. Le garde du corps est entré au bord de la chambre, hausse des épaules puis reste, attendant de nouvelles directives. Le père n'en donne pas, il rabat son regard clair sur l'inconnu et le détaille à nouveau, pensant au début qu'il aurait pu s'agir d'un membre du personnel à en juger par ses vêtements puis il se tourne vers Kathryn, interrogatif. Elle a les bras croisés, se refusant à toute remarque supplémentaire, elle s'est écartée quand il a levé le drap, n'a rien dit quand il lui a dit de ne pas s'inquiéter. Il n'est pas homme à montrer ses sentiments, il n'a jamais été particulièrement démonstratif mais... il parle comme s'il ne s'était rien passé, comme s'il ne s'agissait que d'une chute de vélo. Il pourrait presque frotter le dos de Warren, comme il lui frottait les genoux petit garçon, en lu disant que ce n'est rien.

Il a été comme ça, il a été patient et rassurant ; elle a tellement aimé quand ils partaient ensemble et qu'il donnait l'impression qu'il ne pourrait jamais rien leur arriver. Il balayait les petits bobos d'un revers de la main et prenait sur lui pour leur épargner ce qui aurait pu les toucher. Maintenant, elle ne sait pas déterminer s'il prend sur lui ou s'il est vraiment si détaché ? Dayle le salue, il reste quelques instants sans répondre puis se penche légèrement vers lui : « Vous êtes qui, vous, exactement ? » Kathryn lève les yeux au ciel, il ne connaît pas son fils et Warren a refusé qu'il sache où il vit, lui laissant la possibilité d'envoyer du courrier chez elle s'il a à lui faire parvenir des papiers officiels. Alors comment peut-il faire cet air surpris quand il voit quelqu'un qu'il ne connaît pas ? Warren n'est pas rentré dans les détails de sa rencontre avec Dayle, d'ailleurs Kathryn n'a pas cherché à poser des questions. Elle se contente d'entendre leurs sorties, voir Warren tout content quand il parle de leurs vacances ou de leurs sorties...

Warren Junior accepte mal que l'on soit mieux renseigné que lui et sans plus regarder son interlocuteur, il claque des doigts et appelle son avocat qui s'approche de lui : « Faites venir un chef de service, un responsable, n'importe qui. On le déplace. » Kathryn s'interpose entre son fils et son mari, s'accroche à sa veste et se met maintenant à crier dans la chambre qu'il ne l'emmènera nul part. Tobias s'approche, place une main contre son épaule mais elle se met à crier dans la chambre. « Comment... Comment tu peux faire comme s'il ne s'était rien passé ? Mais espèce de connard indifférent ! C'est toi ? C'est ça ? C'est toi qui as fait ça ? » Elle se remet à pleurer alors que M. Worthington lui attrape fermement les poignets pour l'éloigner de lui.

Irrité, il pince légèrement les lèvres puis fait un vague signe de la main en demandant à son garde du corps : « Sortez-moi tout ça, cette furieuse qui ne se contrôle pas et ses gigolos. » Tobias sent sa mâchoire se serrer mais il se contente d'amener Kathryn vers lui, lui chuchote à l'oreille de ne pas s'énerver mais elle porte les mains à son visage. Ses doigts tremblent, elle se sent à bout, elle ne sait pas quoi penser ni comment réagir. Elle se mord la lèvre et quand il désigne Dayle du doigt, elle se cale à nouveau contre lui et s'indigne : « Il ne bougera pas d'ici ! C'est le petit ami de ton fils et il l'a amené aux urgences ! Alors tu le laisses tranquille. »

Cette fois, de l'irritation, M. Worthington père est passé à la phase où il devient énervé. Au moment où le médecin rentre, son regard passe sur tous les visages. Décidant d'ignorer les autres personnes présentes dans la pièce, le père de Warren demande maintenant où est le document à signer pour le réveiller.
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« Vous êtes qui, vous, exactement ? » - J'esquisse un sourire. Comment pourrait-il le savoir vu le peu d’intérêt qu'il porte à son fils? Depuis deux ans. Deux ans que l'on se connait, deux ans que l'on est inséparable. En deux ans j'ai connu sa vie entière. J'ai rencontré sa mère. Je me suis familiarisé avec une bonne partie de sa famille simplement parce qu'il m'en a parlé. Mais lui? Lui je ne l'avais jamais vu. Lui il était un inconnu. Un visage sur une photo. Un nom sur un bout de papier. L'ombre d'une connaissance au fond d'un arbre généalogique. Warren l'aimait, il était son père et je comprenais ça, mais il n'était pas dupe. Et il n'était pas le mien, de père. Au moment où il avait fait appeler le chef de service j'avais bondi sur mes pieds pour mieux voir Kathryn s'interposer. Elle perdait pieds. Elle n'avait pas vu ce que j'avais vu, elle n'avait pas vécu ce que j'avais vécu. Mon esprit gorgé de souvenirs, le sien seulement alimenté de ce que j'avais pu lui raconter, nébuleux et abstrait récit d'une âme en peine. Elle perdait et je gardais le silence, un air grave sur le visage. Désolé. Mes mains sont posées sur le matelas, juste à côté de celle de Warren, et elles tremblent. Je n'étais pas du genre à manquer de calme en situation de ce genre, mais cette fois ça me touchait. Si mon visage restait de marbre, mes mains me trahissaient et je fermais les poings pour les contrôler.

Tobias allait prendre Kathryn dans ses bras mais Junior ne se laissait pas effrayer. Gros con. Son comportement, son attitude entre arrogance et stupidité m'aurait rendu dingue si je n'avais pas eu à penser à plus que moi-même. Gigolo? Moi? Qu'il en soit ainsi, du moment qu'il ne posait pas une main sur lui. Et lorsque Kathryn levait son doigt vers moi je la fixais. Pas de peur, pas de surprise ou de vexation, seulement une observation directe. Je pouvais comprendre. Warren et moi étions vraiment proches. Elle n'avait jamais eu l'opportunité de comprendre ce qui nous caractérisait. Je pouvais comprendre qu'elle ait pu penser ça. La contre-dire? Lui expliquer. Oui. Mais pas maintenant. A ce instant et devant cette bande d'abrutis la seule option était l'unicité. La contredire reviendrait à une division même infime, division qu'il pourrait utiliser. Alors je ne réagissais pas, je ne faisais que poser mon regard sur lui, un regard froid, neutre. L'une de mes mains s'était posée sur la main de Warren et sans vraiment le vouloir, je serrais. Si Kathryn devait se reposer sur moi, alors qu'il en soit ainsi. Je porterais tout ce monde si je le devais. - Il n'ira nulle part.

Ma voix avait claqué dans l'air. Je savais faire ça. Ce ton. Ce ton qui imposait le silence. Brutal. Grave. Sûr. Sec mais doux. Dérangeant. Je fixais Junior sans ciller comme si mon regard pouvait percer son crâne. Plus personne ne parlait et lui comme les autres. - Votre "fils" si je dois le rappeler, ne bougera pas d'ici. - Si je devais le répéter encore, alors je le ferais. - Votre pouvoir de décision à son sujet s'arrête très précisément où le sien commence. - Avais-je dit en montrant Kathryn d'un geste de la main. - Monsieur Worthington... Le seul "Monsieur Worthington" ici, le seul digne qu'on l'appelle Monsieur, il est allongé là. - Je me fichais bien qu'il ait été celui à l'origine du "vaccin" anti-mutation, qu'il soit si honteusement raciste de ces gens. De ceux là et d'autres. Je me fichais de ce passé. Tout ce qui m'importait c'était Warren. Leur histoire. Sa honte. - Vous n'êtes pas son père. Vous êtes un nom sur un bout de papier. Vous êtes le scientifique qui a voulu le mutiler... - Que sais-je s'il bougeait pour me couper la parole, je haussais la voix. - ... pour votre SEUL confort. - Je pointais un doigt sur lui. - Le votre. Pas le sien. - Et je rebaissais ma main. - Et alors vous venez maintenant pavaner ici? Prendre des décisions au sujet d'une personne que vous avez abandonné des années auparavant comme si vous aviez réellement un droit sur lui? Vous n'avez aucun droit. - Ma voix était posée. Sèche mais pas insolente ni même emprunte d'une quelconque animosité, d'une quelconque perte de contrôle. - Amenez vos avocats. Amenez vos gardes du corps. Amenez les autorités qui vous feront plaisir. Warren, votre fils, mon frère, ne bougera pas d'ici. - Je baissais la voix. Cette phrase plus intime et plus menaçante. - Et il faudra d'abord me passer sur le corps avant que vous ne puissiez en disposer. - On l'avait déjà pris la nuit dernière. Je ne laisserais plus jamais ça arriver.


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Le chaos commence à s'installer, chacun des deux Worthington essayant de parler plus fort que l'autre, chacun des deux se démenant pour défendre ce qu'il et elle pense être la meilleure solution. Mais il n'y a pas de meilleure solution. Si je pouvais, je le leur dirais. Il n'y a pas de meilleure solution, laissez-moi le temps de reprendre mon souffle par moi-même. Arrêtez de crier. Ces confrontations, je n'y assiste jamais. D'abord parce que je fais en sorte qu'elles ne se produisent jamais et aussi parce que je ne veux pas les entendre se hurler dessus quand, quelques années dans le passé, ils trouvaient naturellement la main de l'autre en toutes circonstances.

Le ton monte. Maman s'énerve, je le sais, je le sens. Le son de sa voix engluée dans l'inquiétude et qui monte dans les aigus, à deux doigts de se briser une fois encore. Je n'ai jamais aimé la savoir triste, elle a pris une décision difficile le jour où elle a quitté le foyer familial, elle a renoncé à son chez-elle et elle a parfois du mal à vivre comme Kathryn plutôt que comme Mme Worthington.
Le ton est monté. Papa a des excuses, il en a toujours eu. Je ne veux pas qu'il soit seul, je ne peux l'imaginer seul contre tous, lui plein de ses bonnes intentions et de ses mauvaises décisions et ceux qui reconnaissent en lui cet effort pour les faire disparaître. Pour nous faire disparaître. Je veux lui donner cette dernière chance, sans arrêt. L'enfer est pavé de bonnes intentions.

La voix de Kayden impose le silence. Subitement, enfin. Il n'a pas crié, sa voix sèche a résonné comme une claque. Et ils se sont tus. Tous. Le garde du corps reste immobile, il attend un mot, un geste mais il n'est pas un gorille débile et il est vrai que s'il se jette sur eux sans motif légal, il n'aura rien de plus qu'une convocation chez les flics, aussi rapides soient les avocats des Worthington pour régler les problèmes. L'intérêt de son patron n'est pas là. Quand à l'avocat, il a bien prévenu, il a dit que le dernier mot ne reviendrait pas au père et qu'il devrait convaincre sa femme, il devrait lui laisser entendre qu'il peut le faire, qu'il le fera. Ne pas lui laisser le temps d'envisager qu'il n'a pas le droit, qu'elle accepte, qu'elle cède, qu'elle se résigne. Il a acquiescé, il peut faire plier Kathryn. Il sait le faire.

Il pivote vers l'inconnu auquel il n'a pas demandé son prénom, ça ne l'intéresse pas vraiment. Quant à ce statut de « petit-ami » de Warren, c'est tellement ridicule qu'il n'y répond même pas. Warren Junior fulmine au moment où il désigne Kathryn du doigt et il fait un pas en direction du lit. Le ton étant redescendu, les machines poursuivent leur conversation en fond des propos de Kayden. Il ouvre la bouche pour répliquer quand le jeune homme met en avant que l'homme a voulu, depuis des années, faire disparaître ces ailes qui ne représentent pas son fils. Warren III n'a jamais été un oiseau, et il n'en sera jamais un. Il a perdu une partie de sa vie en pensant davantage comme un mutant que comme un homme. Et c'est bien parce qu'il y a eu ces ailes qu'il n'est pas un homme. Aussi décevant cela soit-il pour tous. Mais désormais, tout est possible.

Le médecin demande aux personnes qui ne sont pas des proches de sortir et le garde du corps sort, emmenant avec lui l'avocat. Tobias joint les mains dans son dos et susurre qu'il ne sera pas loin... il contourne Warren Junior et sort à son tour. Le médecin passe une main contre sa nuque puis explique posément qu'il n'est pas possible d'interrompre le coma artificiel tout de suite et que les démarches judiciaires qu'ils entreprendraient seraient plus longues que... « C'est un labyrinthe ici ! » s'exclame un homme entre deux âges en entrant à la hâte. Il observe les personnes déjà présentes puis chuchote avec une discrétion moyenne à l'oreille du père : « Le petit gars de l'entrée ne sait pas où sont les ailes. Il me dit qu'ils les ont peut-être jetées... » Warren lance un regard noir vers Kayden puis s'adresse au médecin : « Je me moque de vos délais. Réveillez-le si ça ne tient qu'à vous. Et qu'on ne remette rien dans son dos. Où sont les ailes ? Elles sont propriété des Worthington, je veux les récupérer avec ses effets personnels. »
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Lorsque le médecin demandait aux gens qui n'étaient pas des proches de sortir, je ne bougeait pas d'un cil. Je ne quitterais pas cette chambre. C'était peut être présomptueux de ma part, me penser aussi important que ses propres parents, mais je ne pouvais me résoudre à le laisser. Junior était une manipulateur, Kathryn était vulnérable. Je demeurais la seule personne à garder la tête froide et à garder Warren à mon esprit. Pas comme je voudrais qu'il soit, mais comme il était. Il expliquait que le coma ne pouvait être interrompu et j'étais rassuré, au moins un détail qu'il ne pourrait argumenter. Je savais déjà que c'était impossible, et dangereux, mais lui. Qu'en savait-il. Il ne voyait que lui, ses envies, ses intentions. Warren m'avait déjà dit que son père avait de bonnes intentions. Ce que je voyais moi c'est que, malheureusement, ses bonnes intentions n'étaient mû que par ses propres intérêts. Ça fait pas sérieux un gamin mutant avec des ailes, c'est ça? Ça fait mal à la fierté?

Et puis une voix interrompu le médecin, un homme entrait. Je le fixais, mon dos se redressant insensiblement. Discrétion zéro, j'entendais ce qu'il disait et un sourire passait sur mes lèvres. - Bonjour Julian. - L'homme de main en quête des ailes. Je n'étais pas stupide, je savais additionner un et un. Junior ne l'était pas non pus et aussitôt son regard sur posait sur moi. Sur moi et mon sourire insolent. Je me redressais, lâchant la main de Warren pour simplement contourner le lit pendant qu'il crachait ses ordres et ses questions. Le coma ne pouvait être interrompu, les ailes étaient en sûreté. Il n'était que vaines paroles. Je me plaçais entre le lit et lui, entre Warren et lui. Je prenais la place de Kathryn alors qu'elle ne pouvait la tenir elle même. - Le coma ne peut être interrompu. Le monsieur vient de vous le dire. C'est compliqué c'est ça? Ça ne doit pas arriver souvent qu'on vous dise non? - Je croisais les bras. - Non. On ne le réveillera pas, il le fera de lui même quand il sera prêt. - Je décroisais les bras pour faire un demi pas en avant. - Non. Il n'ira pas ailleurs. Il restera ici avec des gens qui se préoccupent réellement de lui. - Un pas encore et ce sourire. Je lui crachais à la figure sans ouvrir la bouche. - Non. Vous n'aurez pas ses ailes. Et si je peux les lui rattacher moi-même, je le ferais.

Mes bras se croisaient dans mon dos. On garde généralement ses bras devant pour pouvoir se défendre lors de ce genre de conversation. On les croise pour se protéger. Moi je les croisais derrière, provocation ultime de mon assurance. Je n'avais pas peur de lui, et maintenant, par cette posture, il le savait. Il ne pourrait pas me manipuler, il ne pourrait pas m'atteindre. Il ne m'impressionnait pas. - Vous n'êtes pas en position d'exiger quoi que ce soit et vous n'obtiendrez rien de nous. - Mon regard s'encrait dans le sien. Je le ridiculisais devant son ex-femme, devant ce médecin, devant ses employer dans le couloir qui écoutaient toujours. Cet homme si riche, si connecté, si puissant... Il était venu ici avec son égoïsme avec rien d'autre dans les mains que sa voix pour mentir. Ça ne prenait pas avec moi. - Alors merci mais non merci, on ne mange pas de ce pain là.
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Son sourire est sincère, il n'est pas mauvais gars. Du moins il ne s'est jamais cru mauvais gars. Aussi, quand ce gars dont il ne connaît rien le salue par son prénom, il tend un index pour renfoncer ses lunettes noires sur son nez et offre un signe de la main à l'inconnu : « Bonjour bonjour. » Il se dépêche de sortir une carte de sa poche et la dépose sur le coin du lit : « Julian Stanford, enchanté. Vos problèmes sont mes problèmes. »

Le patron, quelque peu exaspéré, pousse un léger soupir et Julian offre un petit clin d'oeil à Kayden en laissant sa carte sur le bord du lit. L'hôpital n'est pas une cabane au fond du jardin et il a beau mettre du cœur à l'ouvrage, il ne se voit pas trop aller faire toutes les chambres et tous les placards pour essayer de retrouver des plumes. Il avait posé la question, on n'avait pas enregistré ces machines ni comme des objets perdus ou comme des membres amputés alors il ne voit pas trop maintenant par quel bout attaquer. Il a glissé sa carte au garçon de l'entrée pour interroger ses collègues, dix paires d'yeux valent mieux qu'une seule mais...

Warren Junior croise les bras en même temps que le jeune homme en face de lui, peu enclin à entamer la discussion avec lui. Il se tourne vers le médecin qui, en dépit de son assurance, reste accroché au dossier médical de son patient comme du dernier rempart entre lui et les caprices d'un parent mécontent. Ayant ainsi délivré la sainte parole médicale, il abandonne les parents dans la pièce et sortant, il demande aux trois personnes présentes de ne pas rentrer à nouveau dans la chambre. Julian passe une main dans ses cheveux bouclés qui retombent au niveau de ses joues. Il se penche vers son employeur et lance, comme amusé, qu'un avis médical n'est qu'un avis médical et qu'un « autre » médecin – comprendre un qui soit plus conciliant – aura probablement un autre avis.

Mais le père n'est pas près à s'enthousiasmer. Aux paroles de Kayden à propos des gens qui se préoccupent de lui, il entrouvre une nouvelle fois les lèvres pour s'exprimer puis finalement, il choisit de se tourner vers Kathryn : « Tu entends ce qu'il me dit, et toi tu te tais ? Tu sais très bien que tout ce que j'ai fait, je l'ai toujours fait pour Warren. Tu le sais pertinemment. Il n'est pas bien ici, il ne doit pas choisir quand se réveiller. Enfin il peut vivre la vie de son choix, tu réalises ? Tu veux le priver de ça Kathryn ? »

Finalement, il se tourne vers Kayden. Sa femme a baissé la tête, à cheval entre la résignation et l'excuse. Bien sur, elle le sait que son mari n'a voulu que le bien de leur fils. Ils ont tous les deux vu combien il a souffert de cette mutation mais il ignore ce qu'elle représente maintenant pour Angel. Il ne le voit que comme un homme sur lequel on aurait implanté des membres dont il ne voudrait pas, comme s'il avait été débarrassé d'un accessoire encombrant. Il ne mesure pas l'importance des ailes. Il ne l'a pas vu voler, véritablement voler. Il ne connaît pas ses véritables sourires.

Il ne devrait pas le faire, il le sait. Et pourtant, il s'exclame à l'encontre de Kayden : « Vous êtes quoi ? Un mutant ? Vous ne voyez pas que c'est à cause des gens comme vous qu'il est là, c'est votre faute. Il n'est pas comme vous. Il y a déjà quinze ans en arrière, des malades venaient me supplier de les aider, ils se pressaient pour être les premiers à essayer les traitements expérimentaux. Vous pensez que Warren s'est érigé en défenseur de la cause mutante ? » Il ne devrait pas le faire... Julian se racle la gorge et prononce plusieurs fois le nom de son patron, essayant de lui faire perdre le fil de son monologue qui s'envenime... Warren Jr pose la main sur l'épaule de Kayden avec un léger sourire en coin, presque un sourire de soulagement : « Tout ira bien maintenant. Je vais m'en occuper, tout ne pourra que mieux aller. »
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Beggining of the end.
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Plutôt que de me répondre il tournait la tête vers Kathryn et mon regard était exaspéré. Ne pouvait-il pas être un homme? Et me répondre directement plutôt que de se tourner vers elle? Lâche. Caché derrière ses manipulations et son argent, ses avocats et ses soldats. Ce qu'il lui disait ne faisait aucun sens à mes oreilles. La vie de son choix? Mais il la vivait déjà. Warren avait accepté ce qu'il était, il l'embrassait. Une vie "normale"? C'était quoi ça? Sa normalité à lui? Faites de discrimination et de haine? Déjà une veine pulsait sur ma tempe et il se tournait enfin vers moi. - Oh je suis bien pire qu'un mutant... - Avais-je dit à mi-voix mais il continuait de parler. Kathryn m'avait peut être entendu, Julian peut être aussi, mais lui? L'avait-il pu tout en parlant? Je pouvais concevoir son inquiétude, mais elle était motivée par des raisons obsolètes et unilatérales. Des raisons que je ne pouvais pas, simplement, accepter. Il posait sa main sur mon épaule, fermement, comme s'il voulait me faire plier. J'aurais dû sourire. Un sourire insolent, satisfait, mais ce qu'il venait de dire n'avait fait qu'augmenter ma colère déjà brûlante depuis la veille. Mon poing filait, une droite bien sentie, directement dans mâchoire, le forçant lui à plier. Le forçant à tituber en arrière. A ressentir le fragment d'une fraction de la souffrance qu'on avait ressenti la veille. - Warren n'est PAS malade!

C'était simplement le mot de trop. - Il ne l'a jamais été! - Les instruments électroniques se remettaient à grésiller doucement, les lumières à vaciller. Je perdais la main mise sur mon électromagnétisme au rythme de mes paroles et de la colère que j'assouvissais. - Ce sont des gens comme VOUS qui lui ont fait ça! A cause de votre haine et de votre résolution à ne pas vouloir comprendre! - Je finissais de lever la voix mais mon ton restait cinglant. - Il est là votre problème! Vous pensez pour lui. Vous pensez à sa place comme s'il avait quinze ans. Mais il n'est plus le gamin d'autre fois! - Le garde du corps avait bougé à mon coup, pourtant il n'entrait pas. Il ne pouvait pas entrer. En fait il était plaqué contre le mur du couloir, incapable de s'en défaire. - Pendant que vous le considériez comme un être diminué et dans le besoin, il a grandi en dehors de votre ombre! - Je baissais la tête à sa hauteur. - Warren sera toujours meilleurs que vous, parce qu'il comprend les autres pendant que vous voulez seulement les "normaliser". - Je me redressais, avisant les autres. Je ne tournais pas la tête vers Kathryn désormais dans mon dos. - Warren est magnifique comme il choisi de l'être. Ce n'est pas à vous de décider à sa place quelle doit être sa vie. Ce n'est certainement pas à vous de choisir comment il doit vivre.

Je tournais la tête vers Warren toujours endormi et l'électronique s'apaisait alors que le garde du corps pouvait enfin reprendre pleine possession de ses mouvements. Il pouvait entrer s'il le souhaitait, je ne lui ferais rien à moins qu'il ne vienne après moi. Mon point était fait. Je revenais à Junior. - Vos erreurs du passé vous poursuivent et même s'il espère que vous avez de bonnes intentions, moi je préfère parer à toutes nouvelles conneries de votre part. - Je ne croyais pas à ses bonnes intentions. Je ne voyais que ses méthodes, et ses méthodes me répugnaient. - Vous n'êtes pas le bienvenue ici. Warren décidera s'il souhaite vous voir ou non, quand il sera réveillé. En attendant, et à moins que vous ne soyez prêt à fermer votre grande bouche, je vais vous demander de partir. - Mes bras retournaient dans mon dos. Le calme reprenait possession de moi, difficilement. Et si je tentais de réguler ma tension, la veine à ma tempe palpitait toujours. L'avoir frappé ne m'avait même pas soulagé. - Ou peut être dois-je vous sortir moi-même pour que vous compreniez quand on vous parle au dessus de votre ego?
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À la remarque de Kayden, Julian semble blêmir et se retourne brutalement sur lui. Il était là, à l'hôpital et il a même vu l'un d'entre eux se transformer en purée dans une sorte de boule invisible, il a à peine eu le temps de sortir son fils, arrachant perfusion au passage, pour sortir avec lui dans les bras. Les mutants, ça lui fout des putain de frissons dans le corps et s'il se dit que les lieux ne seront pas pris deux fois pour cible, il ne peut pas s'empêcher de devenir pâle à la réplique du jeune homme en face d'eux. Il tapote l'épaule de son patron, espérant pouvoir désamorcer la situation rapidement. Et au passage, il se dit qu'il n'aurait pas dû laisser sa carte avec l'adresse de son bureau et son numéro de portable.

Julian a un sursaut quand le « pire que mutant » colle une droite au patron qui flanche et se rattrape, assez pour ne pas totalement s'étaler sur le sol mais pas assez pour rester debout. Il porte la main à son visage, ses yeux bleus grands ouverts comme un précipice près à tous nous engloutir. Kathryn porte la main à sa bouche sans plus de commentaires et Julian... Julian... regarde si « pire que mutant » ne va pas exploser. Mais il se contente de crier, il essaie alors de s'interposer en posant ses doigts contre le torse du jeune homme. À peine ses doigts le frôlent-ils qu'il les retire soudainement, de peur de subir le même sort que le patron. Il tend la main à M. Worthinghton qui se redresse et gueule à son tour : « Il est enfin humain ! »

Toutes les machines commencent à perdre la tête, et la lumière saute. Pris d'un élan d'héroï... de grosse stupidité, Juian reste au milieu et essaie de briser le contact visuel entre eux. Le garde du corps se rapproche de la porte quand son corps se retrouve comme attiré au mur duquel il ne peut se séparer. L'avocat essaie de l'aider, de tirer sur son bras. Kayden... Julian pose maintenant sa main contre le torse de M. Worthington qui s'est relevé, c'est moins dangereux. Il a levé les yeux sur les néons du plafond. Ses poings sont serrés et Kathryn s'est figée, immobile. Soudain la lumière semble à nouveau éclairer en continue, les appareils se calment enfin et Julian respire à nouveau. « Alors messieurs, je vous propose qu'on p... » « Vos erreurs du passé vous poursuivent et même s'il espère que vous avez de bonnes intentions, moi je préfère parer à toutes nouvelles conneries de votre part. » Raté. M. Worthington écarte Julian d'un mouvement du bras et ajoute : « Je n'ai pas la journée, et je m'occuperai de mon fils comme je l'ai toujours fait. Ce ne sont pas des bêtes de foire comme vous qui me feront peur ! » Julian s'empresse de bredouiller quelque chose à propos d'un rendez-vous et le patron peste quand le garde du corps et Tobias entrent timidement alors que l'avocat reste dehors. Il sort, emmenant ses hommes avec lui.

Julian demeure quelques instants avec Kathryn, Tobias et Kayden vers lequel il lève timidement le regard. Il cale les poings sur ses hanches et lance, comme soulagé : « Wow, effrayant ce truc avec les lumières et tout ça... D'accord, je vous sens peu patient. Écoutez, c'est très regrettable ce qui vient de se passer... » Il se penche légèrement vers Kayden et lui chuchote : « Est-ce qu'avec cinq mille dollars... ? Vous savez elles peuvent encore serv... okay okay j'ai compris. » Il lève les mains quand le regard noir de Kayden se pose sur lui et sort, après avoir souhaité une bonne soirée, autant que possible, à tous.

« Il n'a pas toujours été comme ça. » sont les derniers mots que prononcera Kathryn. Les deux jours qui suivront, Warren Junior ne fera parler de lui qu'à travers ses avocats, pendant que Kathryn se rend au tribunal pour leur présenter les siens. Leurs cris résonnent. Résonnent encore au creux de mon oreille. Kayden...

Kayden ? Un bip répétitif me parvient. Ma main se serre dans le vide, je cherche à prendre une inspiration qui se retrouve bloquée par quelque chose dans ma gorge. Mes yeux s'ouvrent doucement, une lumière blanche m'aveugle à nouveau. Mes doigts desserrent et resserrent leur prise. « Je te souhaite une belle vie parmi les humains... Warren. » J'essaie à nouveau de respirer par moi-même, mes doigts enserrent un morceau de drap. Je rouvre les yeux, cette lumière, à nouveau. Mon bras se tend soudain dans le vide, je me rends alors compte que je suis libre de mes mouvements. Ma main gauche vient rencontrer le tube qui se trouve dans ma gorge pendant que le second cherche frénétiquement sur le côté, les doigts tendus sur le vide... pendant que le second cherche frénétiquement quoi ?
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