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 Who saves a devil, saves the world... Jared

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Purifiers • set them on fire
Jeremiah Reagan
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Aaron, mon petit frère, est possiblement un mutant. J'ai fait les cinq cents pas dans la maison en attendant de trouver la solution, en attendant la bonne idée. J'ai repensé au meurtre que je venais de commettre, et à l'un de mes chapelets oubliés là-bas. Je ne suis pas allé le chercher, quand je porte la main à mon cou, je me sens nu. Je me sens démuni. À cet instant, je me sens aussi démuni que... J'ai toujours pu compter sur mes parents – ils ne m'auraient pas abandonné en dépit du mépris flagrant de mon père pour ma faiblesse et mon apparente inutilité – ou sur Lewis, sur Sarah, sur Bill. J'ai toujours pu compter sur Primrosae, sur les Watchers mais quand il s'agit d'Aaron, qu'est-ce que je peux faire ? Je devrais lui donner deux jours, deux jours d'avance pour fuir, avant que je ne donne l'ordre de le tuer. Ce n'est plus Aaron. Il en a l'apparence, il en a la voix, il en a les souvenirs mais ce n'est plus mon frère. Je m'assieds dos à la porte de chez moi. Il y a leur photo, à eux, et quand je la regarde, je ne sais pas quoi en penser.

Je dois sortir, je dois prendre l'air, réfléchir. William est sur un gros projet m'a-t-il dit, je n'arrive pas à le joindre. J'ai cette furieuse envie de débarquer chez Jaëger et de lui défoncer le crâne à lui aussi. Mais là, c'était moi. Ce type était un homme honnête et un peu Watcher, et je l'ai abattu. J'ai été pris d'une sorte de... folie passagère. Il me répétait que je devais le faire, il me disait que c'était nécessaire. Et les mots de Lewis et Sarah me revenaient en tête. Ils veulent que je préserve Aaron. Et quand eux-mêmes sauront, qu'est-ce qu'ils diront ? Ils diront qu'un choix doit être fait. Le mutant et le tueur de mutants, à la même table, ça fera tache à un repas de famille. Je sors, je passe souvent la main à mon cou, je dois en retrouver un. Je recommencerai, prière à prière. Je recommencerai à compter, mutant après mutant. Je devrais donner deux jours à Aaron ou lui mettre mon arme en main pour qu'il en finisse avec cet état.

Les températures sont enfin supportables. Dans l'intérieur de ma veste en jean, un couteau pend. Je n'ai pas pris mon automatique, inutile. Je regarde l'Église s'éloigner dans mon dos. Je ne veux pas m'y retrouver ce soir, c'est trop douloureux. Aaron ne peut pas rester ici, je dois demander à papa de le rappeler, de le garder près de lui parce que s'il se retrouve dans mes pattes... Je ne veux pas voir son visage, pas voir sa sale face de mutant s'effondrer quand je lui demanderai si c'est vrai et qu'il avouera. Je ne veux pas qu'il baisse les yeux avec honte, ni qu'il assume sa race avec fierté, je voudrais qu'il soit surpris, choqué, qu'il me dise que je suis fou, que je me trompe.

Je ne vois plus l'Église au-dessus de mon épaule. Elle a disparu. Je passe la main sur ma nuque. Et quel pouvoir horrible a-t-on pu lui infliger ? Qu'est-ce qu'il fait ? Comment va-t-il tout détruire ? Je pourrai le faire, je serai assez fort pour le faire. Quand il sera face à moi, je serai assez fort pour le tuer, pourvu qu'il ne dise rien, pourvu qu'il ne me rappelle pas qui il fut à mes yeux, pourvu qu'il ne soit pas le reflet du Aaron que j'ai connu ! Je pourrai le tuer, mais j'ai besoin de lui dire adieu. J'aurai besoin d'être en paix, si je dois retirer la vie à Aaron. Lewis et Sarah imploseront. Je ne pourrai pas les protéger de ça. Je ne... « Vous auriez du feu ? » Un homme m'a interpellé, ses yeux clairs fixent un point invisible, comme s'il n'attendait pas ma réponse. Je cherche dans mes poches, et finis par lui sortir un briquet. Il me souffle un « merci », avançant sa cigarette dans ma direction. L'avançant d'une main de glace qui s'approche de moi en prolongement de son corps. Je ne bouge pas. Je fais mine de vouloir allumer la flamme. « Celui-ci ne marche pas... » Je le laisse tomber au sol, fais mine d'en chercher un autre. Il se penche pour ramasser le briquet au sol. Et écolo en plus. Je sors le couteau, prends une inspiration et l'enfonce simplement dans son flanc. Une fois. Deux fois. Quand je veux extraire l'arme, elle est retenue, comme prisonnière d'un bloc de glace. Il paraît surpris, je le suis aussi. Sa main de glace me saisit au cou, sans énervement. Il ne m'étrangle pas mais j'ai du mal à respirer. L'extrémité de mes doigts devient bleue. Et il reste serein, en dépit du sang qui coule de son flanc. J'essaie de m'extraire de sa prise, finis par lui mettre plusieurs coups au visage, mes mains froides tremblent mais je continue, aussi fort que je peux. Il finit par me lâcher. Son corps oscille entre la glace et la chair. Foutus cryokinésistes, je vous buterai tous. Je passe sur son côté, en profite pour retirer l'arme, histoire d'accentuer l'hémorragie. Le couteau me glisse des mains. Je regarde les doigts bleus, il ne dit rien. Je recule, il se contente d'avancer vers moi. Je dois l'éloigner... je tousse, porte la main à ma cage thoracique. Comme je déteste cette sensation ! J'ouvre grand la bouche, essaie de gonfler mes poumons. Un nuage de buée s'échappe de mes lèvres : « Éloigne-toi... »
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C’est grisant, n’est-ce pas ? De courir à une vitesse surhumaine. De ressentir la vitesse dans tout son corps. De sentir le vent fouetter son visage. Ô que oui. Bien plus qu’une bonne cuite avec Harry. Désolé, mon pote, mais là, on est sur un niveau supérieur. Toutes les vodkas du monde ne pourront jamais recréer cette sensation. Ou alors, il faut vraiment être perché. Et avoir pris un peu de drogue. Beaucoup de drogue. Heureusement pour nous, Jared n’a ni bu, ni pris de la drogue. Vous imaginez, sinon ? Un Jared maladroit, idiot ET drogué ET alcoolisé ET rapide. Pas sûr que New-York tienne. On assisterait à la destruction de la ville en quelques secondes. Déjà que là, ce n’est pas bien glorieux… Non mais vous avez vu comme il arrive à peine à slalomer entre les gens et les voitures ? Hier encore, il a fini la tête la première dans une benne à ordures. Il a dû se changer et se laver, avant de retrouver Jazz. Et encore, il puait le fromage. A sa décharge, il commence seulement à dompter sa vitesse. Il ne l’a pas découverte depuis très longtemps. Trois semaines, tout au plus. Bon okay, il aurait quand même s’en sortir un peu mieux. Maiiiis, connaissant Jared, c’est déjà un miracle qu’il ne se soit rien cassé à cette vitesse. Tiens, en parlant de vitesse, vous saviez que passer au milieu des buildings à deux cent kilomètres heures, ça donne le tournis et la nausée ? Il n’aurait pas cru… Hé bien si ! La paillasson du voisin s’en souvient encore. Est-ce que ledit voisin est au courant ? Vous prenez Jared pour qui, au juste ? Évidemment qu’il ne lui a rien dit ! Il a vomi et s’est enfermé dans son appartement. Ni vu, ni connu. Ben quoi ? Comment vous auriez expliqué la chose, vous ? Faut savoir se faire discret quand on a des pouvoirs. Okay, je vous le concède, reconstituer son repas sur le paillasson de quelqu’un d’autre n’est pas discret. Mais autant ne pas attirer davantage l’attention sur lui, non ? Et puis, lui aussi supporte les conséquences ! Je ne vous dis pas l’odeur sur le palier. Alors, vous voyez ? Jared est aussi puni. Bref, on en était où ? Ah oui ! Jared qui court. Jared qui fend la foule. Jared qui file à travers la ville. Jared qui fait cramer ses converses. Bon sang, ça pue le plastique brûlé ! C’est déjà la deuxième paire de la semaine. Il faut qu’il se trouve de bonnes chaussures. Il ne peut pas continuer à vider son compte bancaire à cause de sa vitesse. Quoique… Il le faisait bien pour suivre les super-héros. Maintenant qu’il en est un, il doit revoir ses priorités. Enfin, pour le moment, il est plus un super-héros de pacotilles. Il n’a pas encore joué les héros. Il n’a sauvé personne. Sauf ses raviolis qui prenaient feu dans sa casserole. Autant vous dire que sauver un bâtiment en anticipant un incendie, c’est fatigant et foutrement talentueux ! Même Captain America n’y arriverait pas. En même temps, le gars doit avoir Hulk pour lui cuisiner des cookies. Bon, c’est décidé. Jared doit avoir sa propre team. Une personne pour le ménage. Une personne pour la cuisine. Une personne pour son costume. Une personne pour lui éponger le front. Une personne pour le masser (c’est éprouvant physiquement de courir partout). Il va passer des annonces. Travail non-rémunéré, dangereux et en compagnie d’un héros. Les candidats vont se ruer sur son annonce !

Allez, cours, petit Jared, cours. Et veille à bien fermer ta bouche. Ce serait con d’avaler des moucherons. Autant la salade entre les dents peut facilement s’expliquer, autant les moucherons collés, c’est plus difficile. Et imaginez si il l’avale ? Il serait bon pour un étouffement. Non vraiment, autant garder les lèvres bien serrées les unes contre les autres. Écouteurs sur les oreilles, il traverse la ville. Son travail ? C’est quoi, ça ? Il a pris son jour. Il a décidé que se consacrer à sa future carrière non-payée de super-héros est plus important que de livrer des gens qui passent leur temps à acheter. Ouais. Fuck le système ! Fuck la société de consommation. Ah oui, c’est vrai qu’il a des converses aux pieds… Bon, pas fuck le système. Pas fuck la société de consommation. Dans ses oreilles, la musique hurle un air de Carly Rae Jepsen. Ouais, il écoute de la musique profonde, romantique, intelligente et pleine de sens. Vous êtes jaloux, hein ? Allez écouter Call me maybe. Si tout le monde l’écoutait, il y aurait moins d’adolescentes inquiètes de savoir si l’autre va la rappeler ou pas. Elles apprendraient l’indépendance. Elles apprendraient à ne plus vivre à travers les hommes. OUAIS ! Révolution. Bref, Carly a beau s’égosiller dans ses oreilles, Jared n’entend pas grand-chose. Il entend plutôt le vent qui souffle dans ses oreilles. Il n’entend même pas que Carly est remplacée par la musique de nyan cat. Le cadeau d’un de ses amis. Ben oui. C’est tellement drôle de télécharger des musiques sur son téléphone pendant que Jared va commander des boissons au bar. J’vous jure ! Il est entouré de boulets. Il en est aussi un ? Ça reste à prouver. Oh tiens, il est arrivé dans le Queens. Le quartier de Jazz. Faudrait qu’il ralentisse. Sinon, elle va le reconnaître et le disputer. Il n’a pas le droit d’utiliser ses pouvoirs en public, il semblerait. Genre, comme si Hulk avait été interdit de transformation en pleine ville les premiers jours ! Malgré tout, il ne ralentit pas. Il continue. Où va-t-il comme ça, vous vous demandez ? Très bonne question. Il n’a pas de but. Il n’a pas d’objectif. Juste courir. Juste ressentir la liberté. Juste découvrir ses limites. Bon, y a un truc qu’il sait : il meurt toujours de faim après ses courses. Et parfois, il est même pris de vertiges. Maiiiis, tout va bien. Il est en parfaite santé… n’est-ce pas ? Il ne va pas mourir d’un arrêt cardiaque, hein ? Dites ? Ce serait teeeeellement triste ! Le héros qui n’aurait pas eu le temps de le devenir. Destin pourri. Il court juste pour le plaisir. Pour se vider l’esprit, vous voyez ? Pour se recentrer sur lui-même et se ressourcer, vous comprenez ? Ouais bon, ça, c’est la théorie. HEEEEEY ! STOOOOOP ! Freine, Jared, freiiiiine. Ses semelles crissent sur le goudron. Il se retourne. Attendez, il se passe quoi là-bas ? Il n’est pas sûr que ce soit des enlacements pleins d’amour et d’affection. Ce serait plutôt du genre “Allez, viens, et si je te tuais ?”. En plus, c’est un pauvre retraité sans défense (où est passé son déambulateur ? Il faut le retrouver !) qui est victime d’un mec pas commode du tout. Jared ne peut pas passer à côté ! Il fait demi-tour, sans trop réfléchir à la situation et aux risques. Ça serait connu et reconnu si il réfléchissait avant d’agir.

Éloigne-toi…” Jared se glisse entre les deux hommes. Bon sang ! Il fait froid par-ici. Il pensait qu’on était en été. Est-ce qu’ils auraient changé de saison sans en avertir Jared ? Ce n’est franchement pas sympa. Et puis, il n’a pas le temps d’acheter des cadeaux de noël. Va falloir remettre les choses comme avant, les gars. Maintenant. Bref, il débarque en créant un coup de vent qui va sans doute faire s’envoler la moumoute de pépé. Jared la lui rattrapera tout à l’heure. Pour le moment, il plante son regard dans les yeux du méchant pas beau (le cryokinésite. Je saiiiiis, c’est pas le bon méchant, mais Jared est novice, faut le pardonner). “Ouais, écoute le vieillard et éloigne-toi !” Sa première phrase de héros. Vous imaginez ? Que d’émotions ! Il l’a même prononcée avec sa voix la plus autoritaire et la plus confiante possible. Il s’est entraîné pendant des heures devant son miroir pour y arriver. Il a même bossé son regard de super-héros. Vous voulez le voir ? Okaaaay, puisque vous le réclamez tant, il vous le montrera après. Uniquement si vous êtes sages ! OH SHIT ! Le gars se transforme en glace. C’est possible, ça ? Ce ne serait pas le gars… comment il s’appelle déjà ? Iceman, voilà ! Ce ne serait pas lui ? Nooon, Iceman ne tue pas les gens en pleine rue. Jared esquive le coup de poing qui lui est destiné. Yeeeah ! La speedforce est dans la place ! Il ne sait pas vraiment comment il a fait. Il était en train d’admirer le graffiti du mur. Probablement l’instinct de survie. Ou déjà des réflexes de héros. Trop classe ! Même pas besoin d’entraînement. Hm… par contre, le coup qui vient de lui exploser l’épaule, il ne l’a pas vu venir. Okay. Il va falloir sortir le super-Jared. Il attend que la glace abandonne la partie pour se lancer. Le temps semble s’arrêter autour de lui. Le temps semble figé. Il le sait, figer est le pouvoir de Jazz. Le sien, c’est d’aller vite. Tellement vite que tout semble en suspension. Tellement vite qu’il peut exploser le gars, même avec ses petits poings. Bim. Bam. Boum. Dans l’estomac. Dans la face. Et pouf, un balayage des jambes (il a vu ça à la télévision !). Et quand le temps reprend son cours, le mec est à terre. Oh crotte ! Il saigne. Ce n’est pas de la faute de Jared, hein ? Promis ? Le mutant se remet difficilement debout. Il porte la main à sa plaie. Il a le regard mauvais. Est-ce que c’est trop tard pour lui faire croire que Jared est fou ? Oui ? Bon, on fera avec alors, si il le gèle sur place. Finalement, ce n’est pas la solution choisie. “Je n’en ai pas fini avec vous…” Le mec abandonne la partie. Il se casse sur une espèce de plate-forme de glace. Cool ! Jared veut la même ! Mais avant, savourons ce moment de gloire. Il vient de sauver son premier innocent. Il vient de jouer les super-héros. Hé ouais. Il est dans le game, les gars. Bon, il n’a pas de masque, pas de costume, pas d’alias. On va devoir corriger ça rapidement. “Woaaaah, j’sais pas ce que vous lui avez fait, mais il n’a pas l’air content-content !” Il se retourne vers Jeremiah. Un grand sourire sur les lèvres. C’était vraiment chouette ! TROP TROP CHOUETTE. On recommence quand ? Il a aimé cette sensation d’aider, d’être utile. Bon, il a les poings en feu. L’épaule douloureuse. Mais il est enfin sur le terrain, à agir plutôt qu’à se tourner les pouces.

Il fronce les sourcils en voyant l’expression de Jeremiah. Il fait vraiment une sale gueule, le vieux. Il a dû prendre cher. Soit c’est le Yeti qui lui a fait ça. Soit, on les nourrit vraiment mal à la maison de retraite. C’est triste ! On laisse les proches dans des établissement et même pas les employés les traitent convenablement. Jamais Jared ne mettra ses grands-parents en maison. JA-MAIS. Il les prendra dans son deux pièces et les fera dormir sur le canapé. Ouais, voilà. “Oulalala, mais vous avez mauvaise mine ! Faudrait penser à manger plus de carottes !” Paraît que les carottes donnent bonne mine ou font de belles fesses roses, il ne sait plus exactement. Il ne comprend pas toutes ces croyances basées sur des légumes. Franchement, si la clé de la paix dans le monde était là-dedans, on le saurait depuis longtemps. Tant pis si pour ça, il faudrait manger des épinards à tous les repas ! Faut bien se sacrifier un peu pour s’entendre avec son voisin. Ou alors, il faut éviter de vomir sur son paillasson. “Ca va aller ? Vous voulez que j’appelle votre maison de retraite pour qu’ils viennent vous chercher ?” Et il l’emmènera manger un sandwich, aussi. Histoire que ce pauvre vieux reprenne des couleurs. Vous avez vu l’état de ses mains ? On dirait qu’il crève de froid en plein mois de juin. Le pauvre chaton ! En plus, il respire mal. Il doit être le genre de gars qui se promène avec une bonbonne d’oxygène. En fait, il a quel âge ? Bon, il n’a pas l’air si vieux que ça. Jared a fait une erreur. Par contre, son visage lui dit quelque chose. Mais quoi ? Impossible à dire. “HEY, mais j’vous connais ! Vous n’êtes pas l’une de ces célébrités qu’on voit à la télé ?” Ils ne se sont jamais rencontrés. Il en est certain. Par contre, il a déjà vu sa face quelque part. Sur Internet ? A la télé ? Dans les journaux ? En tout cas, il est devant une célébrité et en fanboy qui se respecte, il ne peut s’empêcher de se réjouir. Il a vraiment une chance de fou !

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J'ai déjà eu l'occasion d'être confronté à des mutants, ayant la plupart du temps un plan en poche, une façon de contrer le pouvoir en question, ou tout simplement l'effet de surprise. Mais malheureusement, je suis impulsif, je suis terriblement impulsif. Je suis lunatique. Je suis colérique. J'en suis bien conscient, c'est peut-être ça qui me perdra. Parce que je ne suis pas orgueilleux, je ne me crois pas immortel, je sais bien que je ne le suis pas. Et M. Qadir Al-je ne sais plus... il s'en est bien rendu compte aussi. Al Mu'Tamid, voilà, c'est ça. Mais que vaut leur force physique, leurs pouvoirs contre l'alliance des hommes ? Elle ne vaut rien, parce qu'avant tout ils ont été humains. Il y a une certaine culpabilité, une honte appréciable chez la majorité d'entre eux, et qui permet parfois de les approcher plus facilement mais avec les récents événements... il faut changer de technique. Je suis bien conscient qu'ils se méfient, qu'ils vont frapper à un moment ou à un autre. Nous devrons les devancer. Et je ne laisserai pas Aaron les rejoindre, ni celui-là non-plus...

… si j'arrive à m'en défaire. Son contact semble avoir provoqué une sorte de lien entre nous. Si bien que sa simple proximité me rend mal et mal à l'aise, physiquement. J'essaie de me redresser, j'ai un bras tendu dans sa direction, l'autre sur ma cage thoracique. J'essaie de respirer doucement. Je regarde au-dessus de son épaule, personne. C'est bien ma veine. Et derrière moi... j'aurais pu courir mais je serai essoufflé beaucoup trop vite. D'ailleurs je le suis déjà. Et voilà, ce qui arrive quand on laisse des mutants se balader dans la nature ! Je porte finalement la main à mon cou, j'aurais dû y retourner, aller le chercher. En une seconde, un homme s'interpose. Je ne vois que son dos mais profite de sa présence pour faire un pas en arrière. Je cale mon dos contre le mur, ouvre grand la bouche pour essayer de reprendre mon souffle. De la glace a commencé à recouvrir le sol sur un périmètre restreint. Un nouveau pas en arrière. Bon, il va falloir qu'on le finisse et si on est deux, j'imagine que ce sera d'autant plus facile.

Mais lui, jusqu'où ira-t-il ? J'ai appris que même en guidant une main armée dans la bonne direction, on ne peut pas contrôler aussi facilement les gens qu'on pensait... plus malléables. Leurs foutues valeurs, leurs principes, leurs idéaux, tout cela n'est qu'un écran de fumée, un vulgaire éc&an de fumée qui disparaîtra bientôt. Si je dois mettre tous ces adolescents à genoux avant de les abattre un par un, que puis-je faire d'autre ? C'est ce qu'il faut faire pour préserver l'avenir. C'est la suite logique des événements. La confrérie ne donne pas signe de vie, et ça m'inquiète. Notre pari de février était risqué, il l'a toujours été. Ils viendront, ils clameront peut-être même que ce n'était pas eux. Qui sera là pour les croire maintenant ? Tout est déjà orchestré, tout est préparé... Il n'y a que Aaron dont je ne sais pas quoi faire pour l'instant. Je voudrais oublier cette conversation, qu'aucun maudit télépathe ne vienne à apprendre cela et rallier mon frère à sa cause. S'il évoque cette possibilité, seulement l'évoquer...

Mais j'avoue que ça me ferait chier de mourir ici ce soir. Mais il y a bien des cas de figure qui seraient pire que la mort. Des dizaines. « Ouais, écoute le vieillard et éloigne-toi ! » Je fronce les sourcils. Il n'y va pas un peu fort, le gamin ? Mais ça ne me vexe pas. D'abord parce que la situation ne s'y prête pas et parce que... je ne me suis jamais encore fait appeler « vieillard ». Ça a beau être plutôt inattendu, ce n'est qu'un mot, qu'un simple mot qui n'a pas de prise sur moi. L'âge, c'est le lot des années, c'est la vie et si un jour, je suis vraiment vieux, c'est que j'aurais été arrêté ou que nous aurons gagné. Je préfère croire que nous aurons gagné. À quoi ressemblera un monde de mutants, de chaos ? Chacun ira de son petit pouvoir, les hommes disparaîtront, tel que l'a prédit la Confrérie et ses prophètes malades. Ce ne sera pas dans une génération, pas dans cinq, pas dans dix. Ils veulent exterminer les hommes maintenant, ils veulent prendre le contrôle sur le monde maintenant. Ils veulent dessiner un nouvel homme et détruire les créatures de Dieu. Ils ne sont pas l'Avenir, juste une peste. Une peste à soigner, une peste à brûler, une peste à faire disparaître. Les innocents qui partiront seront le salut pour ceux qu'ils aiment.

Après tout, qui ne serait pas prêt à mourir pour les siens ? Qui oserait refuser le sacrifice ? Quel père ne voudrait pas donner sa vie pour celles de ses enfants ? Quelle mère n'accepterait pas de partir avant l'heure si cela laisse l'espoir d'un lendemain meilleur ? Endormez-vous, mes agneaux, endormez-vous. Je saurai veiller sur ceux que vous aimez... je me redresse, jette un œil vers le couteau tombé au sol. Pas de réponse du mutant, ou du modifié, peu importe ce qui l'a changé. Seul compte ce qu'il est maintenant. Le gars réplique d'un bon coup à l'épaule si, à en juger par la matière de son bras, doit faire mal. Mais je ne me sens pas assez solidaire pour prêter main forte immédiatement à vrai dire. Reconnaissant, oui bien évidemment. Mais j'interviendrai quand même si je vois qu'on doit s'y mettre à deux, mais j'aimerais autant ne pas essayer de trucider du mutant devant un inconnu arrivé comme une fleur – une fleur très rapide – dans le coin...

Finalement, en une seconde, le mutant est au sol. Son pouvoir semble avoir cessé son emprise quand il est tombé. Je tousse comme chasser ce qui bloque ma respiration et frotte mes mains l'une contre l'autre. Je reprends contact avec le vivant, avec les sensations au bout de mes doigts, le froid semble se dissiper doucement autour de nous, enfin. J'espère que je l'ai assez amoché pour qu'il crève avant de pouvoir rentrer chez lui. La question de pourquoi il est passé de debout à allongé en une seconde va être à creuser, évidemment. Je me place sur le côté du jeune homme qui, de toute évidence, vient de me sauver. Mais ça ne veut rien dire du tout. Aujourd'hui, j'ai eu un peu de chance et demain, il se rendra compte que c'est facile de voler des gens qui ne s'en rendront pas compte ? Et ensuite ? Il jugera qui peut mourir, ou il fera disparaître les gens qu'il n'aime pas ? Ces personnes n'ont aucun code, ils n'ont pas de limites... Ils se croient tout permis !

Moi ? Mais moi j'ai un code. C'est un code qui diffère de celui des Reagan mais j'ai un code. Il est très simple, limpide. Pourquoi faut-il que les humains ne le comprennent pas encore ? Pourquoi lutter contre l'évidence ? « Je n’en ai pas fini avec vous… » lance le mutant en se remettant maladroitement debout. Je lève le visage sur lui. Oh oui, regarde-moi bien, parce que c'est sûr qu'on n'en a pas fini l'un avec l'autre. La prochaine fois, je serai préparé, je serai prêt. Il crée une plateforme de glace sur laquelle il grimpe avant de s'en aller ainsi. Je ramasse le couteau alors que le gamin regarde le mutant s'en aller. Je le remets dans ma veste en dépit du sangt qui le couvre. Et parce que j'ai besoin de ce sang, aussi. « Woaaaah, j’sais pas ce que vous lui avez fait, mais il n’a pas l’air content-content ! » Il se retourne vers moi, il a l'air content. Je lève l'index une seconde, je ne suis pas prêt à répondre tout de suite. Je tousse une fois encore puis ramasse finalement mon briquet. « Il... » Okay, je siffle et je fais encore un peu de buée, tout va bien. Et j'imagine que c'est temporaire, ce n'est pas comme si c'est moi qui faisais de la glace. Comment on peut se supporter chaque jour en étant mi-homme mi-cornet de glace ? Je demanderai à Drake, sans doute, un jour... « Il voulait du feu. » lui dis-je finalement. J'ai envie de lui demander s'il a aimé ça, j'ai envie de lui demander s'il veut recommander mais je tempère mes envies du moment... « Oulalala, mais vous avez mauvaise mine ! Faudrait penser à manger plus de carottes ! » C'est vrai que je dois avoir une sale gueule. Je devrais penser à dormir un peu plus avant le prochain office ou mes paroissiens vont se demander ce qu'il se passe et ils n'ont pas à pâtir d'un Pasteur tracassé par l'assassinat prochain de son frère... Ceci dit, je ne suis pas persuadé que des carottes arrangeront mes problèmes mais je vais mettre ça sur le ton d'un humour étrange. Et puis ce n'est pas comme si j'en avais vraiment... de l'humour. J'esquisse néanmoins un sourire, soulagé d'être tiré d'affaires. Félicitations mon garçon, tu as sauvé celui qui réfléchit déjà à comment je vais t'attraper pour te tuer.

Les modifiés devront bien y passer à un moment donné de toutes façons... « Merci, j'y penserai. »  … « Ça va aller ? Vous voulez que j’appelle votre maison de retraite pour qu’ils viennent vous chercher ? » Alors là soit je ne comprends pas du tout son humour, soit il est sérieux et il faut vraiment que je reparte au Texas avec Prim pour au moins trois semaines... Au Texas ou ailleurs, loin d'ici... tout simplement... « Je pense que ça va aller. » Je fouille mes poches à la recherche d'une cigarette. Voilà ce dont j'ai besoin présentement. Je regarde le bout de mes doigts, encore sensiblement bleutés, je les secoue avant de laisser naître une légère flamme. J'allume ma cigarette puis laisse mes doigts au-dessus quelques secondes. La première bouffée semble me redonner vie... « HEY, mais j’vous connais ! Vous n’êtes pas l’une de ces célébrités qu’on voit à la télé ? » À la télé ? Ah ça m'étonnerait. Je secoue simplement la tête pour répondre à sa question et lui tends mon paquet, s'il veut en prendre une. Ce n'est pas ça qui va jouer sur sa vitesse, j'imagine... Puis je prends le temps de le regarder, laissant la fumée que j'ai expirée se dissiper au-dessus de nos têtes. Mais... c'est que sa tête me dirait aussi quelque chose... Je me fige une seconde. Mais ça ne serait pas cet idiot qui a posté sur Survivance ? Mais si ! Sourire stupide, air niais, coiffure regrettable... J'esquisse un nouveau sourire, devant le ridicule et l'ironie de cette situation. Oh et puis, il a avancé des arguments, puis-je lui reprocher d'avoir – bien que maladroitement – ouvert une discussion ? Et puis, je lui suis quand même redevable... « Hemingway, c'est bien ça ? » Je laisse passer quelques secondes puis tends tout de même ma main dans sa direction : « Je suis Jeremiah Reagan, on a déjà échangé il me semble... »
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Oh oh ! Le gars n’a pas compris qu’on était en plein été ? Il ne devrait pas expulser de la buée comme ça ! A la regarder, on dirait que l’hiver bat son plein et qu’ils doivent tous se serrer les uns contre les autres pour se tenir chaud. Oui, Jared a eu une enfance bizarre. Ne le jugez pas. C’est tellement énorme ! Le vieux a même les doigts gelés. Vous y croyez, vous ? Maîtriser la glace a vraiment de la gueule. D’ailleurs, c’était quand même pas Iceman qu’il vient de faire fuir ? Naaaaaah, un X-Man ne se rabaisserait pas à tuer un gars en pleine rue. Il a d’autres choses à faire. Comme botter les fesses de la Confrérie. Au moins, ça fera toujours un sujet de conversation pour le jour où il rencontrera le vrai Iceman. A moins que… non, vaut mieux pas qu’il dise des conneries. Comme les X-Men sont les amis de Jazz, il a intérêt à bien se comporter. Chemise et noeud papillon de rigueur. Même qu’il se fera une raie sur le côté dans les cheveux. Par contre, on ne peut pas lui demander de troquer ses sneakers contre des chaussures vernies. Hors de question. Il faudra le torturer. Il faudra lui épiler tous les poils des jambes pour qu’il accepte. Hey, vous croyez quoi ? Il est difficile à convaincre, le bougre. Il est tenace et déterminé quand il s’agit de ses baskets. Surtout que la plupart sont des éditions limitées. Faut bien qu’il se la pète et qu’il les sorte ! Il est sûr qu’il trouvera des amoureux de baskets chez les X-Men et ils en parleront pendant des heures. Enfin, le jour où Jazz acceptera de les lui présenter n’est pas arrivé. Vous croyez qu’elle a honte ? Attendez, c’est un garçon bien élevé ! Il viendra avec un bouquet de fleurs et une boîte de chocolat pour le gars chauve, là. Mais siiii, vous voyez bien ! Le gars chauve qui a l’air toujours de se faire chier. “Il… Il voulait du feu.” Mais oui, papy, mais oui. Ce n’est rien. Jared a envie de lui donner de petites tapes dans le dos, mais il s’en abstient. Il ne voudrait pas que le dentier du grand-père s’envole, se fasse écraser par la roue d’une voiture ou pire, qu’un pigeon l’attrape en vol et l’emmène dans son nid. Ce serait franchement con, pas vrai ? Il se contente de sourire et de hocher la tête. Pauvre vieux. Il doit sûrement être choqué et éprouvé par cette rencontre. Son grand-père serait dans le même état. Quand on prend de l’âge, on devient plus fragile et on doit accepter que l’on n’a plus une force physique qui permet de se défendre. L’homme qui lui fait face doit s’en être rendu compte. Allez, c’est pas grave. Il y aura toujours un jeune pour le sauver. Ou pour le pousser un peu plus dans la merde. Ca dépend sur qui on tombe. Ca dépend de la chance. Si le vieux était tombé sur Rony, la brute du lycée, il n’aurait sûrement pas eu la même chance. En plus d’être empalé sur de la glace, il aurait sûrement été dépouillé de tous ses biens. Bon, pas de ses chaussures. Elles sont vraiment hideuses. Pourquoi les gens achètent ce genre de trucs ? Jared peut lui conseiller une bonne paire de sneakers qui… Non, bon d’accord, il ne lui conseillera rien.

A part de manger des carottes. Plein de carottes. En purée, en rondelles, au four, à la poêle, cuite ou crue. Des carottes. Beaucoup de carottes. “Merci, j'y penserai.” Enfin quelqu’un qui respecte ses conseils et qui promet de les suivre ! Je vous jure, les gens sont d’un ingrat ! Ils ont toujours tendance à le regarder de travers. Comme si un gars qui s’habille mal et qui se nourrit exclusivement de pizzas ne pouvait pas conseiller les gens sur l’alimentation à adopter ou les baskets à porter ! Sérieux, quoi ! Un peu d’ouverture d’esprit, les gars. Soyez aware comme dirait un philosophe. A moins que ça ne soit Jean-Claude Van Damme… Mais vu les trucs incompréhensibles qu’il dit, JCVD pourrait très bien être un philosophe. D’ailleurs, il devrait avoir sa statue de barbu exposée dans un musée. Ouais ! Jared va écrire au Président. D’ailleurs, vous savez que Jared et Barack sont potes ? Oui, je vous jure ! Ils s’écrivent des tweets régulièrement. Enfin, Jared écrit des tweets et il suppose qu’Obama les lit. Quoi encore ?! Vous êtes rabats-joie ! “Je pense que ça va aller.” OUF ! Le vieux va survivre. Faudrait quand même lui faire un check-up complet. Histoire de vérifier. Vous imaginez qu’il aille bien maintenant et qu’il fasse un malaise plus tard ? Mais bon, il est assez grand (ah non, pardon, il est minuscule), il est assez vieux pour savoir quoi faire. Vous savez, les anciens ont une certaine application quand ils doivent prendre leurs médicaments. Ils ont des petites boîtes pour chaque jour. Tous les dimanches, ils placent la bonne dose dans chaque compartiment avec leurs mains tremblantes. Ils sont tellement appliqués ! Trop mignon. “Tant mieux ! Je n’aurais pas voulu que vous fassiez une crise cardiaque. Je suis pas sûr de savoir réanimer les gens.” Il a bien regardé de nombreux épisodes de série. D’abord, Urgences (merci maman). Puis, Grey’s Anatomy (merci sa petite-amie de l’époque). Ah oui, et il y a eu Scrubs (pour ça, il y a juste sa connerie à blâmer). On ne peut pas vraiment dire qu’il sache comment procéder. Et on n’a pas vraiment envie qu’il s’entraîne sur Jeremiah. Quoique… Si on peut débarrasser la planète d’un vieux pareil, pourquoi se priver, hein ? Un vieux cruel qui fait des fashion faux-pas. Excusez-moi du peu ! WOW. Le gars doit être un adepte de la sodomie pour aimer garder sa main au-dessus d’une flamme ! Jared ne pourrait pas faire un truc pareil (la sodomie et la main près d’une flamme), il risquerait de se faire mal. Avec sa maladresse, il serait du genre à se brûler la paume au troisième degrés et de finir avec un trou à travers duquel on verrait de l’autre côté. Alors, c’est un peu son héros, le vieux. Hey regardez, il n’a même pas la main qui tremble ! Un vieux en forme, qui plus est. Impressionnant. C’est pas tout ça, mais ce mec ressemble à quelqu’un qu'il connaît. Un homme qui a sûrement fait de la télé. Quoique Jared ne regarde presque jamais la télévision. Alors qui ? Hhhhmmmmmm… (Il fait semblant de réfléchir, il laisse plutôt le vieux se creuser les méninges pour lui). “Hemingway, c'est bien ça ?” Oh mon Dieu (pardon de blasphémer, JerJer), mais c’est le début de la célébrité ! On le connaît par son vrai nom. Nom d’un petit Hulk en caleçon canards ! Attendez… pourquoi est-ce qu’on connaîtrait son nom de famille ? Il écrit sur son blog avec un pseudo. Il n’y a que… Han non. Non, non, non, non, non, non, non. JARED. Il bugue. Ca ne peut pas être… “Je suis Jeremiah Reagan, on a déjà échangé il me semble…” Ah ben si, ça l’est. Okay. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Surtout ne pas paniquer. Surtout ne pas courir après le cryokinésiste pour le supplier de terminer son travail.

Pourquoi il a fallu qu’il sauve un homme aussi cruel et con, hein ? Sûrement pour lui apprendre à ne pas sauver n’importe qui. Le destin a raison. La prochaine fois, il demandera une présentation complète, un arbre généalogique (il ne sauvera pas les descendants de Rony la Brute) et un extrait de casier à la victime. Histoire d’être sûr qu’il peut secourir la personne. Quoi ? Oui, s’il y a un incendie, il prendra quand même le temps. C’est pas comme si les flammes risquaient de transformer les gens en rôti. Ca va ! Détendez-vous, un peu ! Et si vraiment la situation sera risquée, il emmènera le gars dehors, vérifiera ses antécédents et décidera ou pas de le ramener dans les flammes. Tout simplement. “Han mince, si je m’attendais…” … il ne l’aurait peut-être pas sauvé. Bon, si, quand même. Ca se peut. Il n’est pas méchant. Il aide les gens et il ne les regarde pas crever. Mais bon ! Bordel, c’est pas juste. Il aurait préféré sauver une grand-mère qui a mauvaise haleine plutôt que Jeremiah. Quitte à devoir manger des gâteaux rassis comme récompenses. Il aurait pu supporter. Par contre, supporter une conversation avec un prêtre (ou un pasteur, il ne sait jamais, ils sont tous les mêmes, de toute manière), c’est autre chose. Beaucoup moins plaisant et drôle. C’est drôle, vous paraissez plus… jeune et botoxé sur votre photo.” Allez, c’est cadeau. Non, ne le remercie pas, Jeremiah. Ca vient du fond du coeur. Et franchement, entre vous et moi, qui penserait que ce mec peut sourire, hein ? La photo qu’il a sur son site est totalement trompeuse ! C’est honteux de faire croire aux gens que l’on peut être quelqu’un d’agréable et de chaleureux. Ce n’est pas du tout le cas. En plus, vous avez vu, il a les doigts bleutés. Trop chelou, le mec. Et il ose juger ceux qui ont un gène X. Il se fiche de la gueule du monde, le vieux ! J’espère que vous vous êtes remis du décès de votre soeur, à moins que ça ne soit de votre amie ? Je ne sais plus…” Après tout, c’est ce qui avait poussé Jared à poster sur son site. Le message sur le décès d’une connaissance. Utiliser la mort de quelqu’un pour aviver la colère et manipuler les consciences. Ben voyons ! Cette technique est vieille comme le monde. Jared l’utilisait aussi quand il était gamin. Un jour, Titi (son hamster) est mort. Il a accusé sa mère de l’avoir tué, en le gavant de carottes, devant toutes les filles de sa classe. Et évidemment, il a collecté plein de bisous sur la joue et de câlins. Alors, Jeremiah essaye de pécho qui ? “Alors comme ça, on veut éradiquer la moitié de la population, hein ?” Oh oui, parlons-en tranquillement en plein milieu de la rue. Faisons comme si ce sujet était anodin et facile à traiter. Et après, on parlera de la pluie et du beau temps et on essayera de trouver le pays le plus loin des Etats-Unis où on pourra enfermer Jeremiah à vie. D’accord ?

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Je l'observe du coin de l'oeil, en train de balader son regard ici et là, à croire qu'il est perpétuellement en pleine conversation avec lui-même. Comme les journées doivent être longues pour ceux qui vivent avec lui, si quelqu'un a pris ce risque. J'imagine que ce n'est sans doute pas pire de fréquenter une furieuse qui imagine qu'une attention est digne de la pire faiblesse. Cette relation me pèse parfois, souvent, mais j'y suis accroché en dépit de tout bon sens. Fort heureusement, je ne suis manifestement pas destiné à mourir tout de suite. Fort heureusement pour moi, pour l'humanité, on verra plus tard.

J'essaie de reprendre contenance, progressivement. Même si la colère d'avoir laissé cette créature s'approcher si près de mon fil rouge prédomine, je ressens un point, un point à l'emplacement où devait se trouver mon cœur à un moment donné. La température est toujours fraîche autour de nous mais ça ne me gène pas, je trouve le froid plutôt rassurant en général. Et les chaleurs étouffantes. Quoi penser de ce guignol en face de moi sinon que maintenant qu'il a accompli sa bonne action, il faudrait sans doute le renvoyer chez lui avec une bonne fessée. J'ignore si c'est son air faussement bête ou heureux, ne dit-on pas imbécile heureux... mais il donne l'impression d'avoir à peine la majorité, peut-être moins. Pas l'heure d'aller traîner dehors, pas l'âge pour aller à la rencontre des problèmes.

Sa façon de me parler comme si j'avais déjà l'âge d'être son grand-père me trouble un peu. Il ne pense pas franchement qu'au-delà de trente ans, on est dans la pente descendante ? Non parce qu'entendons-nous bien, si aucun mutant ne vient me congeler, cramer, déchiqueter, faire exploser, voler, disparaître, ne me change en légume, en tas de poussières... je compte bien ne pas casser naturellement ma pipe à quarante piges. À sa question sur la... maison de retraite, je réponds de la même façon que s'il m'avait fait une vraie proposition comme un hôpital. Grosse buse. Et puis la révélation... oh non, pas lui !

Encore un qui pense que contrôler le métal se compare à avoir les yeux verts, quelle connerie. Tous les mutants sont potentiellement dangereux, qu'on le veuille ou pas. Et ils ont beau avoir l'air de notre frère, notre père, notre voisine, notre copine, ils ont eux-mêmes refusé d'être de véritables être humains, préférant se prendre pour des dieux. Ils ont perdu le droit à la compassion depuis bien longtemps et le seul service qu'on puisse leur rendre maintenant est de mettre fin à leur vie le plus rapidement possible. Ce gars ne comprend pas, et maintenant je me dis qu'il est peut-être lui-même un mutant. Pourquoi pas ? Je le regarde, un fin sourire tendu sur le visage, il vaut mieux rire de ce trait d'ironie de la vie. Ce qui est fait est fait. Disons simplement que s'il est mutant, je lui donnerai peut-être l'occasion d'aller se recenser directement plutôt que le dénoncer. Après tout, j'ai quand même une dette envers lui. Je ne suis pas de ces hommes de parole qui disent à voix haute, qui tiennent ces comptes mais là... il m'a quand même sauvé la vie. Je pourrai bien lui laisser trois jours d'avance quand même. Il semble surpris, et gêné. Hé oui mon gars, c'est con ! Je croise les bras sur mon torse, me rendant bien compte de son ennui.

Je lève finalement les yeux au ciel à sa remarque et lui rétorque : « Bien entendu, les pasteurs adorent avoir l'air beaux et jeunes sur les sites qui parlent de la menace mutante. Moi-même, je compose mon fanclub grâce à ce site... » Une cendre tombe de ma cigarette, je la ramène à mes lèvres. Quand il parle de Lana, je soupire discrètement et prends sur moi de ne pas répondre à sa remarque. Je me rapproche tout de même de lui, le détaille avec un peu plus d'attention. Hemingway, cet idiot. Je croise les bras sur mon torse, envoie un filet de fumée au-dessus de la tête de Jared puis hausse des épaules en répondant naturellement : « Ça dépend, si une moitié est malade sans espoir de guérison et qu'elle prend s'en prendre à la seconde, il ne faut pas prendre de mesures ? »
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Hey, regardez, ils ont presque l’air d’être deux amis qui discutent tranquillement. Voilà une conversation qui est forcément constructive. A moins que… Oui, c’est ça. A moins que l’on ne discute avec le chef de fil des Watchers. Un gars convaincu jusqu’aux os que les mutants sont le plus grand mal de ce monde. Sauf qu’il se trompe. Il se fourre le doigt bien profondément dans l’oeil. C’est l’Homme qui est son propre ennemi. Pas besoin que des mutants débarquent. L’Homme se débrouillait tout seul pour se détruire. Ah ça ! Pour s’en prendre à soi-même, il n’y a pas mieux. Même les éléphants sont moins brutaux et plus pacifiques. L’autre jour, Jared est allé au zoo… non, en fait, c’est faux. Toujours est-il qu’observer les animaux sauvages suffit pour savoir qu’ils travaillent tous ensemble. Pas les uns contre les autres. Ils n’ont pas peur de l’évolution. Ils se battent uniquement pour savoir qui est le chef. Nous, on a les élections… ou les assassinats de président. Chacun sa méthode, hein. Les animaux sont finalement plus civilisés que les êtres humains. Logique, non ? L’avantage des animaux, c’est qu’ils ne mentent pas. Ils ne trichent pas sur leur apparence. Y a bien des fois où les cochons ont des taches partout et ressemblent à des dalmatiens. Mais c’est uniquement parce qu’ils sont crades. Pas à cause d’une crise identitaire qui les pousse à se transformer en chien. Pas de triche, vous voyez ? Quoi ? Non, je n’ai pas fait d’études de psychologie. “Bien entendu, les pasteurs adorent avoir l'air beaux et jeunes sur les sites qui parlent de la menace mutante. Moi-même, je compose mon fanclub grâce à ce site...” Dites, la cigarette n’est pas interdite par sa religion ? Ah non, c’est vrai. Dans la Petite Maison dans la Prairie, le gars passe son temps à fumer la pipe. La cigarette doit être l’équivalent du vingt-et-unième siècle. Vous croyez qu’il y a toute une famille qui l’attend dans sa maison en bois ? Avec des vaches dans le jardin. Et que sa gamine se casse la gueule tout le temps dans le colline, sans jamais pleurer ? Et les indiens ! Y a des indiens près de chez lui ? Jared ne va pas poser la question. Il voit déjà le désintérêt total du mec. Sans compter son regard critique. Hé oh, Jared joue le con, mais il ne joue pas l’aveugle. Faut appeler quelqu’un d’autre pour ça ! Ah mais oui, sa fille. Y en a une qui finit aveugle dans La petite maison dans la prairie, s’il s’en souvient bien. Merci mamie de l’avoir foutu devant pendant toute son enfance. Grand-mère démissionnaire, je vous jure ! Elle aurait pu lui apprendre à jouer au Scrabble… ah non, oubliez. “Raaah putain, je le savais ! La recherche de la jeunesse n’épargne personne, encore moins les hommes de Dieu. Vous croyez qu’y a la chirurgie esthétique Là-Haut ?” Jared lève un doigt vers le ciel. Très cérémonieux, le gars. Il ne croit pas une seconde qu’il puisse y avoir un Paradis. Néanmoins, si ça peut aider Jeremiah à fermer l’oeil la nuit, pourquoi pas ? Enfin, on ne peut pas dire que le gars fasse son possible pour monter au Ciel. S’il continue comme ça, il va plutôt finir au coin pendant six heures. En prime, il aura le droit à une descente en Enfer. Une vraie. Pas juste être surveillé par une personne qui s'appellerait Irma et qui puerait des pieds. Jared peut témoigner que cette dernière punition est dure, mais moins que les Enfers.

Bon, mettons de côté leurs désaccords. Et le regard moqueur de Jeremiah. Et le comportement débile de Jared. Et toutes les critiques qu’il a envie de lui envoyées. Et… bon, mettons TOUT de côté. Là, maintenant, vous le voyez ? Mais siiii ! Faites un effort ! Ils sont proches. Tellement proches, ces amis, que Jared a le droit de partager le cancer du poumon de Jeremiah. Des bro’, les mecs ! “Ça dépend, si une moitié est malade sans espoir de guérison et qu'elle prend s'en prendre à la seconde, il ne faut pas prendre de mesures ?” Okay okay, c’est une manière de voir les choses. Il respecte. MAIS (parce qu’il y a toujours un ‘mais’), son raisonnement est faux. Totalement faux. Le vieux croit quoi ? Que les mutants naissent avec ce besoin de détruire les homos sapiens et qu’ils le font dans la joie et la bonne humeur ? Hé oh, ils ne sont pas les 7 nains. Ils ne sont que des gens normaux qui plongent dans l’anormal. On se fait chier à améliorer l’intégration des minorités, mais on tue les homos superiors qui sont, eux aussi, une minorité. Alors quoi ? On ne se préoccupe que d’une seule partie de la population ? On met une partie de la population de côté ? Comme à l’époque de la ségrégation ? Non. Ce n’est pas le pays dans lequel il a grandi. Ce n’est pas le pays dans lequel il veut vieillir. "Ca me fait penser à ma tante Ursule. On lui a découvert un cancer incurable et vous savez, elle s’en est prise aux médecins, comme s’ils y étaient pour quelque chose. Mais je me demande… et si ce n’était pas les médecins qui l’avaient provoquée, vous voyez ?” Aaaaah, cette tante Ursule. Il s’en souvient. Elle était la source de fantasmes de tous ses potes. Ouais, parce que sa famille n’est pas faite que de gens dont il a honte et/ou qui lui font peur. Il y a aussi des perles rares. Dont il fait partie, évidemment ! Vous croyez quoi, oh ?! Toujours est-il que cette tante Ursule s’est trouvée du jour au lendemain propulsée dans la catégorie des gens malades-dont-on-ne-dit-pas-le-nom-de-la-maladie-de-peur-de-l’invoquer-et-lui-porter-malheur. Et un jour, elle en a eu marre d’être regardée de travers. Elle en a eu assez que les médecins n’essayent pas. Un gros ras-le-bol qui l’a poussée à pousser sa gueulante. Et quand Tante Ursule hurle, c’est tout le bâtiment qui tremble. Résultat, aujourd’hui, elle n’est plus la meuf cancéreuse. Elle est la meuf cancéreuse qu’il ne faut pas faire chier. Vous voyez : sa situation a changé.

Bref, Jared ne lui raconte pas l’histoire de sa famille pour le plaisir. Il a des trucs vachement plus intéressants à raconter, comme les caleçons que portent Thor ou sa théorie sur le rescapé vestimentaire d’Hulk (pourquoi est-ce que son pantalon est le seul vêtement qu'il peut porter, sérieux ?). Des choses plus intéressantes, je vous dis. Mais comme Jeremiah est un mec qui aime s’ennuyer et ennuyer les autres (c’est plus drôle à plusieurs), Jared se met à son niveau. “Voilà ma théorie : les mutants sont des gens qui ont peur de ce qui leur arrivent. On leur apprend depuis la naissance que péter des flammes n’est pas normal. Alors forcément, quand ça arrive, ils flippent leur race et appellent leur maman en chialant. Si en plus, on rajoute des cons qui les pointent du doigt et qui se moquent d’eux. Un peu comme le petit Jimmy de la cour de récré. Le petit gros que personne n’aime, vous savez ? Hé bien, à un moment donné, les mutants pètent un câble sous la pression et ils n’ont qu’une seule manière de réagir : la défense, voire même l’offensive.” Vous avez réussi à suivre ? Moyen ? Ben fallait vous y attendre ! Jared n’est pas coursier pour rien ! S’il avait su expliquer clairement les choses, il serait devenu prof de maths. Le premier cours aurait consisté en une explication claire et simple que savoir compter jusqu'à 10 suffit à survivre en société quand on a un téléphone portable. Mais comme ce n’est pas le cas, il est coursier. Y a moins d’explications à fournir, là. “Est-ce qu’il vous arrive de vous réveiller en sursaut et de penser que vous êtes un monstre ? Jamais de remord ou de culpabilité ?” Quand on raconte autant de conneries à la minute sur internet et dans la vraie vie, on doit regretter, à un moment donné. Hé non, je ne parle pas de Jared. Lui, tout ce qu’il peut raconter, n’a pas d’impacts sur les gens. A la limite, il leur vend du rêve ou attise leur agacement. Jeremiah, lui, provoque la haine et la violence. Ce qui est carrément plus grave, vous ne trouvez pas ? Vous croyez que ce mec arrive encore à se regarder dans un miroir ? Si besoin, Jared peut lui prêter le masque de Captain America qu’il a dans un coin. Le truc doit prendre la poussière quelque part, dans l’appartement. Faut juste qu’il le retrouve. Si ça permet à Jeremiah de croiser son reflet, Jared est prêt à tout ! Un gentil garçon, n’est-ce pas ?


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La menace mutante, ces mots sont bien trop légers, ils ne font que laisser entrevoir le réel danger. Il ne s'agit plus d'une simple menace depuis des années maintenant et si Jared n'en est pas conscient, c'est qu'il est stupide ou un mutant lui-même. Après tout, n'est-il pas comme apparu près de moi lorsque mister Freeze était en train de me glacer les organes ? Je ne peux pas lui en vouloir d'avoir été si rapide, si efficace, ce serait hypocrite. Il n'empêche qu'il pourrait me tuer en une fraction de seconde, et tous les habitants du quartier. Qui sait quelles sont les limites de ses capacités ? Peut-être manipule-t-il le temps et il a fait marche arrière dans le passé ? Un simple pas en arrière pour déjouer la providence et pour faire d'un cauchemar ce qui fut la réalité le temps d'un soupir, le temps d'un sourire, le temps d'un martyr ! Peut-être serais-je mort ici et il m'a retiré ce droit pour rétablir ce qu'il appelle la justice. Ou alors quoi ? Il est arrivé si vite qu'on ne l'a pas vu ? Il s'est téléporté ? Il y a tellement de possibilités qu'elles me filent la gerbe. Qu'on cesse ce jeux de devinettes. Je devrais pouvoir le regarder et savoir à qui je m'adresse, sans masque.

La menace mutante, ces mots sont bien trop légers. J'aurais dû parler de danger mutant. De virus mutant. Une maladie à éradiquer de toute urgence. Je ne cherche pas être plaisant à l’œil, je ne veux toucher que les consciences de ceux qui peuvent encore être sauvés. Je ne cherche pas à attirer leur sympathie sinon leur confiance. Quand je me tiens debout devant l'assemblée de mes fidèles et que je leur demande de lever le poing et de jurer qu'ils vont se battre pour l'avenir de ce monde qu'est le leur, je me sens bien. À repenser aux mots de Mason, je me sens – à tort – puissant. Mais le vrai pouvoir n'est pas entre mes mains, il est entre celles des Watchers. Bientôt ce sera un synonyme de citoyen. Des yeux partout, au sein de la population. S'ils pensaient que le District X était une injustice qui leur prive de leurs droits – dont ils jouissent à tort – alors ils vont prendre moins de plaisir que moi à découvrir la suite du programme.

La menace mutante, ces mots sont bien trop légers. Nous les aurons. Nous vous aurons. D'abord les mutants, ensuite les autres. Les « modifiés » qui devront aussi se soumettre à la loi Divine toute puissante, à la loi humaine qui ouvre les yeux. Pour aujourd'hui, je le laisse partir par simple gratitude mais je n'oublierai jamais ce qu'il est et je le retrouverai. Quel que soit le pouvoir dont il bénéficie, je le lui arracherai. Et ce, même s'il doit en mourir. Tuer pour Aaron, c'est une chose ; laissez les monstres s'en sortir, c'en est une autre. Je ferme les yeux juste une seconde – d'abord pour m'épargner le son de sa voix sur la chanson de ses âneries – et pour remplir mon esprit de cette image. Partout. Légal de les montrer du doigt, légal de les dénoncer, légal de les enfermer. Légal de les tuer. J'esquisse un sourire en rouvrant les yeux sur le jeune homme. Sûr de moi et loin de m'offusquer personnellement de ce qui pourrait s'apparenter à des brimades, je lui réponds qu'il y aura une vie éternelle pour tous ceux qui se repentissent.

La menace mutante, ces mots sont bien trop légers. La peste mutante, nous l'anéantirons. Et que les gens comme Jared pense défendre la veuve et l'orphelin en défendant les mutants, ça m'est égal. J'écraserai tous ceux qui se dresseront sur notre chemin. Je ferai brûler les chambres des enfants et exploser à nouveau les couveuses des nouveaux-nés s'il le faut. S'il faut encore mettre une balle dans la tête d'un gosse, je le ferai à nouveau. Je me souillerai de leur sang et si je n'accède pas à la vie éternelle, j'accompagnerais les damnés dans leur longue chute vers l'Enfer. Les mutants sont des démons, ne le sont-ils pas ?

La menace mutante, ces mots sont bien trop légers. Des monstres, des démons. Ce sont eux la chair à canon que nous devons sacrifier. Ils sont les corps sur lesquels nous devrons marcher pour rejoindre une nouvelle ère. Je trouverai un moyen de maîtriser le pouvoir de Jared, même si ça doit me prendre du temps. Je trouve toujours une façon d'atteindre mes ennemis. Je trouverai une façon de lui faire mal, d'appuyer où ses petites plaisanteries se putréfieront dans sa bouche. En attendant, j'ai bien l'intention de lui envoyer la réalité en plein visage. Laissez venir à moi ces imbéciles, laissez venir à moi les mutants, laissez venir à moi les naïfs. Laissez-les venir à moi. Et nous exploserons tous ensemble. Moi. Vous. Vos idoles. Vos tours. Votre école. Tout brûlera. Ce sera Biblique.

« Ça me fait penser à ma tante Ursule. On lui a découvert un cancer incurable et vous savez, elle s’en est prise aux médecins, comme s’ils y étaient pour quelque chose. Mais je me demande… et si ce n’était pas les médecins qui l’avaient provoquée, vous voyez ? » Je secoue la tête puis lui demande d'imaginer que ce corps, son corps, est parfait. Jared, dans ce corps parfait, évolue parmi d'autres personnes dans ce monde. Il essaie parfois des les voler, parfois de les aider, il les juge, négocie avec eux, les condamne, les attaque ou s'en protège. « Vous êtes heureux, comme votre tante Ursule, et soudain, une douleur. » Je pose ma main à plat contre sa cage thoracique avant de m'approcher moi-même. J'appuie sensiblement, simplement pour qu'il comprenne mon propos : « Une douleur gênante au début, omniprésente ensuite. Ce qui n'avait été qu'un point de côté est devenu infernal, et cela vous bloque dans vos activités quotidiennes, cela vous restreint, cela vous paralyse. Vous avez mal. » Je retire ma main, le laissant que mon index enfoncé contre lui. Les yeux dans les yeux : « Maintenant, on voit dit qu'il faudra vous faire ôter un poumon, un rein, pourquoi pas une partie de votre foie. C'est à vous, vous y tenez. C'est en vous. Mais délestez-vous en. Ou vous mourrez. Si la tante Ursule avait pu sauver sa vie en renonçant à une partie de son corps, bien qu'elle y fût très attachée, pensez-vous qu'elle n'y aurait pas renoncé ? »

Ce corps qui souffre, c'est nous. Notre société. Notre civilisation. Parce que le mal se répand, il se répand autour de nous, chez ceux que nous aimons. Quand avant qu'on ne nous inflige les mutations dont nous étions sauvés à la naissance ? Combien de temps avant qu'on ne soit soumis à une loi de la jungle anarchique et apocalyptique ? Quand avant que le maître du métal et celui du mental ne se livrent encore un combat dévastateur dont les humains seront les victimes, les dommages collatéraux ? Quand avant qu'ils ne s'allient pour nous dominer ? Homo-Superior, n'est-ce pas là le nom qu'ils se sont donnés ? Mutants. Déviants. Démons. C'est ce qu'ils sont.

« Voilà ma théorie : les mutants sont des gens qui ont peur de ce qui leur arrivent. On leur apprend depuis la naissance que péter des flammes n’est pas normal. Alors forcément, quand ça arrive, ils flippent leur race et appellent leur maman en chialant. Si en plus, on rajoute des cons qui les pointent du doigt et qui se moquent d’eux. Un peu comme le petit Jimmy de la cour de récré. Le petit gros que personne n’aime, vous savez ? Hé bien, à un moment donné, les mutants pètent un câble sous la pression et ils n’ont qu’une seule manière de réagir : la défense, voire même l’offensive. » Je baisse ma main et les joins dans mon dos. Je reprends sur un ton entre le sérieux et la surenchère (si, c'est un ton), appuyant certains mots, ramenant le point de vue à mes propres yeux. « Voici ma théorie. Les mutants sont des créatures qui ont peur de ce qu'il leur arrive. Ils pètent des flammes, brûlent quelques biens ou quelques personnes au passage. On leur apprend depuis la naissance que ce n'est pas grave, cette malédiction qui les poursuit, ne serait-ce pas un cadeau ? On leur enseigne comment maîtriser, et pire, comment développer cette monstruosité. Et un beau jour, un pont amène une armée pour aller chercher et tuer l'un des siens. Combien de dizaines d'hommes et de femmes sont morts, simplement anéantis par la volonté d'une seule femme ? Combien qui avaient un pistolet qui contenait du serum et pas de balles ? Vous n'allez pas me faire croire que vous avez pu vous convaincre que toutes ces personnes sont des criminels en puissance, pour soulager votre propre conscience ? Quand des stades s'envolent, quand des ponts se déplacent, quand des bâtiments explosent, il y a des victimes. Parce que les mutants ne sont pas des gens qui ont peur, les mutants ne sont plus des gens dès que leur gène est réveillé. Alors oui, que les mutants criminels soient euthanasiés au plus vite, et que les autres soient soignés. Est-ce que je me réveille en sursaut parce que je pense être un monstre ? Voulez-vous devenir un héros pour vous convaincre que vous n'êtes pas un monstre vous-même, Jared ? »
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Hé oh ! Qu’est-ce qu’il fait ?! Il lui jette un sort ? Il l’hypnotise ? Pourquoi il lui parle comme ça ? Et puis, d’abord Jared ne volerait jamais quelqu’un. Il est bien élevé, bien éduqué. Mais attendez, est-ce que Charles Ingalls (l’homme parfait, donc) aurait pu voler impunément parce qu’il est la perfection incarnée ? Non ! Pas dans un monde où Jared, le futur super-héros-boulet, existe. Il ne laisserait jamais une chose pareille arriver. Quitte à punir Charles en lui volant son chapeau de paille. Ouais, Jared est très très très sévère quand il s’agit de punir les gens. HAN ! JEREMIAH LE TOUCHE ! ARRIÈRE ! QU’ON LE BRULE ! C’EST UN SORCIER ! Pardon, je m’emporte. Mais tout de même ! Ce n’est pas parce que je dis qu’ils deviennent les meilleurs amis du monde (enfin, qu’ils pourraient l’être) qu’ils doivent se tripoter. Alors oui, je sais, Jared a un coeur bon. Un gros coeur. Un coeur qui bat (oh mon dieu !). Je sais tout ça. J’apprécierais quand même que Jeremiah ne le touche pas, histoire que le myocarde reste pur de toutes conneries. Vous comprenez ? Ouiii, vous comprenez. "Une douleur gênante au début, omniprésente ensuite. Ce qui n'avait été qu'un point de côté est devenu infernal, et cela vous bloque dans vos activités quotidiennes, cela vous restreint, cela vous paralyse. Vous avez mal." Chuuuuuut, taisez-vous ! Le monsieur essaye de nous parler. Il essaye de nous faire comprendre un truc. Attendez, ce ne serait pas de la folie que l’on verrait dans son regard ? Mais si ! Cet homme est bon à interner. Ca tombe bien, je connais un bon psychologue qui fera le nécessaire. Et heureusement pour Jeremiah, il est mutant. Hein ? Okay, peut-être pas heureusement. Vous croyez que le mec pense faire peur ? Il essaye d’intimider un homme qui a regardé des films d’horreur pendant toute son enfance. Autant dire qu’en plein jour, en pleine rue, les yeux de Jeremiah n’ont rien de flippant. Quoique, on verrait presque le Diable se refléter dans ses prunelles. Ouhouhouuuuuu, Jared treeeeeeemble. Au secouuuuuurs. Oh wait ! C’est pour Halloween, c’est ça ? Jeremiah répète son rôle de mec effrayant pour le jour J ? Il s’y prend à l’avance ! Et puis, sérieux, faut s’améliorer, là. AÏEUH ! Il tente l’acupunture avec son doigt, maintenant ? On ne lui a jamais dit qu’on faisait ça dans un cabinet ? “Maintenant, on voit dit qu'il faudra vous faire ôter un poumon, un rein, pourquoi pas une partie de votre foie. C'est à vous, vous y tenez. C'est en vous. Mais délestez-vous en. Ou vous mourrez. Si la tante Ursule avait pu sauver sa vie en renonçant à une partie de son corps, bien qu'elle y fût très attachée, pensez-vous qu'elle n'y aurait pas renoncé ?" C’est bon ! J’ai compris où il veut en venir ! Il essaye de voler le goûter de Jared. Mais oui ! C’est évident. Une part du corps correspond  à un gâteau. S’en délester serait l’offrir à Jeremiah. Ouais, mais non. Jared n’aime pas partager. Enfin si, mais pas avec un inconnu qui perd ses cheveux et encore moins, avec un inconnu qui perd ses cheveux et déblatère des conneries. Alors, ciao ! Jared mangera ses B.N. en pensant à lui.

Bon allez, on y va ? Ah non, Jared n’a pas l’air de vouloir. Il est deux fois plus convaincu, maintenant : ce mec est un danger pour la société. Sa guerre contre les mutants est nuisible et infondée. On ne tue pas les gens comme ça, non mais ! Sinon, on aurait accepté de tuer toutes les petites frappes qui martyrisaient les gamins. Sinon, on tuerait tous les criminels. Mais non. Le mec préfère consacrer son temps libre à traquer des personnes qui n’ont rien demandé que des mecs qui pourrissent vraiment la société. Où est la logique ? Vous l’avez vu ? Elle est partie par-là ? "Sauf que si un corps est conçu avec deux poumons, c'est pour une raison. Certaines personnes peuvent mourir d'une chirurgie pareille parce que c’est la NATURE." Il ne dira pas le contraire, Jared est fasciné par ce mec atroce. Il se pose une tonne de questions sur Jeremiah. Comment il en est arrivé là ? Est-ce qu’il a une famille ? Est-ce qu’il a une femme (même si l’idée qu’il puisse aimer lui hérisse les poils. Avouez que ça, ce serait contre-nature) ? Comment il fait avec ses fidèles ? Sérieux, Jared aimerait le connaître davantage. Juste pour se rendre compte de l’improbabilité du personnage. L’homme est quand même censé prôner l’amour, mais quand la nuit tombe, il sort dans les rues, une torche et une fourche à la main. Comme si le danger se trouvait à l’extérieur de son église et pas à l’intérieur. En réalité, Jeremiah est le danger pour la société. Pas les mutants. “Voici ma théorie. Les mutants sont des créatures qui ont peur de ce qu'il leur arrive. Ils pètent des flammes, brûlent quelques biens ou quelques personnes au passage. On leur apprend depuis la naissance que ce n'est pas grave, cette malédiction qui les poursuit, ne serait-ce pas un cadeau ? On leur enseigne comment maîtriser, et pire, comment développer cette monstruosité. Et un beau jour, un pont amène une armée pour aller chercher et tuer l'un des siens. Combien de dizaines d'hommes et de femmes sont morts, simplement anéantis par la volonté d'une seule femme ? Combien qui avaient un pistolet qui contenait du serum et pas de balles ? Vous n'allez pas me faire croire que vous avez pu vous convaincre que toutes ces personnes sont des criminels en puissance, pour soulager votre propre conscience ? Quand des stades s'envolent, quand des ponts se déplacent, quand des bâtiments explosent, il y a des victimes. Parce que les mutants ne sont pas des gens qui ont peur, les mutants ne sont plus des gens dès que leur gène est réveillé. Alors oui, que les mutants criminels soient euthanasiés au plus vite, et que les autres soient soignés. Est-ce que je me réveille en sursaut parce que je pense être un monstre ? Voulez-vous devenir un héros pour vous convaincre que vous n'êtes pas un monstre vous-même, Jared ?" Monsieur veut se la jouer théoricien. Okay. Très bien. Jared l’accepte. Sauf que quand on veut jouer à ce jeu, on réfléchit avant de parler. Oui, vous avez bien lu, c’est Jared qui pense ça. Et pourtant, il n’est pas le premier à réfléchir, on est d’accord là-dessus. Vous pouvez donc mesurer le niveau de son agacement. Bon, faut pardonner à Jeremiah. Il est vieux. Il ne voit pas bien. Il perd la mémoire. Ce qui explique pourquoi il omet une partie de la réalité. Allez, parce qu’on est sympa, on va lui pardonner. Pour cette fois, seulement. "Elle est bien belle votre théorie, mais vous oubliez qu’à chaque fois que de mauvais mutants ont essayé de foutre la merde - à cause de gens comme vous, je le rappelle - les X-Men se sont dressés contre eux. Et dans quel but ? Dans celui de protéger la population." Il kiffe les X-Men, même s’il trouve qu’ils ont un côté masochiste d’aider les gens qui essayent de les détruire. Néanmoins, ils croient en la cohabitation, une idée que tout le monde devrait partager. Enfin, tout le monde, sauf Jeremiah. Jared l’imagine se battre jusqu’au bout, alors qu’il sera le dernier et le plus vieux. Échevelé, à moitié nu et mutilé, il aura toujours la rage et sa fourche pour essayer de piquer des fesses. Un petit diablotin. Ce mec ne s’arrêtera jamais. A moins qu’on ne l’assomme d’un bon coup de pelle à l’arrière de la tête. Un bon coup de pelle en tout bien tout honneur, évidemment.

"Vous ne voyez pas que tous les mutants ne sont pas mauvais ? De la même manière que tous les non-mutants ne sont pas parfaits. Parce que, dans votre petite gueguerre contre l’Homme, vous oubliez que les plus grands criminels des Etats-Unis restent les gens sans pouvoirs. Qui va violer les enfants ? Qui enlève les gens ? Qui nous vole ?" Jeremiah se trompe clairement de cible. Et puis, c’est carrément prétentieux de croire que les homo sapiens sont parfaits et irréprochables. En quoi ils seraient meilleurs que les homo superiors, hein ? Déjà, ils n’ont pas la modestie. Ah oui, et mon dieu (blasphèèèèème), les mutants ont tous des yeux, des bras et des jambes. Accrochez-vous bien, ils ont même un nombril. UN NOMBRIL. Vous vous rendez compte ? Des monstruosités ! Ils sont venus sur Terre pour nous envahir. Ils ont pris l’apparence d’humains pour mieux se fondre dans la masse et nous bouffer de l’intérieur. AU SECOUUUUURS. Appelez-le le Pentagooooone. La blague. "Et après, c’est quoi la suite ? Vous n’allez quand même pas vous en prendre aux aspirateurs sous prétexte qu’ils soulèvent de la poussière et sont dangereux pour la santé ! Ah non, bien sûr que non, y aura les super-héros avant… S’il vous plaît, ne tuez pas Thor, c’est mon préféré !" Il en connaît un rayon sur la connerie humaine. Il peut vous dire certaines choses. 1/ Les cons passent souvent leur temps à hurler après tout et n’importe quoi 2/ Les cons pourrissent l’ambiance (coucou Jeremiah) 3/ Les cons s’attaquent à la moindre petite chose qui les fait chier (re-coucou Jeremiah) 4/ Les cons sont trop cons pour reconnaître qu’ils ont tort (re-recoucou Jeremiah) 5/ Les cons ont toujours l’impression que ce sont les autres, les idiots (re-re-recoucou Jeremiah) 6/ Les cons mènent le pays à sa perte (re-re-re-recoucou Jeremiah). Mais bon, on va préserver le bonhomme et mettre ça sur le compte d’un accident dans sa jeunesse. Genre, il a été bercé un peu trop près du mur ou il s’est étouffé avec un LEGO.


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"Sauf que si un corps est conçu avec deux poumons, c'est pour une raison. Certaines personnes peuvent mourir d'une chirurgie pareille parce que c’est la NATURE." Pauvre naïf, pauvre enfant naïf. La nature, cet argument utilisé encore et encore, mais il y a bien longtemps que la nature n'est plus la seule responsable. La vérité, c'est que toutes les anomalies génétiques – ou la majorité – sont d'origine naturelle mais chacun les corrigerait s'il en avait le pouvoir. La science travaille à en corriger tellement, corriger parce que ce sont des erreurs. On a beau aimer ou essayer d'aimer les porteurs de ces tares, elles restent des tares dont personne ne veut.

Pas même ceux défendent le droit à une vie normale pour tous les vivants qui portent ces tares. Personne n'en veut. Tant pis s'il faut prendre un risque dans l'amputation de toute cette partie de la population, tant pis s'il faut souffrir en se délestant de tous les monstres que le monde traîne, porte en son sein comme un cancer. Tant pis s'il faut prendre des décisions difficiles, tant pis s'il faut en pleurer, tant pis s'il faut enterrer les corps de ceux que nous n'avons pas eu le temps de connaître, de pardonner, ou d'aimer assez. Tant pis. Tant pis, parce que ça en vaut la peine.

C'est la nature n'excuse plus tout depuis des années, depuis de longues années alors je le regarde avec un sourire paternaliste, qui ne comporte toutefois aucune bienveillance. Juste parce qu'il est bête, juste parce qu'il croit que le bien gagnera sauf que tout n'est pas noir et blanc, il croit que nous sommes du côté de la mort. C'est faux, un jour il verra plus loin que tout cela. Aucune de ces morts ne nous fait plaisir, même si elles nous donnent satisfaction. Ce qui devait être fait a été fait, et demain, les nouvelles épreuves nous ébranleront mais nous resterons forts. Je penche doucement la tête sur le côté, le sonde d'un regard curieux et lui souffle plein de cette conviction qui me permet de continuer en dépit des doutes : « Je prendrais le risque. Je le prendrai. »

Et je ne serai pas ce monstre auquel il pense. Jared... si seulement il me connaissait vraiment, il plongerait peut-être sa main dans ma poitrine et il aurait l'impression de sauver le monde. Et alors, il ne serait plus vraiment différent de moi. En attendant, il n'aura qu'à regarder les conséquences de nos actes. Dans tous les cas, sa décision ne sera pas la bonne. Essayer de devenir un héros, ce n'est que se donner bonne conscience. Cela ne résout pas les problèmes de fond. À aucun moment. « Elle est bien belle votre théorie, mais vous oubliez qu’à chaque fois que de mauvais mutants ont essayé de foutre la merde - à cause de gens comme vous, je le rappelle - les X-Men se sont dressés contre eux. Et dans quel but ? Dans celui de protéger la population. » Les carnages de ceux qui prétendent sauver le monde, protéger la population ne sont pas inconnus à ce jour. Que penser de ce Henry qui entendait des voix et a fait exploser un bâtiment entier, presque tout le quartier, pour les faire taire ? Que penser des corps qu'il a fallu sortir de décombres parce que personne ne lui avait mis une balle en pleine tête avant l'ami d'Ellen ? Que penser si ce n'est que les X-Men n'étaient pas là. Il n'y avait que nous, et si j'ignore encore la nature de cet homme qui a pris la bonne décision, c'était la seule solution. S'il ne l'avait pas abattu, je l'aurais fait.

Mais il n'y avait personne pour empêcher les murs de tomber, personne pour retenir les corps écrasés sous la pierre, personne pour retenir ce qui s'apparentait à des ondes de choc électromagnétiques. Personne. « À chaque fois ? » Je lui demande en me penchant légèrement sur lui. « À chaque fois ? Vous osez vraiment dire cela ? À chaque fois ? Vous me direz que chaque attaque mutante a été contrée par les X-Men ? Mais ouvrez les yeux. Que serait-il arrivé ce soir même si vous n'étiez pas arrivé ? Et pendant que nous parlons, qui vous dit que cet homme ne tue pas quelqu'un d'autre ? Les X-men ne sont pas partout, et vous non-plus. »

« Vous ne voyez pas que tous les mutants ne sont pas mauvais ? De la même manière que tous les non-mutants ne sont pas parfaits. Parce que, dans votre petite gueguerre contre l’Homme, vous oubliez que les plus grands criminels des Etats-Unis restent les gens sans pouvoirs. Qui va violer les enfants ? Qui enlève les gens ? Qui nous vole ? » Je laisse échapper un ricanement. La vérité est que je tuerai plus volontiers un mutant innocent qu'un humain coupable. Je ne cautionne pas les meurtres, les viols et les vols mais je ne suis pas chargé de cette mission-ci. Une autre m'occupe, une autre demande de mon temps, de mon énergie, de ma moralité et de mes tripes.

Les humains ne sont pas innocents, ils ne sont pas parfaits. Ce serait une grosse bêtise que de croire ça mais en attendant, ils ont le droit de vivre, ils ont le droit de faire des erreurs et ils ont le droit à un procès. Je refuse ce droit aux mutants. Nous le leur refusons, à tous. « Et après, c’est quoi la suite ? Vous n’allez quand même pas vous en prendre aux aspirateurs sous prétexte qu’ils soulèvent de la poussière et sont dangereux pour la santé ! Ah non, bien sûr que non, y aura les super-héros avant… S’il vous plaît, ne tuez pas Thor, c’est mon préféré ! » Je croise les bras sur mon torse : « Oh tout de suite les grands mots, vous me prenez pour un serial killer ou quoi ? Si vous êtes un mutant pas recensé, ce serait plutôt vous le hors-la-loi Jared. Et puis Thor... franchement... tout le monde attend juste qu'il rentre chez lui. Enfin oui, tout le monde sauf vous, bien entendu. »
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