SOLDIER KEEP ON MARCHIN' ONSoldier keep on marchin' on
Head down til the work is done
Waiting on that morning sun

Elle aime bien le violet. Dans le ton pastel, bien entendu. Peut-être qu'elle pourrait refaire sa chambre dans ces tons-là, quand du temps libre se profilera à l'horizon. Elle pense aller au cinéma, aussi. Y'a un paquet de films qu'elle aimerait bien voir. Et pouvoir avaler des quantités de pop-corn et de chips jusqu'à en avoir mal au ventre, ça fait aussi partie de ses plans. Elle se dit que ça fait longtemps qu'elle n'a plus assisté à un match de baseball et que ça lui manque un peu. C'est son grand-père qui l'y a initiée alors qu'elle n'était pas plus haute que trois pommes et la première fois qu'elle a voulu y jouer, elle a lâché la batte au moment de frapper. Son grand-père l'a reçu en plein visage. C'est le genre de souvenir qui lui brise le coeur, mais parvient à la faire sourire en même temps. C'est étrange, ce sentiment mitigé qu'elle ressent. Elle est assise là, sur le banc face au terrain d'entraînement d'Hydra, prête à s'entraîner, mais elle ne le fait pas. Son esprit vogue bon gré, loin de tout ce tumulte qu'elle ne contrôle pas. Elle observe distraitement ses doigts se battre en duel, comme chaque fois qu'elle est contrariée. Finalement, elle se demande si toute cette idée d'infiltration était si brillante que ça. Elle se sentait prête, lorsqu'on lui a demandé et maintenant... Maintenant c'est une histoire totalement différente. C'est le genre de choses auxquelles elle évite de penser, généralement. Elle se dit qu'il y aura toujours un petit malin pour passer dans le coin et chercher à lui tirer les vers du nez. Non pas que ce soit ce qui lui fasse peur, pour tout dire. Elle peut tenir tête à une personne qui la questionnerait, parce qu'elle y a été entraînée. Et que c'est facile, lorsqu'on a en horreur la personne en face de soi, lorsqu'on déteste son interlocuteur. Quand on a commencé à s'y attacher, ça devient immédiatement un petit peu plus compliqué. C'est le genre de détail dont elle se passera, lorsqu'elle fera un rapport à Coulson ou à son propre chef d'équipe.

C'est quand elle pense à des conneries pareilles qu'elle se rend compte combien elle est seule, ici. Et que d'un coup, son arrogance éclate comme un ballon piqué d'une aiguille. Elle se demande ce qu'elle aurait fait de sa vie si, c'est difficile à imaginer, mais elle le fait quand même, parce que c'est le genre de jeux auquel elle adore se prêter, elle n'avait pas été à l'Académie du shield. Si elle n'était pas devenue agent. Elle aurait certainement fait la fac. D'histoire, de droit. Plus d'histoire que de droit,  bien y réfléchir. Ou elle se serait dirigée vers le langues, c'est un domaine qu'elle aime beaucoup. C'est universel, ça rapproche les cultures. Elle aurait pu aller au cinéma quand elle le souhaitait, avoir des amis qui n'étaient pas capables de lui rompre la nuque en moins de temps qu'il n'était nécessaire pour le dire. Elle aurait pu voyager aux quatre coins du globe, marcher dans la rue sans avoir à regarder par-dessus son épaule. Elle aurait pu se concentrer sur sa vie sentimentale. Une grimace lui échappe à cette pensée. Non, définitivement. L'idée de voyager était tentante, mais pas assez. Qui avait envie d'une vie ordinaire, quand il pouvait passer des heures dans une planque à se les geler avec une paire de jumelles dans une main ? Tsss. Toutes ses pensées lui paraissent ridicules, tout à coup.

Au moment où elle se redresse, se donnant du courage intérieurement pour cette séance d'entraînement, son regard se pose sur Wally qui s'est arrêté dans l'embrasure de la porte et qui l'observe. Elle hausse délicatement un sourcil, ses yeux font la navette entre son casque (elle préfère largement le terme couronne, elle l'utilise pour le taquiner) et son visage. Heureusement que quelqu'un lui a filée, cette fichue couronne. Aussi bien pour elle, que pour lui, en fin de compte. Elle se demande ce que ça fait, quand il la retire dans une pièce bondée. Est-ce qu'il a des migraines ? Est-ce qu'il a envie de se fracasser la tête contre un mur, à entendre toutes ces voix ? Ça l'intrigue, elle est curieuse, Lili. Quand il est dans la même pièce qu'elle, c'est un automatisme : elle se met à penser comme Lilian Grayson le ferait, malgré son casque. C'est pas facile, elle se demande réellement si elle pourra le duper éternellement. Comment il réagira, si jamais il apprend. Arrête. « Le petit prince serait-il venu s'entraîner ? » Elle croise les bras, arque à nouveau un sourcil, mais sourit tout de même. Peut-être qu'être seule, c'est mieux. Elle s'est déjà mis Ward dans la poche, elle devrait arrêter de fréquenter Wally avant... Avant quoi, au juste ? Elle a peur qu'ils deviennent amis ? Comme si c'était possible. Elle n'en a pas envie. Elle n'en a pas envie. Elle n'en a pas envie. Alors, sans attendre plus longtemps, elle attrape des gants de boxe qu'elle lance dans la direction de Wally, lui accordant à peine un regard. Elle se dit que ce match de baseball, elle devrait aller le voir, si l'occasion se présente. Elle devrait même acheter un ticket. Là, tout de suite. Après l'entraînement. Quand on lui donnera du temps libre, en fait. Elle se place derrière le punching-ball pour le tenir, attends sagement le jeune homme. Hors de question qu'ils se battent. La dernière fois qu'il l'a effleurée, il a entrevu une partie d'elle. Celle de son grand-père et de la batte de baseball. « Ça fait un petit temps que je ne t'ai plus vu, t'étais passé où ? » En mission. Partit s'isoler. Elle en sait trop rien, alors elle se contente d'attendre. Encore et toujours. Il paraît que la patience est une vertu.

soldier keep
on marchin' onTHEY DID NOT WANT US TO DREAM BECAUSE THEY KNEW WE WOULD DREAM OF THE TRUTH, OF POWER, OF THE WEAKNESS IN THE WORLD THAT WILL LET US BREAK IT AND FORGE IT ANEW.

Quand ses doigts tricotent comme ça et que ses sourcils font des vagues sur son front, Wally se demande si Lilian ne pense pas à son grand-père et invariablement, il se demande à quoi ça ressemble, un grand-père. Il n'a jamais connu les siens. Évidemment, il comprend le concept: un grand-père est le père d'un père. C'est un homme plutôt vieux et qui est un peu sage, un peu sympathique, un peu attachant. Parfois sévère. Wally imagine très bien les familles composées et recomposées; mais il n'arrive jamais à les transposer dans la réalité. Il se demande si Lilian aime son grand-père et il se demande pourquoi elle lui a lancé sa batte de baseball au visage. Peut-être voulait-elle le punir? Après tout, les battes de baseball font des armes légitimes. Le père à Wally préférait les ceintures et une fois (rien qu'une fois, mais ce n'était pas de sa faute, il était très énervé) les jambes de chaise.
Il faut qu'il arrête de penser à ça, à cette vie, à lui. Il ne lui appartient plus. Il a grandi et changé. Oui. Il est plus grand, plus fort, plus puissant. Il est utile, maintenant.
Alors il observe Lilian et se demande simplement ce que ça fait, d'avoir un grand-père et de jouer au baseball avec lui. Il revoit encore la scène: la prise presque nerveuse à la base de la batte, l'adrénaline soudaine, la balle arrivant trop vite, le déhanché, le coup de batte et puis l'impression étrange quand celle-ci s'échappe aux doigts... et le coup au coeur en voyant la minuscule gerbe de sang gicler du nez de papy. Wally ne se sent pas pervers de repasser le souvenir en boucle dans ses propres pensées. Il le tourne et le retourne dans son esprit jusqu'à retirer ses couleurs et ses émotions, comme si il avait passé trop de temps dans le lave-linge. Il savoure, Wally. Il savoure l'impression d'avoir un grand-père et d'être aimé(e) par ce grand-père.

« Le petit prince serait-il venu s'entraîner ? » Il fait la moue, presque vexé, même si il sait que Lili ne fait que se fiche gentiment de lui. Il sait que sa couronne — son casque — lui donne un air tout à fait stupide mais il en a besoin. Il en a plus besoin que n'importe quoi au monde; sans cette ultime protection... sans ce dernier rempart, Wally ne peut rien faire. New York vit et s'éveille dans ses pensées, infestent son coeur et son esprit. Personne ne peut réellement comprendre. Le silence est une denrée rare; dans la partie reculée de la base où se trouve la salle d'entraînement, il peut enfin se reposer mentalement. Physiquement, c'est une autre histoire. Il attrape au vol la paire de gants qu'elle lui envoie. “ Tu veux bien m'aider? ” demande-t-il après une hésitation, l'air prudent et prêt à encaisser un refus violent. Mais Lili se lève, éparpille ses pensées et vient se placer derrière le punching-ball; Wally doit retenir un sourire tant soulagé que satisfait.
Il enfile rapidement les gants, comme il l'a fait un millier de fois, et se dirige vers elle en faisant un sort aux attaches et aux scratchs. « Ça fait un petit temps que je ne t'ai plus vu, t'étais passé où ? » Il donne un, deux, trois coups un peu mous dans le sac, l'air contrarié. “ Je préfère les vrais combats, ” lâche-t-il finalement. La dernière fois qu'il l'a effleurée lors d'une parade de combat, il a entrevu une partie d'elle. Celle de son grand-père et de la batte de baseball. Et Wally aime bien ça, ces parties des gens dont ils ne se rendent pas compte qu'elles sont précieuses. Les après-midi à manger des glaces et les barbecues dans le jardin et les parties de baseball foireuses. “ J'étais en congés, ” plaisante-t-il pour répondre à sa question. Il n'y a pas vraiment de congés, chez HYDRA. Des missions, des missions, des missions. Mais depuis qu'il habite avec Theodor, Wally a le droit à l'air un peu frais de New York et il s'échappe, parfois, pour prétendre qu'il vit sa vie. Prétendre, juste. Il n'a jamais rien su faire d'autre.

Il se baisse un peu sur ses appuis, rassemble ses poings, baisse la tête et commence à frapper le punching-ball en rythme, de plus en plus fort, pour s'échauffer les muscles. Il sautille, il essaie d'atteindre Lili mais elle se cache derrière le sac, le contourne en même temps que lui essaie de passer sous sa garde. Elle ne veut pas s'entraîner avec lui. “ Pendant tout ce temps, tu zonais sur le banc? ” fait-il là encore pour plaisanter. Ça ne lui ressemble pas vraiment de faire des petites blagues comme ça. Pourtant, sur sa langue, on ne dirait pas vraiment des blagues: il laisse tomber ces phrases d'un air tout à fait sérieux et intéressé, dardant seulement la jeune femme d'un regard où brillent quelques étincelles malicieuses.
Il continue de frapper, de plus en plus fort, de plus en plus vite. Lili garde le sac entre eux mais au bout d'un moment, Wally bondit sur le côté et envoie son poing dans son épaule. Fort. Peut-être trop. Suffisamment fort pour lui faire faire un pas en arrière mais pas assez fort pour lui faire mal. Il sait qu'il ne devrait pas jouer à ce jeu-là, il sait que ce jeu est dangereux — on ne provoque personne impunément dans le royaume d'HYDRA. Mais Wally n'a jamais connu que ce jeu-là. “ Je t'ai eue, ” dit-il en la regardant dans les yeux, laissant ses bras retomber le long de son corps. Il l'observe comme un animal curieux, penche la tête sur le côté. “ Quelque chose ne va pas. ” Ses sourcils qui font des vagues sur son front et ses doigts qui s'asticotent nerveusement. “ J'ai entendu dire que tu avais rencontré monsieur le directeur, demande-t-il ensuite, passant du coq à l'âne sans y réfléchir. Il est comment? ...rouge? ”